LES TONTONS FLINGUEURS (1963) Sc�nario d'Albert Simonin Dialogues de Michel Audiard LOGO DE LA SOCI�T� GAUMONT USINE DE MONTAUBAN - EXT�RIEUR NUIT Le ciel gris du jour qui va bient�t se coucher, au-dessus de la cour de l'usine de mat�riel de Travaux Publics de Fernand Naudin � Montauban. Une pelleteuse � chenilles sort lentement d'un hangar, avec le godet en position haute. Derri�re la pelleteuse appara�t Monsieur Fernand Naudin, le directeur de l'usine, en grande discussion avec un ouvrier. Il porte un costume gris tr�s �l�gant avec chemise et cravate, et un manteau noir, lui aussi tr�s �l�gant. MONSIEUR FERNAND C'est quand m�me pas la premi�re fois, non ? PREMIER OUVRIER Je dis pas que c'est la premi�re fois que vous montez � Paris, Monsieur Fernand, je dis que �a tombe mal. Si le vent est frisquet, vous avez une couverture � l'arri�re et Germaine a mis du th� dans le thermos. MONSIEUR FERNAND Et pourquoi pas de la quinine et un passe-montagne ? On croirait vraiment que je pars au Tibet. Il s'approche de sa voiture, une Peugeot 404 noire, qu'un autre ouvrier vient d'amener dans la cour. Pendant qu'il enl�ve son manteau pour �tre plus � l'aise pour conduire, le premier ouvrier se pr�cipite vers la voiture. Le deuxi�me ouvrier sort de la voiture. DEUXI�ME OUVRIER Au revoir, Monsieur Naudin. MONSIEUR FERNAND Au revoir, Gustave. Il s'installe au volant. PREMIER OUVRIER Monsieur Fernand, la foire battra pas son plein avant dimanche, si vous pouviez quand m�me �tre l�. Fernand a ferm� sa porti�re et il allume une cigarette. Le premier ouvrier se penche vers la vitre ouverte. MONSIEUR FERNAND Je t'ai d�j� dis que j'en avais pour quarante-huit heures maximum, et puis enfin - Bon Dieu quoi ! - vous avez quand m�me pas besoin de moi pour aligner dix tracteurs dans un stand, non ? Hein ?... Tachez plut�t qu'elle tombe pas en panne comme la derni�re fois. PREMIER OUVRIER Qu'est-ce qui a �t� en panne ? MONSIEUR FERNAND La d�panneuse. PREMIER OUVRIER Oh ! Monsieur Fernand... Fernand remonte sa vitre et d�marre sa voiture, phares allum�es. On suit la voiture qui sort de la cour, et la cam�ra s'arr�te sur l'enseigne � l'entr�e de l'�tablissement : MATERIEL TRAVAUX PUBLICS FERNAND NAUDIN MONTAUBAN (T & G) ROUTE - EXT�RIEUR NUIT La voiture de Fernand roule dans la nuit, phares allum�s. Sur l'image, appara�t le g�n�rique en lettres blanches. Le g�n�rique continue sur un plan rapproch� du pare-brise de la voiture, avec Fernand au volant. VOITURE FERNAND - INT�RIEUR NUIT Nous sommes maintenant � l'int�rieur de la voiture, derri�re le conducteur. Les maisons d'une bourgade endormie d�filent derri�re le pare-brise. Le g�n�rique continue. ROUTE - EXT�RIEUR NUIT Retour sur le plan rapproch� du pare-brise, avec la suite du g�n�rique. Gros plan sur un feu clignotant de la voiture, sur lequel le g�n�rique continue. L'arri�re d'un � cube � Citro�n, �clair� par les phares de la voiture de Fernand. Suite du g�n�rique. Retour sur le feu clignotant. Suite du g�n�rique. Le � cube � Citro�n est doubl� par Fernand. Suite du g�n�rique. PARIS - CHAMPS-�LYS�ES - EXT�RIEUR NUIT Les Champs-�lys�es d�serts et �clair�s par les lampadaires de chaque c�t� de l'avenue, avec l'Arc de Triomphe en face de nous. Suite du g�n�rique. La voiture de Fernand avance vers nous, venant de la Place de l'�toile. La cam�ra la suit. Le clignotant droit clignote. La voiture se range le long du trottoir. Suite du g�n�rique. Plan rapproch� sur Fernand, vu � travers la vitre de la porti�re. Il serre son frein � main, puis sort un papier de sa poche. Fin du g�n�rique. VOITURE FERNAND - INT�RIEUR NUIT Gros plan sur la papier, pos� sur le volant : il s'agit d'un t�l�gramme, sur lequel est inscrit : � Louis de retour. Stop. Pr�sence indispensable. Stop. Snack 11 Champs �lys�es. Stop. Urgent. Henri � MONSIEUR FERNAND (voix off) � Louis de retour - pr�sence indispensable �... Pr�sence indispensable ! Apr�s quinze ans de silence, y en a qui poussent un peu quand m�me. Fernand replie le t�l�gramme et le range dans sa poche. Il a le visage un peu ferm�. On continue � entendre ses pens�es. MONSIEUR FERNAND (voix off) Quinze ans d'interdiction de s�jour. Pour qu'il abandonne ses cactus et qu'il revienne � Paris, faut qu'il lui en arrive une s�v�re au vieux Louis, ou qu'il ait besoin de pognon, ou qu'il soit tomb� dans une b�chamel infernale. Fernand ouvre sa porti�re et sort de sa voiture. BOWLING - INT�RIEUR NUIT Fernand monte un escalier au d�cor assez neutre. On entend les bruits d'une salle de bowling. Fernand arrive sur le palier et p�n�tre dans la grande salle de bowling. L'endroit est d�sert � cette heure tr�s matinale. Un homme, en chemise � carreaux, est assis sur une chaise au fond de la salle. Fernand se dirige vers lui. L'homme se retourne en entendant les pas de Fernand. L'homme, assis pr�s des pistes de bowling, o� un seul client est en train de jouer, se l�ve et se dirige vers Fernand en souriant. Il s'agit d'Henri, le patron du bowling. Les deux hommes se serrent la main. On aper�oit, derri�re Henri, un autre homme chauve, en costume gris, assis � la table que vient de quitter Henri, et sur laquelle est �tal� un tapis de feutrine, et sur le tapis, des cartes � jouer. Il s'agit de Raoul Volfoni. Il bat lentement les cartes HENRI Eh bien ma vieille, tu nous fais attendre, la route a pas �t� trop toc ? MONSIEUR FERNAND Ben, suffisamment. HENRI �a fait plaisir de te revoir, le Mexicain commen�ait � avoir des impatiences. Fernand donne une petite tape amicale sur la nuque d'Henri. MONSIEUR FERNAND Ah, parce qu'il est revenu, c'est pas un char. HENRI Oh ben, je me serais pas permis. MONSIEUR FERNAND Avoue que �a fait quand m�me une surprise, non ? HENRI Les surprises, t'es peut �tre pas au bout... Viens ! Il entra�ne Fernand vers la sortie de la salle de bowling. Raoul les suit des yeux, la cigarette au bec, tout en continuant � battre ses cartes, mais il ne bouge pas de sa chaise. PALIER D'IMMEUBLE - INTERIEUR NUIT Palier d'un immeuble visiblement assez cossu. Henri sort de l'ascenseur, suivi de Fernand. Il se dirige vers une double porte en bois, et appuie sur le bouton de la sonnette. La porte s'ouvre sur un homme en chemise blanche et cravate, la cigarette au bec. Il porte un holster, garni d'un pistolet. Il s'agit de Pascal, le garde du corps de Louis le Mexicain. Pascal regarde Fernand, le visage assez neutre. HENRI C'est Fernand ! Pascal hoche la t�te et p�n�tre dans l'appartement. Henri et Fernand le suivent. APPARTEMENT DU MEXICAIN - ENTR�E - INT�RIEUR NUIT Fernand referme la porte d'entr�e. Une grande plante verte et des petits tableaux au mur. Une porte est ouverte sur une chambre. Pascal est dans la chambre, debout pr�s de la porte, la main sur la poign�e. Il fait un signe de t�te vers l'entr�e. PASCAL Monsieur Fernand est l� ! APPARTEMENT DU MEXICAIN - CHAMBRE - INT�RIEUR NUIT Louis le Mexicain, en pyjama, est allong� sur le ventre sur son lit. On ne voit que son visage, mais on voit, par contre, le reste de la pi�ce, refl�t� dans la grande glace, qui couvre tout le mur derri�re la t�te du lit. En gros plan, au premier plan, une grosse seringue, que l'on est en train de remplir LOUIS Oui, qu'il entre, qu'il entre ! Dans la glace, on voit Pascal qui fait signe � Henri et Fernand d'entrer dans la pi�ce. LOUIS Et ben, c'est pas trop t�t, je croyais que t'arriverais jamais... ou bien que t'arriverais trop tard. Dans la glace, on voit Fernand s'approcher du lit. Henri reste en retrait pr�s de la porte, que Pascal referme derri�re lui avant de sortir de la pi�ce. La seringue dispara�t du champ. MONSIEUR FERNAND Tu sais, neuf cents bornes, faut quand m�me les tailler, hein. Derri�re Fernand, on voit passer le porteur de la seringue, un m�decin apparemment, qui se dirige de l'autre c�t� du lit. LOUIS �a fait quand m�me plaisir de te revoir, vieux voyou ! Dans la glace, on voit le sommet du cr�ne du m�decin appara�tre au-dessus de la t�te capitonn�e du lit. MONSIEUR FERNAND A moi aussi... Fernand semble un peu g�n� par le spectacle du m�decin en train de piquer les fesses de Louis. Il d�tourne l�g�rement la t�te. LOUIS Et j'ai eu souvent peur de clamser l�-bas au milieu des macaques sans avoir jamais revu une tronche amie... Louis fait une grimace et serre les dents, au moment o� le m�decin lui pique les fesses. LOUIS ... et c'est surtout � la tienne que je pensais. Fernand se dirige vers Henri, qui s'est assis dans un fauteuil, les bras crois�s. MONSIEUR FERNAND Tu sais, moi aussi, c'est pas l'envie qui me manquait d'aller te voir, mais on fait pas toujours ce qu'on veut, hein ? Fernand enl�ve son manteau et le pose sur un autre fauteuil. MONSIEUR FERNAND Et toi ? J'ai pas entendu dire que le gouvernement t'avait rappel�. Qu'est ce qui t'a pris de revenir ? Il s'assoit sur une chaise, pr�s du lit. Dans son lit, Louis, maintenant allong� sur le dos, serre la main du m�decin. LOUIS Merci toubib, merci pour tout. Le m�decin borde un peu le lit avant de s'�loigner. LOUIS Henri, dis-leur de monter... Le m�decin r�cup�re sa sacoche, pos�e sur un meuble. Fernand, dont la chaise est juste � c�t� de ce meuble, se l�ve et recule sa chaise, pour permettre au m�decin d'�tre plus � son aise. MONSIEUR FERNAND Pardon. Henri se l�ve de son fauteuil. Le m�decin referme sa sacoche et se dirige vers la porte. Fernand rapproche sa chaise du lit. MONSIEUR FERNAND Tu crois pas qu'il vaut mieux quand m�me... LOUIS Me coupe pas, sans quoi on aura plus le temps. Le m�decin ouvre la porte, suivi par Henri. LOUIS Henri, fais tomber cent sacs au toubib ! Le m�decin, avant de sortir, fait un petit signe de t�te � Louis pour le remercier. Henri ferme la porte derri�re eux. Fernand est maintenant assis sur sa chaise, tout pr�s du lit de Louis. MONSIEUR FERNAND Bon alors ? Qu'est ce qui se passe, Louis ? Louis parle lentement, avec une certaine fatigue dans la voix. LOUIS Je suis revenu pour caner ici et pour me faire enterrer � Pantin avec mes viocs. Les Am�riques, c'est chouette pour prendre du carbure, on peut y vivre aussi � la rigueur, mais question de laisser ses os, hein... y a que la France. Fernand allume une cigarette. LOUIS Et je d�cambute b�tement, et je laisse une mouchette � la tra�ne, Patricia, c'est d'elle que je voudrais que tu t'occupes. Fernand a l'air surpris par la derni�re phrase de son ami. MONSIEUR FERNAND Et ben dis donc, t'en as de bonnes toi ! LOUIS T'as connu sa m�re, Suzanne � beau sourire � ? MONSIEUR FERNAND T'es marrant, dis donc, c'est plut�t toi qui l'a connue. LOUIS Au point de vue oseille, je te laisse de quoi faire ce qu'il faut pour la petite. J'ai des affaires qui tournent toutes seules. Ma�tre Folace, mon notaire, t'expliquera. Bah, tu sais combien �a laisse une roulette, soixante pour cent de velours. Fernand se l�ve. MONSIEUR FERNAND Et sur le plan des emmerdements, trente-six fois la mise, hein ? Il se dirige vers une petite table basse pour r�cup�rer un cendrier. MONSIEUR FERNAND Ah, �coute Louis, ta m�me, tes affaires, tout �a c'est bien gentil mais... Moi aussi, j'ai mes affaires, tu comprends ? Et les miennes en plus, elles sont l�gales. Fernand s'est rassis sur sa chaise. LOUIS Ouais, j'ai compris, les potes, c'est quand tout va bien. MONSIEUR FERNAND �a va pas toi, dis ? Hein ? J'ai pas dis �a, hein ! Fernand a hauss� le ton. LOUIS Non, non, t'as pas dis �a, t'as pas dis �a, mais... tu livrerais ma petite Patricia aux vautours. Oh, mon petit ange... La voix de Louis se fait pleurnicharde. MONSIEUR FERNAND Ton petit ange, ton petit ange, hein ? Fernand se l�ve et marche de long en large dans la pi�ce. LOUIS Oui, oh, maintenant que t'es dans � l'honn�te �, tu peux pas savoir le nombre de malfaisants qu'il existe, le monde en est plein. Ils vont me la mettre sur la paille, ma petite fille. On va la d�pouiller et on va tout lui prendre. Je l'avais faite �lever chez les soeurs, apprendre l'anglais enfin... tout. R�sultat : elle finira au tapin, et ce sera de ta faute. Hein, t'entends ? Ce sera de ta faute. La voix de Louis est de plus en plus pleurnicharde, presque geignarde � la fin. MONSIEUR FERNAND �coute, arr�te un peu, hein ? Depuis plus de vingt piges que je te connais, je te l'ai vu faire cent fois ton guignol, alors hein ? Et � propos de tout, de cigarettes, de came, de nanas, la j�r�miade, �a toujours �t� ton truc � toi. Et une fois je t'ai m�me vu chialer, alors tu vas pas me servir �a � moi, non ? Fernand s'est �nerv� au fur et � mesure qu'il parlait, et il termine presque en col�re. LOUIS Si ! Ben, tu te rends pas compte, saligaud, qu'elle va perdre son p�re, Patricia, que je vais mourir ? MONSIEUR FERNAND Je te connais, t'en est capable. Voil� dix ans que t'es barr�, tu reviens et je laisse tout tomber pour te voir et c'est pour entendre �a ? Et moi comme une pomme... On frappe � la porte. Fernand s'arr�te net de parler et se tourne vers la porte. Louis a soudain l'air un peu inquiet. On frappe de nouveau, mais d'une fa�on un peu cod�. Louis plonge les deux mains sous ses draps, puis il fait un signe d'acquiescement � Fernand. Fernand se tourne vers la porte. MONSIEUR FERNAND Entrez ! La porte s'ouvre. Pascal, le veston sur l'�paule, entre le premier, suivi d'Henri, puis de Raoul Volfoni, que nous avons d�j� vu