LES TONTONS FLINGUEURS (1963)
Sc�nario d'Albert Simonin
Dialogues de Michel Audiard
LOGO DE LA SOCI�T� GAUMONT
USINE DE MONTAUBAN - EXT�RIEUR NUIT
Le ciel gris du jour qui va bient�t se coucher, au-dessus de la
cour de l'usine de mat�riel de Travaux Publics de Fernand Naudin �
Montauban. Une pelleteuse � chenilles sort lentement d'un hangar,
avec le godet en position haute. Derri�re la pelleteuse appara�t
Monsieur Fernand Naudin, le directeur de l'usine, en grande
discussion avec un ouvrier. Il porte un costume gris tr�s �l�gant
avec chemise et cravate, et un manteau noir, lui aussi tr�s
�l�gant.
MONSIEUR FERNAND
C'est quand m�me pas la premi�re fois, non ?
PREMIER OUVRIER
Je dis pas que c'est la premi�re fois que vous montez �
Paris, Monsieur Fernand, je dis que �a tombe mal. Si le
vent est frisquet, vous avez une couverture � l'arri�re et
Germaine a mis du th� dans le thermos.
MONSIEUR FERNAND
Et pourquoi pas de la quinine et un passe-montagne ? On
croirait vraiment que je pars au Tibet.
Il s'approche de sa voiture, une Peugeot 404 noire, qu'un autre
ouvrier vient d'amener dans la cour. Pendant qu'il enl�ve son
manteau pour �tre plus � l'aise pour conduire, le premier ouvrier
se pr�cipite vers la voiture. Le deuxi�me ouvrier sort de la
voiture.
DEUXI�ME OUVRIER
Au revoir, Monsieur Naudin.
MONSIEUR FERNAND
Au revoir, Gustave.
Il s'installe au volant.
PREMIER OUVRIER
Monsieur Fernand, la foire battra pas son plein avant
dimanche, si vous pouviez quand m�me �tre l�.
Fernand a ferm� sa porti�re et il allume une cigarette. Le premier
ouvrier se penche vers la vitre ouverte.
MONSIEUR FERNAND
Je t'ai d�j� dis que j'en avais pour quarante-huit heures
maximum, et puis enfin - Bon Dieu quoi ! - vous avez quand
m�me pas besoin de moi pour aligner dix tracteurs dans un
stand, non ? Hein ?... Tachez plut�t qu'elle tombe pas en
panne comme la derni�re fois.
PREMIER OUVRIER
Qu'est-ce qui a �t� en panne ?
MONSIEUR FERNAND
La d�panneuse.
PREMIER OUVRIER
Oh ! Monsieur Fernand...
Fernand remonte sa vitre et d�marre sa voiture, phares allum�es.
On suit la voiture qui sort de la cour, et la cam�ra s'arr�te sur
l'enseigne � l'entr�e de l'�tablissement :
MATERIEL
TRAVAUX PUBLICS
FERNAND NAUDIN
MONTAUBAN (T & G)
ROUTE - EXT�RIEUR NUIT
La voiture de Fernand roule dans la nuit, phares allum�s.
Sur l'image, appara�t le g�n�rique en lettres blanches.
Le g�n�rique continue sur un plan rapproch� du pare-brise de la
voiture, avec Fernand au volant.
VOITURE FERNAND - INT�RIEUR NUIT
Nous sommes maintenant � l'int�rieur de la voiture, derri�re le
conducteur. Les maisons d'une bourgade endormie d�filent derri�re
le pare-brise.
Le g�n�rique continue.
ROUTE - EXT�RIEUR NUIT
Retour sur le plan rapproch� du pare-brise, avec la suite du
g�n�rique.
Gros plan sur un feu clignotant de la voiture, sur lequel le
g�n�rique continue.
L'arri�re d'un � cube � Citro�n, �clair� par les phares de la
voiture de Fernand. Suite du g�n�rique.
Retour sur le feu clignotant. Suite du g�n�rique.
Le � cube � Citro�n est doubl� par Fernand. Suite du g�n�rique.
PARIS - CHAMPS-�LYS�ES - EXT�RIEUR NUIT
Les Champs-�lys�es d�serts et �clair�s par les lampadaires de
chaque c�t� de l'avenue, avec l'Arc de Triomphe en face de nous.
Suite du g�n�rique.
La voiture de Fernand avance vers nous, venant de la Place de
l'�toile. La cam�ra la suit. Le clignotant droit clignote. La
voiture se range le long du trottoir. Suite du g�n�rique.
Plan rapproch� sur Fernand, vu � travers la vitre de la porti�re.
Il serre son frein � main, puis sort un papier de sa poche.
Fin du g�n�rique.
VOITURE FERNAND - INT�RIEUR NUIT
Gros plan sur la papier, pos� sur le volant : il s'agit d'un
t�l�gramme, sur lequel est inscrit : � Louis de retour. Stop.
Pr�sence indispensable. Stop. Snack 11 Champs �lys�es. Stop.
Urgent. Henri �
MONSIEUR FERNAND (voix off)
� Louis de retour - pr�sence indispensable �... Pr�sence
indispensable ! Apr�s quinze ans de silence, y en a qui
poussent un peu quand m�me.
Fernand replie le t�l�gramme et le range dans sa poche. Il a le
visage un peu ferm�. On continue � entendre ses pens�es.
MONSIEUR FERNAND (voix off)
Quinze ans d'interdiction de s�jour. Pour qu'il abandonne
ses cactus et qu'il revienne � Paris, faut qu'il lui en
arrive une s�v�re au vieux Louis, ou qu'il ait besoin de
pognon, ou qu'il soit tomb� dans une b�chamel infernale.
Fernand ouvre sa porti�re et sort de sa voiture.
BOWLING - INT�RIEUR NUIT
Fernand monte un escalier au d�cor assez neutre. On entend les
bruits d'une salle de bowling.
Fernand arrive sur le palier et p�n�tre dans la grande salle de
bowling. L'endroit est d�sert � cette heure tr�s matinale. Un
homme, en chemise � carreaux, est assis sur une chaise au fond de
la salle. Fernand se dirige vers lui. L'homme se retourne en
entendant les pas de Fernand.
L'homme, assis pr�s des pistes de bowling, o� un seul client est
en train de jouer, se l�ve et se dirige vers Fernand en souriant.
Il s'agit d'Henri, le patron du bowling. Les deux hommes se
serrent la main. On aper�oit, derri�re Henri, un autre homme
chauve, en costume gris, assis � la table que vient de quitter
Henri, et sur laquelle est �tal� un tapis de feutrine, et sur le
tapis, des cartes � jouer. Il s'agit de Raoul Volfoni. Il bat
lentement les cartes
HENRI
Eh bien ma vieille, tu nous fais attendre, la route a pas
�t� trop toc ?
MONSIEUR FERNAND
Ben, suffisamment.
HENRI
�a fait plaisir de te revoir, le Mexicain commen�ait �
avoir des impatiences.
Fernand donne une petite tape amicale sur la nuque d'Henri.
MONSIEUR FERNAND
Ah, parce qu'il est revenu, c'est pas un char.
HENRI
Oh ben, je me serais pas permis.
MONSIEUR FERNAND
Avoue que �a fait quand m�me une surprise, non ?
HENRI
Les surprises, t'es peut �tre pas au bout... Viens !
Il entra�ne Fernand vers la sortie de la salle de bowling. Raoul
les suit des yeux, la cigarette au bec, tout en continuant �
battre ses cartes, mais il ne bouge pas de sa chaise.
PALIER D'IMMEUBLE - INTERIEUR NUIT
Palier d'un immeuble visiblement assez cossu.
Henri sort de l'ascenseur, suivi de Fernand. Il se dirige vers une
double porte en bois, et appuie sur le bouton de la sonnette. La
porte s'ouvre sur un homme en chemise blanche et cravate, la
cigarette au bec. Il porte un holster, garni d'un pistolet. Il
s'agit de Pascal, le garde du corps de Louis le Mexicain. Pascal
regarde Fernand, le visage assez neutre.
HENRI
C'est Fernand !
Pascal hoche la t�te et p�n�tre dans l'appartement. Henri et
Fernand le suivent.
APPARTEMENT DU MEXICAIN - ENTR�E - INT�RIEUR NUIT
Fernand referme la porte d'entr�e. Une grande plante verte et des
petits tableaux au mur. Une porte est ouverte sur une chambre.
Pascal est dans la chambre, debout pr�s de la porte, la main sur
la poign�e. Il fait un signe de t�te vers l'entr�e.
PASCAL
Monsieur Fernand est l� !
APPARTEMENT DU MEXICAIN - CHAMBRE - INT�RIEUR NUIT
Louis le Mexicain, en pyjama, est allong� sur le ventre sur son
lit. On ne voit que son visage, mais on voit, par contre, le reste
de la pi�ce, refl�t� dans la grande glace, qui couvre tout le mur
derri�re la t�te du lit. En gros plan, au premier plan, une grosse
seringue, que l'on est en train de remplir
LOUIS
Oui, qu'il entre, qu'il entre !
Dans la glace, on voit Pascal qui fait signe � Henri et Fernand
d'entrer dans la pi�ce.
LOUIS
Et ben, c'est pas trop t�t, je croyais que t'arriverais
jamais... ou bien que t'arriverais trop tard.
Dans la glace, on voit Fernand s'approcher du lit. Henri reste en
retrait pr�s de la porte, que Pascal referme derri�re lui avant de
sortir de la pi�ce. La seringue dispara�t du champ.
MONSIEUR FERNAND
Tu sais, neuf cents bornes, faut quand m�me les tailler,
hein.
Derri�re Fernand, on voit passer le porteur de la seringue, un
m�decin apparemment, qui se dirige de l'autre c�t� du lit.
LOUIS
�a fait quand m�me plaisir de te revoir, vieux voyou !
Dans la glace, on voit le sommet du cr�ne du m�decin appara�tre
au-dessus de la t�te capitonn�e du lit.
MONSIEUR FERNAND
A moi aussi...
Fernand semble un peu g�n� par le spectacle du m�decin en train de
piquer les fesses de Louis. Il d�tourne l�g�rement la t�te.
LOUIS
Et j'ai eu souvent peur de clamser l�-bas au milieu des
macaques sans avoir jamais revu une tronche amie...
Louis fait une grimace et serre les dents, au moment o� le m�decin
lui pique les fesses.
LOUIS
... et c'est surtout � la tienne que je pensais.
Fernand se dirige vers Henri, qui s'est assis dans un fauteuil,
les bras crois�s.
MONSIEUR FERNAND
Tu sais, moi aussi, c'est pas l'envie qui me manquait
d'aller te voir, mais on fait pas toujours ce qu'on veut,
hein ?
Fernand enl�ve son manteau et le pose sur un autre fauteuil.
MONSIEUR FERNAND
Et toi ? J'ai pas entendu dire que le gouvernement t'avait
rappel�. Qu'est ce qui t'a pris de revenir ?
Il s'assoit sur une chaise, pr�s du lit.
Dans son lit, Louis, maintenant allong� sur le dos, serre la main
du m�decin.
LOUIS
Merci toubib, merci pour tout.
Le m�decin borde un peu le lit avant de s'�loigner.
LOUIS
Henri, dis-leur de monter...
Le m�decin r�cup�re sa sacoche, pos�e sur un meuble. Fernand, dont
la chaise est juste � c�t� de ce meuble, se l�ve et recule sa
chaise, pour permettre au m�decin d'�tre plus � son aise.
MONSIEUR FERNAND
Pardon.
Henri se l�ve de son fauteuil. Le m�decin referme sa sacoche et se
dirige vers la porte. Fernand rapproche sa chaise du lit.
MONSIEUR FERNAND
Tu crois pas qu'il vaut mieux quand m�me...
LOUIS
Me coupe pas, sans quoi on aura plus le temps.
Le m�decin ouvre la porte, suivi par Henri.
LOUIS
Henri, fais tomber cent sacs au toubib !
Le m�decin, avant de sortir, fait un petit signe de t�te � Louis
pour le remercier. Henri ferme la porte derri�re eux.
Fernand est maintenant assis sur sa chaise, tout pr�s du lit de
Louis.
MONSIEUR FERNAND
Bon alors ? Qu'est ce qui se passe, Louis ?
Louis parle lentement, avec une certaine fatigue dans la voix.
LOUIS
Je suis revenu pour caner ici et pour me faire enterrer �
Pantin avec mes viocs. Les Am�riques, c'est chouette pour
prendre du carbure, on peut y vivre aussi � la rigueur,
mais question de laisser ses os, hein... y a que la France.
Fernand allume une cigarette.
LOUIS
Et je d�cambute b�tement, et je laisse une mouchette � la
tra�ne, Patricia, c'est d'elle que je voudrais que tu
t'occupes.
Fernand a l'air surpris par la derni�re phrase de son ami.
MONSIEUR FERNAND
Et ben dis donc, t'en as de bonnes toi !
LOUIS
T'as connu sa m�re, Suzanne � beau sourire � ?
MONSIEUR FERNAND
T'es marrant, dis donc, c'est plut�t toi qui l'a connue.
LOUIS
Au point de vue oseille, je te laisse de quoi faire ce
qu'il faut pour la petite. J'ai des affaires qui tournent
toutes seules. Ma�tre Folace, mon notaire, t'expliquera.
Bah, tu sais combien �a laisse une roulette, soixante pour
cent de velours.
Fernand se l�ve.
MONSIEUR FERNAND
Et sur le plan des emmerdements, trente-six fois la mise,
hein ?
Il se dirige vers une petite table basse pour r�cup�rer un
cendrier.
MONSIEUR FERNAND
Ah, �coute Louis, ta m�me, tes affaires, tout �a c'est bien
gentil mais... Moi aussi, j'ai mes affaires, tu comprends ?
Et les miennes en plus, elles sont l�gales.
Fernand s'est rassis sur sa chaise.
LOUIS
Ouais, j'ai compris, les potes, c'est quand tout va bien.
MONSIEUR FERNAND
�a va pas toi, dis ? Hein ? J'ai pas dis �a, hein !
Fernand a hauss� le ton.
LOUIS
Non, non, t'as pas dis �a, t'as pas dis �a, mais... tu
livrerais ma petite Patricia aux vautours. Oh, mon petit
ange...
La voix de Louis se fait pleurnicharde.
MONSIEUR FERNAND
Ton petit ange, ton petit ange, hein ?
Fernand se l�ve et marche de long en large dans la pi�ce.
LOUIS
Oui, oh, maintenant que t'es dans � l'honn�te �, tu peux
pas savoir le nombre de malfaisants qu'il existe, le monde
en est plein. Ils vont me la mettre sur la paille, ma
petite fille. On va la d�pouiller et on va tout lui
prendre. Je l'avais faite �lever chez les soeurs, apprendre
l'anglais enfin... tout. R�sultat : elle finira au tapin,
et ce sera de ta faute. Hein, t'entends ? Ce sera de ta
faute.
La voix de Louis est de plus en plus pleurnicharde, presque
geignarde � la fin.
MONSIEUR FERNAND
�coute, arr�te un peu, hein ? Depuis plus de vingt piges
que je te connais, je te l'ai vu faire cent fois ton
guignol, alors hein ? Et � propos de tout, de cigarettes,
de came, de nanas, la j�r�miade, �a toujours �t� ton truc �
toi. Et une fois je t'ai m�me vu chialer, alors tu vas pas
me servir �a � moi, non ?
Fernand s'est �nerv� au fur et � mesure qu'il parlait, et il
termine presque en col�re.
LOUIS
Si ! Ben, tu te rends pas compte, saligaud, qu'elle va
perdre son p�re, Patricia, que je vais mourir ?
MONSIEUR FERNAND
Je te connais, t'en est capable. Voil� dix ans que t'es
barr�, tu reviens et je laisse tout tomber pour te voir et
c'est pour entendre �a ? Et moi comme une pomme...
On frappe � la porte. Fernand s'arr�te net de parler et se tourne
vers la porte.
Louis a soudain l'air un peu inquiet. On frappe de nouveau, mais
d'une fa�on un peu cod�. Louis plonge les deux mains sous ses
draps, puis il fait un signe d'acquiescement � Fernand.
Fernand se tourne vers la porte.
MONSIEUR FERNAND
Entrez !
La porte s'ouvre. Pascal, le veston sur l'�paule, entre le
premier, suivi d'Henri, puis de Raoul Volfoni, que nous avons d�j�
vu dans la salle de bowling. Derri�re, entre un homme au type un
peu allemand et au regard inqui�tant. Il s'agit de Th�o, qui est
suivi de son � ami �, car Th�o est homosexuel. Paul Volfoni, le
fr�re de Raoul, ferme la marche.
Fernand regarde les nouveaux arrivants d'un oeil interrogateur, et
pas vraiment aimable. Il s'assoit sur une commode.
Ils se rapprochent tous du lit de Louis, qui a toujours les mains
sous ses draps. Louis tourne la t�te vers Th�o.
LOUIS
Ben dis donc, Th�o, t'aurais pu monter tout seul ?
TH�O
Si sa pr�sence doit vous donner de la fi�vre...
LOUIS
Oui, chez moi, quand les hommes parlent, les gonzesses se
taillent.
L'ami de Th�o se penche vers lui.
L'AMI DE TH�O (chuchotant)
Je t'attends en bas.
TH�O (CHUCHOTANT)
A tout de suite...
L'ami se dirige vers la porte et sort, sous le regard de Pascal,
qui monte la garde pr�s de la porte. Il a remis sa veste, mais sa
main est pos�, � travers la veste, sur son arme.
Louis est assis dans son lit, cal� sur ses oreillers, les mains
toujours gliss� sous les draps. Dans le miroir derri�re lui, on
peut voir tous ses � visiteurs �, align�s au pied du lit.
LOUIS
Voil�... je serai bref. Je viens de c�der mes parts �
Fernand ici pr�sent. C'est lui qui me succ�de.
Dans le miroir, on voit Fernand qui a un petit mouvement de
surprise.
Raoul se rapproche du lit.
RAOUL VOLFONI
Mais... tu m'avais promis de m'en parler en premier !
Retour sur Louis allong� dans son lit.
LOUIS
Exact ! J'aurais pu aussi organiser un r�f�rendum, mais
j'ai pr�f�r� faire comme �a. Pas d'objections ? Parce que
moi, j'ai rien d'autre � dire.
Les fr�res Volfoni se regardent. On sent Raoul pr�s � �mettre une
� objection �, mais il croise le regard, et surtout le sourire
narquois, de Pascal, plant� pr�s de la porte, et il comprend que
son � objection � sera mal re�ue !
Retour sur Louis sur son lit.
LOUIS
Je crois que tout est en ordre... Non ?...
Raoul sort le premier, suivi de son fr�re et de Th�o.
Henri tape sur l'�paule de Fernand, qui semble avoir quand m�me un
peu de mal � dig�rer la d�cision inattendue de Louis.
Henri sort de la pi�ce, suivi de Pascal, qui lui sourit.
Gros plans sur le visage de Louis, couch� sur ses oreillers. Il
semble soudain tr�s mal en point. Il chuchote :
LOUIS
Pascal... Pascal...
Fernand, perdu dans ses pens�es, se redresse, le visage inquiet.
MONSIEUR FERNAND
Oh Louis !...
Il se rapproche du lit, et secoue son ami.
MONSIEUR FERNAND
Ben Louis ? Louis, quoi merde !... Louis...
Il se tourne vers la porte et appelle :
MONSIEUR FERNAND
Pascal !...
Pascal entre dans la chambre, et, voyant la sc�ne, ferme la porte
et se pr�cipite vers le lit.
Louis a la voix tr�s affaiblie.
LOUIS
Je ne vais plus pourvoir tenir longtemps.
MONSIEUR FERNAND
D�conne pas, Louis !
LOUIS
Tu sais de quoi je parle.
MONSIEUR FERNAND
Tu veux pas que je t'ouvre la fen�tre un petit peu ? Hein ?
Merde !...
Il se dirige vers la fen�tre, Pascal reste pr�s du lit.
Fernand tire les rideaux. Le jour commence � poindre.
MONSIEUR FERNAND
Tu vois ?... Regarde, il fait jour.
Pascal a pos� sa main sur le front de Louis.
LOUIS
Ouais... D'ici... On voit que le ciel ! Mais je m'en fous
du ciel...
Pascal ouvre les draps pour prendre le pistolet que Louis tient
toujours serr� dans sa main. Il le pose sur la couverture.
LOUIS
J'y serai dans peu de temps.
Pascal r�cup�re le pistolet serr� dans l'autre main de Louis.
LOUIS
Non, ce qui m'int�resse... C'est la rue.
Pascal remet le drap en place sur le torse de Louis.
Gros plan sur le visage en sueur de Louis.
LOUIS
Et ils m'ont fil� directement de l'avion dans
l'ambulance... J'ai rien pu voir. Dis donc, �a a d�
dr�lement changer, hein ?
Pascal a remis sa main sur le front de Louis.
Fernand est devant la fen�tre, mais lui tourne le dos.
MONSIEUR FERNAND
Tu sais, pas... pas tellement quoi !
Retour sur le gros plan du visage de Louis. La main de Pascal est
toujours sur son front et l'autre main masse la poitrine de Louis,
dont, la voix est de plus en plus faible.
LOUIS
Raconte quand m�me !
Fernand tourne l�g�rement la t�te vers la fen�tre, mais ne regarde
pas vraiment la rue, et invente en fait ce qu'il raconte. Il a
l'air assez �mu.
MONSIEUR FERNAND
Et ben... C'est un petit matin comme tu les aimes... Comme
on les aimait quoi...
PARIS - CHAMPS-�LYS�ES - EXT�RIEUR AUBE
Le jour se l�ve � peine sur les Champs, qui sont encore d�serts.
Mais les lampadaires sont d�j� �teints.
MONSIEUR FERNAND (voix off)
Les filles sortent du Lido, tiens ! Pareil qu'avant. Tu te
souviens ? C'est � cette heure-l� qu'on emballait.
La cam�ra remonte lentement vers le ciel.
Fondu encha�n�.
BOWLING - INT�RIEUR JOUR
Fernand est debout devant le guichet de r�ception. Il a son
manteau sur le bras. Derri�re lui, Th�o, dans une alc�ve r�serv�
au t�l�phone public, termine une conversation t�l�phonique et
tient toujours le combin� dans sa main. Son ami est appuy� sur la
cloison de l'alc�ve.
MONSIEUR FERNAND
Si un jour on m'avait dit qu'il mourrait dans son lit
celui-l� !
Th�o jongle avec le combin� et le raccroche.
TH�O
� Das Leben eines Man ist zwischen Himmel und Erde vergegen
der Sprung eines jungen wei�es Fohlen �ber einen Graben...
ein Blitz... pfft...
Th�o �teint la lumi�re de l'alc�ve. Fernand s'est tourn� vers lui,
et l'�coute sans comprendre ce qu'il raconte.
TH�O
es ist verbeit... �
Traduction de ce que vient de dire Th�o : � La vie d'un
homme entre ciel et terre passe comme le saut d'un poulain
blanc franchissant un foss�... un �clair... et c'est
fait... �
Il sort de l'alc�ve, et prend un paquet de cigarette dans la poche
int�rieure de sa veste. Son ami s'est �loign�.
TH�O
Chine, quatri�me si�cle avant J�sus Christ.
Il sort une cigarette du paquet.
Henri est assis devant les pistes de Bowling, � c�t� de la table
sur laquelle sont toujours �tal�es les cartes � jouer.
HENRI
On nait... On vit... On tr�passe...
Paul Volfoni s'approche du bar, une chope de bi�re � la main.
Derri�re le bar, son fr�re, Raoul.
PAUL VOLFONI
C'est comme �a pour tout le monde.
RAOUL VOLFONI
Pas forcement ! Enfin, je veux dire, on meurt pas forcement
dans son lit !
Il regarde Fernand qui passe le long du bar. Fernand s'est arr�t�
de marcher aux derni�res paroles de Raoul.
RAOUL VOLFONI
Ben voyons !
Paul se tourne l�g�rement vers Fernand, puis regarde son fr�re en
souriant. Il donne un �lan � sa chope de bi�re, qui glisse sur
toute la longueur du bar, et vient s'�craser sur d'autres verres.
Fernand s'approche d'Henri. Il regarde Paul qui s'�loigne le long
du bar pour aller se chercher une autre bi�re. Il se tourne vers
Henri en se frottant les yeux.
MONSIEUR FERNAND
Dis donc, je tiens plus en l'air, moi. T'aurais pas une
bricole � grignoter, l�.
HENRI
Bien s�r.
Il se l�ve. Fernand avise un paquet de cigarettes sur la table au
milieu des cartes.
MONSIEUR FERNAND
C'est � toi, �a ?
HENRI
Sers-toi !
Henri passe derri�re le bar. Paul revient s'installer devant son
fr�re avec une bi�re fra�che. Fernand prend une cigarette dans le
paquet, et s'installe � une autre table. Il pose son manteau sur
un fauteuil, et s'assoit dans une autre fauteuil.
Raoul est toujours derri�re le bar, et son fr�re en face de lui.
RAOUL VOLFONI
Y a vingt piges, le Mexicain, tout le monde l'aurait donn�
� cent contre un, flingu� � la surprise, mais cet homme-l�,
ce qui l'a sauv�, c'est sa psychologie.
Il s'�loigne de l'autre c�t� du bar. Paul reste � sa place et se
tourne vers Fernand.
PAUL VOLFONI
Tout le monde est pas forcement aussi dou�.
Pascal vient d'entrer dans la salle et se plante devant Th�o, qui
est toujours appuy� sur la cloison de l'alc�ve t�l�phonique.
PASCAL
La psychologie, y en a qu'une, d�fourailler le premier !
Il s'�loigne. Th�o, la cigarette au bec, ricane.
TH�O
C'est un peu sommaire, mais �a peut �tre efficace.
Raoul, un verre � la main, s'avance vers la table de Fernand.
RAOUL VOLFONI
Et le Mexicain, �a �t� une �p�e, un cador. Moi je suis
objectif, on parlera encore de lui dans cent ans.
Seulement, faut bien reconna�tre qu'il avait d�clin�,
surtout de la t�te.
Il pose son verre sur la table de Fernand. Fernand prend le verre
de Raoul et le pose sur la table voisine. Raoul se tourne vers le
bar.
Son fr�re Paul continue � boire sa bi�re, accoud� au bar.
PAUL VOLFONI
C'est vrai que sur la fin, il disait un peu n'importe quoi.
Il avait comme des vapes, des caprices d'enfants.
Henri apporte une assiette pleine, une demi-baguette de pain, un
verre et une bouteille de vin qu'il pose sur la table devant
Fernand.
MONSIEUR FERNAND
Merci Henri.
Il se sert un verre de vin.
RAOUL VOLFONI
Enfin, toi qu'y a caus� en dernier, t'as s�rement
remarqu� ?
MONSIEUR FERNAND
Remarqu� quoi ?
RAOUL VOLFONI
T'as quand m�me pas pris au s�rieux cette histoire de
succession ?
Fernand boit un peu de vin.
MONSIEUR FERNAND
Pourquoi ? Fallait pas ? Ben, j'ai eu tort.
RAOUL VOLFONI
Ah ! Et voil� !
Paul se rapproche de son fr�re.
PAUL VOLFONI
Tu vois Raoul, c'�tait pas la peine de s'�nerver, monsieur
convient.
Raoul s'assoit en face de Fernand, qui beurre un morceau de pain.
On entend un t�l�phone sonner. Henri s'approche du bar pour
d�crocher le t�l�phone pos� dessus.
RAOUL VOLFONI
Y en a qui abuseraient de la situation, mais mon fr�re et
moi, c'est pas notre genre. Qu'est ce qu'on peut faire qui
t'obligerait ?
Fernand mange son morceau de pain beurr�. Au bar, Henri r�pond au
t�l�phone.
MONSIEUR FERNAND
D�carrer d'ici. J'ai promis � mon pote de m'occuper de ses
affaires. Puisque je vous dis que j'ai eu tort, l�.
Seulement tort ou pas tort, maintenant, c'est moi le
patron. Voil�.
Henri met la main sur le micro du combin� et se tourne vers les
pistes o� Pascal, en chemise, est en train de jouer.
HENRI
Pascal !
Pascal se retourne. Fernand et les Volfoni regardent dans la
direction d'Henri.
PASCAL
Oui ?
Henri lui fait signe de venir au t�l�phone.
Assis � une table,juste au bord des pistes, donc en contrebas par
rapport � celle de Fernand, Th�o est en train de se raser avec un
rasoir sans fil, en se regardant dans un petit miroir. Son ami,
qui jouait au bowling, vient de s'assoir � c�t� de lui. Pascal,
venant des pistes, passe derri�re Th�o. L'ami de Th�o regarde
Pascal s'�loigner.
Paul est toujours debout pr�s de la table de Fernand.
PAUL VOLFONI
�coute, on te conna�t pas. Mais laisse-nous te dire que tu
te pr�pares des nuits blanches, des migraines, des
� nervousses br�kdones �, comme on dit de nos jours.
Derri�re Paul, Henri se rapproche de la table, et fait un signe
discret � Fernand.
Fernand ramasse son manteau et se l�ve lentement de table.
MONSIEUR FERNAND
J'ai une sant� de fer. Voil� quinze ans que je vis � la
campagne, que je me couche avec le soleil, et que je me
l�ve avec les poules.
Il ramasse un morceau de pain dans l'assiette.
Th�o est toujours en train de se raser avec son petit rasoir de
voyage.
Fernand ramasse le paquet de cigarettes, et se dirige vers le bar.
Derri�re lui, au bord des pistes, Th�o s'est retourn� pour le
regarder. Il se l�ve, son rasoir toujours allum� � la main, et
s'�loigne. Son ami le suit.
Devant le bar, Henri explique la situation � Fernand.
HENRI
Y a du suif chez Tomate. Trois voyous qui chahutent la
partie. Les croupiers ont les foies pour la caisse, ils
demandent de l'aide.
Derri�re eux, Pascal, qui a remis sa veste, d�balle un pistolet
d'un emballage de papier blanc.
MONSIEUR FERNAND
�a arrive souvent ?
En contrebas, au bord d'une table, Th�o souffle dans son rasoir
pour le nettoyer.
TH�O
Jamais !
PASCAL
�a doit pouvoir se r�gler � l'amiable.
Il introduit le pistolet dans le holster sous sa veste.
HENRI
Si tu tiens � regagner ta province rapido, t'auras int�r�t
� aller voir, ce serait toujours �a de gagner, c'est sur
ton chemin.
Derri�re eux, Th�o, qui est remont� du bord des pistes, se
rapproche d'eux, et s'assoit � une table.
Fernand tourne l�g�rement la t�te vers les Volfoni. Raoul est
toujours assis � la table que vient de quitter Fernand, Paul
debout derri�re lui. Fernand fait un petit signe discret � Henri.
HENRI
Oh ! Les Volfoni. T'inqui�tes pas !
Th�o r�ajuste sa cravate.
TH�O
� La bave du crapaud n'emp�che pas la caravane de passer �.
Henri hausse les �paules, passe devant Fernand et lui tapote
l�g�rement l'�paule.
HENRI
Tchiao !
Fernand le regarde s'�loigner en finissant de manger son pain. Il
se tourne vers Pascal.
MONSIEUR FERNAND
Dis donc, �a te g�ne pas qu'on y aille ensemble ?
PASCAL
C'est pas que vous g�nez, Monsieur Fernand, mais je ne sais
pas si �a va bien vous plaire ?
MONSIEUR FERNAND
Et ben �a, je te le dirais !
Derri�re Fernand, Henri, debout les mains dans les poches, discute
avec Raoul.
Fernand et Pascal se dirigent vers la sortie du bowling. Avant de
partir, Fernand a un dernier regard vers Th�o, qui le regarde
partir, les bras crois�s. L'ami de Th�o remonte du bord des pistes
et rejoint Th�o
L'AMI DE TH�O (chuchotant)
A ton avis, c'est un faux ca�d ou un vrai branque ?
TH�O
Pour moi, c'est rien du tout. Un coup de t�l�phone, et dix
minutes apr�s... Il existe plus.
PARIS - UNE RUE - EXT�RIEUR JOUR
La voiture de Pascal roule dans Paris. Pascal est au volant,
Fernand est assis � c�t� de lui. La voiture s'arr�te, un peu
brutalement, � un feu rouge.
Plan rapproch� sur le pare-brise. On voit Fernand qui se frotte la
joue.
PASCAL
J'admets qu'ils ont l'air de deux branques, mais je n'irais
pas jusqu'� m'y fier, non ? C'est quand m�me des
sp�cialistes. Le jeu, ils ont toujours �t� l�-dedans, les
Volfoni brothers, � Naples, � Las Vegas, partout o� il y a
des jetons � la cl�, ils tenaient les r�teaux, hein ?
MONSIEUR FERNAND
Mais... l'autre, l� ? Le... le coquet ?
PASCAL
L'ami Fritz ?
MONSIEUR FERNAND
Hmm.
PASCAL
Il s'occupe de la distillerie clandestine.
MONSIEUR FERNAND
C'est quand m�me marrant, les �volutions. Quand je l'ai
connu le Mexicain, il recrutait pas chez tonton.
PASCAL
Vous savez ce que c'est, non ? L'�ge, l'�loignement. A la
fin de sa vie, il s'�tait pench� sur le reclassement des
l�gionnaires.
MONSIEUR FERNAND
Ah ! Si c'�tait une oeuvre, alors l� !... L�, c'est autre
chose.
Le feu repasse au vert. La voiture red�marre.
Fondu encha�n�.
VOITURE PASCAL - INT�RIEUR JOUR
La voiture roule tr�s lentement. A travers les vitres, on aper�oit
une sorte de ferme, au milieu d'un terrain en friche. Une �chelle
est appuy� contre le mur de la ferme et atteint l'une des fen�tres
du premier �tage.
PASCAL
Voil�, ici c'est chez Tomate.
CHEZ TOMATE - EXT�RIEUR JOUR
Plan rapproch� sur la voiture, c�t� conducteur.
MONSIEUR FERNAND
Je m'attendais � quelque chose de plus important, mais
c'est un clapier !
Pascal ouvre la porte de la voiture, et sort.
PASCAL
D'apr�s Tomate, ce qui passionne le joueur, c'est le tapis
vert.
Fernand sort � son tour de la voiture.
PASCAL
Ce qui il y a autour, il s'en fout, il voit m�me pas.
Soudain, Pascal semble en alerte.
PASCAL
Planque toi !
Il s'accroupit derri�re la voiture. Fernand contourne la voiture
et s'accroupit derri�re la calandre.
Une grosse voiture am�ricaine noire arrive sur le chemin qui m�ne
� la � ferme �. Elle roule lentement.
Plan rapproch� sur la voiture. Les vitres sont ouvertes. En plus
du conducteur, un passager est assis � l'arri�re et tient une
grosse mitraillette, dans le style de celles utilis�es par les
gangsters de Chicago � l'�poque de la prohibition.
Fernand contourne la voiture de Pascal pour mieux se cacher. On
entend la mitraillette tirer.
Plan rapproch� sur l'am�ricaine et le tireur de mitraillette en
action.
Fernand court au milieu des voitures gar�es autour de lui.
A travers le pare-brise de l'une de ces voitures, on voit la t�te
de Fernand qui �merge lentement de l'autre c�t� de la voiture.
La voiture am�ricaine s'�loigne de la � ferme �.
La t�te de Fernand sort prudemment de derri�re la voiture qui lui
sert de refuge.
La voiture am�ricaine fait demi-tour et revient vers la � ferme �.
Fernand court entre les voitures gar�es sur le parking improvis�,
et va se cachet derri�re un arbre. Derri�re lui, l'arme � la main,
Pascal sort en courant de derri�re sa propre voiture.
Il s'accroupit devant une Deux Chevaux Citro�n.
La voiture am�ricaine revient. Au premier plan, derri�re la Deux
Chevaux, on aper�oit l'extr�mit� du canon silencieux du pistolet
de Pascal.
L'homme � la mitraillette a pass� la t�te par la vitre arri�re de
la voiture am�ricaine et vise vers Pascal et Fernand.
Le pistolet de Pascal est dirig� vers la voiture am�ricaine. On
entend les deux � plop � caract�ristiques du tir avec un
silencieux.
La vitre de l'une des voitures gar�es vole en �clats.
Le tireur � la mitraillette tire en direction de Pascal.
D'autres vitres de voiture volent en �clats.
Pascal se redresse et tire.
Le tireur � la mitraillette l�che son arme et fait une grimace de
douleur. La voiture continue � rouler.
Pascal tire de nouveau.
Le conducteur de l'am�ricaine s'�croule derri�re son volant.
Gros plan sur la roue avant de l'am�ricaine, qui pivote.
Gros plan sur le pied du conducteur, coinc� sur l'acc�l�rateur.
A travers le pare-brise de l'am�ricaine, on voit les buissons qui
se rapprochent.
Gros plans rapides et successifs sur le conducteur mort, qui tient
toujours son volant, sur la roue avant, qui pivote dans tous les
sens, enfin sur la calandre de la voiture, qui part en tonneau.
La voiture am�ricaine se retourne et se retrouve sur le toit. La
porti�re s'ouvre sous le choc. Un chien aboie.
Fernand et Pascal observent la sc�ne. Pascal a toujours son
pistolet � la main.
PASCAL
A l'aff�t sous les arbres, ils auraient eu leur chance.
Pascal commence � d�visser tranquillement le silencieux de son
pistolet, sous le regard intrigu� de Fernand.
PASCAL
Seulement, de nos jours, il y a de moins en moins de
techniciens pour le combat � pied, l'esprit fantassin
n'existe plus.
Il souffle dans le silencieux de son pistolet.
PASCAL
C'est un tort.
Ils se mettent en marche vers la � ferme �.
Ils passent devant la voiture retourn�e sur le toit.
MONSIEUR FERNAND
Et c'est le sc�nario de qui, d'apr�s toi... les Volfoni ?
PASCAL
Ce serait assez dans leurs sales mani�res.
Il s'arr�te de marcher et retient Fernand par la manche.
PASCAL
Monsieur Fernand... Je serais d'avis qu'on aborde molo, des
fois qu'on serait encore attendu...
Fernand se remet en marche. Pascal le retient de nouveau.
PASCAL
Mais, sans vous commander, si vous restiez un peu en
retrait... Hein ?
Pascal passe devant. Fernand le regarde s'�loigner, un peu
inquiet.
MONSIEUR FERNAND
Ouais, n'emp�che qu'� la retraite de Russie, c'est les mecs
qu'�taient � la tra�ne qu'ont �t� repass�s.
Il suit Pascal vers la ferme.
CASINO TOMATE - INT�RIEUR JOUR
Nous sommes au sous-sol de la � ferme �. Le chien aboie toujours.
Une porte s'ouvre et Tomate appara�t. Il est en chemise ouverte et
en veste de toile.
TOMATE
C'est toi qui fais tout ce foin ?
Pascal est debout devant l'escalier de descente, Fernand derri�re
lui.
PASCAL
Je m'excuse. Monsieur Fernand, le nouveau taulier.
TOMATE
J'�tais pas au courant.
PASCAL
Comme �a, tu l'es !
Il entre dans la pi�ce, suivi de Fernand, que Tomate d�visage.
TOMATE
Je suis Tomate, le g�rant de la partie.
MONSIEUR FERNAND
Bonjour.
TOMATE
Enchant�, mais qu'est-ce que c'�tait que cette fusillade ?
On ne se serait pas permis de vous flinguer sur le
domaine ?
La pi�ce, dans laquelle ils viennent d'entrer, est visiblement la
chaufferie, avec une grosse chaudi�re qui tr�ne au milieu de la
pi�ce. Derri�re la chaudi�re, Freddy, � l'homme � tout faire � de
Tomate.
MONSIEUR FERNAND
Et ben, on s'est permis.
Pascal inspecte les bouteilles rang�es sur des �tag�res sur le mur
au fond de la pi�ce, devant un petit bar, sur lequel est pos� un
t�l�phone. Fernand passe devant Freddy et le d�visage longuement.
Derri�re la chaudi�re, une longue table entour�e de chaises.
Pascal a ramass� des d�s � jouer sur la table, et les fait jongler
dans sa main.
PASCAL
Tomate ?
TOMATE
Oui ?
PASCAL
Tu devrais envoyer Freddy faire un tour. Y a une charrette
dans le parc avec deux gars dedans, �a fait d�sordre...
Tomate fait signe � Freddy d'aller ex�cuter les ordres de Pascal.
Freddy sort de la pi�ce
PASCAL
O� sont les autres ?
TOMATE
Quels autres ?
PASCAL
Les mecs qui faisaient du scandale.
TOMATE
Du scandale ici ? Mais j'aimerais comprendre.
PASCAL
Moi aussi.
MONSIEUR FERNAND
Comment ? Mais c'est pas vous qui avez t�l�phon� ?
TOMATE
La nuit �tait tout ce qu'il y a de normal.
PASCAL
Qu'est ce que c'est que cette embrouille ?
Fernand se dirige vers le t�l�phone.
MONSIEUR FERNAND
Le num�ro d'Henri ?
PASCAL
Balzac quarante-quatre, z�ro cinq.
Fernand prend le t�l�phone du bar et commence � composer le
num�ro. Pascal continue � jongler avec les d�s.
BOWLING - INT�RIEUR NUIT
Le t�l�phone sonne sur le bar. Derri�re la main qui d�croche, on
peut voir un agent de police en uniforme, avec k�pi et b�ton
blanc, et un type en imperm�able et chapeau de feutre, qui est
visiblement un inspecteur de police.
Henri est allong� par terre devant le bar, le corps entour� d'une
marque � la craie. Il a perdu un de ses chaussons, pos� � c�t� de
son pied en chaussette, et lui aussi entour� d'un trait de craie.
Il est entour� d'inspecteurs en civil et d'agents de police en
uniforme. Un inspecteur le photographie. On entend la voix off de
Fernand, qui commente les �v�nements.
MONSIEUR FERNAND (voix off)
Maintenant, Henri, y peut plus expliquer les choses... �
personne... Trois morts subites en moins d'une demi-heure.
Ah ! �a part s�v�re, les droits de succession.
MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR
La 404 de Fernand est gar�e devant un coquet petit manoir du XVIII�
si�cle, situ� au milieu d'un parc bois�.
Pascal et Fernand viennent visiblement de quitter la voiture.
Pascal pr�c�de Fernand et porte sa valise et un cintre sur lequel
est pendu un costume sombre. Fernand porte son manteau sur
l'�paule.
Ils montent les marches du perron de l'entr�e principale.
PASCAL
Le Mexicain l'avait achet�e en viager � un procureur � la
retraite.
Pascal sonne � la porte.
PASCAL
Apr�s trois mois... l'accident b�te... Une affaire !
La porte s'ouvre. Pascal s'efface pour laisser entrer Fernand.
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR JOUR
Le vestibule, comme le reste du manoir d'ailleurs, est meubl� en
meubles anciens, qui semblent tous authentiques.
La porte d'entr�e est maintenue ouverte par Jean, le ma�tre
d'h�tel. Il porte pantalon noir, veste blanche, chemise blanche et
cravate noire.
Fernand entre le premier, suivi de Pascal. Fernand regarde autour
de lui. Derri�re son dos, Jean fait un signe discret � Pascal, qui
lui r�pond par un autre signe affirmatif.
JEAN
Welcome sir, my name is John !
(Traduction : Bienvenue, monsieur, je m'appelle Jean)
Fernand regarde Pascal d'un oeil interrogateur pendant que Jean
referme la porte. Pascal hausse l�g�rement les �paules et fait une
petite moue, qui signifie � sans importance �, puis il s'�loigne
avec la valise, qu'il d�pose au pied de l'escalier. Il jette
n�gligemment la veste sur la rampe en bois ouvrag�. Fernand
r�cup�re sa veste, la secoue et l'accroche sur la rampe par le
cintre. Jean, qui l'a suivi, lui indique le chemin � suivre.
JEAN
Please...
(Traduction : S'il vous plait)
MANOIR DU MEXICAIN - CUISINE - INT�RIEUR JOUR
Ma�tre Folace est assis, en robe de chambre sur son pyjama, devant
la table, terminant son petit d�jeuner. Pascal est debout devant
lui.
PASCAL
Il est mort, il y a deux heures.
On d�couvre la table, sur lequel il y a un jeu d'�chec, avec un
livre sur les �checs ouvert devant Folace, qui termine son verre,
et fume une cigarette, fich�e dans un fume-cigarette. A c�t� des
�checs, plusieurs bouteilles de Champagne vide.
PASCAL
On aurait pu �tre l� plus t�t, mais on a �t� retard�. Des
esp�ces de contestation. Et puis... Henri s'est fait
descendre.
MAITRE FOLACE
Les Volfoni ?
Pascal �carte les bras et fait une moue signifiant � je n'en sais
rien �.
MAITRE FOLACE
Quand le lion est mort, les chacals se disputent l'empire.
Enfin, on ne peut pas demander plus aux Volfoni qu'aux fils
de Charlemagne.
Fernand vient d'entrer, une cigarette au bec. Folace se l�ve.
MAITRE FOLACE
Ah ! Ma�tre Folace, notaire.
Fernand et Folace se serrent la main.
MONSIEUR FERNAND
Bonjour monsieur.
MAITRE FOLACE
Heureux de vous accueillir, j'aurais pr�f�r�, bien s�r, que
ce soit dans d'autres circonstances. Votre chambre est
pr�te, le Mexicain avait donn� des ordres.
MONSIEUR FERNAND
Et bien, vous �tes gentil, je vous remercie, mais... ce qui
m'arrangerait surtout, c'est si on pouvait r�gler nos
affaires dans la journ�e, quoi...
Folace marque un temps et revient lentement vers la table.
MAITRE FOLACE
Vous �tiez l'ami de Louis depuis longtemps ?
Il se rassoit � sa place derri�re la table.
MONSIEUR FERNAND
Depuis toujours.
Jean, qui vient d'entrer dans la pi�ce, tend un briquet allum� �
Fernand.
JEAN
Mademoiselle va avoir du chagrin.
Ma�tre Folace s'est servi un caf� � partir du percolateur en verre
pos� devant lui.
MAITRE FOLACE
Ah non... Stop... Sujet interdit ! Attention messieurs, pas
de fausses notes, la volont� du d�funt est formelle : pour
Patricia, le plus longtemps possible, son papa se porte
comme un charme. Il joue les centaures quelque part dans
les sierras Mexicaines, mal desservies par la poste, ce qui
explique son silence.
Pascal pose la main sur l'�paule de Folace.
PASCAL
Bon, je dois partir. Ma�tre Folace sait toujours o� me
joindre, j'habite chez ma m�re.
Fernand et Pascal se serrent la main.
MONSIEUR FERNAND
Oui merci, hein !
Pascal sort. Fernand enl�ve sa veste.
MAITRE FOLACE
Je suis bien content que vous soyez l�, vous savez. Parce
que moi, avec la petite, j'y arrive plus. C'est peut �tre
parce que je la connais depuis trop longtemps. Pensez,
c'est moi qui l'aie tenu sur les fonts baptismaux, alors...
Fernand a pos� sa veste sur une chaise, et il retrousse ses
manches. Jean se rapproche de la table et verse du caf� dans une
tasse.
JEAN
Y avait une belle c�r�monie, mademoiselle �tait d�j�
ravissante.
MA�TRE FOLACE
Dites-moi, mon ami, si vous montiez les bagages de Monsieur
Naudin ?
Jean se met au garde-�-vous, et crie :
JEAN
Yes sir !
(Traduction : Oui, monsieur)
Fernand sursaute.
Jean sort de la pi�ce. Folace fait un petit signe muet � Fernand.
MONSIEUR FERNAND
Dites moi, si �a vous fait rien, j'aimerais bien qu'on
aborde un petit peu les choses s�rieuses. Parce que... les
caprices d'une gamine c'est bien beau, �a, mais faut quand
m�me pas s'en faire pour �a non, on est bien d'accord ?
Folace a repris son fume-cigarette.
MAITRE FOLACE
Ah mais moi, je ne m'en fais pas, je ne m'en fais plus.
Maintenant que vous �tes l�, c'est vous que �a regarde.
MONSIEUR FERNAND
Comment �a, moi ?
MAITRE FOLACE
Eh ben ? Vous avez accept� de vous occuper d'elle, non ?
MONSIEUR FERNAND
Ben oui.
Folace soul�ve sa tasse de caf�.
MAITRE FOLACE
A la bonne votre, mon cher. Vous allez conna�tre tout ce
que j'ai connu : les visites aux directrices, les mots
d'excuses, les billets de renvoi...
MONSIEUR FERNAND
Vous allez quand m�me pas dire que mademoiselle Patricia
s'est fait �jecter, non ?
Il se lave les mains dans l'�vier.
MAITRE FOLACE
Ah ! De partout, mon cher.
Il se l�ve, prend un toast sur la table, le renifle, prend un air
un peu d�go�t�, et jette le toast en l'air.
MAITRE FOLACE
Mademoiselle n'a jamais tenu plus de six mois. Juste le
temps d'user les patiences. Oui, vraiment, je suis content
que vous soyez l�.
Fernand coupe le robinet et se secoue les mains. Puis il prend un
torchon pour se les essuyer.
MONSIEUR FERNAND
Oui, mais pas pour longtemps, parce que �a va changer, et
vite, hein, c'est moi qui vous le dit. La boite que je vais
lui trouver, va falloir qu'elle y reste, croyez moi ! Ou
sinon, je vais la filer chez les vraies soeurs, les vraies,
la pension au bagne avec le r�veil au clairon et tout le
toutim, non mais sans blague ?
Il jette son torchon d'un geste rageur.
MAITRE FOLACE
Et bien, faut le lui dire � elle.
Fernand remet sa veste.
MONSIEUR FERNAND
Oh mais, je vais lui dire, et puis tout de suite. O� est-
elle ?
MAITRE FOLACE
Elle dort. Elle a organis� une petite sauterie qui nous a
entra�n� jusqu'� trois heures du matin.
Fernand ex�cute une l�g�re courbette de surprise. Jean entre dans
la pi�ce.
JEAN
Your room is ready sir !
(Traduction : Votre chambre est pr�te, monsieur)
MAITRE FOLACE
Il veut dire que votre chambre est pr�te.
Jean ressort de la cuisine.
MONSIEUR FERNAND
Ah bon. Dites donc, il picole pas un peu, votre British ?
MAITRE FOLACE
Oh la la ! Et puis il est pas plus British que vous et moi.
C'est une d�couverte du Mexicain.
Les deux hommes se dirigent vers la porte de la cuisine.
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR JOUR
Les deux hommes sortent de la cuisine et longent l'escalier.
MONSIEUR FERNAND
Il l'a trouv� o� ?
MAITRE FOLACE
Ici, il l'a m�me trouv� devant son coffre-fort. Y a dix-
sept ans de �a. Avant d'�chouer devant l'argenterie, l'ami
Jean avait fractur� la commode louis XV.
Folace commence � monter l'escalier, suivi de Fernand.
MAITRE FOLACE
Le Mexicain lui est tomb� dessus juste au moment o�
l'artiste allait attaquer les blindages au chalumeau.
MONSIEUR FERNAND
Et bien, je vois d'ici la petite sc�ne.
MAITRE FOLACE
Vu ses principes, le patron pouvait pas le donner � la
police, ni accepter de r�gler lui-m�me les d�g�ts.
Ils viennent d'arriver sur le palier du premier �tage.
MAITRE FOLACE
R�sultat : Jean est rest� ici trois mois au pair comme
larbin pour r�gler la petite note. Et puis, la vocation lui
est venue, le style aussi, peut-�tre �galement la sagesse.
Dans le fond, nourri, log�, blanchi, deux costumes par an,
pour un type qui passait la moiti� de sa vie en prison...
MONSIEUR FERNAND
Il a choisi la libert� quoi !
Ils continuent vers le deuxi�me �tage, sur le palier duquel Jean
les attend. Ils passent devant lui.
Fondu au noir.
MANOIR DU MEXICAIN - SALLE DE BAINS - INT�RIEUR JOUR
Gros plan sur l'�vier. On voit la main de Fernand qui pose le
rasoir sur le rebord de l'�vier, puis qui ouvre le robinet.
Zoom arri�re. Avec ses deux mains, Fernand, qui est torse nu, �te
le reliquat de mousse sur son visage. Puis il prend une serviette
de toilette pour s'essuyer.
Il rel�ve la t�te, et dans la glace de l'armoire de toilette au-
dessus du lavabo, on voit Patricia debout � l'entr�e de la salle
de bains.
PATRICIA
Oh, c'est dr�le, je vous voyais plus grand, plus bronz�,
mais c'est pas grave. Vous �tes bien l'oncle Fernand ?
MONSIEUR FERNAND
Ben... Oui.
PATRICIA
On pourrait peut �tre s'embrasser ? �a se fait.
MONSIEUR FERNAND
Ah bon, ben alors... Si �a se fait, ben allons-y !
Ils se d�posent mutuellement une bise sur chaque joue. Fernand
renfile sa veste de pyjama. Il avait, bien entendu, gard� sa
culotte de pyjama !
MONSIEUR FERNAND
Dis donc, heureusement que je viens de me raser, hein ?
Patricia porte une petite robe simple sans manche. Une broche de
pierreries (vraies ou fausses ?) est accroch�e sur la robe. Elle
s'assoit sur le bord de la baignoire.
PATRICIA
Papa m'avait annonc� votre arriv�e.
MONSIEUR FERNAND
Quand �a ?
PATRICIA
Dans sa derni�re lettre, il y a bien un mois. �a vous
�tonne ?
MONSIEUR FERNAND
Euuuuh... Non... oh non !
PATRICIA
Y avait trois pages, rien que sur vous, vos aventures, vos
projets, sans compter tout ce que vous avez fait pour lui.
MONSIEUR FERNAND
Dis moi, tu sais, j'aimerais bien avoir un petit peu de th�
et du pain, du beurre et peut �tre des oeufs au bacon aussi,
hein ? Tu ne pourrais pas t'occuper de �a en bas ?
PATRICIA
Du th� � sept heures du soir ?
MONSIEUR FERNAND
C'est � dire qu'en ce moment, je suis un tantinet d�cal�
dans mes horaires... oui !
PATRICIA
Ah bon !
Elle va pour sortir, puis se ravise et se tourne vers lui.
PATRICIA
Oh ! Au fait, �a a du �tre quelque chose la fois o� vous
l'avez sorti du fleuve ?
MONSIEUR FERNAND
Qui �a ?
Elle rentre dans la salle de bains.
PATRICIA
Ben, papa. Il m'annon�ait dans sa lettre : � Fernand m'a
sorti d'un dr�le de bain �. Ce qu'il a oubli� de me dire,
c'est quel fleuve c'�tait ?
MONSIEUR FERNAND
�coute, soit gentille, moi, je meurs de faim, alors va
t'occuper de mon petit en-cas, tu veux ? Hmm ?...
PATRICIA
Vous ne voulez pas me r�pondre ?
MONSIEUR FERNAND
Mais c'est pas que je veux pas, mais comment tu veux que je
m'en rappelle moi, hein ? La-bas des fleuves t'as que �a, �
droite, � gauche, devant, derri�re, partout, et bourr�s de
crocodiles en plus, voil� t'es contente maintenant ? Bon
alors maintenant va, et laisse-moi finir ma toilette, et
puis on parlera apr�s, hein ? Parce que tu t'en doutes,
Patricia, faut quand m�me qu'on parle.
Il la raccompagne jusqu'� la porte.
PATRICIA
Oui, mon oncle.
Elle affiche un petit sourire un peu moqueur.
MONSIEUR FERNAND
Qu'on parle de choses s�rieuses.
PATRICIA
Oui, Tonton. �a ne vous ennuie pas que je vous appelle
Tonton ?
Elle sort. Fernand rentre dans la salle de bains, mais Patricia
r�apparait � la porte.
PATRICIA
Vous en avez tu� beaucoup ?...
Fernand se retourne lentement.
PATRICIA
Des crocodiles ?
Elle rentre dans la salle de bains.
PATRICIA
Et l�-bas y a que �a, devant, derri�re, � gauche, � droite,
partout ! Bon, eh bien, je vais m'occuper de votre th�.
Apr�s avoir, tout en parlant, fait un tour complet autour de
Fernand, elle ressort, les mains crois�es derri�re le dos, avec
une fausse allure de petite fille bien sage.
Fernand regarde pensivement la glace de la salle de bains et se
masse la nuque.
Fondu encha�n�.
MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR JOUR
Un salon richement meubl�. Dans une vitrine, des miniatures
militaires napol�oniennes, visiblement d'�poque et authentiques.
Folace, le fume-cigarette au bec, entra�ne Fernand, habill� d'un
costume sombre vers le milieu de la pi�ce.
MAITRE FOLACE
Puisque la fermet� a l'air de vous r�ussir, je vais vous
donner l'occasion de vous distinguer.
MONSIEUR FERNAND
Mais � propos de quoi ?
MAITRE FOLACE
D'argent !... D'argent qui ne rentre pas. Depuis deux mois,
les Volfoni n'ont pas vers� les redevances de la p�niche.
Tomate a plus d'un mois de retard, et Th�o etc...
Folace a ramass� des documents sur une table, et il les feuill�te
sous le regard de Fernand.