dans la salle de bowling. Derri�re, entre un homme au type un peu allemand et au regard inqui�tant. Il s'agit de Th�o, qui est suivi de son � ami �, car Th�o est homosexuel. Paul Volfoni, le fr�re de Raoul, ferme la marche. Fernand regarde les nouveaux arrivants d'un oeil interrogateur, et pas vraiment aimable. Il s'assoit sur une commode. Ils se rapprochent tous du lit de Louis, qui a toujours les mains sous ses draps. Louis tourne la t�te vers Th�o. LOUIS Ben dis donc, Th�o, t'aurais pu monter tout seul ? TH�O Si sa pr�sence doit vous donner de la fi�vre... LOUIS Oui, chez moi, quand les hommes parlent, les gonzesses se taillent. L'ami de Th�o se penche vers lui. L'AMI DE TH�O (chuchotant) Je t'attends en bas. TH�O (CHUCHOTANT) A tout de suite... L'ami se dirige vers la porte et sort, sous le regard de Pascal, qui monte la garde pr�s de la porte. Il a remis sa veste, mais sa main est pos�, � travers la veste, sur son arme. Louis est assis dans son lit, cal� sur ses oreillers, les mains toujours gliss� sous les draps. Dans le miroir derri�re lui, on peut voir tous ses � visiteurs �, align�s au pied du lit. LOUIS Voil�... je serai bref. Je viens de c�der mes parts � Fernand ici pr�sent. C'est lui qui me succ�de. Dans le miroir, on voit Fernand qui a un petit mouvement de surprise. Raoul se rapproche du lit. RAOUL VOLFONI Mais... tu m'avais promis de m'en parler en premier ! Retour sur Louis allong� dans son lit. LOUIS Exact ! J'aurais pu aussi organiser un r�f�rendum, mais j'ai pr�f�r� faire comme �a. Pas d'objections ? Parce que moi, j'ai rien d'autre � dire. Les fr�res Volfoni se regardent. On sent Raoul pr�s � �mettre une � objection �, mais il croise le regard, et surtout le sourire narquois, de Pascal, plant� pr�s de la porte, et il comprend que son � objection � sera mal re�ue ! Retour sur Louis sur son lit. LOUIS Je crois que tout est en ordre... Non ?... Raoul sort le premier, suivi de son fr�re et de Th�o. Henri tape sur l'�paule de Fernand, qui semble avoir quand m�me un peu de mal � dig�rer la d�cision inattendue de Louis. Henri sort de la pi�ce, suivi de Pascal, qui lui sourit. Gros plans sur le visage de Louis, couch� sur ses oreillers. Il semble soudain tr�s mal en point. Il chuchote : LOUIS Pascal... Pascal... Fernand, perdu dans ses pens�es, se redresse, le visage inquiet. MONSIEUR FERNAND Oh Louis !... Il se rapproche du lit, et secoue son ami. MONSIEUR FERNAND Ben Louis ? Louis, quoi merde !... Louis... Il se tourne vers la porte et appelle : MONSIEUR FERNAND Pascal !... Pascal entre dans la chambre, et, voyant la sc�ne, ferme la porte et se pr�cipite vers le lit. Louis a la voix tr�s affaiblie. LOUIS Je ne vais plus pourvoir tenir longtemps. MONSIEUR FERNAND D�conne pas, Louis ! LOUIS Tu sais de quoi je parle. MONSIEUR FERNAND Tu veux pas que je t'ouvre la fen�tre un petit peu ? Hein ? Merde !... Il se dirige vers la fen�tre, Pascal reste pr�s du lit. Fernand tire les rideaux. Le jour commence � poindre. MONSIEUR FERNAND Tu vois ?... Regarde, il fait jour. Pascal a pos� sa main sur le front de Louis. LOUIS Ouais... D'ici... On voit que le ciel ! Mais je m'en fous du ciel... Pascal ouvre les draps pour prendre le pistolet que Louis tient toujours serr� dans sa main. Il le pose sur la couverture. LOUIS J'y serai dans peu de temps. Pascal r�cup�re le pistolet serr� dans l'autre main de Louis. LOUIS Non, ce qui m'int�resse... C'est la rue. Pascal remet le drap en place sur le torse de Louis. Gros plan sur le visage en sueur de Louis. LOUIS Et ils m'ont fil� directement de l'avion dans l'ambulance... J'ai rien pu voir. Dis donc, �a a d� dr�lement changer, hein ? Pascal a remis sa main sur le front de Louis. Fernand est devant la fen�tre, mais lui tourne le dos. MONSIEUR FERNAND Tu sais, pas... pas tellement quoi ! Retour sur le gros plan du visage de Louis. La main de Pascal est toujours sur son front et l'autre main masse la poitrine de Louis, dont, la voix est de plus en plus faible. LOUIS Raconte quand m�me ! Fernand tourne l�g�rement la t�te vers la fen�tre, mais ne regarde pas vraiment la rue, et invente en fait ce qu'il raconte. Il a l'air assez �mu. MONSIEUR FERNAND Et ben... C'est un petit matin comme tu les aimes... Comme on les aimait quoi... PARIS - CHAMPS-�LYS�ES - EXT�RIEUR AUBE Le jour se l�ve � peine sur les Champs, qui sont encore d�serts. Mais les lampadaires sont d�j� �teints. MONSIEUR FERNAND (voix off) Les filles sortent du Lido, tiens ! Pareil qu'avant. Tu te souviens ? C'est � cette heure-l� qu'on emballait. La cam�ra remonte lentement vers le ciel. Fondu encha�n�. BOWLING - INT�RIEUR JOUR Fernand est debout devant le guichet de r�ception. Il a son manteau sur le bras. Derri�re lui, Th�o, dans une alc�ve r�serv� au t�l�phone public, termine une conversation t�l�phonique et tient toujours le combin� dans sa main. Son ami est appuy� sur la cloison de l'alc�ve. MONSIEUR FERNAND Si un jour on m'avait dit qu'il mourrait dans son lit celui-l� ! Th�o jongle avec le combin� et le raccroche. TH�O � Das Leben eines Man ist zwischen Himmel und Erde vergegen der Sprung eines jungen wei�es Fohlen �ber einen Graben... ein Blitz... pfft... Th�o �teint la lumi�re de l'alc�ve. Fernand s'est tourn� vers lui, et l'�coute sans comprendre ce qu'il raconte. TH�O es ist verbeit... � Traduction de ce que vient de dire Th�o : � La vie d'un homme entre ciel et terre passe comme le saut d'un poulain blanc franchissant un foss�... un �clair... et c'est fait... � Il sort de l'alc�ve, et prend un paquet de cigarette dans la poche int�rieure de sa veste. Son ami s'est �loign�. TH�O Chine, quatri�me si�cle avant J�sus Christ. Il sort une cigarette du paquet. Henri est assis devant les pistes de Bowling, � c�t� de la table sur laquelle sont toujours �tal�es les cartes � jouer. HENRI On nait... On vit... On tr�passe... Paul Volfoni s'approche du bar, une chope de bi�re � la main. Derri�re le bar, son fr�re, Raoul. PAUL VOLFONI C'est comme �a pour tout le monde. RAOUL VOLFONI Pas forcement ! Enfin, je veux dire, on meurt pas forcement dans son lit ! Il regarde Fernand qui passe le long du bar. Fernand s'est arr�t� de marcher aux derni�res paroles de Raoul. RAOUL VOLFONI Ben voyons ! Paul se tourne l�g�rement vers Fernand, puis regarde son fr�re en souriant. Il donne un �lan � sa chope de bi�re, qui glisse sur toute la longueur du bar, et vient s'�craser sur d'autres verres. Fernand s'approche d'Henri. Il regarde Paul qui s'�loigne le long du bar pour aller se chercher une autre bi�re. Il se tourne vers Henri en se frottant les yeux. MONSIEUR FERNAND Dis donc, je tiens plus en l'air, moi. T'aurais pas une bricole � grignoter, l�. HENRI Bien s�r. Il se l�ve. Fernand avise un paquet de cigarettes sur la table au milieu des cartes. MONSIEUR FERNAND C'est � toi, �a ? HENRI Sers-toi ! Henri passe derri�re le bar. Paul revient s'installer devant son fr�re avec une bi�re fra�che. Fernand prend une cigarette dans le paquet, et s'installe � une autre table. Il pose son manteau sur un fauteuil, et s'assoit dans une autre fauteuil. Raoul est toujours derri�re le bar, et son fr�re en face de lui. RAOUL VOLFONI Y a vingt piges, le Mexicain, tout le monde l'aurait donn� � cent contre un, flingu� � la surprise, mais cet homme-l�, ce qui l'a sauv�, c'est sa psychologie. Il s'�loigne de l'autre c�t� du bar. Paul reste � sa place et se tourne vers Fernand. PAUL VOLFONI Tout le monde est pas forcement aussi dou�. Pascal vient d'entrer dans la salle et se plante devant Th�o, qui est toujours appuy� sur la cloison de l'alc�ve t�l�phonique. PASCAL La psychologie, y en a qu'une, d�fourailler le premier ! Il s'�loigne. Th�o, la cigarette au bec, ricane. TH�O C'est un peu sommaire, mais �a peut �tre efficace. Raoul, un verre � la main, s'avance vers la table de Fernand. RAOUL VOLFONI Et le Mexicain, �a �t� une �p�e, un cador. Moi je suis objectif, on parlera encore de lui dans cent ans. Seulement, faut bien reconna�tre qu'il avait d�clin�, surtout de la t�te. Il pose son verre sur la table de Fernand. Fernand prend le verre de Raoul et le pose sur la table voisine. Raoul se tourne vers le bar. Son fr�re Paul continue � boire sa bi�re, accoud� au bar. PAUL VOLFONI C'est vrai que sur la fin, il disait un peu n'importe quoi. Il avait comme des vapes, des caprices d'enfants. Henri apporte une assiette pleine, une demi-baguette de pain, un verre et une bouteille de vin qu'il pose sur la table devant Fernand. MONSIEUR FERNAND Merci Henri. Il se sert un verre de vin. RAOUL VOLFONI Enfin, toi qu'y a caus� en dernier, t'as s�rement remarqu� ? MONSIEUR FERNAND Remarqu� quoi ? RAOUL VOLFONI T'as quand m�me pas pris au s�rieux cette histoire de succession ? Fernand boit un peu de vin. MONSIEUR FERNAND Pourquoi ? Fallait pas ? Ben, j'ai eu tort. RAOUL VOLFONI Ah ! Et voil� ! Paul se rapproche de son fr�re. PAUL VOLFONI Tu vois Raoul, c'�tait pas la peine de s'�nerver, monsieur convient. Raoul s'assoit en face de Fernand, qui beurre un morceau de pain. On entend un t�l�phone sonner. Henri s'approche du bar pour d�crocher le t�l�phone pos� dessus. RAOUL VOLFONI Y en a qui abuseraient de la situation, mais mon fr�re et moi, c'est pas notre genre. Qu'est ce qu'on peut faire qui t'obligerait ? Fernand mange son morceau de pain beurr�. Au bar, Henri r�pond au t�l�phone. MONSIEUR FERNAND D�carrer d'ici. J'ai promis � mon pote de m'occuper de ses affaires. Puisque je vous dis que j'ai eu tort, l�. Seulement tort ou pas tort, maintenant, c'est moi le patron. Voil�. Henri met la main sur le micro du combin� et se tourne vers les pistes o� Pascal, en chemise, est en train de jouer. HENRI Pascal ! Pascal se retourne. Fernand et les Volfoni regardent dans la direction d'Henri. PASCAL Oui ? Henri lui fait signe de venir au t�l�phone. Assis � une table,juste au bord des pistes, donc en contrebas par rapport � celle de Fernand, Th�o est en train de se raser avec un rasoir sans fil, en se regardant dans un petit miroir. Son ami, qui jouait au bowling, vient de s'assoir � c�t� de lui. Pascal, venant des pistes, passe derri�re Th�o. L'ami de Th�o regarde Pascal s'�loigner. Paul est toujours debout pr�s de la table de Fernand. PAUL VOLFONI �coute, on te conna�t pas. Mais laisse-nous te dire que tu te pr�pares des nuits blanches, des migraines, des � nervousses br�kdones �, comme on dit de nos jours. Derri�re Paul, Henri se rapproche de la table, et fait un signe discret � Fernand. Fernand ramasse son manteau et se l�ve lentement de table. MONSIEUR FERNAND J'ai une sant� de fer. Voil� quinze ans que je vis � la campagne, que je me couche avec le soleil, et que je me l�ve avec les poules. Il ramasse un morceau de pain dans l'assiette. Th�o est toujours en train de se raser avec son petit rasoir de voyage. Fernand ramasse le paquet de cigarettes, et se dirige vers le bar. Derri�re lui, au bord des pistes, Th�o s'est retourn� pour le regarder. Il se l�ve, son rasoir toujours allum� � la main, et s'�loigne. Son ami le suit. Devant le bar, Henri explique la situation � Fernand. HENRI Y a du suif chez Tomate. Trois voyous qui chahutent la partie. Les croupiers ont les foies pour la caisse, ils demandent de l'aide. Derri�re eux, Pascal, qui a remis sa veste, d�balle un pistolet d'un emballage de papier blanc. MONSIEUR FERNAND �a arrive souvent ? En contrebas, au bord d'une table, Th�o souffle dans son rasoir pour le nettoyer. TH�O Jamais ! PASCAL �a doit pouvoir se r�gler � l'amiable. Il introduit le pistolet dans le holster sous sa veste. HENRI Si tu tiens � regagner ta province rapido, t'auras int�r�t � aller voir, ce serait toujours �a de gagner, c'est sur ton chemin. Derri�re eux, Th�o, qui est remont� du bord des pistes, se rapproche d'eux, et s'assoit � une table. Fernand tourne l�g�rement la t�te vers les Volfoni. Raoul est toujours assis � la table que vient de quitter Fernand, Paul debout derri�re lui. Fernand fait un petit signe discret � Henri. HENRI Oh ! Les Volfoni. T'inqui�tes pas ! Th�o r�ajuste sa cravate. TH�O � La bave du crapaud n'emp�che pas la caravane de passer �. Henri hausse les �paules, passe devant Fernand et lui tapote l�g�rement l'�paule. HENRI Tchiao ! Fernand le regarde s'�loigner en finissant de manger son pain. Il se tourne vers Pascal. MONSIEUR FERNAND Dis donc, �a te g�ne pas qu'on y aille ensemble ? PASCAL C'est pas que vous g�nez, Monsieur Fernand, mais je ne sais pas si �a va bien vous plaire ? MONSIEUR FERNAND Et ben �a, je te le dirais ! Derri�re Fernand, Henri, debout les mains dans les poches, discute avec Raoul. Fernand et Pascal se dirigent vers la sortie du bowling. Avant de partir, Fernand a un dernier regard vers Th�o, qui le regarde partir, les bras crois�s. L'ami de Th�o remonte du bord des pistes et rejoint Th�o L'AMI DE TH�O (chuchotant) A ton avis, c'est un faux ca�d ou un vrai branque ? TH�O Pour moi, c'est rien du tout. Un coup de t�l�phone, et dix minutes apr�s... Il existe plus. PARIS - UNE RUE - EXT�RIEUR JOUR La voiture de Pascal roule dans Paris. Pascal est au volant, Fernand est assis � c�t� de lui. La voiture s'arr�te, un peu brutalement, � un feu rouge. Plan rapproch� sur le pare-brise. On voit Fernand qui se frotte la joue. PASCAL J'admets qu'ils ont l'air de deux branques, mais