MONSIEUR FERNAND
Mais qu'est ce que c'est ? Une r�volte ?
MAITRE FOLACE
Non sire, une r�volution !... Personne ne paie plus rien !
Il donne les documents � Fernand, qui les feuill�te � son tour.
MONSIEUR FERNAND
Non mais, ces mecs-l� auraient quand m�me pas la pr�tention
d'engourdir le pognon de ma ni�ce, non ?
MAITRE FOLACE
On dirait.
MONSIEUR FERNAND
Le Mexicain �tait au courant.
Folace tire les double-rideaux sur la fen�tre.
MAITRE FOLACE
Ah non, non, surtout pas ! C'�tait un homme � tirer au
hasard sans discernement, alors les ragots... dans la
presse, si c'�tait tomb� sous les yeux de la petite, vous
voyez �a d'ici !
MONSIEUR FERNAND
Ouais, ce que je vois surtout, c'est que si on doit arriver
� flinguer, vous pr�f�rez que ce soit moi qui m'en charge,
hein, c'est �a ?
MAITRE FOLACE
Un tuteur, c'est pas pareil.
Fernand pose les documents sur la table.
MONSIEUR FERNAND
�a se guillotine aussi bien qu'un papa !
MAITRE FOLACE
Mais qui vous demande d'intervenir personnellement ? Nous
avons Pascal. Je le convoque ou pas ?
Fernand se dirige vers la porte du salon.
MONSIEUR FERNAND
Si je devais pas �tre � la foire d'Avignon dans quarante-
huit heures, je dirais non, mais je suis pris par le temps.
Et puis je reconnais que c'est jamais bon de laisser dormir
les cr�ances, et surtout de permettre au petit personnel de
r�ver.
Il sort du salon.
MANOIR DU MEXICAIN - PETIT SALON - INT�RIEUR JOUR
Fernand entre dans un autre salon.
Un jeune homme portant un tricot gris ras-du-cou, et dessous une
chemise et une cravate, lui saute dessus. Il s'agit d'Antoine
Delafoy, le � fianc� � de Patricia.
ANTOINE DELAFOY
Vous parlez de r�ver... r�vez-vous en couleur ? Antoine
Delafoy, le plus respectueux, le plus ancien, le plus
fid�le ami de Patricia.
Il s'incline respectueusement devant Fernand, qui semble on ne
peut plus surpris.
ANTOINE DELAFOY
Je vous connais, monsieur, et je vous admire.
MONSIEUR FERNAND
Hein ?...
ANTOINE DELAFOY
Patricia vous �voque, vous cite, vous vante en toute
occasion, vous �tes le gaucho, le centaure des pampas,
l'oncle l�gendaire...
MONSIEUR FERNAND
Et moi, elle m'a jamais parl� de vous.
Il s'�loigne de lui. Antoine reste sur place, mais se retourne
pour continuer � lui parler.
ANTOINE DELAFOY
Ah... Patricia n'a pas eu le temps, mais �a ne fait rien.
je ferais donc mon pan�gyrique moi-m�me, c'est parfois
assez �difiant et souvent assez dr�le, car il m'arrive de
m'attribuer des mots qui sont en g�n�ral d'Alphonse Allais
et des aventures puis�es dans la vie des hommes illustres.
Il se dirige vers Fernand. Et l'on d�couvre que ce dernier est
debout pr�s d'un canap�, sur lequel Patricia est assise. Sur une
table basse devant le canap�, quelques bouteilles d'alcool.
Fernand regarde Patricia d'un oeil interrogateur.
MONSIEUR FERNAND
Il est toujours comme �a ?
PATRICIA
Absolument pas ! C'est son c�t� aga�ant, il faut qu'il
parle. En v�rit� c'est un timide. Je suis s�re que vous
serez s�duit, quand vous le conna�trez mieux.
MONSIEUR FERNAND
Parce qu'en plus, monsieur s�duit.
Jean vient d'entrer dans la pi�ce, portant un petit seau � gla�ons
en cristal.
ANTOINE DELAFOY
Je ne s�duis pas : j'envo�te...
Jean pose le petit seau sur la table basse. Antoine le lui prend
des mains.
ANTOINE DELAFOY
Leave it, Jean, and I'll do it
(Traduction : Laissez, Jean, je vais le faire)
Jean s'incline l�g�rement. Fernand s'assoit dans un fauteuil en
face du canap�.
JEAN
Thank you, sir.
(Traduction : Merci, Monsieur)
Antoine verse du whisky dans un verre. Jean sort lentement de la
pi�ce. Avant de sortir, il regarde longuement Fernand, qui lui
rend son regard. On comprend qu'ils ont, tous deux, la m�me
opinion d'Antoine.
ANTOINE DELAFOY
Pour en revenir � vos r�ves en couleur, savez vous que
Borowski les attribuent au phosphore qui est contenu dans
le poisson ?
Il tend le verre � Fernand, qui regardait Jean sortir et qui se
retourne pour prendre le verre.
ANTOINE DELAFOY
Moi je pr�f�re m'en tenir � Freud, c'est plus rigolo.
Qu'est-ce que vous en pensez ?
Fernand prend une petite bouteille d'eau gazeuse sur la table
basse.
MONSIEUR FERNAND
Rien. Je ne r�ve pas en couleur, je ne r�ve pas en noir, je
ne r�ve pas du tout. Je n'ai pas le temps.
Antoine prend la petite bouteille de la main de Fernand.
ANTOINE DELAFOY
Je vous d�conseille l'eau, ce serait un crime, il a dix ans
d'�ge.
Fernand reprend la petite bouteille d'un geste rageur. Il regarde
Patricia avec, dans les yeux, une visible col�re contenue.
PATRICIA
Tonton est d�bord� par ses affaires.
Antoine s'accroupit devant le fauteuil de Fernand. Derri�re lui,
on voit Jean qui rentre dans la pi�ce.
ANTOINE DELAFOY
Vous viendrez bien avec nous demain soir.
Jean est suivi par Folace.
MONSIEUR FERNAND
Et o� �a ?
Fernand verse de l'eau dans son whisky. Antoine grignote une
olive.
ANTOINE DELAFOY
Il demande o� �a ? Oh, oh, Dieu, qu'il est dr�le. Franck
�mile jouera pour la premi�re fois � Pleyel.
Fernand, de plus en plus agac� par le d�luge verbal d'Antoine, se
tourne vers Folace, qui met la main devant sa bouche pour masquer
son hilarit�.
ANTOINE DELAFOY
Corelli, Beethoven, Chopin, tout �a c'est tr�s d�pass�,
c'est tr�s con...
Fernand se tourne de nouveau vers Folace, qui, cette fois-ci, lui
fait un petit signe discret, et sort de la pi�ce.
ANTOINE DELAFOY
... mais avec Mills, �a peut devenir f�roce, tigresque.
Bref, tout le monde y sera.
Fernand repose son verre, tapote sur le genou d'Antoine, puis se
l�ve lentement.
MONSIEUR FERNAND
D'accord, d'accord, je sais que c'est la coutume d'emmener
l'oncle de province au cirque. Je vous remercie d'ailleurs
d'y avoir pens�, mais vous irez sans moi.
Il ouvre vivement la porte. Mais il ne sort pas tout de suite. Il
maintient la porte ouverte, tout en regardant longuement Patricia
MONSIEUR FERNAND
Moi demain � sept heures, je ne serais pas loin de
Montauban, quant � mademoiselle Patricia, elle, sera � ses
�tudes, nous sommes bien d'accord, Patricia ?
Patricia hoche la t�te.
PATRICIA
Oui, Tonton !
Fernand fait un petit signe de t�te � Antoine, qui s'est approch�
de la porte et le regarde avec les mains dans les poches. Fernand
sort de la pi�ce en refermant la porte derri�re lui.
Antoine reste un instant devant la porte ferm�e, puis il se tourne
vers Patricia en faisant une petite moue.
ANTOINE DELAFOY
Je crois que t'as raison, faut pas le brusquer.
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR JOUR
Les mains sur les hanches, pr�s de la porte qu'il vient de fermer,
Fernand regarde Folace et Pascal, qui vient certainement
d'arriver, car il a encore son imperm�able sur le dos.
MONSIEUR FERNAND
Qu'est-ce qui se passe encore ?
MAITRE FOLACE
Notre ami va se faire un plaisir de vous l'expliquer...
PASCAL
Les Volfoni ont organis�, � la p�niche, une petite r�union
des cadres, fa�on meeting si vous voyez ce que je veux
dire, enfin quoi, on parle dans votre dos.
MONSIEUR FERNAND
Et tu tiens �a d'o� ?
PASCAL
Je ne peux pas le dire, j'ai promis, ce serait mal.
Fernand fait un petit signe de t�te � Folace.
MONSIEUR FERNAND
Alors ?
MAITRE FOLACE
Eh bien, y a deux solutions : ou on se d�range... ou on
m�prise...
Il parle avec un petit sourire forc�. Il regarde Pascal, qui hoche
lentement la t�te. Son sourire s'efface.
MAITRE FOLACE
Oui, �videmment, n'importe comment, une tourn�e
d'inspection ne peut jamais nuire, bien s�r !
MONSIEUR FERNAND
Eh bien, on va y aller !
Il va pour ouvrir la porte du petit salon, mais Pascal l'en
emp�che.
PASCAL
Monsieur Fernand ?... Y a peut �tre une place pour moi dans
votre auto... Des fois que la r�union devienne houleuse ...
J'ai une pr�sence tranquillisante...
Il se frotte lentement les mains, avec un petit sourire entendu.
MANOIR DU MEXICAIN - SALLE A MANGER - INT�RIEUR JOUR
La salle � manger communique avec le petit salon par une grande
ouverture sans porte. On entend la porte du petit salon s'ouvrir.
Patricia est en tain d'allumer des bougies, et sans se retourner,
ELLE DEMANDE :
PATRICIA
Vous pr�f�rez le foie gras pour commencer ou pour finir ?
Fernand s'avance vers elle, suivi par Antoine.
MONSIEUR FERNAND
C'est � dire que je le pr�f�rerais demain, je suis oblig�
de sortir. Un conseil d'administration...
Antoine s'accroupit l�g�rement, les mains tordues par une surprise
un peu trop affect�e.
ANTOINE DELAFOY
Quoi ? Vous n'allez pas d�ner avec nous ? Moi qui venais de
dire � Jean de nous monter du champagne ?
Fernand se tourne vers Antoine, mais lui parle d'une voix tr�s
froide.
MONSIEUR FERNAND
Votre invitation me bouleverse ! Bon app�tit quand m�me !
Derri�re Antoine, on voit Fernand qui traverse le petit salon,
puis sort de la pi�ce. Antoine s'avance lentement vers la table,
ramasse quelque chose dessus et le mange. Puis il se penche pour
sentir le foie gras.
ANTOINE DELAFOY
C'est du bidon !
PATRICIA
S�rement pas. Il vient de Strasbourg, on le paie un prix
fou...
ANTOINE DELAFOY
Non, je parle du conseil d'administration de ton oncle. Si
tu veux mon avis, l'oncle des pampas va courir la gueuze.
PATRICIA
Tu crois ?
Antoine lui r�pond par une petit mimique tr�s explicite.
P�NICHE - SALLE DE JEU - INT�RIEUR NUIT
La salle principale de la p�niche sur laquelle les Volfoni ont
organis� une sorte de casino clandestin. Cette salle principale
est la salle de roulette. Au centre de la pi�ce, une grande table
avec, dessus, une roulette et le tapis correspondant. Sur le c�t�
de la pi�ce, un petit bar.
Raoul est debout en bout de table. Il semble tr�s en col�re.
RAOUL VOLFONI
Voil� quinze ans qu'on fait le trottoir pour le Mexicain,
j'ai pas l'intention de continuer � tapiner pour son
fant�me.
Il s'assoit. Assise � c�t� de lui, Madame Mado, la maquerelle
semble appr�cier moyennement les derni�res paroles de Raoul.
MME MADO
Le trottoir, le tapin, c'est dr�le, �a ? On croirait que tu
cherches le mot qui blesse ?
Paul, la cigarette au bec, debout, mais � moiti� avachi sur la
table, joue n�gligemment avec la roulette.
PAUL VOLFONI
C'est des images.
MME MADO
Les images, �a m'amusait quand j'�tais petite, j'ai pass�
l'�ge ! Je dis pas que Louis �tait toujours tr�s social,
non... il avait l'esprit de droite.
Assis � c�t� de Mado, Freddy joue n�gligemment avec les jetons,
qu'il lance sur le tapis. Aux derni�res paroles de Mado, il se
tourne vers Raoul, qui r�agit mollement.
RAOUL VOLFONI
Oh, dis... h� !
MME MADO
Quand tu parlais augmentation ou vacances, il sortait son
flingue avant que t'aies fini. Mais il nous a tout de m�me
apport� � tous la s�curit�.
Raoul tape sur la table et se l�ve d'un bond.
RAOUL VOLFONI
Ramasser les miettes, vous appelez �a la s�curit�, vous ?
Vous savez combien il nous a co�t� le Mexicain en quinze
ans ? Vous savez combien qu'il nous a co�t� ? Oh, dis leur,
Paul, moi je peux plus.
Il se rassoit, en proie � une �motion intense.
PAUL VOLFONI
A cinq cents sacs par mois, rien que de loyer, �a fait six
briques par an, quatre-vingt-dix briques en quinze ans.
RAOUL VOLFONI
Plus trente briques de moyenne par an sur le flambe. Vous
savez � combien on arrive ? Un demi milliard !
Il se tourne vers Tomate, assis � c�t� de lui en face de Mado.
RAOUL VOLFONI
Et toi, pareil pour la petite ferme.
Il s'emporte un peu.
RAOUL VOLFONI
Ben dis que c'est pas vrai !
Tomate s'amuse � empiler des jetons. Il reste tr�s calme.
TOMATE
J'ai rien dis !
Assis � c�t� de Tomate, Bastien, le porte-flingue des Volfoni,
puis � c�t� de lui, Paul, toujours avachi sur la table et occup� �
jouer avec la roulette.
RAOUL VOLFONI
Ben moi, je dis que je l�cherais plus une tune ! Et je vous
invite � tous en faire autant.
A c�t� de Freddy, l'ami de Th�o fume une cigarette, et � c�t� de
lui, Th�o fume un cigare. Th�o est donc assis de l'autre c�t� de
la roulette, en face de Paul. Il parle calmement avec son l�ger
accent allemand.
TH�O
Vous invitez, vous invitez... C'est tr�s aimable, mais il y
a des invitations...
RAOUL VOLFONI
Qu'est ce qui te g�ne, toi ?
Th�o se tourne pour regarder Raoul droit dans les yeux.
TH�O
Le climat... trois morts depuis hier, si �a doit tomber
comme � Stalingrad... Une fois �a suffit. J'aime autant
garder mes distances.
Raoul se l�ve. Il s'emporte progressivement au fur et � mesure
qu'il parle.
RAOUL VOLFONI
Dis donc, t'essaierais pas de nous faire porter le chapeau
des fois ? Faut le dire tout de suite, hein ? Il faut
dire : � Monsieur Raoul, vous avez but� Henri, vous avez
but� les deux autres mecs. Vous avez peut �tre aussi but�
le Mexicain, puis aussi l'archiduc d'Autriche �...
P�NICHE - PONT - EXT�RIEUR NUIT
Sur un ponton, b�ti sur la rive � c�t� de la p�niche, on
distingue, dans un halo de lumi�re au milieu de la p�nombre
ambiante, Pascal et � c�t� de lui Folace, une sacoche � la main.
PASCAL
H� ! L�o, c'est moi, Pascal.
Il agite le bras. On entend une voix qui r�pond.
LEO (voix off)
J'arrive... Qui est avec toi ?
L�o, habill� en marinier, marche sur le toit de la p�niche, venant
de la cabine de conduite.
PASCAL (voix off)
Je suis avec le notaire.
Fernand grimpe sur une �chelle qui part de la rive, en contrebas
du ponton, pour atteindre le pont de la p�niche.
L�o, qui vient d'apercevoir Fernand, ramasse une grosse cl�
anglaise par terre.
LEO
Tu me dis que vous �tes deux, vous �tes trois...
PASCAL
J'annonce les employ�s, pas le patron...
LEO
Possible, mais j'attends un ordre de Monsieur Raoul.
L�o regarde, avec un visage peu aimable, Fernand s'avancer vers
lui. Fernand, sans pr�venir, lui balance un violent coup de poing
dans le menton.
L�o recule sous le coup et bascule dans l'eau
Fernand se l�che un peu la main qui vient de frapper L�o. Derri�re
lui, Folace et Pascal grimpe � leur tour sur le pont par
l'�chelle. Folace, portant imperm�able noir et chapeau de feutre,
regarde L�o, que l'on entend barboter et g�mir dans l'eau.
MAITRE FOLACE
C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des
phrases...
Pascal leur fait signe de le suivre vers l'entr�e de la p�niche.
PASCAL
Allons !
Fernand pousse Folace devant lui.
P�NICHE - SALLE DE JEU - INT�RIEUR NUIT
Les personnes pr�sentes n'ont pas chang� de position. La salle est
juste un peu plus enfum�e. Raoul est debout en train de
� haranguer ses troupes �.
RAOUL VOLFONI
Si vous marchez tous avec moi, qu'est-ce qu'il fera votre
Fernand ?... Un proc�s ?
On frappe � la porte. Bastien se l�ve pour aller ouvrir la porte.
Mais, d'un geste, Raoul l'arr�te, et fait signe � Freddy d'aller
ouvrir. Freddy se l�ve et se dirige vers la porte. Il d�bloque le
verrou et ouvre la porte.
Fernand lui ass�ne un violent coup de poing dans le menton. Freddy
part � reculons et s'�croule contre le mur.
Fernand entre, imm�diatement suivi de Pascal, qui a un pistolet
dans chaque main.
Bastien, qui �tait rest� debout, glisse la main sous sa veste pour
prendre son arme.
RAOUL VOLFONI
Laisse.
Folace entre le dernier, et enl�ve son chapeau. Il salue
courtoisement les personnes pr�sentes.
MAITRE FOLACE
Bonsoir messieurs ! Madame !
Fernand s'avance dans la pi�ce.
RAOUL VOLFONI
Je croyais pas t'avoir invit�...
MONSIEUR FERNAND
Mais t'avais pas � le faire, je suis chez moi.
Il marche lentement vers Raoul.
MONSIEUR FERNAND
Qu'est ce que t'organises ? Un concile ?
Bastien cherche � s'interposer. Fernand le repousse.
MONSIEUR FERNAND
Tu permets ?
Bastien glisse la main sous sa veste, mais, d'un signe, Raoul lui
enjoint de rester calme.
RAOUL VOLFONI
Je les avais r�unis pour d�cider ce qu'on faisait pour le
Mexicain, rapport aux obs�ques.
Fernand enl�ve son manteau et le donne � Bastien, qui le laisse
tomber par terre.
Lentement, Fernand contourne la table de jeu.
MONSIEUR FERNAND
Si c'est des obs�ques du Mexicain dont tu veux parler,
c'est moi que �a regarde, maintenant si c'est celle
d'Henri...
Il est arriv� derri�re la chaise de Raoul, dont il tient le
dossier � deux mains.
MONSIEUR FERNAND
... tu pourrais peut-�tre les prendre � ta charge.
Fernand s'assoit sur la chaise de Raoul.
RAOUL VOLFONI
Non, �a va pas recommencer, je vais pas encore endosser le
massacre.
D'un claquement de doigt, Fernand donne l'ordre � Tomate de se
lever. Ce dernier, la pipe au bec, s'ex�cute.
MONSIEUR FERNAND
On parlera de �a un peu plus tard.
Folace s'installe sur la chaise de Tomate, ouvre sa sacoche, et en
sort des dossiers.
MONSIEUR FERNAND
Pour l'instant on a d'autres petits probl�mes � r�gler,
figure-toi. Priorit�s aux affaires. Je commence par le
commencement.
Il prend l'un des dossiers que Folace vient de d�poser sur la
table.
MONSIEUR FERNAND
Honneur aux dames. Madame Mado je pr�sume ?
MME MADO
Elle-m�me.
Fernand feuill�te le dossier de Mado.
MONSIEUR FERNAND
Ch�re madame, Ma�tre Folace m'a fait part de quelques...
Pffff... quelques embarras dans votre gestion, momentan�s
j'esp�re. Souhaiteriez-vous nous fournir quelques
explications ?
Il sort un paquet de cigarettes de sa poche. Mado r�pond en fumant
une cigarette plant�e dans un long fume-cigarette.
MME MADO
Les explications, Monsieur Fernand, y en a deux :
r�cession et manque de main d'oeuvre. Ce n'est pas que la
client�le boude, c'est qu'elle a l'esprit ailleurs. Le
furtif, par exemple, a compl�tement disparu.
Freddy se rel�ve lentement et rejoint son si�ge � c�t� de Mado. Il
se masse le menton et a l'air un peu sonn�.
MONSIEUR FERNAND
Le furtif ?
MME MADO
Le client qui vient en voisin... Bonjour mesdemoiselles, au
revoir madame. Au lieu de descendre maintenant apr�s d�ner,
il reste devant sa t�l�, pour voir si par hasard il ne
serait pas un peu l'homme du vingti�me si�cle.
(NOTE : � L'homme du Vingti�me Si�cle � �tait un jeu t�l�vis�,
tr�s c�l�bre � l'�poque du film, puisque diffus� sur la seule et
unique cha�ne de t�l�vision qui existait alors. Il avait d�but� en
1961 et s'est termin� en 1964.)
Fernand allume une cigarette, et l'�coute patiemment.
MME MADO
Et l'affectueux du dimanche... disparu aussi. Pourquoi ?
Pouvez-vous me le dire ?
MONSIEUR FERNAND
Encore la t�l� ?
MME MADO
L'auto, Monsieur Fernand ! L'auto !
MONSIEUR FERNAND
Ah !...
Folace taille tranquillement son crayon.
MONSIEUR FERNAND
Mais dites moi, vous parliez de p�nurie de main d'oeuvre
tout � l'heure...
MME MADO
Alors l�, Monsieur Fernand, c'est un d�sastre ! Une bonne
pensionnaire, �a devient plus rare qu'une femme de m�nage.
Ces dames s'exportent, le mirage africain nous fait un tort
terrible. Et si �a continue, elles iront � Tombouctou � la
nage.
MONSIEUR FERNAND
Bien, je vous remercie, Madame Mado, on recausera de tout
�a...
A c�t� de Mado, Freddy a l'air pr�t � s'endormir sur sa chaise.
Mado se l�ve et s'�loigne.
Fernand referme le dossier de Mado. Il prend un autre dossier, et
regarde Folace.
MONSIEUR FERNAND
Qui est-ce, le mec du jus de pomme ?
Folace, de la pointe de son crayon, lui indique Th�o.
Freddy est maintenant �croul� sur la table.
TH�O
Ce doit �tre de moi dont vous voulez parler !
MONSIEUR FERNAND
Dis moi, dans ta branche, �a va pas tr�s fort non plus,
hein ! Pourtant du pastis vrai ou faux, on en boit encore ?
Th�o ricane et prend un autre cigare dans la bo�te pos�e � c�t� de
lui.
TH�O
Moins qu'avant... La jeunesse fran�aise boit des eaux
p�tillantes, et les anciens combattants, des eaux de
r�gime.
Fernand regarde Folace, qui sourit.
TH�O
Puis surtout il y a le whisky.
MONSIEUR FERNAND
Et alors ?
TH�O
C'est le drame �a, le whisky...
P�NICHE - ANTICHAMBRE DE LA SALLE DE JEU - INT�RIEUR NUIT
Pascal et Bastien se sont install�s, assis c�te � c�te, dans
l'antichambre de la salle de jeu. Pascal a toujours un pistolet �
la main, et surveille ce qu'il se passe dans la salle, par la
porte ouverte. Bastien regarde le pistolet de Pascal et �met un
petit sifflement.
BASTIEN
Dis donc, je le connais pas, celui-l�. Il est nouveau ?
PASCAL
C'est le petit dernier de chez Beretta. Je te le conseille
pour le combat de pr�s, et puis pour les coups � travers la
poche, ou le m�tro ou l'autobus.
TH�O (voix off)
Le whisky...
PASCAL
Mais note, hein ? Faut en avoir l'usage, sans �a, au prix
actuel, on l'amortit pas.
BASTIEN
Le prix s'oublie, la qualit� reste, c'est pas l'arme de
tout le monde, �a ! T'as eu �a par qui ?
PASCAL
Par l'oncle Antonio.
BASTIEN
Le fr�re de Berthe ?
PASCAL
Oui.
Bastien semble songeur. Pascal se penche pour suivre ce qui se
passe dans la salle de jeu.
P�NICHE - SALLE DE JEU - INT�RIEUR NUIT
TH�O
Tout �a pour vous faire comprendre, Monsieur Fernand, que
le pastis perd de l'adh�rent chaque jour. Le client devient
dur � suivre.
Mado apporte une th�i�re et une tasse sur la table. Freddy dort
toujours sur le tapis de jeu.
Fernand a l'air un peu fatigu� par la longue tirade de Th�o sur le
whisky. Il repose lourdement sa t�te sur sa main.
MONSIEUR FERNAND
Oh tu sais, c'est un petit peu dans tous les domaines
pareil, moi si je te parlais motoculture...
Il s'arr�te net, et referme le dossier de Th�o.
MONSIEUR FERNAND
Ouais enfin !
Mado donne une tasse de th� � Fernand.
MME MADO
J'esp�re qu'il est encore chaud.
MONSIEUR FERNAND
Merci.
Fernand �crase sa cigarette pour boire son th�.
MONSIEUR FERNAND
Bien... et maintenant � nous...
Il regarde Raoul, qui se tient debout derri�re Folace, la
cigarette au bec. A c�t� de lui, Tomate a pris la place laiss�
vacante par Bastien. Paul s'est assis � c�t� de Tomate.
MONSIEUR FERNAND
Dans votre secteur, pas de probl�me, le jeu a jamais aussi
bien march�.
RAOUL VOLFONI
Que tu dis !
MONSIEUR FERNAND
Ce qui vous chagrine, c'est la comptabilit�. Vous �tes des
hommes d'action, je vous ai compris, et je vous ai arrang�
votre coup.
RAOUL VOLFONI
T'arranges, t'arranges, et si on �tait pas d'accord ?
MONSIEUR FERNAND
Tu vas voir que c'est pas possible, j'ai adopt� le syst�me
le plus simple.
Il prend le document que lui tend Folace.
MONSIEUR FERNAND
Tiens, regarde ! On prend les chiffres de l'ann�e derni�re,
et on les reporte.
Paul tend la main vers la roulette pour jouer avec. Raoul lui
donne une claque sur le bras.
RAOUL VOLFONI
Arr�te, toi !
Tomate, toujours sa pipe au bec, regarde Fernand.
TOMATE
L'ann�e derni�re, on a battu des records !
MONSIEUR FERNAND
Et bien, ben vous les �galerez cette ann�e ! Vous avez
l'air en pleine forme, l� ? Gais, entreprenants,
dynamiques...
Il boit son th�.
RAOUL VOLFONI
Et en plus, il nous charrie, c'est complet.
MONSIEUR FERNAND
Pascal !
Pascal entre dans la salle.
PASCAL
Oui, Monsieur Fernand.
MONSIEUR FERNAND
Tu passeras � l'encaissement chez ces messieurs sous
huitaine.
Raoul se tourne vers Pascal.
RAOUL VOLFONI
C'est �a, puis si on paye pas, tu nous butes ?
Pascal hausse les �paules.
PASCAL
H�, monsieur Raoul...
Fernand repose sa tasse.
MONSIEUR FERNAND
Bien, messieurs, il ne me reste plus qu'� vous remercier de
votre attention...
Il remet les documents dans les dossiers, qu'il donne � Folace. Il
regarde tout le monde et se l�ve.
MONSIEUR FERNAND
Madame...
Il s'incline l�g�rement devant Mado. Folace range les dossiers
dans sa sacoche. Fernand r�cup�re son manteau et passe devant
Raoul, suivi de Folace, qui remet son chapeau en place sur sa
t�te. Tomate fait tranquillement une r�ussite.
RAOUL VOLFONI
Bastien ! Accompagne ces messieurs !
Pascal, suivi de Fernand et de Folace quittent la pi�ce. Bastien
sort derri�re eux, et referme la porte derri�re lui.
Mado, tout en fumant son long fume-cigarette, regarde Raoul d'un
air narquois.
MME MADO
Toi, Raoul Volfoni, on peut dire que tu en es un ?
RAOUL VOLFONI
Un quoi ?
MME MADO
Un vrai chef.