je n'irais pas jusqu'� m'y fier, non ? C'est quand m�me des sp�cialistes. Le jeu, ils ont toujours �t� l�-dedans, les Volfoni brothers, � Naples, � Las Vegas, partout o� il y a des jetons � la cl�, ils tenaient les r�teaux, hein ? MONSIEUR FERNAND Mais... l'autre, l� ? Le... le coquet ? PASCAL L'ami Fritz ? MONSIEUR FERNAND Hmm. PASCAL Il s'occupe de la distillerie clandestine. MONSIEUR FERNAND C'est quand m�me marrant, les �volutions. Quand je l'ai connu le Mexicain, il recrutait pas chez tonton. PASCAL Vous savez ce que c'est, non ? L'�ge, l'�loignement. A la fin de sa vie, il s'�tait pench� sur le reclassement des l�gionnaires. MONSIEUR FERNAND Ah ! Si c'�tait une oeuvre, alors l� !... L�, c'est autre chose. Le feu repasse au vert. La voiture red�marre. Fondu encha�n�. VOITURE PASCAL - INT�RIEUR JOUR La voiture roule tr�s lentement. A travers les vitres, on aper�oit une sorte de ferme, au milieu d'un terrain en friche. Une �chelle est appuy� contre le mur de la ferme et atteint l'une des fen�tres du premier �tage. PASCAL Voil�, ici c'est chez Tomate. CHEZ TOMATE - EXT�RIEUR JOUR Plan rapproch� sur la voiture, c�t� conducteur. MONSIEUR FERNAND Je m'attendais � quelque chose de plus important, mais c'est un clapier ! Pascal ouvre la porte de la voiture, et sort. PASCAL D'apr�s Tomate, ce qui passionne le joueur, c'est le tapis vert. Fernand sort � son tour de la voiture. PASCAL Ce qui il y a autour, il s'en fout, il voit m�me pas. Soudain, Pascal semble en alerte. PASCAL Planque toi ! Il s'accroupit derri�re la voiture. Fernand contourne la voiture et s'accroupit derri�re la calandre. Une grosse voiture am�ricaine noire arrive sur le chemin qui m�ne � la � ferme �. Elle roule lentement. Plan rapproch� sur la voiture. Les vitres sont ouvertes. En plus du conducteur, un passager est assis � l'arri�re et tient une grosse mitraillette, dans le style de celles utilis�es par les gangsters de Chicago � l'�poque de la prohibition. Fernand contourne la voiture de Pascal pour mieux se cacher. On entend la mitraillette tirer. Plan rapproch� sur l'am�ricaine et le tireur de mitraillette en action. Fernand court au milieu des voitures gar�es autour de lui. A travers le pare-brise de l'une de ces voitures, on voit la t�te de Fernand qui �merge lentement de l'autre c�t� de la voiture. La voiture am�ricaine s'�loigne de la � ferme �. La t�te de Fernand sort prudemment de derri�re la voiture qui lui sert de refuge. La voiture am�ricaine fait demi-tour et revient vers la � ferme �. Fernand court entre les voitures gar�es sur le parking improvis�, et va se cachet derri�re un arbre. Derri�re lui, l'arme � la main, Pascal sort en courant de derri�re sa propre voiture. Il s'accroupit devant une Deux Chevaux Citro�n. La voiture am�ricaine revient. Au premier plan, derri�re la Deux Chevaux, on aper�oit l'extr�mit� du canon silencieux du pistolet de Pascal. L'homme � la mitraillette a pass� la t�te par la vitre arri�re de la voiture am�ricaine et vise vers Pascal et Fernand. Le pistolet de Pascal est dirig� vers la voiture am�ricaine. On entend les deux � plop � caract�ristiques du tir avec un silencieux. La vitre de l'une des voitures gar�es vole en �clats. Le tireur � la mitraillette tire en direction de Pascal. D'autres vitres de voiture volent en �clats. Pascal se redresse et tire. Le tireur � la mitraillette l�che son arme et fait une grimace de douleur. La voiture continue � rouler. Pascal tire de nouveau. Le conducteur de l'am�ricaine s'�croule derri�re son volant. Gros plan sur la roue avant de l'am�ricaine, qui pivote. Gros plan sur le pied du conducteur, coinc� sur l'acc�l�rateur. A travers le pare-brise de l'am�ricaine, on voit les buissons qui se rapprochent. Gros plans rapides et successifs sur le conducteur mort, qui tient toujours son volant, sur la roue avant, qui pivote dans tous les sens, enfin sur la calandre de la voiture, qui part en tonneau. La voiture am�ricaine se retourne et se retrouve sur le toit. La porti�re s'ouvre sous le choc. Un chien aboie. Fernand et Pascal observent la sc�ne. Pascal a toujours son pistolet � la main. PASCAL A l'aff�t sous les arbres, ils auraient eu leur chance. Pascal commence � d�visser tranquillement le silencieux de son pistolet, sous le regard intrigu� de Fernand. PASCAL Seulement, de nos jours, il y a de moins en moins de techniciens pour le combat � pied, l'esprit fantassin n'existe plus. Il souffle dans le silencieux de son pistolet. PASCAL C'est un tort. Ils se mettent en marche vers la � ferme �. Ils passent devant la voiture retourn�e sur le toit. MONSIEUR FERNAND Et c'est le sc�nario de qui, d'apr�s toi... les Volfoni ? PASCAL Ce serait assez dans leurs sales mani�res. Il s'arr�te de marcher et retient Fernand par la manche. PASCAL Monsieur Fernand... Je serais d'avis qu'on aborde molo, des fois qu'on serait encore attendu... Fernand se remet en marche. Pascal le retient de nouveau. PASCAL Mais, sans vous commander, si vous restiez un peu en retrait... Hein ? Pascal passe devant. Fernand le regarde s'�loigner, un peu inquiet. MONSIEUR FERNAND Ouais, n'emp�che qu'� la retraite de Russie, c'est les mecs qu'�taient � la tra�ne qu'ont �t� repass�s. Il suit Pascal vers la ferme. CASINO TOMATE - INT�RIEUR JOUR Nous sommes au sous-sol de la � ferme �. Le chien aboie toujours. Une porte s'ouvre et Tomate appara�t. Il est en chemise ouverte et en veste de toile. TOMATE C'est toi qui fais tout ce foin ? Pascal est debout devant l'escalier de descente, Fernand derri�re lui. PASCAL Je m'excuse. Monsieur Fernand, le nouveau taulier. TOMATE J'�tais pas au courant. PASCAL Comme �a, tu l'es ! Il entre dans la pi�ce, suivi de Fernand, que Tomate d�visage. TOMATE Je suis Tomate, le g�rant de la partie. MONSIEUR FERNAND Bonjour. TOMATE Enchant�, mais qu'est-ce que c'�tait que cette fusillade ? On ne se serait pas permis de vous flinguer sur le domaine ? La pi�ce, dans laquelle ils viennent d'entrer, est visiblement la chaufferie, avec une grosse chaudi�re qui tr�ne au milieu de la pi�ce. Derri�re la chaudi�re, Freddy, � l'homme � tout faire � de Tomate. MONSIEUR FERNAND Et ben, on s'est permis. Pascal inspecte les bouteilles rang�es sur des �tag�res sur le mur au fond de la pi�ce, devant un petit bar, sur lequel est pos� un t�l�phone. Fernand passe devant Freddy et le d�visage longuement. Derri�re la chaudi�re, une longue table entour�e de chaises. Pascal a ramass� des d�s � jouer sur la table, et les fait jongler dans sa main. PASCAL Tomate ? TOMATE Oui ? PASCAL Tu devrais envoyer Freddy faire un tour. Y a une charrette dans le parc avec deux gars dedans, �a fait d�sordre... Tomate fait signe � Freddy d'aller ex�cuter les ordres de Pascal. Freddy sort de la pi�ce PASCAL O� sont les autres ? TOMATE Quels autres ? PASCAL Les mecs qui faisaient du scandale. TOMATE Du scandale ici ? Mais j'aimerais comprendre. PASCAL Moi aussi. MONSIEUR FERNAND Comment ? Mais c'est pas vous qui avez t�l�phon� ? TOMATE La nuit �tait tout ce qu'il y a de normal. PASCAL Qu'est ce que c'est que cette embrouille ? Fernand se dirige vers le t�l�phone. MONSIEUR FERNAND Le num�ro d'Henri ? PASCAL Balzac quarante-quatre, z�ro cinq. Fernand prend le t�l�phone du bar et commence � composer le num�ro. Pascal continue � jongler avec les d�s. BOWLING - INT�RIEUR NUIT Le t�l�phone sonne sur le bar. Derri�re la main qui d�croche, on peut voir un agent de police en uniforme, avec k�pi et b�ton blanc, et un type en imperm�able et chapeau de feutre, qui est visiblement un inspecteur de police. Henri est allong� par terre devant le bar, le corps entour� d'une marque � la craie. Il a perdu un de ses chaussons, pos� � c�t� de son pied en chaussette, et lui aussi entour� d'un trait de craie. Il est entour� d'inspecteurs en civil et d'agents de police en uniforme. Un inspecteur le photographie. On entend la voix off de Fernand, qui commente les �v�nements. MONSIEUR FERNAND (voix off) Maintenant, Henri, y peut plus expliquer les choses... � personne... Trois morts subites en moins d'une demi-heure. Ah ! �a part s�v�re, les droits de succession. MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR La 404 de Fernand est gar�e devant un coquet petit manoir du XVIII� si�cle, situ� au milieu d'un parc bois�. Pascal et Fernand viennent visiblement de quitter la voiture. Pascal pr�c�de Fernand et porte sa valise et un cintre sur lequel est pendu un costume sombre. Fernand porte son manteau sur l'�paule. Ils montent les marches du perron de l'entr�e principale. PASCAL Le Mexicain l'avait achet�e en viager � un procureur � la retraite. Pascal sonne � la porte. PASCAL Apr�s trois mois... l'accident b�te... Une affaire ! La porte s'ouvre. Pascal s'efface pour laisser entrer Fernand. MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR JOUR Le vestibule, comme le reste du manoir d'ailleurs, est meubl� en meubles anciens, qui semblent tous authentiques. La porte d'entr�e est maintenue ouverte par Jean, le ma�tre d'h�tel. Il porte pantalon noir, veste blanche, chemise blanche et cravate noire. Fernand entre le premier, suivi de Pascal. Fernand regarde autour de lui. Derri�re son dos, Jean fait un signe discret � Pascal, qui lui r�pond par un autre signe affirmatif. JEAN Welcome sir, my name is John ! (Traduction : Bienvenue, monsieur, je m'appelle Jean) Fernand regarde Pascal d'un oeil interrogateur pendant que Jean referme la porte. Pascal hausse l�g�rement les �paules et fait une petite moue, qui signifie � sans importance �, puis il s'�loigne avec la valise, qu'il d�pose au pied de l'escalier. Il jette n�gligemment la veste sur la rampe en bois ouvrag�. Fernand r�cup�re sa veste, la secoue et l'accroche sur la rampe par le cintre. Jean, qui l'a suivi, lui indique le chemin � suivre. JEAN Please... (Traduction : S'il vous plait) MANOIR DU MEXICAIN - CUISINE - INT�RIEUR JOUR Ma�tre Folace est assis, en robe de chambre sur son pyjama, devant la table, terminant son petit d�jeuner. Pascal est debout devant lui. PASCAL Il est mort, il y a deux heures. On d�couvre la table, sur lequel il y a un jeu d'�chec, avec un livre sur les �checs ouvert devant Folace, qui termine son verre, et fume une cigarette, fich�e dans un fume-cigarette. A c�t� des �checs, plusieurs bouteilles de Champagne vide. PASCAL On aurait pu �tre l� plus t�t, mais on a �t� retard�. Des esp�ces de contestation. Et puis... Henri s'est fait descendre. MAITRE FOLACE Les Volfoni ? Pascal �carte les bras et fait une moue signifiant � je n'en sais rien �. MAITRE FOLACE Quand le lion est mort, les chacals se disputent l'empire. Enfin, on ne peut pas demander plus aux Volfoni qu'aux fils de Charlemagne. Fernand vient d'entrer, une cigarette au bec. Folace se l�ve. MAITRE FOLACE Ah ! Ma�tre Folace, notaire. Fernand et Folace se serrent la main. MONSIEUR FERNAND Bonjour monsieur. MAITRE FOLACE Heureux de vous accueillir, j'aurais pr�f�r�, bien s�r, que ce soit dans d'autres circonstances. Votre chambre est pr�te, le Mexicain avait donn� des ordres. MONSIEUR FERNAND Et bien, vous �tes gentil, je vous remercie, mais... ce qui m'arrangerait surtout, c'est si on pouvait r�gler nos affaires dans la journ�e, quoi... Folace marque un temps et revient lentement vers la table. MAITRE FOLACE Vous �tiez l'ami de Louis depuis longtemps ? Il se rassoit � sa place derri�re la table. MONSIEUR FERNAND Depuis toujours. Jean, qui vient d'entrer dans la pi�ce, tend un briquet allum� � Fernand. JEAN Mademoiselle va avoir du chagrin. Ma�tre Folace s'est servi un caf� � partir du percolateur en verre pos� devant lui. MAITRE FOLACE Ah non... Stop... Sujet interdit ! Attention messieurs, pas de fausses notes, la volont� du d�funt est formelle : pour Patricia, le plus longtemps possible, son papa se porte comme un charme. Il joue les centaures quelque part dans les sierras Mexicaines, mal desservies par la poste, ce qui explique son silence. Pascal pose la main sur l'�paule de Folace. PASCAL Bon, je dois partir. Ma�tre Folace sait toujours o� me joindre, j'habite chez ma m�re. Fernand et Pascal se serrent la main. MONSIEUR FERNAND Oui merci, hein ! Pascal sort. Fernand enl�ve sa veste. MAITRE FOLACE Je suis bien content que vous soyez l�, vous savez. Parce que moi, avec la petite, j'y arrive plus. C'est peut �tre parce que je la connais depuis trop longtemps. Pensez, c'est moi qui l'aie tenu sur les fonts baptismaux, alors... Fernand a pos� sa veste sur une chaise, et il retrousse ses manches. Jean se rapproche de la table et verse du caf� dans une tasse. JEAN Y avait une belle c�r�monie, mademoiselle �tait d�j� ravissante. MA�TRE FOLACE Dites-moi, mon ami, si vous montiez les bagages de Monsieur Naudin ? Jean se met au garde-�-vous, et crie : JEAN Yes sir ! (Traduction : Oui, monsieur) Fernand sursaute. Jean sort de la pi�ce. Folace fait un petit signe muet � Fernand. MONSIEUR FERNAND Dites moi, si �a vous fait rien, j'aimerais bien qu'on aborde un petit peu les choses s�rieuses. Parce que... les caprices d'une gamine c'est bien beau, �a, mais faut quand m�me pas s'en faire pour �a non, on est bien d'accord ? Folace a repris son fume-cigarette. MAITRE FOLACE Ah mais moi, je ne m'en fais pas, je ne m'en fais plus. Maintenant que vous �tes l�, c'est vous que �a regarde. MONSIEUR