Raoul ne semble pas appr�cier l'insulte sous-jacente dans les
propos de Mado. Il la foudroie du regard.
RAOUL VOLFONI
Mais y conna�t pas Raoul, ce mec ? Y va avoir un r�veil
p�nible. J'ai voulu �tre diplomate � cause de vous tous,
�viter que le sang coule, mais maintenant c'est fini. Je
vais le travailler en f�rocit�, le faire marcher � coup de
lattes ! A ma pogne, je veux le voir ! Et je vous promets
qu'il demandera pardon et au garde � vous...
On frappe � la porte. Raoul se pr�cipite, � grandes enjamb�es vers
la porte, qu'il ouvre d'un geste vif. Il prend le poing de Fernand
en pleine figure, et va s'�crouler sur le mur d'en face.
Fernand, dans l'encadrement de la porte, se masse l�g�rement la
main. Pascal, derri�re lui, porte son manteau.
MONSIEUR FERNAND
J'avais oubli� : les dix pour cent d'amende... pour le
retard.
Il jette un regard froid dans la pi�ce, puis se dirige rapidement
vers Pascal, qui lui donne son manteau. Ils s'�loignent tous les
deux.
Raoul est assis par terre, appuy� sur le mur.
RAOUL VOLFONI
Il a os� me frapper. Il se rend pas compte.
Th�o tourne vaguement la t�te vers lui, et se remet tranquillement
� t�ter son cigare, pendant que Raoul se masse le menton.
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT
Jean ouvre la porte d'entr�e. Fernand entre, suivi de Folace. On
entend de la musique classique en fond sonore. Folace �te son
chapeau et aborde Jean en souriant.
MAITRE FOLACE
Cette petite f�te m'a rajeuni de vingt ans. Monsieur Naudin
a quelque peu bouscul� Monsieur Volfoni senior.
Jean a pris la sacoche de Folace, puis il prend les manteaux des
deux hommes.
JEAN
Mes compliments, monsieur.
Fernand tend le doigt vers l'endroit d'o� provient la musique.
MONSIEUR FERNAND
Qu'est ce que c'est encore que �a ?
Jean sourit et �carte les bras en signe d'impuissance.
JEAN
Ohhh !...
MANOIR DU MEXICAIN - PETIT SALON - INT�RIEUR NUIT
Fernand entre dans la pi�ce, qui baigne dans une semi-p�nombre. La
musique devient plus pr�sente. En constatant ce qu'il se passe
dans la pi�ce, Fernand se met les mains sur les hanches.
On voit le dos du canap�, qui a �t� tir� devant la chemin�e, o�
flambe un feu de bois. Au moment o� Fernand allume la lumi�re,
Patricia et Antoine se rel�vent du canap�, sur lequel ils �taient
allong�s. Antoine semble agac� par l'intrusion de Fernand.
ANTOINE DELAFOY
Oh non, au moment o� la petite fl�te allait r�pondre au
cor, vous �tes odieux !
PATRICIA
C'est vrai, Tonton, ces choses-l� ne se font pas.
MONSIEUR FERNAND
Ah, Patricia, je t'en prie, hein ?
A c�t� de la chemin�e, un �lectrophone est pos�e sur une table de
marbre. Un disque est en train de tourner dessus.
PATRICIA
Qu'est ce qui vous arrive, mon oncle ? Vous avez �t�
contrari� dans vos affaires ?
Fernand se dirige vers l'�lectrophone, et rel�ve le bras du
tourne-disque.
MONSIEUR FERNAND
Oh, � peine.
Fernand se tourne vers Antoine, les mains crois�es derri�re le
dos. On sent sa col�re contenue. Il regarde furtivement les pieds
du jeune homme.
MONSIEUR FERNAND
Si �a ne vous fait rien, Monsieur Delafoy, j'aimerais bien
avoir une petite explication. Mais remettez d'abord vos
chaussures, vous �tes ridicule.
ANTOINE DELAFOY
Qu'est ce que vous voulez que je vous explique, cher
monsieur ?
Patricia allume une cigarette sur l'une des bougies allum�es.
MONSIEUR FERNAND
Tout �a, lumi�re tamis�e, musique douce, et vos godasses
sur les fauteuils, Louis XVI en plus !
ANTOINE DELAFOY
La confusion peut encore s'expliquer, mais les termes sont
inad�quats.
Antoine va r�cup�rer ses chaussures pos�es sur un petit
fauteuil... de style Louis XV !
MONSIEUR FERNAND
Ah, parce que c'est peut �tre pas du Louis XVI ?
ANTOINE DELAFOY
Euh non ! C'est du Louis XV. Remarquez, vous n'�tes pas
tomb� loin, mais surtout les sonates de Corelli ne sont pas
de la musique douce.
Il s'assoit sur le fauteuil pour remettre ses chaussures.
MONSIEUR FERNAND
Oui, ben pour moi, c'en est. Et je suis chez moi !
Il a hauss� le ton sur la derni�re phrase.
Antoine pointe le doigt vers lui.
ANTOINE DELAFOY
Ah, j'aime �a, la th�se est os�e, mais comme toutes les
th�ses, parfaitement d�fendable.
Il se l�ve de son fauteuil, et s'avance vers Fernand, semblant
tout � fait � son aise, malgr� la situation.
ANTOINE DELAFOY
Nous allons donc, si vous le voulez bien, discuter de la
musique par rapport au local, de l'�lixir et du flacon, du
contenu et du contenant.
Il termine sa phrase en bafouillant un peu, car Fernand vient de
lui jeter un regard on ne peut moins aimable. Fernand se masse le
visage, pour tacher de rester calme, et se dirige vers Patricia.
Il plaque ses deux mains sur la chemin�e.
MONSIEUR FERNAND
Patricia, mon petit... je ne voudrais pas te para�tre vieux
jeu, ni encore moins grossier. L'homme de la pampa, parfois
rude, reste toujours courtois, mais la v�rit� m'oblige � te
le dire : ton Antoine commence � me les briser menu !
ANTOINE DELAFOY
Si nous parlions de moi pendant que vous d�nerez ?
Fernand ne le regarde m�me pas et s'adresse � Patricia.
MONSIEUR FERNAND
Bon, toi, tu vas monter dans ta chambre !
Il lui arrache sa cigarette des mains et la pousse vers la porte.
PATRICIA
Bonne nuit, Antoine.
Fernand �jecte Patricia dans le vestibule, dont la porte est
rest�e ouverte. Patricia ne demande pas son reste et s'�loigne en
courant. Fernand revient vers Antoine d'un pas d�cid�.
MONSIEUR FERNAND
Et quant � vous, brillant jeune homme...
Il l'attrape par le bras et le pousse vers la sortie. Antoine a
juste le temps de ramasser son veston sur un fauteuil.
ANTOINE DELAFOY
Ne vous donnez pas la peine, je connais le chemin...
MONSIEUR FERNAND
Justement, faudrait voir � l'oublier, hein !
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT
ANTOINE DELAFOY
Ce n'est pas du tout gentil, Oncle Fernand.
Il est maintenant devant la porte d'entr�e, que Fernand ouvre pour
lui.
MONSIEUR FERNAND
Monsieur Fernand, s'il vous pla�t. Aller hop !
Fernand le pousse dehors, mais Antoine r�siste.
ANTOINE DELAFOY
Soit, les mani�res y gagneront ce que l'affection y perdra.
MONSIEUR FERNAND
Et bien, c'est �a. Pensez donc � moi.
Il claque la porte, se retourne et s'arr�te net, levant les yeux
vers l'escalier.
Patricia a observ� la sc�ne, debout sur la quatri�me ou cinqui�me
marche de l'escalier.
PATRICIA
Vous m'avez terriblement d��ue, vous n'avez pas �t� gentil
avec Antoine.
MONSIEUR FERNAND
Oui, et bien, j'ai fait ce qu'aurait fait ton p�re, figure-
toi. Il a jamais pu supporter les voyous, l�.
PATRICIA
Antoine, un voyou ? Antoine est un grand compositeur, il a
du g�nie.
MONSIEUR FERNAND
Et bien, les g�nies se baladent pas pieds nus, figure-toi !
Hein ?
PATRICIA
Et Sagan ?
Fernand ne sait visiblement quoi r�pondre � cette derni�re
r�plique. Peut-�tre d'ailleurs qu'il ne sait pas qui est Fran�oise
Sagan.
Patricia le regarde en ricanant, et se remet en marche dans
l'escalier, apr�s lui avoir tir� la langue.
Fondu encha�n�.
MANOIR DU MEXICAIN - SALLE A MANGER - INT�RIEUR JOUR
Un peu plus tard.
Fernand, en chemise, et la cravate un peu d�nou�e, est en train de
manger une cuisse de poulet, qu'il tient dans sa main. En fond
sonore, et assez fort, on entend la musique qu'�coutaient Antoine
et Patricia. La pochette du disque est appuy� sur la corbeille qui
contient la bouteille de vin. Sur cette pochette, on peut lire
� Corelli �. Fernand l�ve des yeux l�g�rement inquiet vers la
porte-fen�tre.
Derri�re le rideau, on peut apercevoir deux silhouettes qui
bougent.
Fernand plisse les yeux, en essayant de comprendre ce qui se
passe.
La porte-fen�tre s'ouvre, et Pascal entre dans la pi�ce.
PASCAL
Bonsoir !
Il est suivi par Bastien, qui fait un sourire et un petit signe de
t�te � Fernand. Puis il referme la fen�tre, et tire le rideau.
MONSIEUR FERNAND
Qu'est-ce qui vous prend ? Vous �tes louf, non ? Qu'est-ce
que c'est que ces fa�ons d'arriver en pleine nuit par le
jardin ?
PASCAL
On ne voulait pas sonner � cette heure-l�, r�veiller toute
la maison. Si la demoiselle se posait des questions. A cet
�ge-l�, on imagine.
BASTIEN
Et puis, on avait � vous parler.
Fernand d�visage Bastien.
MONSIEUR FERNAND
Vous, je vous ai d�j� vu quelque part...
BASTIEN
Tout � l'heure, chez les Volfoni. J'�tais de l'autre c�t�.
MONSIEUR FERNAND
Bon, ben asseyez-vous, je suis en train de becter.
Il glisse la pochette du disque entre son dos et le dossier de la
chaise.
PASCAL
Alors l�, on est vraiment confus !
Les deux hommes prennent chacun une chaise et les installent
autour de la table devant Fernand. Bastien s'assoit, mais Pascal
reste debout.
PASCAL
Voil�, si on est venu � deux, y a une raison ! Bastien,
c'est le fils de la soeur de mon p�re, comme qui dirait un
cousin direct... Vous saisissez la complication, Monsieur
Fernand.
MONSIEUR FERNAND
Non, pas encore !
Pascal s'assoit.
BASTIEN
Ah, forc�ment, t'as pas donn� � Monsieur Fernand mes
R�F�RENCES
Il se l�ve et prend un air solennel.
BASTIEN
Premi�re g�chette chez Volfoni, cinq ans de labeur, de nuit
comme de jour, et sans un accroc.
Pascal, de la main, rassoit Bastien sur sa chaise.
PASCAL
Vous la voyez ce coup-l�, l'embrouille ? Dans le monde des
caves, on appelle �a un cas de conscience, nous on dit : un
point d'honneur. Entre vous et les Volfoni, il va faire
vilain temps. En supposant que �a tourne � l'orage, Bastien
et moi, on est s�r de se retrouver face � face, flingue en
pogne, avec l'honn�tet� qui commande de tirer. Ah non, un
truc � d�cimer une famille.
Ils hochent la t�te tous les deux.
MONSIEUR FERNAND
Ouais, je vois...
Il prend une bouteille de champagne dans un seau.
MONSIEUR FERNAND
Vous voulez boire un coup ?
BASTIEN
Non, non, merci, jamais entre les repas.
PASCAL
Moi non plus, chez nous c'est la r�gle : sant�, sobri�t�.
BASTIEN
On en a trop vu qui se sont g�t� la main aux alcools.
MONSIEUR FERNAND
Je peux rien vous reprocher, les histoires de famille, �a,
c'est comme une croyance, �a force le respect. Bon, alors,
qu'est ce que vous proposez ?
PASCAL
Bastien a donn� sa d�mission � Monsieur Raoul.
Fernand boit le verre de champagne qu'il vient de se servir.
MONSIEUR FERNAND
La tienne va suivre ?
PASCAL
Je peux pas faire moins, Monsieur Fernand, faut comprendre.
MONSIEUR FERNAND
Je comprends.
Fernand reste pensif, et on suit sa pens�e en voix off.
MONSIEUR FERNAND (voix off)
Ouais, quand la protection de l'enfance co�ncide avec la
crise du personnel, faut plus comprendre, faut prier !
Fondu au noir.
MANOIR DU MEXICAIN - PETIT SALON - INT�RIEUR JOUR
Fernand, en costume gris, est en train de lire une dissertation
r�dig�e par Patricia, assis dans un confortable fauteuil.
MONSIEUR FERNAND
� Et si la vieille d�finition n'avait pas tant servie �
propos de Racine et de Corneille, nous dirions que Bossuet
a peint Dieu tel qu'il devrait �tre et que Pascal l'a peint
tel qu'il est �... Et ben, dis donc.
Il retourne la copie, et regarde la note.
MONSIEUR FERNAND
Comment ? Ils t'ont donn� que seize sur vingt ?
Il se l�ve.
MONSIEUR FERNAND
Ben, permet moi de te dire qu'ils y vont un peu fort, hein,
parce que moi, l�, je t'aurais donn� plus.
PATRICIA
Vous �tes tr�s gentil, mon oncle...
MONSIEUR FERNAND
Non, Patricia, mon enfant, mercredi dernier, quand je suis
arriv�, nous d�rivions et le navire faisait eau de toute
part...
En parlant, Fernand s'est approch� d'une glace accroch� au mur, et
dans laquelle on voit Jean entrer dans la pi�ce.
JEAN
Un Monsieur, au t�l�phone, un appel de Montauban.
L'interlocuteur me semble... comment dirais-je ?... un peu
rustique, le genre agricole.
Fernand sort de la pi�ce.
MANOIR DU MEXICAIN - UN AUTRE SALON - INT�RIEUR JOUR
Fernand prend le combin� t�l�phonique et le porte � son oreille.
Un grand panneau vitr�, ins�r� dans le mur, s�pare le petit salon
du salon o� se trouve le t�l�phone, ce qui permet de voir
Patricia, qui �coute avec attention ce que dit son � oncle
Fernand �.
MONSIEUR FERNAND
Allo oui ?... Oui, c'est moi... �a va, �a va... Alors ?...
Hein ?... Oui... Oui... Oui, ben, si je suis pas rentr�
vendredi, c'est que j'ai pas pu... Et ben, je ne sais pas,
moi... huit jours, peut �tre quinze...
MANOIR DU MEXICAIN - PETIT SALON - INT�RIEUR JOUR
Patricia suit toujours la conversation t�l�phonique de Fernand,
pendant que Jean lit la dissertation de la jeune fille.
MONSIEUR FERNAND
Et ben, y a qu'� faire le n�cessaire... Enfin, c'est quand
m�me formidable, qu'on dirait qu'� chaque fois que je
m'absente, c'est toujours pareil, faut toujours qu'y ait
des histoires... et ben, d�merdez vous...
Il raccroche d'un geste rageur, et s'�loigne du t�l�phone.
JEAN
� Et Pascal l'a peint tel qu'il est �... Eh ben, moi,
j'aurais donn� � mademoiselle vingt sur vingt, et en cotant
vache.
Patricia lui fait un beau sourire.
PATRICIA
Vous �tes gentil.
MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR JOUR
Folace et Fernand discutent. Folace semble un peu �nerv�.
MAITRE FOLACE
Vous savez combien il reste au compte courant ? Soixante
milles, six briques...
MONSIEUR FERNAND
Ben qu'est ce que �a veut dire ? Y aurait du coulage ?
MAITRE FOLACE
Du coulage, oh, c'est bien plus simple... Y a que l'argent
qui devait rentrer sous huitaine, n'est toujours pas
rentr�.
Le t�l�phone sonne. Folace fait le tour de la vitrine
napol�onienne pour aller r�pondre.
MAITRE FOLACE
Y a que l'�ducation de la princesse, cheval, musique,
peinture, etc... atteint un budget � �lys�en �. Et y a que
vos d�penses somptuaires ont presque des allures
africaines.
Il d�croche le t�l�phone.
MAITRE FOLACE
All� oui ?... Oui... oui... Il est l�. Une seconde.
MONSIEUR FERNAND
Qui est-ce ?
MAITRE FOLACE
Justement... Raoul Volfoni.
Il tend le combin� � Fernand.
MONSIEUR FERNAND
Ah, tout de m�me !...
Fernand sourit en mettant le combin� � son oreille. Folace
l'�coute en prenant une cigarette dans un paquet dans sa poche.
MONSIEUR FERNAND
All� ?... alors on a enfin compris... on casque !
P�NICHE - BUREAU - INT�RIEUR NUIT
Raoul, assis sur le bureau, en costume ray�, est en train de
parler au t�l�phone.
RAOUL VOLFONI
Oh ben, tu fais de l'obsession, t'es la proie des id�es
fixes. Je te t�l�phonais seulement pour t'avertir qu'� la
distillerie, y sont en plein baccara, tu devrais t'en
occuper, c'est ton r�le, grand chef.
Paul, assis derri�re le bureau, �coute la conversation gr�ce �
l'�couteur de courtoisie du t�l�phone.
MONSIEUR FERNAND (voix off au t�l�phone)
Mais de quoi tu t'occupes ?
RAOUL VOLFONI
Tu vois comme t'es injuste, on cherche � t'obliger, t'es
encore pas satisfait.
DISTILLERIE - PREMIER �TAGE - INT�RIEUR JOUR
Tomate, Th�o, son ami et Freddy sont install�s dans une sorte de
salon am�nag� au premier �tage de la distillerie, avec des meubles
anciens un peu disparates et mal assortis. Tomate, Th�o et Freddy
sont assis dans des fauteuils, et l'ami de Th�o sur les marches de
l'escalier. Freddy est en train de lire un roman.
TOMATE
Tu crois que Raoul sera tomb� dans le pi�ge ?
TH�O
Il n'aura pas r�sist� � la joie d'annoncer une mauvaise
nouvelle � l'autre imb�cile.
TOMATE
C'est �tonnant que le butor n'ait pas d�j� t�l�phon�.
TH�O
Y a des impulsifs qui t�l�phonent, y en a d'autres qui se
d�placent...
Bruit de klaxon insistant. L'ami de Th�o sursaute. Th�o, lui,
reste calme.
TH�O
... et voil� !
Il se l�ve.
TOMATE
Et c'est Volfoni qui portera le chapeau.
TH�O
T'es rassur� ?
TOMATE
Ouais.
TH�O
En voil� un qui est pratiquement sorti du bagne.
Il r�cup�re un pistolet, l'arme, puis le glisse dans la poche
int�rieure de sa veste.
TH�O
Maintenant, ce n'est plus qu'une affaire de patience. Dans
un mois, les Volfoni...
Il fait, avec son pouce, le geste que les empereurs romains
faisaient pour signifier la mise � mort d'un gladiateur.
TH�O
... et les affaires du Mexicain, �a deviendra Th�o, Tomate
et Cie.
Il claque des doigts. Son ami s'approche. Th�o ramasse un cendrier
sur une table.
TH�O
Planque �a, des m�gots � la pommade rose, l'homme de Cro-
Magnon pourrait trouver �a bizarre.
Nouvel appel de klaxon, encore plus insistant que le premier. Th�o
allume sa cigarette sur une bougie.
TH�O
Voil�, voil�, on arrive.
Il regarde Tomate.
TH�O
Allez, dans cinq minutes... vous filez.
Th�o sort du � salon �. Le reste du premier �tage est totalement
d�sert, bien que ce soit un local tr�s vaste, sans aucune cloison.
Th�o le traverse d'un pas rapide.
Nouvel appel de klaxon.
Th�o descend un petit escalier qui m�ne au rez-de-chauss�e.
DISTILLERIE - REZ DE CHAUSS�E - INT�RIEUR JOUR
Fernand, en costume gris, venant de l'ext�rieur, entre dans une
sorte de hangar dans lequel sont empil�s, dans un savant d�sordre,
des centaines de bouteilles vides.
MONSIEUR FERNAND
Alors �a vient, oui ?
Une voix vient du haut de l'escalier. Fernand l�ve la t�te.
TH�O (voix off)
Voil�, j'arrive...
Il arrive en bas de l'escalier et regarde Fernand avec surprise.
TH�O
Vous, Monsieur Fernand ?
MONSIEUR FERNAND
Ben quoi ? �a a l'air de t'�pater ?
TH�O
Raoul Volfoni est ridicule ! Je lui avais demand� de
m'envoyer un chauffeur, pas de vous d�ranger.
Fernand regarde, avec int�r�t, le bric-�-brac qui l'entoure.
Tr�nant au milieu des bouteilles vides, empil�es sur des �tag�res,
ou rang�es dans des casiers, est install� un imposant alambique en
m�tal poli.
MONSIEUR FERNAND
Bon, de toutes fa�ons, maintenant, je suis l�. Dis donc...
entre parenth�ses, c'est pas commode � trouver ton coin,
l�, �a fait une plombe que je tourne autour !
TH�O
La police tourne autour depuis dix ans, elle a jamais
trouv�. C'est pour �a que je regretterais cet endroit.
MONSIEUR FERNAND
Et pourquoi tu dis �a ?
TH�O
Par euh... d�senchantement. Vous n'�tes jamais en proie au
vague � l'�me, Monsieur Fernand ?
MONSIEUR FERNAND
Ma foi, j'en abuse pas, non.
TH�O
Vous n'avez peut-�tre pas les m�mes raisons. Vous avez
gagn� la guerre... vous.
MONSIEUR FERNAND
Bon, d'accord, j'ai gagn� la guerre, mais si je me suis
d�rang� expr�s, c'est pas pour d�filer, hein ? Alors, o�
est-ce que tu veux en venir ? Qu'est ce qui se passe ?
TH�O
Et bien, voil� ce qui s'est pass�.
Il d�signe quelque chose de la pointe de son cigare. Fernand
regarde dans la direction qu'il indique.
TH�O
Un chargement tout pr�t. Six millions de pastis. Un client
qui attend tout �a entre onze heures et minuit �
Fontainebleau.
Ils sortent du b�timent.
DISTILLERIE - COUR - EXT�RIEUR JOUR
TH�O
Et bien, nous les livrons pas.
MONSIEUR FERNAND
Pourquoi, qu'est ce qui te g�ne ?
TH�O
Notre dernier chauffeur est parti hier pour le Sahara, dans
le p�trole, � cause des primes, des zones et des assurances
sociales... le go�t de lucre, l'esprit nouveau.
Fernand inspecte le camion charg� de casiers � bouteille.
MONSIEUR FERNAND
Un chauffeur, �a se remplace, non ?
TH�O
Monsieur Fernand, le transport clandestin ne r�clame pas
seulement des comp�tences, mais de l'honn�tet�.
Il rejoint Fernand pr�s du camion.
TH�O
Contrairement aux affaires r�guli�res, on paie comptant...
en liquide. �a peut tenter les �mes simples.
MONSIEUR FERNAND
Ben moi, je vois qu'une solution ! Tu prends le bout de
bois et tu livres.
TH�O
Faut pouvoir !
MONSIEUR FERNAND
Comment �a ?
TH�O
La nuit... en plein milieu de la route, un homme arm�, en
uniforme, qui agite une lanterne et qui crie � halte �,
qu'est ce que vous faites ?
MONSIEUR FERNAND
Je m'arr�te, bien s�r, je passe pas dessus !
TH�O
Et bien, c'est pour �a que vous avez encore votre permis !
Il ricane.
TH�O
Moi pas !
Fernand r�fl�chit.
MONSIEUR FERNAND
Bon... les papiers du bahut sont en r�gle au moins, oui ?
TH�O
Tout est en ordre ! Mais Monsieur Fernand, vous pr�tendez
pas...
Fernand ouvre la porte et monte au volant du camion.
MONSIEUR FERNAND
Quand y a six briques en jeu, je pr�tends n'importe quoi.
J'ai conduit des tracteurs, des batteuses, et toi qui
parlais de guerre, j'ai m�me conduit un char Patton.
TH�O
Ce n'est pas ma marque pr�f�r�e.
Fernand semble un peu g�n�.
MONSIEUR FERNAND
Oui... bon ben dis donc, moi j'aimerais bien savoir o� je
livre, parce que Fontainebleau, ben, c'est grand !
TH�O
Vous connaissez la pyramide.
MONSIEUR FERNAND
Hmm.
FONDU ENCHA�N�
ROUTE DE CAMPAGNE - EXT�RIEUR NUIT
Une route d�serte dans la nuit. Le camion de Fernand approche,
tout phare allum�.
On entend la voix de Th�o, qui termine ses explications.
TH�O (voix off)
Il y aura une Cadillac noire, arr�t�e � l'embranchement de
Melun.
CAMION - INT�RIEUR NUIT
Fernand conduit, cigarette � la main.
ROUTE DE CAMPAGNE - EXT�RIEUR NUIT
Th�o et Tomate sont assis au bord de la route. Th�o se r�chauffe
en buvant du caf� � partir d'un thermos. A c�t� de Tomate, une
mitrailleuse est pos�e sur son socle de support. Tomate allume son
briquet pour consulter sa montre.
TOMATE
Il devrait �tre pass�. Tu vois pas qu'il soit tomb� sur un
barrage, ce cave ! Ce serait beau !
TH�O
Il tient pas la moyenne, c'est tout. Avec les pr�tentieux,
c'est toujours pareil...
Il passe son caf� � Tomate et remonte le col de sa veste.
TH�O
� Moi je, moi je �. Sur le terrain, plus personne.
Plus loin, le camion roule toujours sur la route. Il passe, sans
que Fernand ne s'en rende compte, devant une moto, planqu�e au
bord de la route, tous feux �teints, avec l'ami de Th�o assis
dessus. Juste apr�s le passage du camion, la moto allume son
phare, et l'ami de Th�o s'�lance � la poursuite du camion.
La moto roule derri�re le camion. Le conducteur ne porte pas de
casque. Il rattrape le camion, puis le double.
La moto est maintenant devant le camion. Elle arrive en vue d'un
bosquet d'arbres dans lequel Freddy est planqu�. L'ami de Th�o
fait des appels de phare.
Freddy allume une puissante lampe torche, et fait, lui aussi, des
appels de lumi�re.
Tomate, dans sa planque, re�oit les appels lumineux.
TOMATE
J'ai l'impression qu'on annonce Monsieur Dugommier.
TH�O
Je crois qu'il va le regretter, son char Patton.
Tomate et Th�o s'allongent derri�re leur mitrailleuse.
Freddy attend que la moto soit pass�e, puis il jette des clous �
quatre pointes sur la route.
Gros plan sur les clous et le camion qui arrive droit dessus.
CAMION - INT�RIEUR NUIT
Fernand essaie de redresser le camion qui, avec les quatre pneus
crev�s, n'est plus dirigeable.
Le camion fonce dans un panneau publicitaire vantant l'ap�ritif
� Martini � !
ROUTE DE CAMPAGNE - EXT�RIEUR NUIT
Le camion vient de s'arr�ter brutalement sur le panneau
publicitaire, qu'il a d�fonc�.
Dans leur planque, Th�o actionne la mitrailleuse, pendant que
Tomate guide le ruban de balles dans l'arme.
Des impacts de balle troue la paroi du camion.
CAMION - INT�RIEUR NUIT
Fernand se couche sur la banquette.
Le pare-brise et toutes les vitres du camion �clatent, mais
restent en place, s'�toilant en petites particules, selon le
principe du verre S�curit.
ROUTE DE CAMPAGNE - EXT�RIEUR NUIT
Dans leur planque, Th�o a arr�t� de tirer et regarde dans la
direction du camion.
TOMATE
Mais qu'est ce que t'attends, allume-le !
Th�o se remet � tirer.
Sous le tir de la mitrailleuse, le chargement du camion finit par
s'enflammer.
CAMION - INT�RIEUR NUIT
Les flammes arrivent dans la cabine. Fernand se redresse.
ROUTE DE CAMPAGNE - EXT�RIEUR NUIT
Th�o continue � tirer. Tomate, debout derri�re lui, le tire en
ARRI�RE
TOMATE
�a va, filons. �a va, �a va, �a va, �a va !
Th�o est atteint d'une telle fr�n�sie que Tomate a du mal � le
d�tacher de la mitrailleuse. Ils regardent tous deux dans la
direction du camion.
Le camion est totalement en flammes.
CAMION - INT�RIEUR NUIT
Le costume de Fernand est d�chir� au coude. Fernand arrache le
coussin de l'un des si�ges du camion et le projette dans le pare-
brise. Le verre �clat� de ce dernier se d�tache vers l'ext�rieur
du camion, ouvrant ainsi une sortie possible pour Fernand, qui se
d�gage de la cabine du camion.
ROUTE DE CAMPAGNE - EXT�RIEUR NUIT
Fernand est allong� dans les feuilles mortes de la for�t. Il rampe
pour s'�loigner du camion sans �tre rep�r� par ses adversaires.
Fondu encha�n�.
P�NICHE - BUREAU - INT�RIEUR NUIT
Paul est assis derri�re le bureau, lunettes sur le nez. Raoul est
debout devant lui, et fume un cigare.
RAOUL VOLFONI
Petit fr�re, crois-moi, le monde moderne va vers la
centralisation !
PAUL VOLFONI
Et Tomate, qu'est ce que t'en fais ?
RAOUL VOLFONI
Ben, s'il faut virer Tomate, on le virera.
On frappe � la porte. Raoul traverse la pi�ce pour ouvrir.
RAOUL VOLFONI
Moi, je connais qu'une loi, celle du plus fort.
Il ouvre la porte, et prend le poing de Fernand dans la figure. Il
recule en titubant jusqu'au mur, devant lequel il s'�croule.
Paul se penche l�g�rement pour regarder son fr�re.
Fernand entre dans la pi�ce, le cheveu en bataille, et le coude du
costume toujours d�chir�. On comprend qu'il est venu directement
du lieu de l'accident � la p�niche. Il claque la porte et tourne
le verrou. Quand il se retourne, on constate que sa veste est
d�chir�e aussi dans le dos, et m�me br�l�e.
Paul rel�ve la t�te et sourit � Fernand.
PAUL VOLFONI
C'est une manie, qu'est ce qui te prends ?
Fernand ignore Raoul toujours assis par terre contre le mur et se
dirige vers le bureau. Il prend une grosse sacoche de cuir pos�e
sur le bureau et la retourne, vidant tout ce qu'elle contenait sur
les papiers de Paul, qui se recule l�g�rement et enl�ve ses
lunettes. Puis il contourne le bureau vers le coffre-fort, qui est
grand ouvert. Il s'accroupit et commence � remplir la sacoche de
liasses de billets de banque.
MONSIEUR FERNAND
Vous �tes sur la pente fatale, les gars ! Vous vous
endettez, trois briques de camion plus six briques de
pastis.
PAUL VOLFONI
On peut savoir de quoi tu causes ?
MONSIEUR FERNAND
Une autre fois ! Hein ?
PAUL VOLFONI
Bon !
MONSIEUR FERNAND
Ce soir, je suis pas d'humeur � bavarder, figure-toi.
PAUL VOLFONI
Bien !
Il pose la sacoche sur le bureau pour la fermer.
MONSIEUR FERNAND
Tout m'irrite !
PAUL VOLFONI
Bon bon !
Il traverse la pi�ce en jetant un rapide regard � Raoul, qui se
rel�ve lentement. Il sort et claque la porte derri�re lui. Raoul
se touche le menton.
On frappe � la porte. Raoul se dirige vers la porte. Il a d�j� la
main sur la poign�e, lorsqu'il se tourne vers son fr�re, et lui
CHUCHOTE :
RAOUL VOLFONI
T'es toujours de cinquante pour cent dans l'affaire ?
PAUL VOLFONI
Ben... bien s�r !
Raoul fait deux pas dans la pi�ce et d�signe la porte du pouce.
RAOUL VOLFONI
Alors va ouvrir !
Fondu au noir.
MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR NUIT
De nombreuses voitures sont gar�es devant l'entr�e du manoir. On
entend de une musique assez puissante qui provient de l'int�rieur
de la maison, mais cette fois-ci, il ne s'agit plus de musique
classique, mais de musique plus moderne, de musique de danse.
Toutes les fen�tres du rez-de-chauss�e sont illumin�es.
La 404 de Fernand se gare � c�t� d'une petite voiture anglaise
d�capotable et d�capot�e. Fernand sort de sa voiture, et le
propri�taire de la d�capotable, un jeune homme �l�gamment habill�,
fait le tour de la sienne. Il fixe la housse, qui prot�ge la
capote lorsqu'elle est rang�e derri�re le si�ge arri�re, comme
c'est le cas actuellement. Fernand fait quelques pas, et s'arr�te,
visiblement m�content de la musique de danse qu'il entend dans le
manoir. Le jeune homme le regarde, intrigu�. Puis il fait quelques
pas vers lui, en fumant sa cigarette d'un air distingu�.
LE JEUNE HOMME
Convocation : neuf heures !
Fernand se retourne.
LE JEUNE HOMME
J'ai l'impression, mon cher, que nous ne sommes pas en
avance.
Fernand revient vers sa voiture, dont il ouvre le coffre.
LE JEUNE HOMME
Vous �tes un ami de Pat ou un copain d'Antoine ?
Fernand prend la sacoche dans le coffre, qu'il referme. Il lance
un rapide regard au jeune homme, et se dirige vers le manoir.
LE JEUNE HOMME
Je me demande s'il la saute ?
Fernand se retourne vers le jeune homme.
MONSIEUR FERNAND
Si qui saute qui ?
LE JEUNE HOMME
Ben... Antoine... Patricia...
Fernand soupire, pose la sacoche sur le coffre de sa voiture, puis
flanque une racl�e au jeune homme. On ne le voit pas actuellement
frapper le jeune homme, mais on en entend les bruits
caract�ristiques. Fernand r�cup�re sa sacoche et se dirige vers le
manoir.
Le jeune homme est �tal� dans sa voiture, une jambe sur le pare-
brise, et l'autre jambe par-dessus la porti�re. Il est
compl�tement sonn�. Les essuie-glace balaient inutilement le pare-
brise.
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT
Plan rapproch� sur la porte d'entr�e. La musique est encore plus
puissante. On voit Fernand � travers les vitres de la porte. Il
frappe tr�s fort sur la porte. Un type, qui �tait adoss� au mur
pr�s de la porte, tourne la t�te vers lui, et ouvre la porte.
Fernand entre et regarde autour de lui, d'un air � la fois surpris
et m�content. Une fille se tr�mousse en rythme devant lui. Fernand
referme la porte. D'autres invit�s, assis alentour, marque le
rythme de la musique. D'autres danseurs apparaissent dans le
champ.
Plan en plong�e du haut de l'escalier. Le vestibule est plein de
jeunes gens en train de danser. D'autres, debout dans l'escalier,
marquent le rythme. Fernand, pr�s de la porte, contemple cette
sc�ne sans bouger. Jean traverse le vestibule, un plateau � la
main.
Retour sur un plan moyen de Fernand, qui semble de plus en plus
m�content. Il aper�oit Jean et l'appelle.
MONSIEUR FERNAND
Jean ?
JEAN
Une seconde, monsieur.
Jean entre dans un salon, son plateau � la main.
Fernand traverse le vestibule.
MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR NUIT
Antoine et Patricia sont en train de se b�coter. Antoine rel�ve la
t�te et aper�oit Fernand.
ANTOINE DELAFOY
Le cercle de famille s'agrandit.
Patricia regarde dans la direction de Fernand, avec des yeux un
peu effray�s. Elle pousse Antoine vers un coin plus discret.
Fernand traverse le salon vers l'endroit o� Jean est en train de
servir les invit�s. Il bute dans un jeune homme qui est dans son
chemin.
UNE JEUNE FILLE L�G�REMENT �M�CH�E
Encore un peu, Jean, s'il te pla�t.
JEAN
Tu picoles trop toi, tu vas �tre ronde.
UNE JEUNE FILLE L�G�REMENT �M�CH�E
Vas donc m'en chercher une autre bouteille, s'il te pla�t.
JEAN
Mais oui.
La jeune fille s'�loigne. Fernand se rapproche de Jean. Un jeune
homme, qui vient, lui aussi d'�tre servi, s'�loigne de Jean, qui
sourit b�atement.
LE JEUNE HOMME
Tchiao.
En voyant Fernand, le sourire de Jean s'efface.
MONSIEUR FERNAND
Jean ? O� est Patricia ?
Jean fait un petit signe d'impuissance.
MONSIEUR FERNAND
Et ma�tre Folace ?
JEAN
� la cuisine... il aide, lui.
Jean a dit les derniers mots sur un ton de l�ger reproche. Fernand
le regarde de fa�on peu aimable, puis traverse le salon, en
essayant d'�viter les danseurs, et en cherchant visiblement
Patricia.
Dans un coin discret, Antoine et Patricia observent la sc�ne. Ils
se parlent en chuchotant.
ANTOINE DELAFOY
Continuer de me cacher, c'est tr�s d�sagr�able.
Ils regardent tous les deux dans la direction de Fernand.
Fernand continue � zigzaguer entre les invit�s, tenant toujours sa
sacoche � la main.
PATRICIA (voix off)
Oncle Fernand ?
Fernand se retourne. Patricia vient vers lui. Fernand semble un
peu en col�re.
MONSIEUR FERNAND
Ah te voil�, toi ! Et c'est �a que t'appelles une petite
d�nette au coin du feu, hein, dis ? Alors tu vas
m'expliquer un petit peu maintenant, hein ?
Elle l'entra�ne dans un coin plus calme que la piste de danse.
Elle regarde la manche d�chir�e de son veston.
PATRICIA
D'o� viens-tu ?
Fernand regarde dans la direction d'un groupe, que l'on ne voit
pas, mais qui, � l'expression affich�e sur le visage de Fernand,
sont visiblement dans une position assez intime. D'une main
autoritaire, Patricia leur fait signe de d�gager. Deux filles et
un gar�on sortent de la pi�ce.
MONSIEUR FERNAND
De... de chez des amis.
PATRICIA
Ah ! Des anciens paras ? Vous avez �voqu� le bon vieux
temps, cooptation, close combat, vous avez jou� au lance-
flamme...
Fernand pose brutalement sa sacoche sur la table, prend une
bouteille de whisky et se sert un verre.
Un invit� lui tend une petite bouteille d'eau gazeuse.
L'INVIT�
Sec ou � l'eau ?
On sent que Fernand est sur le point de perdre encore son sang-
froid. Il arrache la bouteille des mains de l'invit�. Patricia
fait � l'invit� un signe discret de d�gager. Celui-ci sort
calmement, en regardant Fernand d'un oeil peu aimable.
MONSIEUR FERNAND
Chez soi, �a fait plaisir, hein ?
PATRICIA
Oh ! Je t'ai demand� la permission d'inviter des amis,
t'�tais d'accord. Tu sais qu'ils sont tous d'excellentes
familles ? Celui qui vient de t'offrir du scotch, tu sais
qui c'est ? Jacques Le Tellier, le fils du contre-amiral.
Fernand boit son verre � grandes gorg�es.
PATRICIA
�coute, tu tiens toujours � ce que je passe mon bacho,
alors soit logique !
Fernand r�cup�re sa sacoche, et va pour s'�loigner, mais Patricia
l'arr�te.
PATRICIA
Oui, le bacho sans relations, c'est la charrue sans les
boeufs, le tenon sans la mortaise, une ni�ce sans son petit
oncle ! En fait, c'est rien. Avoue que tu n'avais jamais
pens� � �a, hein ?
Fernand a �cout� tout le petit discours de Patricia, d�bit� sur un
ton un peu enj�leur, avec une impatience qu'il a du mal �
contenir.
MONSIEUR FERNAND
C'est fini, oui ?
Fernand va pour sortir, Patricia le retient de nouveau.
PATRICIA
Entre nous, � quoi penses-tu en g�n�ral ?
MONSIEUR FERNAND
� Montauban... on ne devrait jamais quitter Montauban !
Il d�gage la main de Patricia de son �paule, et sort � grandes
enjamb�es. Patricia le regarde partir en haussant les �paules.
MANOIR DU MEXICAIN - CUISINE - INT�RIEUR NUIT
Folace est seul dans la cuisine, en costume gris, assis devant une
table encombr�e de bouteilles vides de champagne, de seau � glace,
et surtout de tout ce qu'il faut pour confectionner des sandwiches
et des canap�s. D'ailleurs Folace beurre un canap�. La porte
s'ouvre, Fernand entre et referme la porte derri�re lui. Folace se
tourne vers lui, et lui parle sur un ton tr�s badin.
MAITRE FOLACE
Charmante soir�e, n'est ce pas ? Vous savez combien �a va
nous co�ter ? Deux milles francs... nouveaux !
Fernand s'avance lentement vers la table, l'air s�v�re, pendant
que Folace continue � beurrer ses canap�s.
MONSIEUR FERNAND
Y en a qui gaspillent, et y en a d'autres qui collectent...
Du bras, il d�gage, sans m�nagement, un espace libre sur la table.
Il y d�pose lourdement la sacoche, qu'il ouvre. Des billets
d�bordent de la sacoche et tombent sur la table.
MONSIEUR FERNAND
Qu'est ce que vous dites de �a ? Hein ?
Folace sourit. Jean entre dans la cuisine. Fernand met la main sur
la sacoche. Jean referme la porte, et pose son plateau sur un plan
de travail derri�re Folace.
JEAN
Faudrait encore des sandwichs � la pur�e d'anchois, ils
partent bien ceux-l�.
Il se retourne et voit la sacoche.
MONSIEUR FERNAND
Les voil�, vos encaissements en retard... et encore avec
une avance en plus.
Folace regarde la manche d�chir�e de Fernand.
MONSIEUR FERNAND
Les Volfoni ont essay� de me flinguer, oui ma�tre.
MAITRE FOLACE
Ce n'est pourtant pas leur genre.
MONSIEUR FERNAND
Et ben �a prouve qu'ils ont chang� de genre. Voil�.
Jean fait le tour de la table et ouvre une porte du buffet.
Gros plan sur une bo�te � biscuits. La main de Jean plonge dans la
bo�te, et en sort un pistolet, que Jean arme.
Il met le pistolet dans la poche int�rieure de sa veste avec un
petit sourire.
JEAN
Quand �a change, �a change, faut jamais se laisser
d�monter.
MAITRE FOLACE
Vous croyez qu'ils oseraient venir ici ?
MONSIEUR FERNAND
Les cons, �a ose tout ! C'est m�me � �a qu'on les
reconna�t.
Bruit de sonnette insistant.
Gros plan sur un tableau. Le voyant n� 1 s'allume.
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT
Plusieurs couples sont en train de danser dans le vestibule. A
travers la vitre de la porte, on voit les visages des fr�res
Volfoni. Ils continuent � sonner, mais personne, parmi les
danseurs, ne semble les entendre. Finalement, l'une des danseuses
se rend compte de leur pr�sence et ouvre la porte. Raoul entre
suivi de Paul, qui referme la porte d'un coup de pied. Ils
regardent autour d'eux, un peu surpris.
PAUL VOLFONI
T'es s�r que tu t'es pas gour� de cr�che.
Raoul lui r�pond d'un ton irrit�.
RAOUL VOLFONI
Je me goure jamais, en rien.
Il avance � travers la foule des danseurs, suivi de son fr�re. Ils
passent dans un salon.
MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR NUIT
Raoul d�visage les danseurs, cherchant une t�te connue. Des
bouteilles sont pos�es sur un meuble. Une jeune fille se tourne
vers eux, un verre dans chaque main.
LA JEUNE FILLE
Scotch ou jus de fruit ?
Paul va pour prendre le verre qu'on lui tend, mais Raoul, les
mains enfonc�es dans les poches, foudroie la fille du regard.
RAOUL VOLFONI
C'est rien !
La fille s'�loigne avec ses deux verres, sans demander son reste.
Raoul la regarde partir.
RAOUL VOLFONI
Si c'est notre pognon qu'ils sont en train d'arroser, les
petits comiques, �a va saigner !...
Il avise Jean au milieu des invit�s.
RAOUL VOLFONI
Dites donc, mon brave.
Jean s'avance vers eux, l'air grave.
JEAN
Monsieur ?
RAOUL VOLFONI
Il est l�, votre patron ?
JEAN
Qui demandez-vous ?
PAUL VOLFONI
Monsieur Fernand Naudin.
RAOUL VOLFONI
Monsieur Fernand... Fernand l'emmerdeur, Fernand le
malhonn�te, c'est comme �a que je l'appelle, moi.
JEAN
Si ces messieurs veulent bien suivre...
Jean s'�loigne � travers la foule des invit�s.
RAOUL VOLFONI
Et comment.
Il fait quelques pas derri�re Jean, puis se retourne vers son
fr�re.
RAOUL VOLFONI
Alors, tu viens dis !
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT
Jean, suivi de Raoul, puis de Paul, entre par une porte situ�e
derri�re l'escalier. Il s'arr�te devant la porte de la cuisine.
JEAN
Si vous voulez vous donner la peine d'entrer.
De la main, il leur montre le chemin. Raoul entre, suivi de Paul,
sous le regard froid et sarcastique de Jean.
MANOIR DU MEXICAIN - CUISINE - INT�RIEUR NUIT
Folace est toujours assis � table, en train de beurrer des
canap�s. Sur la table, la sacoche, d�bordante de billets de
banque, est toujours grande ouverte. Fernand est debout, en
chemise, en train de s'essuyer les mains avec un torchon.
Raoul entre le premier, une main enfonc�e dans l'une des poches de
sa veste.
RAOUL VOLFONI
Bougez pas ! Les mains sur la table. Je vous pr�viens qu'on
a la puissance de feu d'un croiseur et des flingues de
concours.
Jean entre derri�re eux, pistolet � la main. Il referme la porte
de la cuisine.
JEAN
Si ces messieurs veulent bien me les confier...
RAOUL VOLFONI
Quoi ?
Patricia entrent en trombe dans la cuisine, un plateau � la main.
Sans s'en rendre compte, elle �crase Jean entre la porte et le
mur.
PATRICIA
Ah mes enfants, nous sommes en panne de sandwiches.
Elle sourit aux fr�res Volfoni, et pose le plateau dans l'�vier
devant Fernand.
PATRICIA
Tu sais, mon oncle, si tes amis veulent danser...
Elle ramasse une assiette de canap�s pos�e devant Folace et
ressort. Jean, pistolet toujours point� vers les Volfoni, claque
la porte derri�re elle.
JEAN
Allons vite, messieurs, quelqu'un pourrait venir, on
pourrait se m�prendre, et on jaserait. Nous venons d�j� de
fr�ler l'incident.
Fernand continue � s'essuyer les mains tranquillement.
MONSIEUR FERNAND
Tu sais ce que je devrais faire, hmm ?... rien que pour le
principe ?
Il jette son torchon. Folace se l�ve et r�cup�re le pistolet de
Raoul dans sa poche. Jean, plant� derri�re les Volfoni, les tient
toujours en joue. Machinalement, Raoul se caresse le menton.
RAOUL VOLFONI
Tu trouves pas que c'est un peu rapproch� ?
Folace t�te le haut de la veste de Raoul, pour s'assurer qu'il n'a
pas d'autre arme. Paul lui donne le pistolet qu'il tient � la
main. Folace lui t�te le haut de la veste.
PAUL VOLFONI
Je te disais que cette d�marche ne s'imposait pas. Au fond
maintenant, les diplomates prendraient plut�t le pas sur
les hommes d'action. L'�poque serait aux tables rondes et �
la d�tente. Hein ? Qu'est-ce t'en penses ?
Fernand les regarde longuement.
MONSIEUR FERNAND
Je dis pas non.
Folace, les armes des Volfoni � la main, sourit.
Fernand s'assoit, et prend un couteau et une tranche de pain.
RAOUL VOLFONI
Mais dis donc, on est quand m�me pas venu pour beurrer des
sandwiches ?
Fernand ne lui r�pond pas, et commence � beurrer la tranche de
pain.
PAUL VOLFONI
Pourquoi pas ? Au contraire, les t�ches m�nag�res ne sont
pas sans noblesse...
Il s'assoit sur une chaise, les yeux riv�s sur la sacoche
d�bordante de billets de banque. Raoul reste debout, le regard
s�v�re. Folace d�pose les pistolets des Volfoni dans le tiroir de
la table, puis se rassoit � sa place... devant le tiroir ! Jean
est toujours debout pr�s de la porte, arme au poing.
PAUL VOLFONI
... surtout lorsqu'elles constituent le premier pas vers
des n�gociations fructueuses. Hein ?...
Folace tend deux assiettes � Paul, une de rillettes, et une autre
avec des tranches de pain de mie.
PAUL VOLFONI
Merci.
Jean regarde Fernand, puis remet son arme dans la poche int�rieure
de sa veste. Raoul lui jette un regard en coin. Jean sort de la
cuisine. Raoul affiche un sourire un peu crisp� et agite une bo�te
de bonbons, probablement des Cachou. Fernand tend la main, et
Raoul lui d�pose un bonbon dans la main. Comme il est pench� sur
la table, son regard ne peut quitter la sacoche de billets. Il
plonge son autre main � l'int�rieur, tout en continuant � agiter
sa bo�te de bonbons, sans se rendre compte que Fernand a retir� sa
main.
MONSIEUR FERNAND
Ma�tre Folace...
Raoul se redresse, et arr�te d'agiter sa bo�te.
MONSIEUR FERNAND
... vous avez oubli� de planquer les motifs de f�cherie.
Folace referme vivement la sacoche. Raoul sourit niaisement.
Folace prend la sacoche et la d�pose sous la table. Paul suit la
sacoche du regard. Il reste n�anmoins quelques billets sur la
table.
PAUL VOLFONI
Oh, Monsieur Fernand...
MONSIEUR FERNAND
Tu connais la vie, Monsieur Paul...
Raoul s'assoit entre Fernand et Folace. Il remet la bo�te de
bonbons dans sa poche. Fernand et Folace se remettent � beurrer
des tranches de pain de mie.
MONSIEUR FERNAND
Mais pour en revenir au travail manuel, l�, ce que vous
disiez est finement observ�. Et puis, �a reste une base.
RAOUL VOLFONI
�a, c'est bien vrai, hein. Si on bricolait plus souvent, on
aurait moins la t�te aux b�tises.
Folace lui tend un couteau et une tranche de pain. Raoul commence
� beurrer la tartine.
RAOUL VOLFONI
Ouais !...
On entend la porte de la cuisine qui s'ouvre.
LA JEUNE FILLE �M�CH�E (voix off)
Jean !
Fernand, Raoul et Folace se retournent.
Une jeune fille, visiblement �m�ch�e, vient d'ouvrir la porte de
la cuisine. C'est apparemment la m�me jeune fille, qui, quelques
temps auparavant, r�clamait d�j� de l'alcool � Jean.
LA JEUNE FILLE �M�CH�E
Ben, o� il est, Jean ?
Paul, absorb� par son travail de � tartinage �, n'a m�me pas
relev� la t�te.
MONSIEUR FERNAND
Qu'est ce que vous lui voulez ?
Elle se penche sur la table en bousculant Paul.
LA JEUNE FILLE �M�CH�E
Y a plus de glace et y a plus de scotch !
Fernand essaie de rester calme.
MONSIEUR FERNAND
Ma�tre Folace, donnez-lui des jus de fruit, allez...
UNE INVITEE
Pas de jus de fruit, du scotch. Vos jus de fruit vous
pouvez vous les...
Folace essaie de repousser la fille qui avance vers Fernand.
MAITRE FOLACE
Allons, mademoiselle !
Il r�ussit � la repousser, et prend un air tr�s s�rieux, presque
sentencieux.
MAITRE FOLACE
L'oncle de Patricia vous dit qu'il n'y a plus de scotch, un
point c'est tout.
LA JEUNE FILLE �M�CH�E
Vous n'avez qu'� en acheter, avec �a.
Elle ramasse une poign�e de billets, qui trainent encore sur la
table.
Folace lui saisit fermement le poignet. En la voyant toucher �
l'argent, il a instantan�ment chang�. De calme et pond�r�, il est
devenu quasiment hyst�rique.
MAITRE FOLACE
Touche pas au grisbi, salope !
Il la regarde sauvagement, les dents serr�s, les l�vres
tremblantes et les yeux agit�s de tics.
Raoul et Fernand regardent la fille d'un air sombre, presque
mena�ant.
La fille, soudain effray�e, sort en titubant de la pi�ce et claque
la porte derri�re elle.
PAUL VOLFONI
De l'alcool � cet �ge-l� !
Il soupire.
Fernand semble un peu �nerv�.
MONSIEUR FERNAND
Ah non, mais c'est un scandale, hein ?
RAOUL VOLFONI
Ben... Nous par contre, on est des adultes... on pourrait
peut-�tre s'en faire un petit ? Hein ?...
Il continue � beurrer sa tranche de pain, et regarde Fernand avec
un petit sourire. Fernand semble calm�.
MONSIEUR FERNAND
�a, le fait est. Ma�tre Folace ?
Du regard, il d�signe les cadavres de bouteille sur la table.
Folace se l�ve.
MAITRE FOLACE
Seulement, le tout venant a �t� pirat� par les m�mes.
Qu'est ce qu'on fait, on se risque sur le bizarre ?
Il se penche, ouvre une porte du buffet, et en sort une bouteille
pleine, qui contient un bon litre d'alcool. Elle ressemble � une
petite bonbonne, avec un bouchon � vis et une petite poign�e en
verre pr�s du goulot. Sur l'�tiquette, sont dessin�es trois cartes
� jouer, avec trois rois. Au-dessus, en lettres gothiques, est
�crit : � The Three Kings � (Les Trois Rois), et en-dessous, aussi
en lettre gothiques, est �crit : � Scotch Whisky �.
MAITRE FOLACE
�a va rajeunir personne.
Raoul regarde la bouteille en souriant.
RAOUL VOLFONI
Ben, nous voil� sauv�s.
Folace s'assoit et commence � d�visser le bouchon de la bouteille.
MAITRE FOLACE
Sauv�s, faut voir !
Jean entre dans la cuisine, un plateau vide � la main. Il referme
la porte et pose son plateau sur le buffet. Il s'avance vers la
table et regarde Folace remplir un verre.
JEAN
Tiens, vous avez sorti le vitriol ?
Folace tend le verre � Fernand.
PAUL VOLFONI
Pourquoi vous dites �a ?
MAITRE FOLACE
H� !...
Il ricane et lui tend un verre. Paul le prend et le regarde.
PAUL VOLFONI
Il a pourtant un air honn�te.
Jean pose d'autres verres sur la table et sourit � Paul.
Fernand inspecte le contenu de son verre.
MONSIEUR FERNAND
Sans �tre franchement malhonn�te, au premier abord, comme
�a, il... a l'air assez curieux.
Folace donne un verre � Raoul et en remplit un autre pour Jean.
MAITRE FOLACE
Il date du Mexicain, du temps des grandes heures, seulement
on a d� arr�ter la fabrication, y a des clients qui
devenaient aveugles. Alors �a faisait des histoires.
Folace remplit un autre verre pour lui-m�me.
RAOUL VOLFONI
Allez !
Il trinque avec Fernand, puis avec Folace, qui trinque aussi avec
Fernand. Jean trinque avec Paul, et Fernand l�ve son verre vers
Jean et Paul.
Raoul approche son verre de ses l�vres.
Les autres le regardent avec expectative.
Raoul finit par boire une gorg�e.
Les autres le regardent avec encore plus d'attention.
Raoul baisse son verre. Il a la voix un peu rauque.
RAOUL VOLFONI
Ah ! Faut reconna�tre...
Il a un haut-le-coeur.
RAOUL VOLFONI
... c'est du brutal !
Paul, lui, a carr�ment les larmes aux yeux.
(NOTE - Pour la petite histoire, lors du tournage de la sc�ne, les
copains de Jean Lefebvre, qui jouait le r�le de Paul Volfoni, lui
avaient fait une blague. Alors que l'accessoiriste avait mis de
l'eau color�e dans les verres, ses copains, non seulement, lui
avaient vraiment mis de l'alcool dans son verre � lui, mais avait
en plus rajout� du poivre ! Ses larmes sont donc bien r�elles ! -
Cette anecdote est d'ailleurs racont�e par Jean Lefebvre lui-m�me
dans l'un des bonus du DVD du film.)
PAUL VOLFONI
Vous avez raison, il est curieux, hein ?
MONSIEUR FERNAND
J'ai connu une polonaise qu'en prenait au petit d�jeuner.
Il boit une gorg�e � son tour. Et c'est avec, lui aussi, une voix
un peu rauque, qu'il dit :
MONSIEUR FERNAND
Faut quand m�me admettre, c'est plut�t une boisson d'homme.
Paul s'essuie les yeux avec son mouchoir.
Raoul finit son verre, Paul aussi. Fernand se racle la gorge avant
de finir le sien.
Folace finit son verre, claque la langue, enl�ve ses lunettes et
tombe la veste. Jean finit son verre, le pose sur la table, prend
la bouteille et commence � resservir tout le monde.