FERNAND Comment �a, moi ? MAITRE FOLACE Eh ben ? Vous avez accept� de vous occuper d'elle, non ? MONSIEUR FERNAND Ben oui. Folace soul�ve sa tasse de caf�. MAITRE FOLACE A la bonne votre, mon cher. Vous allez conna�tre tout ce que j'ai connu : les visites aux directrices, les mots d'excuses, les billets de renvoi... MONSIEUR FERNAND Vous allez quand m�me pas dire que mademoiselle Patricia s'est fait �jecter, non ? Il se lave les mains dans l'�vier. MAITRE FOLACE Ah ! De partout, mon cher. Il se l�ve, prend un toast sur la table, le renifle, prend un air un peu d�go�t�, et jette le toast en l'air. MAITRE FOLACE Mademoiselle n'a jamais tenu plus de six mois. Juste le temps d'user les patiences. Oui, vraiment, je suis content que vous soyez l�. Fernand coupe le robinet et se secoue les mains. Puis il prend un torchon pour se les essuyer. MONSIEUR FERNAND Oui, mais pas pour longtemps, parce que �a va changer, et vite, hein, c'est moi qui vous le dit. La boite que je vais lui trouver, va falloir qu'elle y reste, croyez moi ! Ou sinon, je vais la filer chez les vraies soeurs, les vraies, la pension au bagne avec le r�veil au clairon et tout le toutim, non mais sans blague ? Il jette son torchon d'un geste rageur. MAITRE FOLACE Et bien, faut le lui dire � elle. Fernand remet sa veste. MONSIEUR FERNAND Oh mais, je vais lui dire, et puis tout de suite. O� est- elle ? MAITRE FOLACE Elle dort. Elle a organis� une petite sauterie qui nous a entra�n� jusqu'� trois heures du matin. Fernand ex�cute une l�g�re courbette de surprise. Jean entre dans la pi�ce. JEAN Your room is ready sir ! (Traduction : Votre chambre est pr�te, monsieur) MAITRE FOLACE Il veut dire que votre chambre est pr�te. Jean ressort de la cuisine. MONSIEUR FERNAND Ah bon. Dites donc, il picole pas un peu, votre British ? MAITRE FOLACE Oh la la ! Et puis il est pas plus British que vous et moi. C'est une d�couverte du Mexicain. Les deux hommes se dirigent vers la porte de la cuisine. MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR JOUR Les deux hommes sortent de la cuisine et longent l'escalier. MONSIEUR FERNAND Il l'a trouv� o� ? MAITRE FOLACE Ici, il l'a m�me trouv� devant son coffre-fort. Y a dix- sept ans de �a. Avant d'�chouer devant l'argenterie, l'ami Jean avait fractur� la commode louis XV. Folace commence � monter l'escalier, suivi de Fernand. MAITRE FOLACE Le Mexicain lui est tomb� dessus juste au moment o� l'artiste allait attaquer les blindages au chalumeau. MONSIEUR FERNAND Et bien, je vois d'ici la petite sc�ne. MAITRE FOLACE Vu ses principes, le patron pouvait pas le donner � la police, ni accepter de r�gler lui-m�me les d�g�ts. Ils viennent d'arriver sur le palier du premier �tage. MAITRE FOLACE R�sultat : Jean est rest� ici trois mois au pair comme larbin pour r�gler la petite note. Et puis, la vocation lui est venue, le style aussi, peut-�tre �galement la sagesse. Dans le fond, nourri, log�, blanchi, deux costumes par an, pour un type qui passait la moiti� de sa vie en prison... MONSIEUR FERNAND Il a choisi la libert� quoi ! Ils continuent vers le deuxi�me �tage, sur le palier duquel Jean les attend. Ils passent devant lui. Fondu au noir. MANOIR DU MEXICAIN - SALLE DE BAINS - INT�RIEUR JOUR Gros plan sur l'�vier. On voit la main de Fernand qui pose le rasoir sur le rebord de l'�vier, puis qui ouvre le robinet. Zoom arri�re. Avec ses deux mains, Fernand, qui est torse nu, �te le reliquat de mousse sur son visage. Puis il prend une serviette de toilette pour s'essuyer. Il rel�ve la t�te, et dans la glace de l'armoire de toilette au- dessus du lavabo, on voit Patricia debout � l'entr�e de la salle de bains. PATRICIA Oh, c'est dr�le, je vous voyais plus grand, plus bronz�, mais c'est pas grave. Vous �tes bien l'oncle Fernand ? MONSIEUR FERNAND Ben... Oui. PATRICIA On pourrait peut �tre s'embrasser ? �a se fait. MONSIEUR FERNAND Ah bon, ben alors... Si �a se fait, ben allons-y ! Ils se d�posent mutuellement une bise sur chaque joue. Fernand renfile sa veste de pyjama. Il avait, bien entendu, gard� sa culotte de pyjama ! MONSIEUR FERNAND Dis donc, heureusement que je viens de me raser, hein ? Patricia porte une petite robe simple sans manche. Une broche de pierreries (vraies ou fausses ?) est accroch�e sur la robe. Elle s'assoit sur le bord de la baignoire. PATRICIA Papa m'avait annonc� votre arriv�e. MONSIEUR FERNAND Quand �a ? PATRICIA Dans sa derni�re lettre, il y a bien un mois. �a vous �tonne ? MONSIEUR FERNAND Euuuuh... Non... oh non ! PATRICIA Y avait trois pages, rien que sur vous, vos aventures, vos projets, sans compter tout ce que vous avez fait pour lui. MONSIEUR FERNAND Dis moi, tu sais, j'aimerais bien avoir un petit peu de th� et du pain, du beurre et peut �tre des oeufs au bacon aussi, hein ? Tu ne pourrais pas t'occuper de �a en bas ? PATRICIA Du th� � sept heures du soir ? MONSIEUR FERNAND C'est � dire qu'en ce moment, je suis un tantinet d�cal� dans mes horaires... oui ! PATRICIA Ah bon ! Elle va pour sortir, puis se ravise et se tourne vers lui. PATRICIA Oh ! Au fait, �a a du �tre quelque chose la fois o� vous l'avez sorti du fleuve ? MONSIEUR FERNAND Qui �a ? Elle rentre dans la salle de bains. PATRICIA Ben, papa. Il m'annon�ait dans sa lettre : � Fernand m'a sorti d'un dr�le de bain �. Ce qu'il a oubli� de me dire, c'est quel fleuve c'�tait ? MONSIEUR FERNAND �coute, soit gentille, moi, je meurs de faim, alors va t'occuper de mon petit en-cas, tu veux ? Hmm ?... PATRICIA Vous ne voulez pas me r�pondre ? MONSIEUR FERNAND Mais c'est pas que je veux pas, mais comment tu veux que je m'en rappelle moi, hein ? La-bas des fleuves t'as que �a, � droite, � gauche, devant, derri�re, partout, et bourr�s de crocodiles en plus, voil� t'es contente maintenant ? Bon alors maintenant va, et laisse-moi finir ma toilette, et puis on parlera apr�s, hein ? Parce que tu t'en doutes, Patricia, faut quand m�me qu'on parle. Il la raccompagne jusqu'� la porte. PATRICIA Oui, mon oncle. Elle affiche un petit sourire un peu moqueur. MONSIEUR FERNAND Qu'on parle de choses s�rieuses. PATRICIA Oui, Tonton. �a ne vous ennuie pas que je vous appelle Tonton ? Elle sort. Fernand rentre dans la salle de bains, mais Patricia r�apparait � la porte. PATRICIA Vous en avez tu� beaucoup ?... Fernand se retourne lentement. PATRICIA Des crocodiles ? Elle rentre dans la salle de bains. PATRICIA Et l�-bas y a que �a, devant, derri�re, � gauche, � droite, partout ! Bon, eh bien, je vais m'occuper de votre th�. Apr�s avoir, tout en parlant, fait un tour complet autour de Fernand, elle ressort, les mains crois�es derri�re le dos, avec une fausse allure de petite fille bien sage. Fernand regarde pensivement la glace de la salle de bains et se masse la nuque. Fondu encha�n�. MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR JOUR Un salon richement meubl�. Dans une vitrine, des miniatures militaires napol�oniennes, visiblement d'�poque et authentiques. Folace, le fume-cigarette au bec, entra�ne Fernand, habill� d'un costume sombre vers le milieu de la pi�ce. MAITRE FOLACE Puisque la fermet� a l'air de vous r�ussir, je vais vous donner l'occasion de vous distinguer. MONSIEUR FERNAND Mais � propos de quoi ? MAITRE FOLACE D'argent !... D'argent qui ne rentre pas. Depuis deux mois, les Volfoni n'ont pas vers� les redevances de la p�niche. Tomate a plus d'un mois de retard, et Th�o etc... Folace a ramass� des documents sur une table, et il les feuill�te sous le regard de Fernand. MONSIEUR FERNAND Mais qu'est ce que c'est ? Une r�volte ? MAITRE FOLACE Non sire, une r�volution !... Personne ne paie plus rien ! Il donne les documents � Fernand, qui les feuill�te � son tour. MONSIEUR FERNAND Non mais, ces mecs-l� auraient quand m�me pas la pr�tention d'engourdir le pognon de ma ni�ce, non ? MAITRE FOLACE On dirait. MONSIEUR FERNAND Le Mexicain �tait au courant. Folace tire les double-rideaux sur la fen�tre. MAITRE FOLACE Ah non, non, surtout pas ! C'�tait un homme � tirer au hasard sans discernement, alors les ragots... dans la presse, si c'�tait tomb� sous les yeux de la petite, vous voyez �a d'ici ! MONSIEUR FERNAND Ouais, ce que je vois surtout, c'est que si on doit arriver � flinguer, vous pr�f�rez que ce soit moi qui m'en charge, hein, c'est �a ? MAITRE FOLACE Un tuteur, c'est pas pareil. Fernand pose les documents sur la table. MONSIEUR FERNAND �a se guillotine aussi bien qu'un papa ! MAITRE FOLACE Mais qui vous demande d'intervenir personnellement ? Nous avons Pascal. Je le convoque ou pas ? Fernand se dirige vers la porte du salon. MONSIEUR FERNAND Si je devais pas �tre � la foire d'Avignon dans quarante- huit heures, je dirais non, mais je suis pris par le temps. Et puis je reconnais que c'est jamais bon de laisser dormir les cr�ances, et surtout de permettre au petit personnel de r�ver. Il sort du salon. MANOIR DU MEXICAIN - PETIT SALON - INT�RIEUR JOUR Fernand entre dans un autre salon. Un jeune homme portant un tricot gris ras-du-cou, et dessous une chemise et une cravate, lui saute dessus. Il s'agit d'Antoine Delafoy, le � fianc� � de Patricia. ANTOINE DELAFOY Vous parlez de r�ver... r�vez-vous en couleur ? Antoine Delafoy, le plus respectueux, le plus ancien, le plus fid�le ami de Patricia. Il s'incline respectueusement devant Fernand, qui semble on ne peut plus surpris. ANTOINE DELAFOY Je vous connais, monsieur, et je vous admire. MONSIEUR FERNAND Hein ?... ANTOINE DELAFOY Patricia vous �voque, vous cite, vous vante en toute occasion, vous �tes le gaucho, le centaure des pampas, l'oncle l�gendaire... MONSIEUR FERNAND Et moi, elle m'a jamais parl� de vous. Il s'�loigne de lui. Antoine reste sur place, mais se retourne pour continuer � lui parler. ANTOINE DELAFOY Ah... Patricia n'a pas eu le temps, mais �a ne fait rien. je ferais donc mon pan�gyrique moi-m�me, c'est parfois assez �difiant et souvent assez dr�le, car il m'arrive de m'attribuer des mots qui sont en g�n�ral d'Alphonse Allais et des aventures puis�es dans la vie des hommes illustres. Il se dirige vers Fernand. Et l'on d�couvre que ce dernier est debout pr�s d'un canap�, sur lequel Patricia est assise. Sur une table basse devant le canap�, quelques bouteilles d'alcool. Fernand regarde Patricia d'un oeil interrogateur. MONSIEUR FERNAND Il est toujours comme �a ? PATRICIA Absolument pas ! C'est son c�t� aga�ant, il faut qu'il parle. En v�rit� c'est un timide. Je suis s�re que vous serez s�duit, quand vous le conna�trez mieux. MONSIEUR FERNAND Parce qu'en plus, monsieur s�duit. Jean vient d'entrer dans la pi�ce, portant un petit seau � gla�ons en cristal. ANTOINE DELAFOY Je ne s�duis pas : j'envo�te... Jean pose le petit seau sur la table basse. Antoine le lui prend des mains. ANTOINE DELAFOY Leave it, Jean, and I'll do it (Traduction : Laissez, Jean, je vais le faire) Jean s'incline l�g�rement. Fernand s'assoit dans un fauteuil en face du canap�. JEAN Thank you, sir. (Traduction : Merci, Monsieur) Antoine verse du whisky dans un verre. Jean sort lentement de la pi�ce. Avant de sortir, il regarde longuement Fernand, qui lui rend son regard. On comprend qu'ils ont, tous deux, la m�me opinion d'Antoine. ANTOINE DELAFOY Pour en revenir � vos r�ves en couleur, savez vous que Borowski les attribuent au phosphore qui est contenu dans le poisson ? Il tend le verre � Fernand, qui regardait Jean sortir et qui se retourne pour prendre le verre. ANTOINE DELAFOY Moi je pr�f�re m'en tenir � Freud, c'est plus rigolo. Qu'est-ce que vous en pensez ? Fernand prend une petite bouteille d'eau gazeuse sur la table basse. MONSIEUR FERNAND Rien. Je ne r�ve pas en couleur, je ne r�ve pas en noir, je ne r�ve pas du tout. Je n'ai pas le temps. Antoine prend la petite bouteille de la main de Fernand. ANTOINE DELAFOY Je vous d�conseille l'eau, ce serait un crime, il a dix ans d'�ge. Fernand reprend la petite bouteille d'un geste rageur. Il regarde Patricia avec, dans les yeux, une visible col�re contenue. PATRICIA Tonton est d�bord� par ses affaires. Antoine s'accroupit devant le fauteuil de Fernand. Derri�re lui, on voit Jean qui rentre dans la pi�ce. ANTOINE DELAFOY Vous viendrez bien avec nous demain soir. Jean est suivi par Folace. MONSIEUR FERNAND Et o� �a ? Fernand verse de l'eau dans son whisky. Antoine grignote une olive. ANTOINE DELAFOY Il demande o� �a ? Oh, oh, Dieu, qu'il est dr�le. Franck �mile jouera pour la premi�re fois � Pleyel. Fernand, de plus en plus agac� par le d�luge verbal d'Antoine, se tourne vers Folace, qui met la main devant sa bouche pour masquer son hilarit�. ANTOINE DELAFOY Corelli, Beethoven, Chopin, tout �a c'est tr�s d�pass�, c'est tr�s con... Fernand se tourne de nouveau vers Folace, qui, cette fois-ci, lui fait un petit signe discret, et sort de la pi�ce. ANTOINE DELAFOY ... mais avec Mills, �a peut devenir f�roce, tigresque. Bref, tout le monde y sera. Fernand repose son verre, tapote sur le genou d'Antoine, puis se l�ve lentement. MONSIEUR FERNAND D'accord, d'accord, je sais que c'est la coutume d'emmener l'oncle de province au cirque. Je vous remercie d'ailleurs d'y avoir pens�, mais vous irez sans moi. Il ouvre vivement la porte. Mais il ne sort pas tout de suite. Il maintient la porte ouverte, tout en regardant longuement Patricia MONSIEUR