Raoul boit une gorg�e et se penche vers Fernand.
RAOUL VOLFONI
Tu sais pas ce qu'il me rappelle ?
Fernand secoue la t�te en signe de d�n�gation.
RAOUL VOLFONI
Cette esp�ce de dr�lerie qu'on buvait dans une petite taule
de Bi�n Hoa, pas tellement loin de Sa�gon. Les volets
rouges et la tauli�re, une blonde komac. Comment qu'elle
s'appelait, Nom de Dieu ?
MONSIEUR FERNAND
Lulu la Nantaise.
RAOUL VOLFONI
T'as connue ?
Fernand hausse les yeux au ciel.
Paul sent le contenu de son verre.
PAUL VOLFONI
Je lui trouve un go�t de pomme.
MAITRE FOLACE
Y en a.
Raoul fait toujours ses confidences � Fernand.
RAOUL VOLFONI
Et bien, c'est devant chez elle que Lucien le Cheval s'est
fait dessouder.
MONSIEUR FERNAND
Et par qui ? Hein ?
Raoul r�fl�chit, mais ne trouve pas la r�ponse.
RAOUL VOLFONI
Ben voil� que j'ai plus ma t�te.
MONSIEUR FERNAND
Par Teddy de Montr�al, un fondu qui travaillait qu'� la
dynamite.
Fernand prend la bouteille pour se resservir. Il sert d'abord
Raoul.
RAOUL VOLFONI
Toute une �poque !
Fernand hoche la t�te.
MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR NUIT
C'est maintenant le temps des � slows � avec une musique plus
douce. Derri�re la vitrine � napol�onienne �, un couple est en
train de danser.
Patricia entre dans la pi�ce avec une assiette � la main. Elle se
dirige vers Antoine, qui semble un peu r�veur.
PATRICIA
Tu boudes ?
Antoine r�pond d'une voix douce, presque en chuchotant
ANTOINE DELAFOY
Bouder moi, tu plaisantes... N'emp�che que je commence � en
avoir assez, moi, des amours clandestines. S'embrasser par
t�l�phone... m�me deux fois par jour, c'est bien mignon,
mais je suis un homme, moi, tu comprends ? Tout �a � cause
de ton oncle. �coute, c'est vraiment trop b�te, on dirait
que vous avez tous peur de lui. Mais je vais aller lui
parler, moi.
PATRICIA
Tu vas lui parler de quoi ?
Antoine embrasse tendrement Patricia sur la bouche.
ANTOINE DELAFOY
Je vais lui parler de notre mariage, de toi, de moi, de
nous.
PATRICIA
R�p�te un peu ce que tu viens de dire !
Antoine lui d�pose un petit b�cot sur les l�vres.
ANTOINE DELAFOY
De toi, de moi.
PATRICIA
Oh non, juste le premier mot. C'�tait le meilleur.
MANOIR DU MEXICAIN - CUISINE - INT�RIEUR NUIT
Fernand vide le fond de la bouteille dans le verre de Jean. Tout
le monde est maintenant en chemise, sauf Paul et Jean. Folace
parle d'une voix visiblement tr�s embu�e par l'alcool.
MAITRE FOLACE
D'accord, d'accord, je dis pas qu'� la fin de sa vie, Jo le
Trembleur, il avait pas un peu baiss�. Mais n'emp�che que,
pendant les ann�es terribles, sous l'occup', il butait �
tout va. Il a quand m�me d�cim� toute une division de
panzers. Ah !
RAOUL VOLFONI
Il �tait dans les chars ?
MAITRE FOLACE
Non, dans la limonade...
Il frappe sur l'�paule de Raoul.
MAITRE FOLACE
Sois � ce qu'on te dit !
Raoul se met � pleurnicher.
RAOUL VOLFONI
Mais j'ai plus ma t�te...
MAITRE FOLACE
Il avait son secret, le Jo.
Il essaie de remettre ses lunettes, mais n'y arrive pas et se
plante les branches dans les yeux. D'un seul coup, Raoul
�carquille les yeux. Il se l�ve lentement, tr�s raide.
RAOUL VOLFONI
C'est o� ?
Jean se l�ve avec difficult� de sa chaise.
JEAN
A droite, au fond du couloir.
Raoul sort pr�cipitamment de la cuisine et referme la porte
derri�re lui. Folace a fini par arriver � remettre ses lunettes.
Jean se rassoit.
MAITRE FOLACE
Et... Et... Et... cinquante kilos de patates, un sac de
sciure de bois, il te sortait vingt-cinq litres de trois
�toiles � l'alambic. Un vrai magicien, le Jo.
Il frappe violemment de la main sur la table et hausse le ton.
MAITRE FOLACE
Et c'est pour �a que je permets d'intimer l'ordre �
certains salisseurs de m�moire qu'ils feraient mieux de
fermer leur claque-merde ! Ah !
Fernand se racle la gorge.
Folace essaie, avec beaucoup de difficult�, d'introduire une
cigarette dans son fume-cigarette. Paul le regarde, les yeux dans
le vague.
PAUL VOLFONI
Vous avez beau dire, y a pas seulement que de la pomme, y a
autre chose, ce serait pas des fois de la betterave ?
Hein ?
Fernand dodeline de la t�te.
MONSIEUR FERNAND
Si, y en a aussi.
Paul sourit.
MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR NUIT
Debout et appuy� des deux mains sur la table, Raoul, toujours bien
�m�ch�, fait les yeux doux � Patricia.
RAOUL VOLFONI
On vous apprend quoi, � l'�cole, mon petit chat ? Les
jolies filles en savent toujours trop. Vous savez comment
je le vois, votre avenir ? Vous voulez le savoir ?
Raoul l�che la table, mais a du mal � tenir debout. Il fait
quelques pas vers Patricia, qui s'�carte en riant.
PATRICIA
Non, non, non, non, non, non...
Il se raccroche � la table en affichant un sourire niais.
RAOUL VOLFONI
Ben, je vais vous le dire quand m�me...
Patricia l'�coute, bouche ouverte, ayant du mal � retenir son
hilarit�.
RAOUL VOLFONI
Je vois une carri�re internationale, des voyages, ouais,
l'�gypte par exemple, c'est pas commun �a, l'�gypte ? Et
puis, ce qui a de bien c'est que, l�-bas, l'artiste est
toujours g�t�e.
Patricia met la main devant sa bouche pour masquer son fou-rire.
Elle regarde vers Antoine, qui vient d'entrer dans la pi�ce.
ANTOINE DELAFOY (voix off)
Patricia ?...
En voyant entrer un � rival �, Raoul affiche maintenant un petit
air pinc�, avec les yeux outrageusement pliss�s.
Antoine, lui, contrairement � Patricia, ne semble pas trouver la
sc�ne tr�s dr�le, et c'est d'une voix s�che qu'il s'adresse �
Raoul.
ANTOINE DELAFOY
Monsieur d�sire un... renseignement ?
Patricia lui r�pond sur un ton badin.
PATRICIA
Non, monsieur me proposait une tourn�e en �gypte.
ANTOINE DELAFOY
Hein ?
Raoul se sent soudain un peu d�contenanc� devant l'allure
autoritaire d'Antoine.
RAOUL VOLFONI
Non, je disais l'�gypte... comme �a ! J'aurais aussi bien
pu dire... le Liban.
ANTOINE DELAFOY
Je vois, Monsieur dirige sans doute une agence de voyage ?
PATRICIA
Mais non, voyons, ch�ri, Monsieur fait la traite des
blanches, mais tu sais que c'est courant. Allez, viens !
Antoine semble soudain tr�s en col�re, et Patricia l'entraine hors
de la pi�ce.
Raoul soupire d'un air d�sabus�. Il frappe des mains l'une contre
l'autre.
MANOIR DU MEXICAIN - CUISINE - INT�RIEUR NUIT
Folace ronfle, affal� sur la table. Devant lui, la bouteille vide
de whisky frelat�. Une main pose une autre bouteille, l�g�rement
entam�e, du m�me whisky frelat� � c�t� de la premi�re.
Fernand attrape un morceau de pain de mie, dans une assiette, et
le regarde avec des yeux vagues.
MONSIEUR FERNAND
Je reprendrais bien quelque chose de consistant, moi !
Il mord dans le morceau de pain.
En face de lui, Paul m�chouille, lui aussi, un morceau de pain.
Assis � c�t� de Fernand, Jean est, lui aussi, en train de manger.
Raoul entre dans la cuisine, d'un pas titubant, referme la porte,
et s'approche de la table. Sa pr�sence r�veille Folace.
RAOUL VOLFONI
Dis donc... elle est maqu�e � un jaloux, ta ni�ce ? Hein ?
Je lui faisais un brin de causette, le genre r�serv�, tu me
connais, mousse et pampre, voil� tout d'un coup qu'un petit
cave est venu me chercher, les gros mots et tout !
Fernand se l�ve lentement. Il a, comme Raoul, du mal � tenir
debout.
Raoul est soudain un peu effray� par le regard mena�ant de
Fernand, qu'il pense lui �tre adress�.
MONSIEUR FERNAND
Quoi ? Monsieur Antoine !
Fernand fait le tour de la table, un sourire narquois aux l�vres.
Folace se l�ve et le suit.
MONSIEUR FERNAND
Il s'agit pas de lui faire franchir les portes, il faut
peut-�tre le faire passer � travers.
Il ouvre brusquement la porte de la cuisine, et sort, suivi par
Folace.
Raoul regarde Jean d'un air interrogateur.
Jean termine tranquillement son verre
JEAN
Je serais pas �tonn� qu'on ferme !
MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR NUIT
Fernand attrape Antoine par le bras et le pousse vers le
vestibule.
MONSIEUR FERNAND
Dehors tout le monde ! Allez les petites filles, au dodo !
Dehors !...
Antoine se dirige vers le vestibule, suivi par Fernand et Folace.
MONSIEUR FERNAND
Et les familles fran�aises, �a se respecte, monsieur. Les
foyers c'est pas des putes, hein !
ANTOINE DELAFOY
Une seule excuse, monsieur, � cet exc�s de familiarit�,
c'est l'exc�s de boisson.
MONSIEUR FERNAND
Oh ! Mais...
Il se tourne vers Folace.
MONSIEUR FERNAND
Qui qu'a bu ? Hein ?
MAITRE FOLACE
Oh ! Du jus de pommes.
MONSIEUR FERNAND
Le tact, moi, monsieur Antoine et � toute la bande... Allez
hop.
Il pousse Antoine � travers le vestibule, sous les regards m�dus�s
des autres invit�s. Folace revient vers l'int�rieur de la pi�ce.
MAITRE FOLACE
Allez, allez dehors, on ferme.
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT
Fernand pousse Antoine � travers tout le vestibule jusqu'� la
porte d'entr�e, que Jean vient obligeamment d'ouvrir.
MONSIEUR FERNAND
Allez, allez, allez, allez...
Il le pousse dehors. Les autres invit�s, choqu�s, commentent
l'�v�nement, mais, avec le bruit et la musique, on ne comprend pas
leurs paroles.
MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR NUIT
Folace pousse tous les occupants du salon vers le vestibule.
MAITRE FOLACE
Allez, allez, allez, allez, allez...
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT
Folace continue � pousser les invit�s vers la porte d'entr�e.
MAITRE FOLACE
La sortie c'est par l�. Allez oust.
Un invit� essaie de r�sister � la pouss�e de Folace en
s'accrochant � un meuble.
MAITRE FOLACE
On retire sa main de l�. Allez, allez.
MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR NUIT
Raoul, l'oeil �grillard, pousse les jeunes gens vers la sortie, et
en profite pour tripoter les filles au passage. Plusieurs filles
crient.
MAITRE FOLACE (voix off)
Barrez-vous, je vous dis. Barrez-vous.
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT
Devant la porte d'entr�e, Fernand et Folace pousse les invit�s
dehors.
Au fond du vestibule, derri�re l'escalier, Paul pousse les
retardataires.
PAUL VOLFONI
Allez au lit, au lit tout �a.
Devant la porte d'entr�e, Raoul s'est joint � Fernand et Folace
pour pousser les invit�s dehors. Ils ne se rendent pas compte que,
pris par leur �lan, ils poussent aussi Paul dehors. Fernand et
Jean referment la porte sur le dernier invit�. Fernand, Raoul et
Folace �clatent de rire. Jean les regarde, l'oeil vague, mais sans
rire. A travers la vitre de la porte, on aper�oit le visage de
Paul. Il ouvre lentement la porte. En le voyant, les trois hommes
redoublent de rire. Fernand est m�me oblig� de s'asseoir. Mais
Jean, lui, ne rit toujours pas. Il fait signe � Fernand de
regarder vers l'escalier.
Fernand s'arr�te de rire et regarde vers l'escalier. Raoul et
Folace, debout � c�t� de lui, s'arr�tent aussi de rire, et
regardent vers l'escalier.
A mi-chemin de la premi�re vol�e de marches, Patricia les regarde
avec une grande tristesse dans le regard.
Fernand se l�ve et regarde vers l'escalier. Il titube un peu et se
masse le visage. Il regarde Jean, puis s'avance vers l'escalier.
Folace et Raoul regardent Patricia, visiblement mal � leur aise.
Raoul a trouv� un verre � moiti� plein, qu'il tient � la main.
Fernand, les mains derri�re le dos, se tourne vers ses amis, puis
continue � avancer vers l'escalier.
Patricia est maintenant en larmes. Elle se retourne et finit de
monter l'escalier quatre � quatre.
Fernand se tourne vers Raoul et Folace.
MONSIEUR FERNAND
Bon... On... on causait de quoi ?
RAOUL VOLFONI
De notre jeunesse.
Folace se met � ricaner d'un rire d'ivrogne, qui devient un fou-
rire. Les autres le regardent.
Fondu au noir.
MANOIR DU MEXICAIN - CHAMBRE DE FERNAND - INT�RIEUR JOUR
Fernand est allong� sur le ventre, en pyjama. Folace, lui aussi en
pyjama, le secoue.
MAITRE FOLACE
H�... H� oh !... Oh ! R�veillez-vous ! R�veillez-vous !
Fernand se redresse lentement sur son lit, mais il perd
l'�quilibre et retombe � plat ventre, presque en dehors du lit.
Folace l'aide � se relever. Fernand regarde Folace avec des petits
yeux, et la bouche visiblement p�teuse.
MONSIEUR FERNAND
Mais qu'est ce que vous fa�tes l�, vous ?
MAITRE FOLACE
J'ai le regret de vous faire savoir que Mademoiselle
Patricia ne s'est pas rendue � son cours ce matin.
Fernand se masse le visage.
MONSIEUR FERNAND
Quoi ?
Folace se penche sur lui et hausse le ton.
MAITRE FOLACE
Patricia... n'est pas all�e aux cours ce matin.
L'institution vient de t�l�phoner.
Fernand se l�ve du lit... avec une certaine difficult�.
MONSIEUR FERNAND
Bien, je vous garantis qu'elle va y aller, � son cours.
Elle va m�me y aller tout de suite, hein !
Il finit de se lever et enfile sa robe de chambre, aid� par
Folace.
MANOIR DU MEXICAIN - PALIER - INT�RIEUR JOUR
Fernand traverse le palier, suivi par Folace, qui continue �
l'aider � mettre sa robe de chambre. Jean, toujours aussi
imperturbable dans sa veste blanche, les regarde passer. Fernand
et Folace entrent dans la chambre de Patricia.
MONSIEUR FERNAND (voix off de la chambre de Patricia)
Mais elle est partie !
Fernand se penche pour regarder ce qu'il se passe dans la chambre.
MANOIR DU MEXICAIN - CHAMBRE DE PATRICIA - INT�RIEUR JOUR
Fernand regarde autour de lui dans la chambre, d'un air d�sabus�.
Il finit par s'asseoir sur le lit.
MONSIEUR FERNAND
Mais enfin, c'est pas possible ?
MAITRE FOLACE
Vous avez connu sa m�re ?
Fernand soupire.
MONSIEUR FERNAND
Quel est le rapport ?
MAITRE FOLACE
L'h�r�dit�. Cette manie qu'elle avait, la maman, de
toujours faire la valise.
MONSIEUR FERNAND
Suzanne � Beau Sourire � a �t� �lev�e � Bagneux sur la
zone. Et, � seize ans, elle �tait sujet vedette chez Madame
Reine. Alors je vous r�p�te, je vois pas le rapport.
MAITRE FOLACE
On pourrait peut-�tre... pr�venir la police ?
MONSIEUR FERNAND
Vous voulez que le Mexicain se retourne dans sa tombe,
non ? Sa fille recherch�e par les perdreaux. Ah, y a
vraiment des jours o� vous d�connez ferme, hein ? Jean !
Jean entre dans la chambre.
JEAN
Monsieur ?
MONSIEUR FERNAND
Dites donc, euh... Vous avez vu partir la petite, vous, ce
matin ?
JEAN
Oui, Monsieur, comme d'habitude, � huit heures.
MONSIEUR FERNAND
Et vous avez rien remarqu� ?
JEAN
Si Monsieur, les valises.
Fernand se tourne vers Folace, l'air ahuri.
MONSIEUR FERNAND
Non mais !...
Il se l�ve.
MONSIEUR FERNAND
Comment, c'est maintenant qu'y me dit �a.
Il se met � marcher de long en large dans la pi�ce.
MONSIEUR FERNAND
Bon dieu, c'est pas vrai, non mais c'est pas vrai.
Comment ? Une m�me qui s'en va soit disant � l'�cole avec
ses valoches et vous, vous trouvez �a naturel, vous ?
MAITRE FOLACE
Go on, go on, go on, and he'll break your dirty face.
(Traduction : Continue, continue, continue, et il va te
casser ta sale gueule.)
MONSIEUR FERNAND
Ah, on peut dire que je suis combl�.
Il noue la ceinture de sa robe de chambre.
MONSIEUR FERNAND
Merci Messieurs, merci ! Ah oui !
Jean sourit � Folace, et sort un petit papier de la poche
pectorale de sa veste.
MONSIEUR FERNAND
Qu'est-ce que c'est que �a ?
Jean a ouvert le papier sur lequel est �crit : � POR 89 89 � et
en-dessous : � 5532 NA 75 �.
(NOTE - Jusqu'en 1963, ann�e de la sortie du film, � Paris, les
indicatifs t�l�phoniques n'�taient, non pas des chiffres, mais des
lettres correspondant aux trois premi�res lettres du nom du
central auquel ils �taient rattach�s. POR correspond donc � Port-
Royal. Quant � ce qui est �crit sous ce num�ro de t�l�phone, il
s'agit du num�ro d'immatriculation du taxi, tel que les
immatriculations �taient en vigueur jusqu'en octobre 2009. Les
deux derniers chiffres, 75, signifient que le taxi est immatricul�
� PARIS)
JEAN
C'est le num�ro du radio-taxi qu'elle a pris.
Folace sourit. Jean se tourne vers lui, et lui dit, sur un ton un
PEU SEC :
JEAN
Yes sir !
(Traduction : Oui, monsieur !)
Le sourire de Folace s'efface de son visage. Jean, lui, sourit
b�atement.
PARIS - UNE PETITE RUE - INT�RIEUR JOUR
Gros plan sur le logo � Radio-Taxi � coll� sur le c�t� de la
Peugeot 404 noire.
Le taxi se gare dans une petite ruelle, presque une impasse.
A travers le pare-brise, on voit le chauffeur du taxi, et assis
derri�re lui, Fernand, portant un costume sombre. Il pointe du
doigt quelque chose devant la voiture.
MONSIEUR FERNAND
Vous �tes s�r que c'est l� ?
CHAUFFEUR DU TAXI
Un peu, j'ai coltin� les bagages � la troisi�me baraque.
Du doigt, il d�signe l'immeuble.
MONSIEUR FERNAND
Non mais, elle est folle ?
Il ouvre la porte et sort du taxi.
CHAUFFEUR DU TAXI
C'est ce qu'on a toujours tendance � croire chaque fois
qu'elles nous font la malle.
TAXI - INT�RIEUR JOUR
Plan pris de l'int�rieur du taxi, comme si la cam�ra �tait pos�
sur le si�ge passager avant.
Fernand se penche par la vitre ouverte du chauffeur.
MONSIEUR FERNAND
Attendez-moi, j'en ai pour cinq minutes.
CHAUFFEUR DU TAXI
Ah, j'aimerais mieux que vous appeliez un coll�gue.
PARIS - UNE PETITE RUE - INT�RIEUR JOUR
Plan rapproch� du chauffeur, vu par sa vitre ouverte.
CHAUFFEUR DU TAXI
Si la petite dame me voit, j'aurais le vilain r�le.
Comprenez... cafarder, c'est pas beau.
Il jette un oeil sur le compteur.
CHAUFFEUR DU TAXI
Six cinquante... Et puis nous, dans le m�tier, les
ruptures, les retrouvailles, toutes les fluctuations de la
fesse, on pr�f�re pas s'en m�ler.
Fernand sort une liasse de billets, et en extrait un qu'il donne
au chauffeur, qui le met dans la poche pectorale de sa veste.
CHAUFFEUR DU TAXI
Moi j'ai un coll�gue comme �a, transporteur de cocus, y
s'est retrouv� cribl� en plein jour, rue Godeau, par une
maladroite.
Fernand tapote nerveusement sur le rebord de la vitre baiss�e. Le
chauffeur sort de la monnaie de sa poche et tend une pi�ce �
Fernand.
MONSIEUR FERNAND
Oui, bon ben, �a va, �a va !
CHAUFFEUR DU TAXI
Voil�, monsieur, merci bien...
Fernand lui met une grosse poign�e de pi�ces dans la main, et
s'�loigne.
CHAUFFEUR DU TAXI
Merci... H� !...
Fernand qui avait commenc� � remonter la ruelle, se retourne vers
le taxi.
Le chauffeur lui adresse un gentil sourire.
CHAUFFEUR DU TAXI
Soyez quand m�me pas trop dur...
IMMEUBLE D'ANTOINE - PALIER - INT�RIEUR JOUR
Gros plan sur la porte de l'appartement d'Antoine Delafoy. Un
porte-carte est viss� sur la porte, porte-carte dans lequel est
gliss� une carte de visite, sur laquelle est inscrit : � Antoine
Delafoy �, et en-dessous : � Compositeur �.
On entend deux coups frapp�s sur la porte, puis le gros plan se
d�place de la carte de visite vers la poign�e de la porte. La main
de Fernand tourne la poign�e et la porte s'ouvre. On voit la
silhouette de Fernand entrer dans l'appartement.
APPARTEMENT D'ANTOINE - COULOIR - INT�RIEUR JOUR
Bruit de percussions � musicales �.
Fernand entre dans le couloir d'entr�e de l'appartement, qui est
situ� sous les toits de l'immeuble. La partie haute du mur, c�t�
toit, est inclin�e. Et les fen�tres sont des lucarnes. Fernand
referme la porte derri�re lui. Il avance dans le couloir, se
dirigeant vers le son des percussions.
APPARTEMENT D'ANTOINE - S�JOUR - INT�RIEUR JOUR
La salle de s�jour de l'appartement est une grande pi�ce, sur les
murs desquels sont accroch�s plusieurs instruments de musique
conventionnels. Du plafond pendent des cordes sur lesquelles sont
accroch�s des tubes de verre. Dans un angle, un grand canap� de
forme arrondie. Plusieurs fauteuils sont diss�min�s dans la pi�ce
Devant Fernand, une structure m�tallique supporte divers
instruments de percussions, certains reconnaissables, comme une
cymbale, d'autres invent�s par le � compositeur �, par exemple des
pi�ces m�talliques qui tournent sur un axe vertical.
Travelling le long de la structure m�tallique. Des balles de ping-
pong tombent sur la cymbale, sur laquelle elles rebondissent. A
c�t� de la cymbale, un bocal de verre contient d'autres balles de
ping-pong, puis on d�couvre divers r�cipients de chimiste, puis
des robinets. Les deux derniers robinets semblent un peu antiques.
Ces robinets laissent tous couler des filets d'eau, d'importance
variable d'un robinet � l'autre. Des micros sur pied sont pos�s
devant la structure m�tallique. Le travelling se termine sur
Antoine assis devant une table install�e devant une grande baie
vitr�e. Sur cette table, sont pos�s trois magn�tophones. Des
ventilateurs et une girouette tournent � c�t� d'Antoine. De l'eau
glou-gloute dans un bocal.
Antoine, sentant une pr�sence, se retourne, et d�couvre Fernand,
debout, les poings sur les hanches.
ANTOINE DELAFOY
Ah Nom de Dieu de Nom de Dieu, mais o� faut-il s'expatrier,
mon Dieu, pour avoir la paix ? Au Groenland, � la Terre de
Feu ? J'allais toucher l'anti-accord absolu, vous
entendez ?... Absolu. La musique des sph�res... Mais
qu'est-ce que j'essaie de vous faire comprendre, homme-
singe !
Le discours d'Antoine a �t� d�bit� sur un ton assez passionn�, qui
ne semble pas impressionner Fernand. Surtout, il ne semble pas
beaucoup appr�cier les robinets.
MONSIEUR FERNAND
Vous permettez ?
Il tourne la manette d'un robinet pour l'arr�ter. Antoine pose sa
main sur la sienne.
ANTOINE DELAFOY
Ah non !
MONSIEUR FERNAND
Monsieur Delafoy, quand vous en aurez termin� avec vos
instruments de m�nage...
Il ferme tous les robinets un par un.
ANTOINE DELAFOY
Oh, j'attendais �a...
La voix un peu stridente d'Antoine semble indisposer Fernand, qui
ressent encore les effets de sa cuite de la veille.
ANTOINE DELAFOY
... mes instruments de m�nage ? L'ironie du primate,
l'humour Louis-Philippard, le sarcasme Prudhommesque.
Il se d�place de long en large dans la pi�ce.
ANTOINE DELAFOY
Monsieur Naudin, vous faites sans doute autorit� en mati�re
de Bulldozer, tracteur et Caterpillar, mais vos opinions
sur la musique moderne et sur l'art en g�n�ral, je vous
conseille de ne les utiliser qu'en suppositoires. Voil� !
Et encore, pour enfant. J'ajouterais qu'ayant dormi � la
porte de chez vous, je comprends mal...
Il s'avance vers sa table de travail et arr�te ses magn�tophones.
Fernand se masse les yeux. Les balles de ping-pong, elles,
continuent de rebondir sur la cymbale.
MONSIEUR FERNAND
O� est Patricia ?
ANTOINE DELAFOY
Je comprends mal, disais-je, votre pr�sence chez moi !
Fernand, tr�s �nerv� maintenant, hausse la voix.
MONSIEUR FERNAND
O� est Patricia ?
PATRICIA (voix off)
Ici, mon oncle...
Patricia vient d'appara�tre � la porte de la cuisine, portant un
petit tablier de soubrette sur sa robe. Fernand s'avance vers
elle.
PATRICIA
Bonjour !
On entend toujours, en fond sonore, la musique � moderne �
d'Antoine.
MONSIEUR FERNAND
Mais enfin... Comment Patricia, mais... qu'est-ce que tu
fais l� ? Qu'est ce que �a veut dire, tout �a ?
Patricia, de la main, lui d�signe l'int�rieur de la cuisine.
PATRICIA
Tu vois, je civette, je bain-marise, je ragougnasse. Bref,
je donne � Antoine tout apaisement dans l'avenir. Logique
non ? Il doit passer sa vie avec moi.
MONSIEUR FERNAND
Passer sa vie ?
Patricia s'avance vers Fernand.
PATRICIA
Naturellement, tu restes d�jeuner avec nous ? Ch�ri !
ANTOINE DELAFOY
Oui ?
PATRICIA
Tu devrais descendre chez l'Italien, je crois que nous
allons manquer de vin.
ANTOINE DELAFOY
Oncle Fernand pr�f�re le Bordeaux ou le Bourgogne ?
Fernand se masse les tempes, et Antoine pr�f�re ne pas insister.
ANTOINE DELAFOY
Hein ?... Ben, on prendra les deux.
Il s'�loigne pour se pr�parer � sortir. Fernand continue � se
masser les tempes. Patricia s'en aper�oit et le regarde avec
inqui�tude.
PATRICIA
�a ne va pas, qu'est-ce que tu as ?
MONSIEUR FERNAND
Rien... Je deviens louf, c'est tout !
PATRICIA (voix off)
Oh, mon civet qui br�le !
APPARTEMENT D'ANTOINE - CUISINE - INT�RIEUR JOUR
Dans la cuisine, Patricia soul�ve le couvercle d'une cocotte,
souffle dans la cocotte et touille sa cuisine avec une cuiller en
bois. Par la porte ouverte, on aper�oit Fernand, toujours debout
au milieu du s�jour.
PATRICIA
Tu peux venir, tu sais.
Elle tourne la t�te vers Fernand, qui s'avance lentement vers
elle.
MONSIEUR FERNAND
�coute Patricia... Qu'est ce qui t'a pris de partir comme
�a ? Hein ? Tu nous a fais faire un mauvais sang du diable,
quoi !
Patricia lui met sa cuiller en bois dans la bouche.
PATRICIA
Qu'est ce qui t'a pris de mettre Antoine � la porte ?
MONSIEUR FERNAND
Tu veux mon avis ?
PATRICIA
C'est bien pour �a que je te le fais go�ter.
MONSIEUR FERNAND
Et bien, il manque du sel.
Fernand s'�nerve un peu.
MONSIEUR FERNAND
Non, mais c'est pas de �a qu'il s'agit, c'est de mon avis
sur ton Antoine.
PATRICIA
Mon Antoine, tu ne crois pas si bien dire...
Elle ouvre le freezer de son r�frig�rateur
PATRICIA
... il m'�pouse.
MONSIEUR FERNAND
Non, non, non, Patricia, attention, ne nous emballons pas,
hein ! D'abord est-ce que tu l'aimes ? Ben... Est-ce que tu
l'aimes assez pour l'�pouser ?
Elle a sorti un bac � gla�ons du r�frig�rateur et le referme.
PATRICIA
Oh, presque trop, c'est du g�chis. �a m�ritait une liaison
malheureuse, tragique, quelque chose d'Espagnol, m�me de
Russe.
Elle d�moule les gla�ons dans un petit seau en verre.
PATRICIA
Allez, viens donc boire un petit Scotch, va, �a te fera
oublier ceux d'hier.
Elle s'approche de Fernand.
MONSIEUR FERNAND
Hier, j'ai rien bu. Alors, pas �a !
Il joint le geste � la parole en mettant l'ongle de son pouce sur
ses incisives sup�rieures.
Elle sort de la cuisine.
APPARTEMENT D'ANTOINE - S�JOUR - INT�RIEUR JOUR
Patricia s'approche de la table sur laquelle sont dispos�s les
ap�ritifs.
PATRICIA
Alors, pourquoi tu d�ambulais toute la nuit ? Tu as m�me
fait couler deux bains.
Fernand entre lentement dans la salle de s�jour. Il semble un peu
mal � son aise.
MONSIEUR FERNAND
Les nerfs !...
Il passe derri�re elle en se frottant un peu nerveusement les
mains.
MONSIEUR FERNAND
Dis moi, tu comptes rentrer pas trop tard.
Il s'assoit dans un fauteuil.
MONSIEUR FERNAND
Oui, il faudrait pas que la future belle-famille aille
s'imaginer que... que nous menons une vie de boh�me, quand
m�me.
Patricia donne un verre � Fernand.
MONSIEUR FERNAND
Parce que ton Antoine, il est bien gentil avec ses airs...
l�... Mais tu vas voir qu'il va nous faire surgir une
famille, comme tout le monde.
Fondu encha�n�.
Un peu plus tard.
Antoine marche de long en large dans la pi�ce, circulant entre les
nombreux objets de verre qui pendent du plafond. Derri�re lui,
Patricia d�barrasse la table.
ANTOINE DELAFOY
Bref, seul rescap� d'une famille �branl�e par les guerres
coloniales, les divorces et les accidents de la route,
papa, Adolphe Am�d�e Delafoy dit � Le Pr�sident �, un
personnage... Il collectionne les pendules et les
contraventions, les d�ceptions sentimentales et les
d�corations. Il les a toutes sauf la m�daille de sauvetage,
la plus belle selon lui, mais la plus difficile � d�crocher
quand on est pas breton.
Fernand l'�coute, affal� dans un fauteuil, en chemise et un cigare
au bec. Du pied, il fait sonner l'un des objets de percussion en
verre qui pendent du plafond.
MONSIEUR FERNAND
Un homme curieux, d�tes-donc !
ANTOINE DELAFOY
Un p�re... Adolphe-Am�d�e t�moigne en mati�re d'art de
perversion assez voisine des v�tres, d�fenseur de Puvis de
Chavannes et de Reynaldo Hahn...
MONSIEUR FERNAND
Connais pas.
ANTOINE DELAFOY
Lui, si ! A part �a, ce qu'il est convenu d'appeler un
grand honn�te homme. Port� sur la morale et les soubrettes,
la religion et les jetons de pr�sence... Vous connaissez sa
derni�re ? Il vient de se faire bombarder vice-pr�sident du
Fond Mon�taire International.
MONSIEUR FERNAND
Oh ?
Fernand semble soudain tr�s int�ress�. Il se met � t�ter son
cigare d'un air pensif. Derri�re lui, Patricia, toujours occup� �
d�barrasser la table, le regarde avec attention.
PATRICIA
A quoi penses-tu ?
MONSIEUR FERNAND
Fond Mon�taire...
Il fait un clin d'oeil � Patricia.
MONSIEUR FERNAND
... pas b�te, �a, tu sais !
MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR
Dans le parc du manoir, Th�o est debout pr�s d'un petit kiosque en
bois.
Un peu plus loin, son ami, cach� par un arbre, observe le manoir,
et plus particuli�rement la chambre de Fernand.
MANOIR DU MEXICAIN - CHAMBRE DE FERNAND - INT�RIEUR JOUR
Jean ouvre les rideaux et laisse entrer la lumi�re dans la pi�ce.
Puis il tourne la poign�e de la fen�tre.
JEAN, MA�TRE FOLACE ET PATRICIA (voix off)
Happy birthday to you, happy birthday to you...
Fernand, allong� en pyjama dans son lit, ouvre les yeux, et
regarde ce qui se passe au pied de son lit.
Debout devant le pied du lit, Folace, en robe de chambre sombre,
tient un petit paquet � la main. A c�t� de lui, Patricia, d�j�
habill�e d'une robe claire, avec un collier de perles autour du
cou, tient un paquet plus grand derri�re son dos. Jean revient de
la fen�tre, qu'il vient d'ouvrir, et se positionne � c�t� de
Patricia. Lui aussi est d�j� habill� en veste blanche, et tient un
petit paquet � la main. Ils chantent tous trois, avec beaucoup de
conviction... mais un peu faux !
JEAN, MA�TRE FOLACE ET PATRICIA
... happy birthday, Fernand... happy birthday to you !
Patricia s'approche du lit.
PATRICIA
Bon anniversaire, mon Oncle !
Elle l'embrasse sur les deux joues et pose son paquet sur le lit.
Ma�tre tend son petit paquet vers le lit avec un grand sourire.
MAITRE FOLACE
Joyeux anniversaire, mon cher.
Quelqu'un, que l'on ne voit pas (peut-�tre Patricia) lui prend le
paquet des mains.
Fernand ouvre le paquet et en sort un stylo.
Jean, � son tour, offre son cadeau � Fernand.
JEAN
Good health and happiness, Sir !... Sant� et prosp�rit�,
Sir !
(Traduction exacte : Bonne sant� et bonheur, monsieur)
Gros plan sur le cadeau de Jean : une pipe. Fernand la retourne
dans sa main.
Il la porte � sa bouche, et aspire un peu pour v�rifier le tirage.
Il sourit.
MONSIEUR FERNAND
C'est vraiment trop gentil.
Patricia ramasse un autre paquet, pos� sur la table � c�t� du
plateau du petit-d�jeuner.
PATRICIA
On m'a apport� celui-l� tout � l'heure.
Elle s'approche du lit, tout en lisant ce qui est �crit sur le
paquet.
PATRICIA
Exp�diteur : Volfoni fr�res.
Fernand tourne vers lui le paquet, que Patricia tient toujours
dans ses mains. A son tour, il lit ce qui est �crit sur le paquet.
MONSIEUR FERNAND
On a beau avoir fait la paix, �a fait quand m�me quelque
chose.
Il regarde Folace, dont on ne voit pas le visage, mais qui doit
sembler dubitatif, car Fernand ajoute :
MONSIEUR FERNAND
Oh si... Je dois dire que le geste est d�licat.
Patricia porte le paquet � son oreille.
PATRICIA
C'est s�rement une pendule, �coute !
On entend un tic-tac provenant du paquet.
Patricia met le paquet contre l'oreille de Fernand. D'un seul
coup, le visage de Fernand s'assombrit. Il arrache le paquet des
mains de Patricia, puis il se redresse vivement sur son lit, et
lance le paquet sur la pelouse par la fen�tre ouverte.
Par la fen�tre, on voit le paquet qui explose sur la pelouse,
envoyant valdinguer les chaises de jardin, dont certaines se
cassent en plusieurs morceaux.
MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR
L'ami de Fernand s'�loigne de sa cachette, revenant vers Th�o.
Derri�re lui, pr�s du manoir, on voit la fum�e de l'explosion qui
se dissipe lentement.
Fondu encha�n�.
P�NICHE - BUREAU - INT�RIEUR JOUR
Plan rapproch� sur le verrou de la porte, qui est ouvert. On
frappe, puis on ouvre la porte. Fernand est debout dans
l'encadrement, le visage mena�ant. Derri�re lui, on voit le bar de
la salle de jeu, et devant le bar, un homme qui nettoie le tapis
de jeu. Fernand chante, les dents serr�es.
MONSIEUR FERNAND
Happy birthday to you...
Raoul regarde Fernand d'un oeil surpris et interrogateur.
MONSIEUR FERNAND (voix off)
... Happy birthday to you...
Retour sur Fernand qui continue � chanter.
MONSIEUR FERNAND
... Happy birthday to you-ou-ou, Happy birthday to you...
Le poing de Fernand se d�tend, et frappe Raoul.
Raoul part � reculons en titubant, et s'�croule contre le mur d'en
face.
Paul, assis au bureau, ferme pr�cipitamment le coffre-fort. Puis
il regarde son fr�re assis par terre. Il se l�ve, et marche
lentement vers lui. Il regarde par la porte, qui est rest�e
ouverte, la ferme rapidement et tourne le verrou. Il revient
ensuite vers son fr�re, toujours assis par terre contre le mur.
PAUL VOLFONI
Il est parti.
Raoul ouvre les yeux et regarde son fr�re.
RAOUL VOLFONI
Non mais, t'a d�j� vu �a ? En pleine paix, il chante, et
puis crac ! un bourre-pif ! Mais il est compl�tement fou,
ce mec.
Il se l�ve. Paul se pr�cipite pour l'aider.
RAOUL VOLFONI
Mais moi, les dingues, je les soigne.
Il se dirige vers un secr�taire, suivi par Paul, qui le soutient.
Il rel�ve la porte du secr�taire, et la coulisse dans la partie
sup�rieur du meuble pour la maintenir ouverte.
RAOUL VOLFONI
Je vais lui faire une ordonnance... et une s�v�re...
Il s'assoit sur une chaise, et du secr�taire, il sort un paquet de
b�tons de dynamite li�s ensembles. Sur les b�tons de dynamite, est
fix� une grenade.
RAOUL VOLFONI
Je vais lui montrer qui c'est Raoul.
Il prend un tournevis dans le secr�taire.
RAOUL VOLFONI
Aux quatre coins de Paris qu'on va le retrouver, �parpill�
par petits bouts, fa�on puzzle.
Il visse plusieurs vis sur la bombe.
RAOUL VOLFONI
Moi, quand on m'en fait trop, je � correctionne � plus, je
dynamite, je disperse, je ventile.
Il jette le tournevis � l'int�rieur du secr�taire. Il prend deux
fils �lectrique qui sortent de la bombe pour les relier ensemble.
Une �tincelle jaillit. Raoul se recule pr�cipitamment dans les
bras de son fr�re
MANOIR DU MEXICAIN - CHAMBRE DE FERNAND - INT�RIEUR NUIT
Gros plan sur la porte de l'armoire, que la main de Fernand est en
train d'ouvrir. Les mains de Fernand fouille dans une pile de
linge, et en sortent un revolver.
Fernand est en robe de chambre sombre. Il referme lentement la
porte de son armoire, et, tout aussi lentement, se dirige vers la
porte ouverte de sa chambre, le revolver en main. Avant de sortir,
il s'arr�te et �coute longuement. Il met le revolver dans la poche
de sa robe de chambre, puis sort de la pi�ce.
MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR NUIT
Fa�ade arri�re de la maison. Une petite terrasse �troite court le
long de la fa�ade. L'�clairage ext�rieur s'allume.
Fernand sort lentement par une porte-fen�tre, puis il marche le
long de la terrasse. Au bout de la terrasse, un petit escalier de
quelques marches descend vers le parc.
MANOIR DU MEXICAIN - GARAGE - INT�RIEUR NUIT
Par la baie vitr�e du garage, on voit Fernand qui marche le long
de la terrasse.
Devant la baie vitr�e, une �tag�re encombr�e d'objets aussi divers
qu'h�t�roclites, comme on en trouve dans ce genre de local
(bouteilles de produits d'entretien, outils, etc.)
Paul, en pardessus, et casquette sur la t�te, est cach� dans un
coin sombre. Par la baie vitr�e, on voit Fernand rentrer dans la
maison et fermer la porte-fen�tre. La lumi�re ext�rieure du manoir
s'�teint. Paul se tourne vers son fr�re. Il soupire, puis
CHUCHOTE :
PAUL VOLFONI
On n'aurait pas d� venir.
RAOUL VOLFONI
Ta gueule !...
Derri�re Paul, dans la p�nombre, Raoul pr�pare son mat�riel. Il
prend une grosse lampe �lectrique, la pose sur une table et
l'allume. Il chuchote :
RAOUL VOLFONI
Assure-toi qu'il s'est recouch� !...
Paul hausse les sourcils, et se dirige vers la porte d'acc�s
pi�tons du garage, qu'il ouvre pour sortir.
Le capot de la 404 de Fernand est ouvert, et Raoul, pench� sur le
moteur, a sorti sa bombe d'une sacoche en cuir. Il pose la sacoche
par terre et commence � positionner la bombe dans le moteur. On
entend un chat qui miaule. Raoul se m�prend sur le bruit et pense
que c'est son fr�re qui revient.
RAOUL VOLFONI
Alors, y dort, le gros con ? Ben y dormira encore mieux
quand il aura pris �a dans la gueule !
Le chat continue � miauler. Appuy� sur les �tag�res, Fernand
�coute Raoul tout en se tapotant nerveusement le bras.
RAOUL VOLFONI (voix off)
Il entendra chanter les anges, le gugus de Montauban. Je
vais le renvoyer tout droit � la maison m�re, au terminus
des pr�tentieux...
CLINIQUE DUGOINEAU - CHAMBRE DE RAOUL - INT�RIEUR JOUR
Raoul est allong�, en pyjama, sur un lit d'h�pital. Il a un
pansement sur le nez, une m�che dans une narine, et un coquard sur
l'oeil. Il maintient en place un linge humide sur son front. Il
sent une pr�sence dans la pi�ce et tourne la t�te.
RAOUL VOLFONI
Fumier va !
Paul, en costume gris, est debout pr�s de la fen�tre, un petit
paquet de g�teaux de p�tissier � la main. Il semble un peu mal �
son aise.
PAUL VOLFONI
Ben...
Il sourit niaisement.
MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR JOUR
Gros plan sur un journal. En titre de premi�re page : � �nigme
dans l'affaire du camion incendi� �. Et en dessous : � Parmi les
bouteilles de pastis clandestin, transport�es par les fraudeurs,
certaines contenaient de l'essence � Et en-dessous, une photo du
camion en train de flamber. A c�t� de la photo, on voit une partie
d'un autre titre : � Ben Bella, ma�tre absolu en Alg�rie �, titre
qui rappelle l'�poque au cours de laquelle se d�roule le film.
MONSIEUR FERNAND (lisant le journal en voix off)
� �nigme dans l'affaire du camion incendi�. Parmi les
bouteilles de pastis clandestin transport�es par les
fraudeurs, certaines contenaient de l'essence �.
Fernand, en robe de chambre de couleur claire, une cigarette � la
main, est assis derri�re un bureau. Il replie le journal, et le
pose sur le bureau.
MONSIEUR FERNAND
�videmment, �a br�le mieux.
Pascal est assis, en face de lui, sur le bord du bureau, et
Bastien est debout � c�t� de Pascal.
PASCAL
Oui, mais... Monsieur Fernand, ce que vous avez fait aux
Volfoni, c'est pas bien !
BASTIEN
C'est surtout pas juste !
Fernand croise les bras.
MONSIEUR FERNAND
Elle est bien belle, celle-l� ! Comment ? Ils me flinguent
� vue, ils me butent Henri...
PASCAL
Justement pas !
Il fait signe � Bastien de s'expliquer.
BASTIEN
Euh...
Il ne trouve visiblement pas ses mots, et se tourne vers Pascal.
BASTIEN
Ah ! Tiens, explique, toi !
PASCAL
Monsieur Fernand... Si les Volfoni vous avaient seringu�,
vous et Henri, qui aurait �t� aux commandes, hein ?
D'un doigt autoritaire, il d�signe Bastien.
BASTIEN
Moi, premi�re g�chette !
Fernand semble songeur.
MONSIEUR FERNAND
Et c'�tait pas toi !...
Il pose les mains � plat sur le bureau.
MONSIEUR FERNAND
Dites-donc...
Il se l�ve et contourne le bureau.
MONSIEUR FERNAND
Th�o, l'ami Fritz l�, question mentalit�, quelle cote vous
lui donnez ?
PASCAL
Ben, c'est pas du blanc-bleu.
Fernand marche de long en large dans la pi�ce.
MONSIEUR FERNAND
�a vous ennuierait de faire une petite commission pour
moi ?
PASCAL
Nous, si les Volfoni sont plus dans le tourbillon !
BASTIEN
Pr�sent� comme �a, la chose peut nous s�duire !
MONSIEUR FERNAND
Et ben alors, vous pourriez peut �tre passer voir Th�o � sa
campagne. Il a sans doute besoin de parler... de causer...
et � vous qu'il conna�t bien, il se confierait peut
�tre ?... Hmm ?...
Fernand est revenu derri�re le bureau, sur lequel il r�cup�re sa
grande tasse de caf�.
PASCAL
Je ne vois pas de raisons pour qu'il nous fasse des
cachotteries.
BASTIEN
Je vois pas non plus...
PASCAL
Ou alors, ce serait vraiment le go�t de taquiner !
Fondu encha�n�.
UNE CABINE T�L�PHONIQUE - INT�RIEUR JOUR
Pascal et Bastien sont, tous les deux, dans une cabine
t�l�phonique, devant un � Taxiphone � � l'ancienne, fonctionnant
avec des jetons. C'est Pascal qui tient le combin�.
PASCAL
Alors voil�, Monsieur Fernand, on est pass� � la
distillerie. Th�o �tait pas l�, on est tomb� sur Tomate...
curieux non ?
MONSIEUR FERNAND (voix off dans le t�l�phone)
Qu'est ce qu'il faisait l� ?
PASCAL
Mais d�tendez-vous, Monsieur Fernand, il nous l'a dit ce
qu'il faisait l�.
Pascal et Bastien �clatent de rire.
Fondu encha�n�.
DISTILLERIE - REZ DE CHAUSS�E - INT�RIEUR JOUR
Devant le gros alambic industriel, entour� de vapeur, Tomate est
allong� par terre.
TH�O (voix off)
Pauvre Tomate ! Je le voyais pas s'en aller si vite.
Th�o et son ami sont debout au milieu des �tag�res de bouteilles
vides. Ils regardent le cadavre de Tomate.
L'AMI DE TH�O
Comme �a, on aura pas � le faire, puisque c'est par lui
qu'on devait cl�turer.
Th�o saisit brutalement son ami par le col de sa veste et le
secoue.
TH�O
C'est tout ce que t'as trouv� ? Tu comprends que si Tomate
est descendu, c'est que l'autre branque a compris et que �a
sera bient�t notre tour.
Il repousse violemment son ami, qui percute une �tag�re �
bouteilles. Les bouteilles tombent et �clatent par terre.
Th�o r�fl�chit un peu et dit, d'une voix plus calme :
TH�O
Seulement maintenant, on a le droit pour nous.
L'AMI DE TH�O
Le droit ?
Th�o sourit.
TH�O
L�gitime d�fense. Avec moi, �a ne pardonne pas.
Fondu au noir.
MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR
Folace est debout derri�re une porte fen�tre. Il regarde dans le
parc.
MAITRE FOLACE
Mon cher, nous avons de la visite !
Fernand, debout derri�re lui, sort de la pi�ce. Folace l�ve le
pistolet, qu'il tenait � la main, et tire dans le parc.
Dans le parc, Freddy, qui �tait vis� par Folace, court se cacher.
Il tient aussi un pistolet � la main.
Il rejoint Th�o, cach� derri�re un arbre.
FREDDY
Comme effet de surprise, c'est r�ussi ! Voil� qu'on se fait
flinguer...
Deux coups de feu retentissent. Freddy s'accroupit. Th�o l�ve son
arme, un pistolet avec un canon tr�s long. Il tire en direction du
manoir.
Folace est cach� derri�re une fen�tre, en train de visser un
silencieux sur son pistolet. La balle, tir�e par Th�o, troue l'un
des carreaux de la fen�tre.
Dans le parc, Th�o tire de nouveau.
Folace, derri�re la fen�tre, tire en direction du parc. Son
pistolet, maintenant muni d'un silencieux, fait le � plop �
caract�ristique des silencieux.
Cach� derri�re un arbre, Th�o ajuste son tire en reposant le canon
de son arme sur son avant-bras.
Folace se cache derri�re la fen�tre pour �viter la balle de Th�o.
MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR JOUR
Une statue sur un socle vole en �clats.
La statue �tait pos� sur un coffre-fort.
Jean est accroupi devant le coffre-fort, dont il tourne les
boutons de combinaison.
A c�t� de lui, Fernand brosse, de la main, les d�bris de pl�tre
sur son veston.
MONSIEUR FERNAND
Je te demande pas si tu sais les ouvrir !
Jean ouvre le coffre. On y voit des liasses de billets de banque
sur l'�tag�re sup�rieure, mais aussi, sur l'�tag�re centrale, deux
pistolets. Jean en tend un � Fernand.
JEAN
Je ne demande pas � Monsieur si Monsieur sait s'en servir !
Pendant que Fernand arme son pistolet, Jean en sort un autre du
coffre.
MANOIR DU MEXICAIN - PARC - EXT�RIEUR JOUR
Toutes les armes, sauf celle de Th�o, �tant munies de silencieux,
elles font toutes le � plop � caract�ristique.
Toujours derri�re sa fen�tre, Folace tire dans le parc.
Jean entr'ouvre la porte d'entr�e, et inspecte le parc.
Folace, derri�re sa fen�tre, tire � nouveau.
Jean tire depuis la porte d'entr�e.
Cach� derri�re un arbre, � c�t� du petit kiosque en bois, Th�o
tire en direction du manoir
Cach� derri�re le kiosque, l'ami de Th�o tire lui aussi.
Cach� derri�re un buisson, Freddy tire deux fois.
Th�o, derri�re son arbre, tire � nouveau. Il se retourne, et
semble tr�s surpris par ce qu'il voit. Il cache son arme derri�re
son dos.
Marchand calmement dans une all�e du parc, canne � la main, Am�d�e
Delafoy, le p�re d'Antoine, se dirige vers le manoir.
Th�o l'observe derri�re son arbre.
Am�d�e le voit, et l�ve son chapeau pour le saluer. Il est tr�s
�l�gamment v�tu en sombre, avec noeud papillon.
Th�o s'incline vers Am�d�e en souriant.
Am�d�e remet son chapeau et reprend sa marche.
Th�o hausse les �paules, ne comprenant visiblement pas qui peut
�tre cet �trange personnage.
Am�d�e arrive pr�s du manoir.
Jean, derri�re une fen�tre, le regarde avec surprise.
JEAN
Monsieur attendait quelqu'un ?
Derri�re une autre fen�tre, Fernand regarde aussi Am�d�e avec
surprise.
MONSIEUR FERNAND
Non...
Derri�re une autre fen�tre, au carreau bris�, Folace aussi observe
l'arrivant.
MAITRE FOLACE
D'apr�s Monsieur, serait-ce une feinte de l'ennemi ?
Am�d�e monte l'escalier qui m�ne au perron du manoir. Arriv� � la
porte d'entr�e, il appuie sur le bouton de la sonnette.
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR JOUR
Plan rapproch� sur la bo�te m�tallique cylindrique, qui sert de
porte-parapluie. Jean y d�pose deux pistolets.
Jean va vers la porte d'entr�e, qu'il ouvre. Il pousse Am�d�e vers
l'int�rieur du manoir, puis claque la porte. Am�d�e donne sa canne
� Jean, et commence � enlever son manteau..
AM�D�E DELAFOY
Voulez-vous m'annoncer aupr�s de Monsieur Fernand Naudin,
je vous prie.
JEAN
De la part de qui ?...
Jean, comprenant que Am�d�e doit �tre sourd, hausse la voix.
JEAN
De la part de qui, monsieur ?
Am�d�e donne son manteau � Jean.
AM�D�E DELAFOY
Quoi, qu'est ce qu'il y a mon ami ? Articulez !
C'est presque en hurlant que Jean lui demande :
JEAN
De la part de qui, monsieur ?
Am�d�e enl�ve ses gants.
AM�D�E DELAFOY
Ah !... De la part du pr�sident Delafoy, le p�re d'Antoine
Delafoy.
Il donne son chapeau � Jean, qui sort rapidement du vestibule.
Am�d�e, les gants � la main, reste l� � contempler le d�cor, qui
semble lui plaire.
MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR JOUR
Jean entre dans la pi�ce, portant toujours le manteau, le chapeau
et la canne d'Am�d�e. Il entend un coup de feu, et se dirige vers
la fen�tre.
MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR
Freddy court dans le parc, jusqu'� un pi�destal portant une
vasque, et derri�re lequel il se cache.
MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR JOUR
Jean fait un signe de t�te vers le vestibule.
JEAN
Le pr�sident Delafoy !
Puis il regarde de nouveau par la fen�tre. Derri�re lui, Am�d�e
entre dans la pi�ce.
AM�D�E DELAFOY
Puisqu'on ne m'annonce pas, je le fais moi-m�me...
Il s'avance dans la pi�ce, la main tendue. Les coups de feu, qu'il
n'entend visiblement pas, continuent � retentir.
AM�D�E DELAFOY
Pr�sident Delafoy...
Fernand saisit Am�d�e � bras le corps et l'entra�ne dans un coin
de la pi�ce. Jean sort de la pi�ce. Un vase, pos� sur une commode,
�clate sous l'impact d'une balle.
Fernand et Am�d�e sont maintenant dans un coin de la pi�ce pr�s de
la fen�tre. Fernand tape amicalement sur le bras d'Am�d�e.
AM�D�E DELAFOY
Moi aussi, je suis... je suis absolument ravi de faire
votre connaissance...
Fernand le pousse � travers la pi�ce en lui baissant la t�te. Des
balles traversent le carreau de la fen�tre devant laquelle ils
viennent de passer.
Ils arrivent dans un autre coin de la pi�ce. Fernand �clate d'un
rire un peu forc�.
AM�D�E DELAFOY
Je vois que vous �tes habitu� � mener les choses rondement.
Ce n'est pas pour me d�plaire d'ailleurs, j'aime l'action,
l'initiative. Quand j'�tais jeune, je jouais au hockey sur
gazon...
Alors qu'Am�d�e n'entend aucun des coups de feu qui retentissent
autour de lui, il entend sonner une horloge !
AM�D�E DELAFOY
Ohhh !... Grand Dieu...
Il s'approche de l'horloge ancienne, pos�e sur le marbre d'un
meuble. Il l'examine et la caresse, pendant que, derri�re lui,
Jean est entr� dans la pi�ce et tire par la fen�tre.
AM�D�E DELAFOY
Fin XVIII�, de Ferdinand Berthoud.
Fernand s'approche doucement de lui. On entend les � plop � du
pistolet de Jean.
AM�D�E DELAFOY
A moins que ma future belle-fille n'y tienne vraiment, je
l'�changerais bien contre autre chose. Ohhh !...
Fernand le prend par les �paules pour l'�loigner de la zone
dangereuse.
AM�D�E DELAFOY
Hein ?...
Ils arrivent dans un autre coin de la pi�ce, plus �loign� de la
fen�tre, d'o� retentissent toujours les coups de feu.
AM�D�E DELAFOY
Oui... oui, pardonnez-moi, j'anticipe.
Dans la glace situ�e � c�t� d'eux, on voit Folace, qui, � son
tour, tire par la fen�tre. Am�d�e, lui, a remis ses gants pour
faire sa demande officielle.
AM�D�E DELAFOY
Et bien, Monsieur, j'ai l'honneur de vous demander la main
de votre ni�ce Patricia pour mon fils Antoine...