FERNAND Moi demain � sept heures, je ne serais pas loin de Montauban, quant � mademoiselle Patricia, elle, sera � ses �tudes, nous sommes bien d'accord, Patricia ? Patricia hoche la t�te. PATRICIA Oui, Tonton ! Fernand fait un petit signe de t�te � Antoine, qui s'est approch� de la porte et le regarde avec les mains dans les poches. Fernand sort de la pi�ce en refermant la porte derri�re lui. Antoine reste un instant devant la porte ferm�e, puis il se tourne vers Patricia en faisant une petite moue. ANTOINE DELAFOY Je crois que t'as raison, faut pas le brusquer. MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR JOUR Les mains sur les hanches, pr�s de la porte qu'il vient de fermer, Fernand regarde Folace et Pascal, qui vient certainement d'arriver, car il a encore son imperm�able sur le dos. MONSIEUR FERNAND Qu'est-ce qui se passe encore ? MAITRE FOLACE Notre ami va se faire un plaisir de vous l'expliquer... PASCAL Les Volfoni ont organis�, � la p�niche, une petite r�union des cadres, fa�on meeting si vous voyez ce que je veux dire, enfin quoi, on parle dans votre dos. MONSIEUR FERNAND Et tu tiens �a d'o� ? PASCAL Je ne peux pas le dire, j'ai promis, ce serait mal. Fernand fait un petit signe de t�te � Folace. MONSIEUR FERNAND Alors ? MAITRE FOLACE Eh bien, y a deux solutions : ou on se d�range... ou on m�prise... Il parle avec un petit sourire forc�. Il regarde Pascal, qui hoche lentement la t�te. Son sourire s'efface. MAITRE FOLACE Oui, �videmment, n'importe comment, une tourn�e d'inspection ne peut jamais nuire, bien s�r ! MONSIEUR FERNAND Eh bien, on va y aller ! Il va pour ouvrir la porte du petit salon, mais Pascal l'en emp�che. PASCAL Monsieur Fernand ?... Y a peut �tre une place pour moi dans votre auto... Des fois que la r�union devienne houleuse ... J'ai une pr�sence tranquillisante... Il se frotte lentement les mains, avec un petit sourire entendu. MANOIR DU MEXICAIN - SALLE A MANGER - INT�RIEUR JOUR La salle � manger communique avec le petit salon par une grande ouverture sans porte. On entend la porte du petit salon s'ouvrir. Patricia est en tain d'allumer des bougies, et sans se retourner, ELLE DEMANDE : PATRICIA Vous pr�f�rez le foie gras pour commencer ou pour finir ? Fernand s'avance vers elle, suivi par Antoine. MONSIEUR FERNAND C'est � dire que je le pr�f�rerais demain, je suis oblig� de sortir. Un conseil d'administration... Antoine s'accroupit l�g�rement, les mains tordues par une surprise un peu trop affect�e. ANTOINE DELAFOY Quoi ? Vous n'allez pas d�ner avec nous ? Moi qui venais de dire � Jean de nous monter du champagne ? Fernand se tourne vers Antoine, mais lui parle d'une voix tr�s froide. MONSIEUR FERNAND Votre invitation me bouleverse ! Bon app�tit quand m�me ! Derri�re Antoine, on voit Fernand qui traverse le petit salon, puis sort de la pi�ce. Antoine s'avance lentement vers la table, ramasse quelque chose dessus et le mange. Puis il se penche pour sentir le foie gras. ANTOINE DELAFOY C'est du bidon ! PATRICIA S�rement pas. Il vient de Strasbourg, on le paie un prix fou... ANTOINE DELAFOY Non, je parle du conseil d'administration de ton oncle. Si tu veux mon avis, l'oncle des pampas va courir la gueuze. PATRICIA Tu crois ? Antoine lui r�pond par une petit mimique tr�s explicite. P�NICHE - SALLE DE JEU - INT�RIEUR NUIT La salle principale de la p�niche sur laquelle les Volfoni ont organis� une sorte de casino clandestin. Cette salle principale est la salle de roulette. Au centre de la pi�ce, une grande table avec, dessus, une roulette et le tapis correspondant. Sur le c�t� de la pi�ce, un petit bar. Raoul est debout en bout de table. Il semble tr�s en col�re. RAOUL VOLFONI Voil� quinze ans qu'on fait le trottoir pour le Mexicain, j'ai pas l'intention de continuer � tapiner pour son fant�me. Il s'assoit. Assise � c�t� de lui, Madame Mado, la maquerelle semble appr�cier moyennement les derni�res paroles de Raoul. MME MADO Le trottoir, le tapin, c'est dr�le, �a ? On croirait que tu cherches le mot qui blesse ? Paul, la cigarette au bec, debout, mais � moiti� avachi sur la table, joue n�gligemment avec la roulette. PAUL VOLFONI C'est des images. MME MADO Les images, �a m'amusait quand j'�tais petite, j'ai pass� l'�ge ! Je dis pas que Louis �tait toujours tr�s social, non... il avait l'esprit de droite. Assis � c�t� de Mado, Freddy joue n�gligemment avec les jetons, qu'il lance sur le tapis. Aux derni�res paroles de Mado, il se tourne vers Raoul, qui r�agit mollement. RAOUL VOLFONI Oh, dis... h� ! MME MADO Quand tu parlais augmentation ou vacances, il sortait son flingue avant que t'aies fini. Mais il nous a tout de m�me apport� � tous la s�curit�. Raoul tape sur la table et se l�ve d'un bond. RAOUL VOLFONI Ramasser les miettes, vous appelez �a la s�curit�, vous ? Vous savez combien il nous a co�t� le Mexicain en quinze ans ? Vous savez combien qu'il nous a co�t� ? Oh, dis leur, Paul, moi je peux plus. Il se rassoit, en proie � une �motion intense. PAUL VOLFONI A cinq cents sacs par mois, rien que de loyer, �a fait six briques par an, quatre-vingt-dix briques en quinze ans. RAOUL VOLFONI Plus trente briques de moyenne par an sur le flambe. Vous savez � combien on arrive ? Un demi milliard ! Il se tourne vers Tomate, assis � c�t� de lui en face de Mado. RAOUL VOLFONI Et toi, pareil pour la petite ferme. Il s'emporte un peu. RAOUL VOLFONI Ben dis que c'est pas vrai ! Tomate s'amuse � empiler des jetons. Il reste tr�s calme. TOMATE J'ai rien dis ! Assis � c�t� de Tomate, Bastien, le porte-flingue des Volfoni, puis � c�t� de lui, Paul, toujours avachi sur la table et occup� � jouer avec la roulette. RAOUL VOLFONI Ben moi, je dis que je l�cherais plus une tune ! Et je vous invite � tous en faire autant. A c�t� de Freddy, l'ami de Th�o fume une cigarette, et � c�t� de lui, Th�o fume un cigare. Th�o est donc assis de l'autre c�t� de la roulette, en face de Paul. Il parle calmement avec son l�ger accent allemand. TH�O Vous invitez, vous invitez... C'est tr�s aimable, mais il y a des invitations... RAOUL VOLFONI Qu'est ce qui te g�ne, toi ? Th�o se tourne pour regarder Raoul droit dans les yeux. TH�O Le climat... trois morts depuis hier, si �a doit tomber comme � Stalingrad... Une fois �a suffit. J'aime autant garder mes distances. Raoul se l�ve. Il s'emporte progressivement au fur et � mesure qu'il parle. RAOUL VOLFONI Dis donc, t'essaierais pas de nous faire porter le chapeau des fois ? Faut le dire tout de suite, hein ? Il faut dire : � Monsieur Raoul, vous avez but� Henri, vous avez but� les deux autres mecs. Vous avez peut �tre aussi but� le Mexicain, puis aussi l'archiduc d'Autriche �... P�NICHE - PONT - EXT�RIEUR NUIT Sur un ponton, b�ti sur la rive � c�t� de la p�niche, on distingue, dans un halo de lumi�re au milieu de la p�nombre ambiante, Pascal et � c�t� de lui Folace, une sacoche � la main. PASCAL H� ! L�o, c'est moi, Pascal. Il agite le bras. On entend une voix qui r�pond. LEO (voix off) J'arrive... Qui est avec toi ? L�o, habill� en marinier, marche sur le toit de la p�niche, venant de la cabine de conduite. PASCAL (voix off) Je suis avec le notaire. Fernand grimpe sur une �chelle qui part de la rive, en contrebas du ponton, pour atteindre le pont de la p�niche. L�o, qui vient d'apercevoir Fernand, ramasse une grosse cl� anglaise par terre. LEO Tu me dis que vous �tes deux, vous �tes trois... PASCAL J'annonce les employ�s, pas le patron... LEO Possible, mais j'attends un ordre de Monsieur Raoul. L�o regarde, avec un visage peu aimable, Fernand s'avancer vers lui. Fernand, sans pr�venir, lui balance un violent coup de poing dans le menton. L�o recule sous le coup et bascule dans l'eau Fernand se l�che un peu la main qui vient de frapper L�o. Derri�re lui, Folace et Pascal grimpe � leur tour sur le pont par l'�chelle. Folace, portant imperm�able noir et chapeau de feutre, regarde L�o, que l'on entend barboter et g�mir dans l'eau. MAITRE FOLACE C'est curieux chez les marins ce besoin de faire des phrases... Pascal leur fait signe de le suivre vers l'entr�e de la p�niche. PASCAL Allons ! Fernand pousse Folace devant lui. P�NICHE - SALLE DE JEU - INT�RIEUR NUIT Les personnes pr�sentes n'ont pas chang� de position. La salle est juste un peu plus enfum�e. Raoul est debout en train de � haranguer ses troupes �. RAOUL VOLFONI Si vous marchez tous avec moi, qu'est-ce qu'il fera votre Fernand ?... Un proc�s ? On frappe � la porte. Bastien se l�ve pour aller ouvrir la porte. Mais, d'un geste, Raoul l'arr�te, et fait signe � Freddy d'aller ouvrir. Freddy se l�ve et se dirige vers la porte. Il d�bloque le verrou et ouvre la porte. Fernand lui ass�ne un violent coup de poing dans le menton. Freddy part � reculons et s'�croule contre le mur. Fernand entre, imm�diatement suivi de Pascal, qui a un pistolet dans chaque main. Bastien, qui �tait rest� debout, glisse la main sous sa veste pour prendre son arme. RAOUL VOLFONI Laisse. Folace entre le dernier, et enl�ve son chapeau. Il salue courtoisement les personnes pr�sentes. MAITRE FOLACE Bonsoir messieurs ! Madame ! Fernand s'avance dans la pi�ce. RAOUL VOLFONI Je croyais pas t'avoir invit�... MONSIEUR FERNAND Mais t'avais pas � le faire, je suis chez moi. Il marche lentement vers Raoul. MONSIEUR FERNAND Qu'est ce que t'organises ? Un concile ? Bastien cherche � s'interposer. Fernand le repousse. MONSIEUR FERNAND Tu permets ? Bastien glisse la main sous sa veste, mais, d'un signe, Raoul lui enjoint de rester calme. RAOUL VOLFONI Je les avais r�unis pour d�cider ce qu'on faisait pour le Mexicain, rapport aux obs�ques. Fernand enl�ve son manteau et le donne � Bastien, qui le laisse tomber par terre. Lentement, Fernand contourne la table de jeu. MONSIEUR FERNAND Si c'est des obs�ques du Mexicain dont tu veux parler, c'est moi que �a regarde, maintenant si c'est celle d'Henri... Il est arriv� derri�re la chaise de Raoul, dont il tient le dossier � deux mains. MONSIEUR FERNAND ... tu pourrais peut-�tre les prendre � ta charge. Fernand s'assoit sur la chaise de Raoul. RAOUL VOLFONI Non, �a va pas recommencer, je vais pas encore endosser le massacre. D'un claquement de doigt, Fernand donne l'ordre � Tomate de se lever. Ce dernier, la pipe au bec, s'ex�cute. MONSIEUR FERNAND On parlera de �a un peu plus tard. Folace s'installe sur la chaise de Tomate, ouvre sa sacoche, et en sort des dossiers. MONSIEUR FERNAND Pour l'instant on a d'autres petits probl�mes � r�gler, figure-toi. Priorit�s aux affaires. Je commence par le commencement. Il prend l'un des dossiers que Folace vient de d�poser sur la table. MONSIEUR FERNAND Honneur aux dames. Madame Mado je pr�sume ? MME MADO Elle-m�me. Fernand feuill�te le dossier de Mado. MONSIEUR FERNAND Ch�re madame, Ma�tre Folace m'a fait part de quelques... Pffff... quelques embarras dans votre gestion, momentan�s j'esp�re. Souhaiteriez-vous nous fournir quelques explications ? Il sort un paquet de cigarettes de sa poche. Mado r�pond en fumant une cigarette plant�e dans un long fume-cigarette. MME MADO Les explications, Monsieur Fernand, y en a deux : r�cession et manque de main d'oeuvre. Ce n'est pas que la client�le boude, c'est qu'elle a l'esprit ailleurs. Le furtif, par exemple, a compl�tement disparu. Freddy se rel�ve lentement et rejoint son si�ge � c�t� de Mado. Il se masse le menton et a l'air un peu sonn�. MONSIEUR FERNAND Le furtif ? MME MADO Le client qui vient en voisin... Bonjour mesdemoiselles, au revoir madame. Au lieu de descendre maintenant apr�s d�ner, il reste devant sa t�l�, pour voir si par hasard il ne serait pas un peu l'homme du vingti�me si�cle. (NOTE : � L'homme du Vingti�me Si�cle � �tait un jeu t�l�vis�, tr�s c�l�bre � l'�poque du film, puisque diffus� sur la seule et unique cha�ne de t�l�vision qui existait alors. Il avait d�but� en 1961 et s'est termin� en 1964.) Fernand allume une cigarette, et l'�coute patiemment. MME MADO Et l'affectueux du dimanche... disparu aussi. Pourquoi ? Pouvez-vous me le dire ? MONSIEUR FERNAND Encore la t�l� ? MME MADO L'auto, Monsieur Fernand ! L'auto ! MONSIEUR FERNAND Ah !... Folace taille tranquillement son crayon. MONSIEUR FERNAND Mais dites moi, vous parliez de p�nurie de main d'oeuvre tout � l'heure... MME MADO Alors l�, Monsieur Fernand, c'est un d�sastre ! Une bonne pensionnaire, �a devient plus rare qu'une femme de m�nage. Ces dames s'exportent, le mirage africain nous fait un tort terrible. Et si �a continue, elles iront � Tombouctou � la nage. MONSIEUR FERNAND Bien, je vous remercie, Madame Mado, on recausera de tout �a... A c�t� de Mado, Freddy a l'air pr�t � s'endormir sur sa chaise. Mado se l�ve et s'�loigne. Fernand referme le dossier de Mado. Il prend un autre dossier, et regarde Folace. MONSIEUR FERNAND Qui est-ce, le mec du jus de pomme ? Folace, de la pointe de son crayon, lui indique Th�o. Freddy est maintenant �croul� sur la table. TH�O Ce doit �tre de moi dont vous voulez parler ! MONSIEUR FERNAND Dis moi, dans ta branche, �a va pas tr�s fort non plus, hein ! Pourtant du pastis vrai ou faux, on en boit encore ? Th�o ricane et prend un autre cigare dans la bo�te pos�e � c�t� de lui. TH�O Moins qu'avant... La jeunesse fran�aise boit des eaux p�tillantes, et les anciens combattants, des eaux de