Il s'incline profond�ment. Dans la glace, on voit Folace qui fait
signe � Fernand de se cacher. Fernand fait � oui � de la t�te.
Am�d�e, qui rel�ve la t�te � ce moment-l�, prend ce signe comme un
acquiescement � sa requ�te.
AM�D�E DELAFOY
Ah !... Ce oui est un cri du coeur, je n'en attendais pas
moins.
Il prend Fernand dans ses bras. Ils s'�loignent tous les deux,
serr�s l'un contre l'autre, donnant presque l'impression qu'ils
sont en train de danser ensemble !
Ils ont atteint un coin apparemment un peu plus tranquille. Am�d�e
semble d'humeur joyeuse et Fernand lui sourit.
AM�D�E DELAFOY
H� !... H� !... Et bien voil� !...
MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR
Debout pr�s d'une fen�tre, Folace est en train de tirer dans le
parc.
Jean en fait autant � partir de la porte d'entr�e entr'ouverte.
Th�o tire, cach� derri�re son arbre.
Son ami tire aussi, cach� derri�re le kiosque.
Freddy tire aussi, cach� dans un buisson. Il s'aper�oit qu'il n'a
plus de munition et s'accroupit derri�re le buisson pour recharger
son arme.
MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR JOUR
Am�d�e contemple les meubles et objets anciens qui l'entourent.
AM�D�E DELAFOY
Cette maison est un ravissement.
Il s'approche d'une haute plante verte en pot.
AM�D�E DELAFOY
Ah... cette verdure, ce calme.
Il se dirige vers un porte ouverte et s'incline.
MANOIR DU MEXICAIN - UN AUTRE SALON - INT�RIEUR JOUR
Folace, debout pr�s d'une fen�tre, cache son arme sous sa veste,
et s'incline pour r�pondre au salut d'Am�d�e.
MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR JOUR
Am�d�e admire les objets napol�oniens dans la vitrine de la pi�ce
voisine. Fernand ferme la porte pour permettre � Folace de
reprendre son � activit� �.
MANOIR DU MEXICAIN - UN AUTRE SALON - INT�RIEUR JOUR
Folace tire le pistolet de sous sa veste, et recommence � tirer.
MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR JOUR
Fernand est adoss� sur la porte qu'il vient de fermer.
AM�D�E DELAFOY
Et puis voyez-vous, mon cher Monsieur, rien ne vaut ces
vieilles demeures de familles...
Am�d�e enl�ve ses gants.
MANOIR DU MEXICAIN - UN AUTRE SALON - INT�RIEUR JOUR
Folace continue � tirer par la fen�tre.
MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR
AM�D�E DELAFOY (voix off)
... ces greniers...
Jean tire depuis la porte d'entr�e entreb�ill�e.
Freddy tire, cach� derri�re le pi�destal.
AM�D�E DELAFOY (voix off)
... o� nous avons jou� enfants.
Jean rentre dans la maison.
Th�o tire depuis le kiosque.
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR JOUR
Jean, cach� derri�re le radiateur, tire avec deux pistolets vers
la porte d'entr�e, qui est rest�e ouverte. Un tableau,
repr�sentant un homme portant une fraise, lui tombe presque sur la
t�te.
MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR JOUR
On entend la chute du tableau r�sonner dans la maison. Am�d�e tend
l'oreille.
AM�D�E DELAFOY
Il me semble avoir entendu...
Fernand bafouille un peu.
MONSIEUR FERNAND
Oui, c'est... c'est le jardinier qui... tue les taupes !...
Jean !
Jean appara�t � la porte.
JEAN
Monsieur ?...
MONSIEUR FERNAND
Euh... Voulez-vous lui dire de faire un peu moins de bruit
s'il vous pla�t ?
JEAN
Je vais essayer de lui faire comprendre, Monsieur.
Jean ressort.
Am�d�e regarde quelque chose situ� juste derri�re Fernand.
AM�D�E DELAFOY
D�tes moi que c'est un h�ritage, un cadeau, un objet de
famille, mais ne me dites pas que vous l'avez trouv�e �
Paris, vous me tueriez !
Fernand, qui n'a pas vu la direction du regard d'Am�d�e, affiche
un air un peu ahuri.
MONSIEUR FERNAND
Quoi ?
AM�D�E DELAFOY
�a !...
Il montre un �trange vase mont� sur un tr�pied.
Une balle heurte le plafond et fait tomber une partie du pl�tre de
la moulure.
Am�d�e re�oit une pluie de pl�tre sur la t�te.
AM�D�E DELAFOY
Ouh !
Am�d�e regarde, avec surprise, son costume sombre couvert de
pl�tre.
AM�D�E DELAFOY
Oh ! Mais qu'est-ce que c'est ?
Fernand et lui l�vent tous les deux les yeux vers le plafond.
MONSIEUR FERNAND
Des termites.
AM�D�E DELAFOY
Hein ?
Fernand lui parle, d'une voix forte, directement dans l'oreille,
tout en lui brossant la veste de la main.
MONSIEUR FERNAND
Des termites ! �a bouffe tout, les termites ! L'ennui de
ces vieilles demeures o� nous avons jou� enfants.
D'autres balles heurtent le plafond.
Fernand et Am�d�e se trouvent couverts par un d�luge de pl�tre.
AM�D�E DELAFOY
Ouh !
Fernand l�ve les yeux vers le plafond, puis les baisse et regarde
Am�d�e avec un sourire un peu crisp�.
MONSIEUR FERNAND
Sales b�tes !
Il se passe la main dans les cheveux.
MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR
Une voiture se gare devant le perron du manoir. Bastien sort du
c�t� conducteur, et Pascal du c�t� passager. Ils se dirigent vers
le perron.
Th�o sort de sa cachette derri�re son arbre et court vers le
kiosque.
Pascal et Bastien escalade l'escalier du perron d'un pas souple et
rapide. Ils sonnent � la porte.
Th�o contourne le kiosque en courant. Il se cache derri�re Freddy.
FREDDY
Les horribles !
Il se tourne vers Th�o.
FREDDY
S�par�ment, ils sont d�j� pas dr�les, je suis pas press� de
conna�tre leur num�ro de siamois.
Th�o ricane.
Son ami est toujours cach� derri�re un arbre, le pistolet � la
main.
Th�o siffle dans ses doigts.
Bastien et Pascal, qui sont toujours devant la porte du manoir,
entendent le sifflet de Th�o, et glissent imm�diatement la main �
l'int�rieur de leurs vestes.
L'ami de Th�o court vers le kiosque.
Pascal et Bastien regardent dans la direction d'o� venaient le
sifflet, et retirent lentement leurs mains de l'int�rieur de leurs
vestes. Ils r�ajustent ensemble leurs cravates, et entrent dans le
manoir.
Th�o regarde Freddy.
TH�O
Il faut bien admettre qu'exceptionnellement, Dieu n'est pas
avec nous ! Mais il ne sera pas dit que nous avons sorti le
mat�riel pour rien...
CLINIQUE DUGOINEAU - ENTR�E PRINCIPALE - EXT�RIEUR JOUR
Gros plan sur une pancarte au-dessus de la porte de la clinique.
Il y est �crit : � Clinique Dugoineau �.
Raoul et Paul sortent de la clinique, manteau sur le bras.
Une Citro�n DS s'approche d'eux. A l'arri�re, par la vitre
ouverte, Th�o tire sur eux � la mitraillette. La voiture
s'�loigne.
VOITURE DE TH�O - INT�RIEUR JOUR
Freddy est au volant de la DS.
TH�O (voix off venant du si�ge arri�re)
Je te dis pas que c'est pas injuste...
Freddy tourne, en souriant, la t�te vers l'arri�re du v�hicule,
puis reporte son regard vers la route. L'ami de Th�o, assis sur le
si�ge passager avant, garde la t�te tourn�e vers l'arri�re.
Th�o s'est enfonc� dans son si�ge. Il semble satisfait de ce qu'il
vient de faire.
TH�O
... je t'ai dis que �a soulage !
CLINIQUE DUGOINEAU - CHAMBRE DE PAUL ET RAOUL - INT�RIEUR JOUR
Raoul et Paul sont allong�s sur deux lits voisins, couverts de
bandages. Raoul a une jambe pl�tr�e, maintenu en position �lev�e
par une poulie fix�e au plafond. Paul, lui, a une sorte de tente
au-dessus du corps, pour �viter tout frottement avec les draps.
Gros plan sur le visage de Raoul, qui regarde son fr�re d'un oeil
mauvais.
Paul, un thermom�tre dans la bouche fait un signe d'impuissance.
Il retire le thermom�tre et s'essuie le nez. Puis il remet le
thermom�tre dans sa bouche.
Fondu au noir.
MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR JOUR
Fernand est en grand habit de c�r�monie, pr�t � assumer son r�le
de � p�re de la mari�e �. Il porte un col cass�, un gilet gris et
une cravate lavalli�re gris clair avec une perle piqu�e dedans. Le
tailleur tourne autour de lui.
LE TAILLEUR
Ah parfait, absolument parfait, et pourtant, une jaquette
c'est difficile � porter !
Il r�ajuste la veste sur les �paules de Fernand.
LE TAILLEUR
Et Monsieur la porte � ravir. Monsieur a une morphologie de
diplomate.
Le tailleur continue � ajuster la veste sur Fernand, qui semble un
peu agac� par tous ces tripotages.
MONSIEUR FERNAND
Tr�s bien, tr�s bien... soyez assez gentil de m'envoyer
votre facture le plus vite possible, parce que moi, je
repars en province apr�s-demain... hein ?
Il sort du salon, suivi par le tailleur, qui lui brosse la veste
de la main.
MANOIR DU MEXICAIN - UN AUTRE SALON - INT�RIEUR JOUR
Antoine, aussi �l�gant que Fernand, avec en plus un oeillet � la
boutonni�re et une paire de gants � la main, prend la pose � c�t�
de Patricia, portant une superbe robe de mari�e. Devant eux, un
petit gar�on et une petite fille, eux aussi habill�s pour la
circonstance.
Le photographe introduit une nouvelle plaque dans un appareil �
soufflet pos� sur un tr�pied.
LE PHOTOGRAPHE
S'il vous plait... Ne bougeons plus !
Un flash de lumi�re jaillit. Le photographe met une autre plaque
dans son appareil.
LE PHOTOGRAPHE
C'est fini.
Patricia rel�ve sa robe et se pr�cipite vers Fernand, qui vient
d'entrer dans la pi�ce.
PATRICIA
Mon oncle, c'est merveilleux...
Fernand, toujours en habit, est en train de regarder Jean qui
dispose les cadeaux sur une table.
PATRICIA
... je n'aurais jamais pens� que nous avions autant d'amis.
Elle l'embrasse. Fernand sourit.
MONSIEUR FERNAND
Et nous en avons encore beaucoup plus que tu ne le penses !
Le photographe vient chercher Patricia.
LE PHOTOGRAPHE
Mademoiselle... S'il vous plait.
Le photographe entra�ne Patricia pour d'autres photos d'elle
seule, et Antoine rejoint Fernand.
ANTOINE DELAFOY
Vous avez l'air exceptionnellement d�tendu, Oncle Fernand,
heureux de vivre !
MONSIEUR FERNAND
Ah oui, �a, vous pouvez le dire. Et puis, maintenant que ma
mission de tuteur est termin�e, et croyez moi...
Il secoue la main pour expliquer sa pens�e, puis il entra�ne
Antoine � marcher de long en large dans la pi�ce. Dans le fond de
la pi�ce, on voit Patricia avec les deux enfants, et derri�re
Antoine, le photographe qui la cadre.
MONSIEUR FERNAND
Et puis... quant aux diverses affaires constituant la dot
de notre petite Patricia, votre cher papa a accept� de les
prendre en charge.
Fernand h�site un peu avant de poursuivre. On le sent sur un sujet
plut�t �pineux.
MONSIEUR FERNAND
Elles sont sans doute un petit peu... particuli�res, mais
enfin... avec un vice-pr�sident du fond mon�taire � leurs
t�tes, et ben moi, je pense que tout ira bien !
ANTOINE DELAFOY
Oui, surtout avec papa, il ne comprend rien au pass�, rien
au pr�sent, rien � l'avenir, enfin, rien � la France, rien
� l'Europe, enfin rien � rien. Mais il comprendrait
l'incompr�hensible... d�s qu'il s'agit d'argent.
Ils rient tous deux de cette boutade.
Folace, en chemise, la veste � la main, entre dans la pi�ce, l'air
soucieux, puis ressort.
Jean est en train d'examiner les cadeaux de mariage � la loupe.
Fernand se penche sur lui. Puis il lui donne un coup d'�paule.
MONSIEUR FERNAND
C'est pas du toc,non ?
JEAN
Monsieur Fernand... du vieux Paris.
Il semble rassur� par cet avis d'un � expert � !
MONSIEUR FERNAND
Ah !...
On entend la voix de Pascal qui chuchote :
PASCAL (voix off)
Monsieur Fernand...
Jean et Fernand rel�ve la t�te.
Pascal vient d'appara�tre derri�re la porte de la pi�ce. Il fait
signe � Fernand de venir, tout en chuchotant :
PASCAL
Monsieur Fernand.
Folace, toujours en chemise, appara�t derri�re lui. Il pousse
Pascal hors de la pi�ce.
Jean et Fernand se regardent. Fernand se dirige vers la porte.
Il sort apr�s un dernier regard � Jean.
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR JOUR
Fernand sort du salon, et referme la porte derri�re lui. Il
regarde Folace et Pascal, qui ont le regard soucieux.
MONSIEUR FERNAND
Qu'est-ce qu'y a ?...
MAITRE FOLACE
Y a du nouveau : Th�o est r�apparu, il est � la distillerie
avec tout son petit monde.
MONSIEUR FERNAND
Quoi ?
PASCAL
Ils d�montent le mat�riel. On dirait qu'ils vont se faire
la malle.
MONSIEUR FERNAND
Et t'es l� ?
Il se dirige vers la porte du salon, qu'il ouvre.
MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR JOUR
Fernand passe la t�te derri�re la porte.
MONSIEUR FERNAND
Jean ?
Il lui fait signe de venir.
Jean a, lui aussi, le regard soucieux. Il se dirige vers la porte.
MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR JOUR
Fernand s'approche de Pascal.
MONSIEUR FERNAND
Ah bravo !
PASCAL
Mais Bastien monte la garde.
Fernand lui fait signe de baisser la voix.
MONSIEUR FERNAND
Chhht !...
Il jette un rapide regard vers le salon.
PASCAL
On aurait pu les flinguer sans douleur...
Jean les rejoint.
PASCAL
... mais on a pens� que Th�o vous revenait de droit. On a
d�j� vu des patrons se vexer.
MONSIEUR FERNAND
Bon ben... Jean ! D�tes � mademoiselle que j'ai une course
urgente � faire et que... et que je rejoindrai le... le
cort�ge � l'�glise... Voil� ! Hein ! Voil� !
JEAN
Pour ce genre de courses, je conseille � Monsieur, si
Monsieur me permet, de ne pas partir la musette vide.
Pascal s'�nerve un peu.
PASCAL
Oh dis donc, tu m'as d�j� vu pas emporter ce qu'il faut, o�
il faut et quand il faut ?
JEAN
Oh excusez-moi, Monsieur Pascal, mais des jours comme
aujourd'hui, on a plus sa t�te.
MONSIEUR FERNAND
Bon, bon, bon, bon...
MAITRE FOLACE
On y va, allez !...
Il se dirige vers la porte d'entr�e, mais Fernand le retient.
MONSIEUR FERNAND
Non, non, non, non. Vous !... vous, � l'�glise ! Hein ?
L� !
Il repousse Folace vers le centre de la pi�ce, prend ses gants et
met son haut-de-forme gris sur sa t�te. Il ouvre la porte et sort,
suivi de Pascal. Il claque la porte derri�re lui. Folace les
regarde partir, visiblement tr�s d��u de ne pas participer � cette
� petite f�te � ! Il hausse les �paules.
Fondu encha�n�.
DISTILLERIE - COUR - EXT�RIEUR JOUR
Bastien explique la situation � ses complices.
BASTIEN
Ils sont l�, j'en ai d�j� rep�r� trois ! Y en a peut-�tre
d'autres ?
Le coffre de la 404 de Fernand est ouvert, et Pascal, un pied sur
le pare-choc, est en train de pr�parer les armes. Fernand enl�ve
SA VESTE
PASCAL
Qu'est ce qu'on fait, monsieur Fernand ? On attend qu'ils
sortent ? On fait un ferm� ou un rabat ?
MONSIEUR FERNAND
J'ai pas le temps d'attendre, moi, je suis de c�r�monie �
dix heures !
Il d�pose d�licatement sa veste sur le si�ge arri�re de la
voiture, et commence � d�boutonner son gilet.
MONSIEUR FERNAND
Allez, allons y. Allez.
PASCAL
Bon !
Il prend un pistolet et se dirige vers les b�timents. Derri�re
lui, Fernand enl�ve son gilet, le brosse et le pose sur la
banquette arri�re.
DISTILLERIE - PREMIER �TAGE - INT�RIEUR JOUR
Dans la partie du premier �tage transform�e en � salon �, Th�o
�tudie des papiers �tal�s sur un secr�taire, Freddy d'autres
papiers sur une table. L'ami de Th�o entre en courant.
L'AMI DE TH�O
Ils arrivent, ils arrivent !
Th�o lui fait signe d'y aller. Puis il fait le m�me signe �
Freddy, qui prend un fusil pos� sur la table. Th�o remplit une
sacoche de papiers, la ferme, la met sous son bras, prend une
mitraillette sur un fauteuil et sort du � salon �. Il court vers
l'escalier, qu'il descend rapidement.
DISTILLERIE - COUR - EXT�RIEUR JOUR
Fernand, qui a toujours son chapeau haut-de-forme sur la t�te,
choisit une arme dans le coffre de la voiture.
PASCAL (voix off)
Qu'est ce que je vois l� ?
Bastien a une mitraillette, d'un mod�le assez ancien, � la main,
ce qui n'a pas l'air de plaire � Pascal, qui pointe le doigt sur
l'arme.
PASCAL
�a ?
BASTIEN
H� !... Je l'avais pris en cas qu'il aurait fallu tirer en
rafale, des fois qu'ils seraient tous sortis d'un coup,
tatatatata... Hop !
Il fait mine de mitrailler un groupe de personnes. Pascal lui
tapote sur la nuque
PASCAL
C'est marrant que t'aies gard� ce c�t� maquisard...
Fernand vient de se choisir une arme. Il se tourne vers ses deux
complices. Il a toujours son chapeau sur la t�te.
PASCAL (voix off)
... t'es pas en �ge d'arr�ter tes momeries ?
MONSIEUR FERNAND
Bon alors, c'est fini, oui ? Puisque je vous dis que je
suis press� ! Hein !
Il va pour s'�loigner, mais il s'aper�oit - enfin ! - qu'il a
toujours son chapeau sur la t�te. Il l'enl�ve et le pose dans le
coffre de la voiture.
DISTILLERIE - REZ DE CHAUSS�E - INT�RIEUR JOUR
L'ami de Th�o se faufile entre les casiers � bouteilles, l'arme au
poing et l'oeil aux aguets. Un coup de feu retentit et une
bouteille vole en �clats. L'ami de Th�o se cache sous une vo�te.
D'autres coups de feu cassent d'autres bouteilles.
L'ami de Th�o se cache dans un couloir vo�t�.
Bastien se faufile entre les rang�es de bouteilles vides, la
mitraillette � la main.
Dans le couloir vo�t�, l'ami de Th�o continue � progresser avec
pr�caution.
Bastien montre, du doigt, � ses complices, o� se trouve l'ami de
Th�o.
L'ami de Th�o est accroupi dans le couloir vo�t�. Il se cache dans
un coin.
Cach� dans un recoin, Bastien passe la t�te dans le couloir vo�t�.
IL CHUCHOTE :
BASTIEN
Pascal ! H� !
La t�te de Pascal appara�t par une autre ouverture dans le
couloir. Il tire.
L'ami de Th�o se cache derri�re un casier � bouteilles.
Pascal regarde o� il vient de tirer.
Il a perc� un jerrycan d'essence, juste au-dessus de la t�te de
l'ami de Th�o. L'essence jaillit par les deux trous perc�s par les
impacts de balle.
Pascal fait signe � Bastien.
Bastien lance sa cigarette allum�e vers l'ami de Th�o, puis il se
cache rapidement.
Des gerbes de flammes apparaissent dans le couloir, juste �
l'endroit o� �tait cach� l'ami de Th�o.
DISTILLERIE - PREMIER �TAGE - INT�RIEUR JOUR
Freddy, positionn� dans une galerie situ�e au-dessus de la cour,
tire au fusil par les fen�tres de la galerie, alternativement d'un
c�t� puis de l'autre de la galerie. Lorsqu'une balle lui siffle
aux oreilles, il sort de la galerie, et se met � courir. D'un seul
coup, il s'arr�te net.
Fernand vient d'apparaitre en haut d'un escalier.
Freddy lance son fusil en direction de Fernand.
Fernand se penche pour �viter le projectile.
Freddy se pr�cipite sur Fernand. Les deux hommes commencent � se
battre. Freddy donne un violent coup de poing � Fernand, qui
titube un peu. Freddy attrape Fernand par la chemise, qui se
d�chire dans le dos, puis il essaie de lui enfoncer les doigts
dans les yeux. Fernand envoie un violent coup de poing dans la
figure de Freddy, qui titube et s'�croule sur une cloison de
planches ajour�es, qui c�de sous son poids. Il tombe, et se rel�ve
imm�diatement, mais Fernand l'attrape, et lui colle un autre coup
de poing. Freddy titube le long de la galerie, et finit par faire
voler en �clats la cloison situ�e � l'autre extr�mit� de la
galerie. Il tombe par terre.
Fernand se pr�cipite � sa poursuite dans la galerie, mais
lorsqu'il arrive dans la pi�ce o� Freddy est tomb�, celui-ci
l'accueille d'un coup de poing. Fernand titube un peu. Freddy va
pour lui mettre un autre coup de poing, mais Fernand est plus
rapide, et lui ass�ne un coup de poing tr�s puissant, qui envoie
Freddy valdinguer contre une cloison de brique qui bouche une
ancienne ouverture dans le mur de la b�tisse. La cloison c�de sous
le poids de Freddy.
DISTILLERIE - COUR - EXT�RIEUR JOUR
On voit la cloison qui explose au premier �tage, Freddy qui passe
� travers, puis qui tombe en contrebas. Fernand se penche par
l'ouverture b�ante.
Plus loin, Th�o court le long d'une rampe, couvrant sa fuite de
coups de mitraillette. Il tient toujours sa sacoche sous le bras.
Il saute de la rampe et se cache derri�re un mur. Il pose sa
sacoche par terre et ramasse une brique. Il lance la brique loin
de lui.
Bastien tire � la mitraillette dans la direction de la chute de la
brique.
Th�o, qui a ramass� sa sacoche, profite de la diversion pour se
pr�cipiter vers sa DS.
Pascal appara�t � c�t� de la rampe et tire au pistolet.
La DS d�marre en trombe.
Bastien tire � la mitraillette sur la DS, mais la rate.
Fernand descend le long de la rampe, et saute pour rejoindre
Pascal. Il semble pr�t � courir apr�s Th�o, mais Pascal l'arr�te.
Il vient de sortir sa montre-gousset de sa poche, et il la montre
� Fernand.
PASCAL
Patron !
Fernand regarde la montre.
MONSIEUR FERNAND
Oh ! Merde !
Fernand jette un dernier coup d'oeil vers la DS qui s'�loigne, puis
commence � brosser son pantalon avec la main. Dans son dos, Pascal
essaie de camoufler la d�chirure de la chemise avec les bretelles.
Bastien s'approche d'eux.
PASCAL
Avec la jaquette, �a ira.
Bastien r�ajuste la cravate de Fernand, qui les regarde tous les
deux.
MONSIEUR FERNAND
�a va ?
Pascal, de la main, fait signe que tout est parfait.
EGLISE - EXT�RIEUR JOUR
Sur le perron de l'�glise, les deux petits enfants, qui avaient
pris des photos avec Patricia, sont assis sur une marche, et
rigolent entre eux.
Antoine est appuy� sur une balustrade et sourit � Patricia, qui
lui rend son sourire.
Folace, entour� des fr�res Volfoni, regarde sa montre.
Plan d'ensemble du parvis de l'�glise. Tous les invit�s discutent
en attendant patiemment l'oncle de la mari�e.
Jean, pour la premi�re fois sans sa veste blanche, mais en costume
gris, scrute l'horizon, et semble satisfait.
La 404 de Fernand arrive devant l'�glise.
Jean se d�tache d'Am�d�e Delafoy, avec qui il �tait en grande
conversation, et se dirige vers la voiture.
Folace et les Volfoni regardent la voiture. Les cloches sonnent.
Les trois hommes se dirigent vers l'�glise.
Fernand, de nouveau d�guis� en � p�re de la mari�e � descend du
si�ge passager avant de la voiture. Pascal est au volant, et
Bastien � l'arri�re. Il met son chapeau et rejoint Jean, qui
venait � sa rencontre. Il lui tape sur l'�paule.
MONSIEUR FERNAND
J'ai eu chaud.
Sur le chemin de l'�glise, Fernand croise � le Monocle �,
autrement dit l'acteur Paul Meurisse, h�ros d'une c�l�bre trilogie
de Georges Lautner, le r�alisateur du pr�sent film. Meurisse
ajuste son monocle et s'incline devant Fernand. Puis il le salue
et s'�loigne.
Fernand porte la main � son chapeau pour lui rendre son salut. Il
se tourne vers Jean, qui, comme lui, semble ne pas comprendre. Les
deux hommes se dirigent vers l'�glise.
La 404 de Fernand, avec Pascal au volant, s'�loigne du parvis de
l'�glise.
EGLISE - INT�RIEUR JOUR
Musique d'orgue.
Deux enfants de choeur entrent dans l'�glise, suivi d'un pr�tre,
puis de Paticia, qui tient le bras de Fernand. Derri�re, les deux
enfants portent la tra�ne de la robe de Patricia. Derri�re eux,
tous les invit�s de la noce, avec en t�te, Antoine, qui donne le
bras � une dame de sa famille.
Le cort�ge remonte la nef de l'�glise.
Dans le cort�ge, derri�re Am�d�e Delafoy, viennent Folace � c�t�
de Jean, et derri�re eux, les fr�res Volfoni.
Les deux mari�s s'agenouillent sur les prie-dieu qui leurs sont
r�serv�s.
EGLISE - EXT�RIEUR JOUR
La DS de Th�o arrive devant l'�glise et s'arr�te.
A l'int�rieur de la DS, Th�o s'installe sur le si�ge passager
avant, et prend sa mitraillette en main. Il ouvre la bo�te �
gants, et prend un chargeur neuf qu'il met dans l'arme. Il
enclenche la premi�re balle dans la chambre de tir.
EGLISE - INT�RIEUR JOUR
Gros plan sur le visage de Patricia, perdue dans ses pens�es. Une
cantatrice commence � chanter un � Gloria �.
Au premier rang de l'�glise, agenouill�s sur leurs prie-dieu, de
gauche � droite, Fernand, Folace, Jean, Raoul et Paul. D'un seul
coup retentit une explosion. Les cinq hommes sursautent. Toute
l'assembl�e des invit�s de la noce se tourne vers la porte de
l'�glise rest�e ouverte.
Par cette porte ouverte, on voit Pascal et Bastien courir vers
l'�glise. Une deuxi�me explosion retentit. On aper�oit de la fum�e
pr�s du trottoir du parvis de l'�glise. En entrant dans l'�glise,
les deux hommes ralentissent le pas. Pascal met une pochette
blanche dans sa poche pectorale, puis il prend de l'eau b�nite
dans la vasque fix�e sur le mur de l'�glise. Il touche la main de
Bastien pour lui donner de l'eau b�nite. Les deux hommes font le
signe de la croix, puis ils restent respectueusement debout au
fond de l'�glise.
Les cinq � tontons flingueurs � reprennent une contenance sur
leurs prie-dieu.
EGLISE - EXT�RIEUR JOUR
Devant le parvis de l'�glise, la voiture de Th�o est envelopp�e de
flammes. Elle finit de br�ler lentement apr�s l'explosion qui l'a
d�truite... avec Th�o � l'int�rieur !
La cam�ra remonte vers le clocher de l'�glise, o� les cloches
sonnent � toute vol�e. On entend la sir�ne des pompiers.
Le g�n�rique de fin commence � d�filer en lettres blanche sur le
clocher de l'�glise, devant lequel monte la fum�e noire de la
voiture en flammes.
Fondu au noir. Le g�n�rique se poursuit sur un �cran noir.
FIN