r�gime. Fernand regarde Folace, qui sourit. TH�O Puis surtout il y a le whisky. MONSIEUR FERNAND Et alors ? TH�O C'est le drame �a, le whisky... P�NICHE - ANTICHAMBRE DE LA SALLE DE JEU - INT�RIEUR NUIT Pascal et Bastien se sont install�s, assis c�te � c�te, dans l'antichambre de la salle de jeu. Pascal a toujours un pistolet � la main, et surveille ce qu'il se passe dans la salle, par la porte ouverte. Bastien regarde le pistolet de Pascal et �met un petit sifflement. BASTIEN Dis donc, je le connais pas, celui-l�. Il est nouveau ? PASCAL C'est le petit dernier de chez Beretta. Je te le conseille pour le combat de pr�s, et puis pour les coups � travers la poche, ou le m�tro ou l'autobus. TH�O (voix off) Le whisky... PASCAL Mais note, hein ? Faut en avoir l'usage, sans �a, au prix actuel, on l'amortit pas. BASTIEN Le prix s'oublie, la qualit� reste, c'est pas l'arme de tout le monde, �a ! T'as eu �a par qui ? PASCAL Par l'oncle Antonio. BASTIEN Le fr�re de Berthe ? PASCAL Oui. Bastien semble songeur. Pascal se penche pour suivre ce qui se passe dans la salle de jeu. P�NICHE - SALLE DE JEU - INT�RIEUR NUIT TH�O Tout �a pour vous faire comprendre, Monsieur Fernand, que le pastis perd de l'adh�rent chaque jour. Le client devient dur � suivre. Mado apporte une th�i�re et une tasse sur la table. Freddy dort toujours sur le tapis de jeu. Fernand a l'air un peu fatigu� par la longue tirade de Th�o sur le whisky. Il repose lourdement sa t�te sur sa main. MONSIEUR FERNAND Oh tu sais, c'est un petit peu dans tous les domaines pareil, moi si je te parlais motoculture... Il s'arr�te net, et referme le dossier de Th�o. MONSIEUR FERNAND Ouais enfin ! Mado donne une tasse de th� � Fernand. MME MADO J'esp�re qu'il est encore chaud. MONSIEUR FERNAND Merci. Fernand �crase sa cigarette pour boire son th�. MONSIEUR FERNAND Bien... et maintenant � nous... Il regarde Raoul, qui se tient debout derri�re Folace, la cigarette au bec. A c�t� de lui, Tomate a pris la place laiss� vacante par Bastien. Paul s'est assis � c�t� de Tomate. MONSIEUR FERNAND Dans votre secteur, pas de probl�me, le jeu a jamais aussi bien march�. RAOUL VOLFONI Que tu dis ! MONSIEUR FERNAND Ce qui vous chagrine, c'est la comptabilit�. Vous �tes des hommes d'action, je vous ai compris, et je vous ai arrang� votre coup. RAOUL VOLFONI T'arranges, t'arranges, et si on �tait pas d'accord ? MONSIEUR FERNAND Tu vas voir que c'est pas possible, j'ai adopt� le syst�me le plus simple. Il prend le document que lui tend Folace. MONSIEUR FERNAND Tiens, regarde ! On prend les chiffres de l'ann�e derni�re, et on les reporte. Paul tend la main vers la roulette pour jouer avec. Raoul lui donne une claque sur le bras. RAOUL VOLFONI Arr�te, toi ! Tomate, toujours sa pipe au bec, regarde Fernand. TOMATE L'ann�e derni�re, on a battu des records ! MONSIEUR FERNAND Et bien, ben vous les �galerez cette ann�e ! Vous avez l'air en pleine forme, l� ? Gais, entreprenants, dynamiques... Il boit son th�. RAOUL VOLFONI Et en plus, il nous charrie, c'est complet. MONSIEUR FERNAND Pascal ! Pascal entre dans la salle. PASCAL Oui, Monsieur Fernand. MONSIEUR FERNAND Tu passeras � l'encaissement chez ces messieurs sous huitaine. Raoul se tourne vers Pascal. RAOUL VOLFONI C'est �a, puis si on paye pas, tu nous butes ? Pascal hausse les �paules. PASCAL H�, monsieur Raoul... Fernand repose sa tasse. MONSIEUR FERNAND Bien, messieurs, il ne me reste plus qu'� vous remercier de votre attention... Il remet les documents dans les dossiers, qu'il donne � Folace. Il regarde tout le monde et se l�ve. MONSIEUR FERNAND Madame... Il s'incline l�g�rement devant Mado. Folace range les dossiers dans sa sacoche. Fernand r�cup�re son manteau et passe devant Raoul, suivi de Folace, qui remet son chapeau en place sur sa t�te. Tomate fait tranquillement une r�ussite. RAOUL VOLFONI Bastien ! Accompagne ces messieurs ! Pascal, suivi de Fernand et de Folace quittent la pi�ce. Bastien sort derri�re eux, et referme la porte derri�re lui. Mado, tout en fumant son long fume-cigarette, regarde Raoul d'un air narquois. MME MADO Toi, Raoul Volfoni, on peut dire que tu en es un ? RAOUL VOLFONI Un quoi ? MME MADO Un vrai chef. Raoul ne semble pas appr�cier l'insulte sous-jacente dans les propos de Mado. Il la foudroie du regard. RAOUL VOLFONI Mais y conna�t pas Raoul, ce mec ? Y va avoir un r�veil p�nible. J'ai voulu �tre diplomate � cause de vous tous, �viter que le sang coule, mais maintenant c'est fini. Je vais le travailler en f�rocit�, le faire marcher � coup de lattes ! A ma pogne, je veux le voir ! Et je vous promets qu'il demandera pardon et au garde � vous... On frappe � la porte. Raoul se pr�cipite, � grandes enjamb�es vers la porte, qu'il ouvre d'un geste vif. Il prend le poing de Fernand en pleine figure, et va s'�crouler sur le mur d'en face. Fernand, dans l'encadrement de la porte, se masse l�g�rement la main. Pascal, derri�re lui, porte son manteau. MONSIEUR FERNAND J'avais oubli� : les dix pour cent d'amende... pour le retard. Il jette un regard froid dans la pi�ce, puis se dirige rapidement vers Pascal, qui lui donne son manteau. Ils s'�loignent tous les deux. Raoul est assis par terre, appuy� sur le mur. RAOUL VOLFONI Il a os� me frapper. Il se rend pas compte. Th�o tourne vaguement la t�te vers lui, et se remet tranquillement � t�ter son cigare, pendant que Raoul se masse le menton. MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT Jean ouvre la porte d'entr�e. Fernand entre, suivi de Folace. On entend de la musique classique en fond sonore. Folace �te son chapeau et aborde Jean en souriant. MAITRE FOLACE Cette petite f�te m'a rajeuni de vingt ans. Monsieur Naudin a quelque peu bouscul� Monsieur Volfoni senior. Jean a pris la sacoche de Folace, puis il prend les manteaux des deux hommes. JEAN Mes compliments, monsieur. Fernand tend le doigt vers l'endroit d'o� provient la musique. MONSIEUR FERNAND Qu'est ce que c'est encore que �a ? Jean sourit et �carte les bras en signe d'impuissance. JEAN Ohhh !... MANOIR DU MEXICAIN - PETIT SALON - INT�RIEUR NUIT Fernand entre dans la pi�ce, qui baigne dans une semi-p�nombre. La musique devient plus pr�sente. En constatant ce qu'il se passe dans la pi�ce, Fernand se met les mains sur les hanches. On voit le dos du canap�, qui a �t� tir� devant la chemin�e, o� flambe un feu de bois. Au moment o� Fernand allume la lumi�re, Patricia et Antoine se rel�vent du canap�, sur lequel ils �taient allong�s. Antoine semble agac� par l'intrusion de Fernand. ANTOINE DELAFOY Oh non, au moment o� la petite fl�te allait r�pondre au cor, vous �tes odieux ! PATRICIA C'est vrai, Tonton, ces choses-l� ne se font pas. MONSIEUR FERNAND Ah, Patricia, je t'en prie, hein ? A c�t� de la chemin�e, un �lectrophone est pos�e sur une table de marbre. Un disque est en train de tourner dessus. PATRICIA Qu'est ce qui vous arrive, mon oncle ? Vous avez �t� contrari� dans vos affaires ? Fernand se dirige vers l'�lectrophone, et rel�ve le bras du tourne-disque. MONSIEUR FERNAND Oh, � peine. Fernand se tourne vers Antoine, les mains crois�es derri�re le dos. On sent sa col�re contenue. Il regarde furtivement les pieds du jeune homme. MONSIEUR FERNAND Si �a ne vous fait rien, Monsieur Delafoy, j'aimerais bien avoir une petite explication. Mais remettez d'abord vos chaussures, vous �tes ridicule. ANTOINE DELAFOY Qu'est ce que vous voulez que je vous explique, cher monsieur ? Patricia allume une cigarette sur l'une des bougies allum�es. MONSIEUR FERNAND Tout �a, lumi�re tamis�e, musique douce, et vos godasses sur les fauteuils, Louis XVI en plus ! ANTOINE DELAFOY La confusion peut encore s'expliquer, mais les termes sont inad�quats. Antoine va r�cup�rer ses chaussures pos�es sur un petit fauteuil... de style Louis XV ! MONSIEUR FERNAND Ah, parce que c'est peut �tre pas du Louis XVI ? ANTOINE DELAFOY Euh non ! C'est du Louis XV. Remarquez, vous n'�tes pas tomb� loin, mais surtout les sonates de Corelli ne sont pas de la musique douce. Il s'assoit sur le fauteuil pour remettre ses chaussures. MONSIEUR FERNAND Oui, ben pour moi, c'en est. Et je suis chez moi ! Il a hauss� le ton sur la derni�re phrase. Antoine pointe le doigt vers lui. ANTOINE DELAFOY Ah, j'aime �a, la th�se est os�e, mais comme toutes les th�ses, parfaitement d�fendable. Il se l�ve de son fauteuil, et s'avance vers Fernand, semblant tout � fait � son aise, malgr� la situation. ANTOINE DELAFOY Nous allons donc, si vous le voulez bien, discuter de la musique par rapport au local, de l'�lixir et du flacon, du contenu et du contenant. Il termine sa phrase en bafouillant un peu, car Fernand vient de lui jeter un regard on ne peut moins aimable. Fernand se masse le visage, pour tacher de rester calme, et se dirige vers Patricia. Il plaque ses deux mains sur la chemin�e. MONSIEUR FERNAND Patricia, mon petit... je ne voudrais pas te para�tre vieux jeu, ni encore moins grossier. L'homme de la pampa, parfois rude, reste toujours courtois, mais la v�rit� m'oblige � te le dire : ton Antoine commence � me les briser menu ! ANTOINE DELAFOY Si nous parlions de moi pendant que vous d�nerez ? Fernand ne le regarde m�me pas et s'adresse � Patricia. MONSIEUR FERNAND Bon, toi, tu vas monter dans ta chambre ! Il lui arrache sa cigarette des mains et la pousse vers la porte. PATRICIA Bonne nuit, Antoine. Fernand �jecte Patricia dans le vestibule, dont la porte est rest�e ouverte. Patricia ne demande pas son reste et s'�loigne en courant. Fernand revient vers Antoine d'un pas d�cid�. MONSIEUR FERNAND Et quant � vous, brillant jeune homme... Il l'attrape par le bras et le pousse vers la sortie. Antoine a juste le temps de ramasser son veston sur un fauteuil. ANTOINE DELAFOY Ne vous donnez pas la peine, je connais le chemin... MONSIEUR FERNAND Justement, faudrait voir � l'oublier, hein ! MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT ANTOINE DELAFOY Ce n'est pas du tout gentil, Oncle Fernand. Il est maintenant devant la porte d'entr�e, que Fernand ouvre pour lui. MONSIEUR FERNAND Monsieur Fernand, s'il vous pla�t. Aller hop ! Fernand le pousse dehors, mais Antoine r�siste. ANTOINE DELAFOY Soit, les mani�res y gagneront ce que l'affection y perdra. MONSIEUR FERNAND Et bien, c'est �a. Pensez donc � moi. Il claque la porte, se retourne et s'arr�te net, levant les yeux vers l'escalier. Patricia a observ� la sc�ne, debout sur la quatri�me ou cinqui�me marche de l'escalier. PATRICIA Vous m'avez terriblement d��ue, vous n'avez pas �t� gentil avec Antoine. MONSIEUR FERNAND Oui, et bien, j'ai fait ce qu'aurait fait ton p�re, figure- toi. Il a jamais pu supporter les voyous, l�. PATRICIA Antoine, un voyou ? Antoine est un grand compositeur, il a du g�nie. MONSIEUR FERNAND Et bien, les g�nies se baladent pas pieds nus, figure-toi ! Hein ? PATRICIA Et Sagan ? Fernand ne sait visiblement quoi r�pondre � cette derni�re r�plique. Peut-�tre d'ailleurs qu'il ne sait pas qui est Fran�oise Sagan. Patricia le regarde en ricanant, et se remet en marche dans l'escalier, apr�s lui avoir tir� la langue. Fondu encha�n�. MANOIR DU MEXICAIN - SALLE A MANGER - INT�RIEUR JOUR Un peu plus tard. Fernand, en chemise, et la cravate un peu d�nou�e, est en train de manger une cuisse de poulet, qu'il tient dans sa main. En fond sonore, et assez fort, on entend la musique qu'�coutaient Antoine et Patricia. La pochette du disque est appuy� sur la corbeille qui contient la bouteille de vin. Sur cette pochette, on peut lire � Corelli �. Fernand l�ve des yeux l�g�rement inquiet vers la porte-fen�tre. Derri�re le rideau, on peut apercevoir deux silhouettes qui bougent. Fernand plisse les yeux, en essayant de comprendre ce qui se passe. La porte-fen�tre s'ouvre, et Pascal entre dans la pi�ce. PASCAL Bonsoir ! Il est suivi par Bastien, qui fait un sourire et un petit signe de t�te � Fernand. Puis il referme la fen�tre, et tire le rideau. MONSIEUR FERNAND Qu'est-ce qui vous prend ? Vous �tes louf, non ? Qu'est-ce que c'est que ces fa�ons d'arriver en pleine nuit par le jardin ? PASCAL On ne voulait pas sonner � cette heure-l�, r�veiller toute la maison. Si la demoiselle se posait des questions. A cet �ge-l�, on imagine. BASTIEN Et puis, on avait � vous parler. Fernand d�visage Bastien. MONSIEUR FERNAND Vous, je vous ai d�j� vu quelque part... BASTIEN Tout � l'heure, chez les Volfoni. J'�tais de l'autre c�t�. MONSIEUR FERNAND Bon, ben asseyez-vous, je suis en train de becter. Il glisse la pochette du disque entre son dos et le dossier de la chaise. PASCAL Alors l�, on est vraiment confus ! Les deux hommes prennent chacun une chaise et les installent autour de la table devant Fernand. Bastien s'assoit, mais Pascal reste debout. PASCAL Voil�, si on est venu � deux, y a une raison ! Bastien, c'est le fils de la soeur de mon p�re, comme qui dirait un cousin direct... Vous saisissez la complication, Monsieur Fernand. MONSIEUR FERNAND Non, pas encore ! Pascal s'assoit. BASTIEN Ah, forc�ment, t'as pas donn� � Monsieur Fernand mes R�F�RENCES Il se l�ve et prend un air solennel. BASTIEN Premi�re g�chette chez Volfoni, cinq ans de labeur, de nuit comme de jour, et sans un accroc. Pascal, de la main, rassoit Bastien sur sa chaise. PASCAL Vous la voyez ce coup-l�, l'embrouille ? Dans le monde des caves, on appelle �a un cas de conscience, nous on dit : un point d'honneur. Entre vous et les Volfoni, il va faire vilain temps. En supposant que �a tourne � l'orage, Bastien et moi, on est s�r de se retrouver face � face, flingue en pogne, avec l'honn�tet� qui commande de tirer. Ah non, un truc � d�cimer une famille. Ils hochent la t�te tous les deux. MONSIEUR FERNAND Ouais, je vois... Il prend une bouteille de champagne dans un seau. MONSIEUR FERNAND Vous voulez boire un coup ? BASTIEN Non, non, merci, jamais entre les repas. PASCAL Moi non plus, chez nous c'est la r�gle : sant�, sobri�t�. BASTIEN On en a trop vu qui se sont g�t� la main aux alcools. MONSIEUR FERNAND Je peux rien vous reprocher, les histoires de famille, �a, c'est comme une croyance, �a force le respect. Bon, alors, qu'est ce que vous proposez ? PASCAL Bastien a donn� sa d�mission � Monsieur Raoul. Fernand boit le verre de champagne qu'il vient de se servir. MONSIEUR FERNAND La tienne va suivre ? PASCAL Je peux pas faire moins, Monsieur Fernand, faut comprendre. MONSIEUR FERNAND Je comprends. Fernand reste pensif, et on suit sa pens�e en voix off. MONSIEUR FERNAND (voix off) Ouais, quand la protection de l'enfance co�ncide avec la crise du personnel, faut plus comprendre, faut prier ! Fondu au noir. MANOIR DU MEXICAIN - PETIT SALON - INT�RIEUR JOUR Fernand, en costume gris, est en train de lire une dissertation r�dig�e par Patricia, assis dans un confortable fauteuil. MONSIEUR FERNAND � Et si la vieille d�finition n'avait pas tant servie � propos de Racine et de Corneille, nous dirions que Bossuet a peint Dieu tel qu'il devrait �tre et que Pascal l'a peint tel qu'il est �... Et ben, dis donc. Il retourne la copie, et regarde la note. MONSIEUR FERNAND Comment ? Ils t'ont donn� que seize sur vingt ? Il se l�ve. MONSIEUR FERNAND Ben, permet moi de te dire qu'ils y vont un peu fort, hein, parce que moi, l�, je t'aurais donn� plus. PATRICIA Vous �tes tr�s gentil, mon oncle... MONSIEUR FERNAND Non, Patricia, mon enfant, mercredi dernier, quand je suis arriv�, nous d�rivions et le navire faisait eau de toute part... En parlant, Fernand s'est approch� d'une glace accroch� au mur, et dans laquelle on voit Jean entrer dans la pi�ce. JEAN Un Monsieur, au t�l�phone, un appel de Montauban. L'interlocuteur me semble... comment dirais-je ?... un peu rustique, le genre agricole. Fernand sort de la pi�ce. MANOIR DU MEXICAIN - UN AUTRE SALON - INT�RIEUR JOUR Fernand prend le combin� t�l�phonique et le porte � son oreille. Un grand panneau vitr�, ins�r� dans le mur, s�pare le petit salon du salon o� se trouve le t�l�phone, ce qui permet de voir Patricia, qui �coute avec attention ce que dit son � oncle Fernand �. MONSIEUR FERNAND Allo oui ?... Oui, c'est moi... �a va, �a va... Alors ?... Hein ?... Oui... Oui... Oui, ben, si je suis pas rentr� vendredi, c'est que j'ai pas pu... Et ben, je ne sais pas, moi... huit jours, peut �tre quinze... MANOIR DU MEXICAIN - PETIT SALON - INT�RIEUR JOUR Patricia suit toujours la conversation t�l�phonique de Fernand, pendant que Jean lit la dissertation de la jeune fille. MONSIEUR FERNAND Et ben, y a qu'� faire le n�cessaire... Enfin, c'est quand m�me formidable, qu'on dirait qu'� chaque fois que je m'absente, c'est toujours pareil, faut toujours qu'y ait des histoires... et ben, d�merdez vous... Il raccroche d'un geste rageur, et s'�loigne du t�l�phone. JEAN � Et Pascal l'a peint tel qu'il est �... Eh ben, moi, j'aurais donn� � mademoiselle vingt sur vingt, et en cotant vache. Patricia lui fait un beau sourire. PATRICIA Vous �tes gentil. MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR JOUR Folace et Fernand discutent. Folace semble un peu �nerv�. MAITRE FOLACE Vous savez combien il reste au compte courant ? Soixante milles, six briques... MONSIEUR FERNAND Ben qu'est ce que �a veut dire ? Y aurait du coulage ? MAITRE FOLACE Du coulage, oh, c'est bien plus simple... Y a que l'argent qui devait rentrer sous huitaine, n'est toujours pas rentr�. Le t�l�phone sonne. Folace fait le tour de la vitrine napol�onienne pour aller r�pondre. MAITRE FOLACE Y a que l'�ducation de la princesse, cheval, musique, peinture, etc... atteint un budget � �lys�en �. Et y a que vos d�penses somptuaires ont presque des allures africaines. Il d�croche le t�l�phone. MAITRE FOLACE All� oui ?... Oui... oui... Il est l�. Une seconde. MONSIEUR FERNAND Qui est-ce ? MAITRE FOLACE Justement... Raoul Volfoni. Il tend le combin� � Fernand. MONSIEUR FERNAND Ah, tout de m�me !... Fernand sourit en mettant le combin� � son oreille. Folace l'�coute en prenant une cigarette dans un paquet dans sa poche. MONSIEUR FERNAND All� ?... alors on a enfin compris... on casque ! P�NICHE - BUREAU - INT�RIEUR NUIT Raoul, assis sur le bureau, en costume ray�, est en train de parler au t�l�phone. RAOUL VOLFONI Oh ben, tu fais de l'obsession, t'es la proie des id�es fixes. Je te t�l�phonais seulement pour t'avertir qu'� la distillerie, y sont en plein baccara, tu devrais t'en occuper, c'est ton r�le, grand chef. Paul, assis derri�re le bureau, �coute la conversation gr�ce � l'�couteur de courtoisie du t�l�phone. MONSIEUR FERNAND (voix off au t�l�phone) Mais de quoi tu t'occupes ? RAOUL VOLFONI Tu vois comme t'es injuste, on cherche � t'obliger, t'es encore pas satisfait. DISTILLERIE - PREMIER �TAGE - INT�RIEUR JOUR Tomate, Th�o, son ami et Freddy sont install�s dans une sorte de salon am�nag� au premier �tage de la distillerie, avec des meubles anciens un peu disparates et mal assortis. Tomate, Th�o et Freddy sont assis dans des fauteuils, et l'ami de Th�o sur les marches de l'escalier. Freddy est en train de lire un roman. TOMATE Tu crois que Raoul sera tomb� dans le pi�ge ? TH�O Il n'aura pas r�sist� � la joie d'annoncer une mauvaise nouvelle � l'autre imb�cile. TOMATE C'est �tonnant que le butor n'ait pas d�j� t�l�phon�. TH�O Y a des impulsifs qui t�l�phonent, y en a d'autres qui se d�placent... Bruit de klaxon insistant. L'ami de Th�o sursaute. Th�o, lui, reste calme. TH�O ... et voil� ! Il se l�ve. TOMATE Et c'est Volfoni qui portera le chapeau. TH�O T'es rassur� ? TOMATE Ouais. TH�O En voil� un qui est pratiquement sorti du bagne. Il r�cup�re un pistolet, l'arme, puis le glisse dans la poche int�rieure de sa veste. TH�O Maintenant, ce n'est plus qu'une affaire de patience. Dans un mois, les Volfoni... Il fait, avec son pouce, le geste que les empereurs romains faisaient pour signifier la mise � mort d'un gladiateur. TH�O ... et les affaires du Mexicain, �a deviendra Th�o, Tomate et Cie. Il claque des doigts. Son ami s'approche. Th�o ramasse un cendrier sur une table. TH�O Planque �a, des m�gots � la pommade rose, l'homme de Cro- Magnon pourrait trouver �a bizarre. Nouvel appel de klaxon, encore plus insistant que le premier. Th�o allume sa cigarette sur une bougie. TH�O Voil�, voil�, on arrive. Il regarde Tomate. TH�O Allez, dans cinq minutes... vous filez. Th�o sort du � salon �. Le reste du premier �tage est totalement d�sert, bien que ce soit un local tr�s vaste, sans aucune cloison. Th�o le traverse d'un pas rapide. Nouvel appel de klaxon. Th�o descend un petit escalier qui m�ne au rez-de-chauss�e. DISTILLERIE - REZ DE CHAUSS�E - INT�RIEUR JOUR Fernand, en costume gris, venant de l'ext�rieur, entre dans une sorte de hangar dans lequel sont empil�s, dans un savant d�sordre, des centaines de bouteilles vides. MONSIEUR FERNAND Alors �a vient, oui ? Une voix vient du haut de l'escalier. Fernand l�ve la t�te. TH�O (voix off) Voil�, j'arrive... Il arrive en bas de l'escalier et regarde Fernand avec surprise. TH�O Vous, Monsieur Fernand ? MONSIEUR FERNAND Ben quoi ? �a a l'air de t'�pater ? TH�O Raoul Volfoni est ridicule ! Je lui avais demand� de m'envoyer un chauffeur, pas de vous d�ranger. Fernand regarde, avec int�r�t, le bric-�-brac qui l'entoure. Tr�nant au milieu des bouteilles vides, empil�es sur des �tag�res, ou rang�es dans des casiers, est install� un imposant alambique en m�tal poli. MONSIEUR FERNAND Bon, de toutes fa�ons, maintenant, je suis l�. Dis donc... entre parenth�ses, c'est pas commode � trouver ton coin, l�, �a fait une plombe que je tourne autour ! TH�O La police tourne autour depuis dix ans, elle a jamais trouv�. C'est pour �a que je regretterais cet endroit. MONSIEUR FERNAND Et pourquoi tu dis �a ? TH�O Par euh... d�senchantement. Vous n'�tes jamais en proie au vague � l'�me, Monsieur Fernand ? MONSIEUR FERNAND Ma foi, j'en abuse pas, non. TH�O Vous n'avez peut-�tre pas les m�mes raisons. Vous avez gagn� la guerre... vous. MONSIEUR FERNAND Bon, d'accord, j'ai gagn� la guerre, mais si je me suis d�rang� expr�s, c'est pas pour d�filer, hein ? Alors, o� est-ce que tu veux en venir ? Qu'est ce qui se passe ? TH�O Et bien, voil� ce qui s'est pass�. Il d�signe quelque chose de la pointe de son cigare. Fernand regarde dans la direction qu'il indique. TH�O Un chargement tout pr�t. Six millions de pastis. Un client qui attend tout �a entre onze heures et minuit � Fontainebleau. Ils sortent du b�timent. DISTILLERIE - COUR - EXT�RIEUR JOUR TH�O Et bien, nous les livrons pas. MONSIEUR FERNAND Pourquoi, qu'est ce qui te g�ne ? TH�O Notre dernier chauffeur est parti hier pour le Sahara, dans le p�trole, � cause des primes, des zones et des assurances sociales... le go�t de lucre, l'esprit nouveau. Fernand inspecte le camion charg� de casiers � bouteille. MONSIEUR FERNAND Un chauffeur, �a se remplace, non ? TH�O Monsieur Fernand, le transport clandestin ne r�clame pas seulement des comp�tences, mais de l'honn�tet�. Il rejoint Fernand pr�s du camion. TH�O Contrairement aux affaires r�guli�res, on paie comptant... en liquide. �a peut tenter les �mes simples. MONSIEUR FERNAND Ben moi, je vois qu'une solution ! Tu prends le bout de bois et tu livres. TH�O Faut pouvoir ! MONSIEUR FERNAND Comment �a ? TH�O La nuit... en plein milieu de la route, un homme arm�, en uniforme, qui agite une lanterne et qui crie � halte �, qu'est ce que vous faites ? MONSIEUR FERNAND Je m'arr�te, bien s�r, je passe pas dessus ! TH�O Et bien, c'est pour �a que vous avez encore votre permis ! Il ricane. TH�O Moi pas ! Fernand r�fl�chit. MONSIEUR FERNAND Bon... les papiers du bahut sont en r�gle au moins, oui ? TH�O Tout est en ordre ! Mais Monsieur Fernand, vous pr�tendez pas... Fernand ouvre la porte et monte au volant du camion. MONSIEUR FERNAND Quand y a six briques en jeu, je pr�tends n'importe quoi. J'ai conduit des tracteurs, des batteuses, et toi qui parlais de guerre, j'ai m�me conduit un char Patton. TH�O Ce n'est pas ma marque pr�f�r�e. Fernand semble un peu g�n�. MONSIEUR FERNAND Oui... bon ben dis donc, moi j'aimerais bien savoir o� je livre, parce que Fontainebleau, ben, c'est grand ! TH�O Vous connaissez la pyramide. MONSIEUR FERNAND Hmm. FONDU ENCHA�N� ROUTE DE CAMPAGNE - EXT�RIEUR NUIT Une route d�serte dans la nuit. Le camion de Fernand approche, tout phare allum�. On entend la voix de Th�o, qui termine ses explications. TH�O (voix off) Il y aura une Cadillac noire, arr�t�e � l'embranchement de Melun. CAMION - INT�RIEUR NUIT Fernand conduit, cigarette � la main. ROUTE DE CAMPAGNE - EXT�RIEUR NUIT Th�o et Tomate sont assis au bord de la route. Th�o se r�chauffe en buvant du caf� � partir d'un thermos. A c�t� de Tomate, une mitrailleuse est pos�e sur son socle de support. Tomate allume son briquet pour consulter sa montre. TOMATE Il devrait �tre pass�. Tu vois pas qu'il soit tomb� sur un barrage, ce cave ! Ce serait beau ! TH�O Il tient pas la moyenne, c'est tout. Avec les pr�tentieux, c'est toujours pareil... Il passe son caf� � Tomate et remonte le col de sa veste. TH�O � Moi je, moi je �. Sur le terrain, plus personne. Plus loin, le camion roule toujours sur la route. Il passe, sans que Fernand ne s'en rende compte, devant une moto, planqu�e au bord de la route, tous feux �teints, avec l'ami de Th�o assis dessus. Juste apr�s le passage du camion, la moto allume son phare, et l'ami de Th�o s'�lance � la poursuite du camion. La moto roule derri�re le camion. Le conducteur ne porte pas de casque. Il rattrape le camion, puis le double. La moto est maintenant devant le camion. Elle arrive en vue d'un bosquet d'arbres dans lequel Freddy est planqu�. L'ami de Th�o fait des appels de phare. Freddy allume une puissante lampe torche, et fait, lui aussi, des appels de lumi�re. Tomate, dans sa planque, re�oit les appels lumineux. TOMATE J'ai l'impression qu'on annonce Monsieur Dugommier. TH�O Je crois qu'il va le regretter, son char Patton. Tomate et Th�o s'allongent derri�re leur mitrailleuse. Freddy attend que la moto soit pass�e, puis il jette des clous � quatre pointes sur la route. Gros plan sur les clous et le camion qui arrive droit dessus. CAMION - INT�RIEUR NUIT Fernand essaie de redresser le camion qui, avec les quatre pneus crev�s, n'est plus dirigeable. Le camion fonce dans un panneau publicitaire vantant l'ap�ritif � Martini � ! ROUTE DE CAMPAGNE - EXT�RIEUR NUIT Le camion vient de s'arr�ter brutalement sur le panneau publicitaire, qu'il a d�fonc�. Dans leur planque, Th�o actionne la mitrailleuse, pendant que Tomate guide le ruban de balles dans l'arme. Des impacts de balle troue la paroi du camion. CAMION - INT�RIEUR NUIT Fernand se couche sur la banquette. Le pare-brise et toutes les vitres du camion �clatent, mais restent en place, s'�toilant en petites particules, selon le principe du verre S�curit. ROUTE DE CAMPAGNE - EXT�RIEUR NUIT Dans leur planque, Th�o a arr�t� de tirer et regarde dans la direction du camion. TOMATE Mais qu'est ce que t'attends, allume-le ! Th�o se remet � tirer. Sous le tir de la mitrailleuse, le chargement du camion finit par s'enflammer. CAMION - INT�RIEUR NUIT Les flammes arrivent dans la cabine. Fernand se redresse. ROUTE DE CAMPAGNE - EXT�RIEUR NUIT Th�o continue � tirer. Tomate, debout derri�re lui, le tire en ARRI�RE TOMATE �a va, filons. �a va, �a va, �a va, �a va ! Th�o est atteint d'une telle fr�n�sie que Tomate a du mal � le d�tacher de la mitrailleuse. Ils regardent tous deux dans la direction du camion. Le camion est totalement en flammes. CAMION - INT�RIEUR NUIT Le costume de Fernand est d�chir� au coude. Fernand arrache le coussin de l'un des si�ges du camion et le projette dans le pare- brise. Le verre �clat� de ce dernier se d�tache vers l'ext�rieur du camion, ouvrant ainsi une sortie possible pour Fernand, qui se d�gage de la cabine du camion. ROUTE DE CAMPAGNE - EXT�RIEUR NUIT Fernand est allong� dans les feuilles mortes de la for�t. Il rampe pour s'�loigner du camion sans �tre rep�r� par ses adversaires. Fondu encha�n�. P�NICHE - BUREAU - INT�RIEUR NUIT Paul est assis derri�re le bureau, lunettes sur le nez. Raoul est debout devant lui, et fume un cigare. RAOUL VOLFONI Petit fr�re, crois-moi, le monde moderne va vers la centralisation ! PAUL VOLFONI Et Tomate, qu'est ce que t'en fais ? RAOUL VOLFONI Ben, s'il faut virer Tomate, on le virera. On frappe � la porte. Raoul traverse la pi�ce pour ouvrir. RAOUL VOLFONI Moi, je connais qu'une loi, celle du plus fort. Il ouvre la porte, et prend le poing de Fernand dans la figure. Il recule en titubant jusqu'au mur, devant lequel il s'�croule. Paul se penche l�g�rement pour regarder son fr�re. Fernand entre dans la pi�ce, le cheveu en bataille, et le coude du costume toujours d�chir�. On comprend qu'il est venu directement du lieu de l'accident � la p�niche. Il claque la porte et tourne le verrou. Quand il se retourne, on constate que sa veste est d�chir�e aussi dans le dos, et m�me br�l�e. Paul rel�ve la t�te et sourit � Fernand. PAUL VOLFONI C'est une manie, qu'est ce qui te prends ? Fernand ignore Raoul toujours assis par terre contre le mur et se dirige vers le bureau. Il prend une grosse sacoche de cuir pos�e sur le bureau et la retourne, vidant tout ce qu'elle contenait sur les papiers de Paul, qui se recule l�g�rement et enl�ve ses lunettes. Puis il contourne le bureau vers le coffre-fort, qui est grand ouvert. Il s'accroupit et commence � remplir la sacoche de liasses de billets de banque. MONSIEUR FERNAND Vous �tes sur la pente fatale, les gars ! Vous vous endettez, trois briques de camion plus six briques de pastis. PAUL VOLFONI On peut savoir de quoi tu causes ? MONSIEUR FERNAND Une autre fois ! Hein ? PAUL VOLFONI Bon ! MONSIEUR FERNAND Ce soir, je suis pas d'humeur � bavarder, figure-toi. PAUL VOLFONI Bien ! Il pose la sacoche sur le bureau pour la fermer. MONSIEUR FERNAND Tout m'irrite ! PAUL VOLFONI Bon bon ! Il traverse la pi�ce en jetant un rapide regard � Raoul, qui se rel�ve lentement. Il sort et claque la porte derri�re lui. Raoul se touche le menton. On frappe � la porte. Raoul se dirige vers la porte. Il a d�j� la main sur la poign�e, lorsqu'il se tourne vers son fr�re, et lui CHUCHOTE : RAOUL VOLFONI T'es toujours de cinquante pour cent dans l'affaire ? PAUL VOLFONI Ben... bien s�r ! Raoul fait deux pas dans la pi�ce et d�signe la porte du pouce. RAOUL VOLFONI Alors va ouvrir ! Fondu au noir. MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR NUIT De nombreuses voitures sont gar�es devant l'entr�e du manoir. On entend de une musique assez puissante qui provient de l'int�rieur de la maison, mais cette fois-ci, il ne s'agit plus de musique classique, mais de musique plus moderne, de musique de danse. Toutes les fen�tres du rez-de-chauss�e sont illumin�es. La 404 de Fernand se gare � c�t� d'une petite voiture anglaise d�capotable et d�capot�e. Fernand sort de sa voiture, et le propri�taire de la d�capotable, un jeune homme �l�gamment habill�, fait le tour de la sienne. Il fixe la housse, qui prot�ge la capote lorsqu'elle est rang�e derri�re le si�ge arri�re, comme c'est le cas actuellement. Fernand fait quelques pas, et s'arr�te, visiblement m�content de la musique de danse qu'il entend dans le manoir. Le jeune homme le regarde, intrigu�. Puis il fait quelques pas vers lui, en fumant sa cigarette d'un air distingu�. LE JEUNE HOMME Convocation : neuf heures ! Fernand se retourne. LE JEUNE HOMME J'ai l'impression, mon cher, que nous ne sommes pas en avance. Fernand revient vers sa voiture, dont il ouvre le coffre. LE JEUNE HOMME Vous �tes un ami de Pat ou un copain d'Antoine ? Fernand prend la sacoche dans le coffre, qu'il referme. Il lance un rapide regard au jeune homme, et se dirige vers le manoir. LE JEUNE HOMME Je me demande s'il la saute ? Fernand se retourne vers le jeune homme. MONSIEUR FERNAND Si qui saute qui ? LE JEUNE HOMME Ben... Antoine... Patricia... Fernand soupire, pose la sacoche sur le coffre de sa voiture, puis flanque une racl�e au jeune homme. On ne le voit pas actuellement frapper le jeune homme, mais on en entend les bruits caract�ristiques. Fernand r�cup�re sa sacoche et se dirige vers le manoir. Le jeune homme est �tal� dans sa voiture, une jambe sur le pare- brise, et l'autre jambe par-dessus la porti�re. Il est compl�tement sonn�. Les essuie-glace balaient inutilement le pare- brise. MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT Plan rapproch� sur la porte d'entr�e. La musique est encore plus puissante. On voit Fernand � travers les vitres de la porte. Il frappe tr�s fort sur la porte. Un type, qui �tait adoss� au mur pr�s de la porte, tourne la t�te vers lui, et ouvre la porte. Fernand entre et regarde autour de lui, d'un air � la fois surpris et m�content. Une fille se tr�mousse en rythme devant lui. Fernand referme la porte. D'autres invit�s, assis alentour, marque le rythme de la musique. D'autres danseurs apparaissent dans le champ. Plan en plong�e du haut de l'escalier. Le vestibule est plein de jeunes gens en train de danser. D'autres, debout dans l'escalier, marquent le rythme. Fernand, pr�s de la porte, contemple cette sc�ne sans bouger. Jean traverse le vestibule, un plateau � la main. Retour sur un plan moyen de Fernand, qui semble de plus en plus m�content. Il aper�oit Jean et l'appelle. MONSIEUR FERNAND Jean ? JEAN Une seconde, monsieur. Jean entre dans un salon, son plateau � la main. Fernand traverse le vestibule. MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR NUIT Antoine et Patricia sont en train de se b�coter. Antoine rel�ve la t�te et aper�oit Fernand. ANTOINE DELAFOY Le cercle de famille s'agrandit. Patricia regarde dans la direction de Fernand, avec des yeux un peu effray�s. Elle pousse Antoine vers un coin plus discret. Fernand traverse le salon vers l'endroit o� Jean est en train de servir les invit�s. Il bute dans un jeune homme qui est dans son chemin. UNE JEUNE FILLE L�G�REMENT �M�CH�E Encore un peu, Jean, s'il te pla�t. JEAN Tu picoles trop toi, tu vas �tre ronde. UNE JEUNE FILLE L�G�REMENT �M�CH�E Vas donc m'en chercher une autre bouteille, s'il te pla�t. JEAN Mais oui. La jeune fille s'�loigne. Fernand se rapproche de Jean. Un jeune homme, qui vient, lui aussi d'�tre servi, s'�loigne de Jean, qui sourit b�atement. LE JEUNE HOMME Tchiao. En voyant Fernand, le sourire de Jean s'efface. MONSIEUR FERNAND Jean ? O� est Patricia ? Jean fait un petit signe d'impuissance. MONSIEUR FERNAND Et ma�tre Folace ? JEAN � la cuisine... il aide, lui. Jean a dit les derniers mots sur un ton de l�ger reproche. Fernand le regarde de fa�on peu aimable, puis traverse le salon, en essayant d'�viter les danseurs, et en cherchant visiblement Patricia. Dans un coin discret, Antoine et Patricia observent la sc�ne. Ils se parlent en chuchotant. ANTOINE DELAFOY Continuer de me cacher, c'est tr�s d�sagr�able. Ils regardent tous les deux dans la direction de Fernand. Fernand continue � zigzaguer entre les invit�s, tenant toujours sa sacoche � la main. PATRICIA (voix off) Oncle Fernand ? Fernand se retourne. Patricia vient vers lui. Fernand semble un peu en col�re. MONSIEUR FERNAND Ah te voil�, toi ! Et c'est �a que t'appelles une petite d�nette au coin du feu, hein, dis ? Alors tu vas m'expliquer un petit peu maintenant, hein ? Elle l'entra�ne dans un coin plus calme que la piste de danse. Elle regarde la manche d�chir�e de son veston. PATRICIA D'o� viens-tu ? Fernand regarde dans la direction d'un groupe, que l'on ne voit pas, mais qui, � l'expression affich�e sur le visage de Fernand, sont visiblement dans une position assez intime. D'une main autoritaire, Patricia leur fait signe de d�gager. Deux filles et un gar�on sortent de la pi�ce. MONSIEUR FERNAND De... de chez des amis. PATRICIA Ah ! Des anciens paras ? Vous avez �voqu� le bon vieux temps, cooptation, close combat, vous avez jou� au lance- flamme... Fernand pose brutalement sa sacoche sur la table, prend une bouteille de whisky et se sert un verre. Un invit� lui tend une petite bouteille d'eau gazeuse. L'INVIT� Sec ou � l'eau ? On sent que Fernand est sur le point de perdre encore son sang- froid. Il arrache la bouteille des mains de l'invit�. Patricia fait � l'invit� un signe discret de d�gager. Celui-ci sort calmement, en regardant Fernand d'un oeil peu aimable. MONSIEUR FERNAND Chez soi, �a fait plaisir, hein ? PATRICIA Oh ! Je t'ai demand� la permission d'inviter des amis, t'�tais d'accord. Tu sais qu'ils sont tous d'excellentes familles ? Celui qui vient de t'offrir du scotch, tu sais qui c'est ? Jacques Le Tellier, le fils du contre-amiral. Fernand boit son verre � grandes gorg�es. PATRICIA �coute, tu tiens toujours � ce que je passe mon bacho, alors soit logique ! Fernand r�cup�re sa sacoche, et va pour s'�loigner, mais Patricia l'arr�te. PATRICIA Oui, le bacho sans relations, c'est la charrue sans les boeufs, le tenon sans la mortaise, une ni�ce sans son petit oncle ! En fait, c'est rien. Avoue que tu n'avais jamais pens� � �a, hein ? Fernand a �cout� tout le petit discours de Patricia, d�bit� sur un ton un peu enj�leur, avec une impatience qu'il a du mal � contenir. MONSIEUR FERNAND C'est fini, oui ? Fernand va pour sortir, Patricia le retient de nouveau. PATRICIA Entre nous, � quoi penses-tu en g�n�ral ? MONSIEUR FERNAND � Montauban... on ne devrait jamais quitter Montauban ! Il d�gage la main de Patricia de son �paule, et sort � grandes enjamb�es. Patricia le regarde partir en haussant les �paules. MANOIR DU MEXICAIN - CUISINE - INT�RIEUR NUIT Folace est seul dans la cuisine, en costume gris, assis devant une table encombr�e de bouteilles vides de champagne, de seau � glace, et surtout de tout ce qu'il faut pour confectionner des sandwiches et des canap�s. D'ailleurs Folace beurre un canap�. La porte s'ouvre, Fernand entre et referme la porte derri�re lui. Folace se tourne vers lui, et lui parle sur un ton tr�s badin. MAITRE FOLACE Charmante soir�e, n'est ce pas ? Vous savez combien �a va nous co�ter ? Deux milles francs... nouveaux ! Fernand s'avance lentement vers la table, l'air s�v�re, pendant que Folace continue � beurrer ses canap�s. MONSIEUR FERNAND Y en a qui gaspillent, et y en a d'autres qui collectent... Du bras, il d�gage, sans m�nagement, un espace libre sur la table. Il y d�pose lourdement la sacoche, qu'il ouvre. Des billets d�bordent de la sacoche et tombent sur la table. MONSIEUR FERNAND Qu'est ce que vous dites de �a ? Hein ? Folace sourit. Jean entre dans la cuisine. Fernand met la main sur la sacoche. Jean referme la porte, et pose son plateau sur un plan de travail derri�re Folace. JEAN Faudrait encore des sandwichs � la pur�e d'anchois, ils partent bien ceux-l�. Il se retourne et voit la sacoche. MONSIEUR FERNAND Les voil�, vos encaissements en retard... et encore avec une avance en plus. Folace regarde la manche d�chir�e de Fernand. MONSIEUR FERNAND Les Volfoni ont essay� de me flinguer, oui ma�tre. MAITRE FOLACE Ce n'est pourtant pas leur genre. MONSIEUR FERNAND Et ben �a prouve qu'ils ont chang� de genre. Voil�. Jean fait le tour de la table et ouvre une porte du buffet. Gros plan sur une bo�te � biscuits. La main de Jean plonge dans la bo�te, et en sort un pistolet, que Jean arme. Il met le pistolet dans la poche int�rieure de sa veste avec un petit sourire. JEAN Quand �a change, �a change, faut jamais se laisser d�monter. MAITRE FOLACE Vous croyez qu'ils oseraient venir ici ? MONSIEUR FERNAND Les cons, �a ose tout ! C'est m�me � �a qu'on les reconna�t. Bruit de sonnette insistant. Gros plan sur un tableau. Le voyant n� 1 s'allume. MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT Plusieurs couples sont en train de danser dans le vestibule. A travers la vitre de la porte, on voit les visages des fr�res Volfoni. Ils continuent � sonner, mais personne, parmi les danseurs, ne semble les entendre. Finalement, l'une des danseuses se rend compte de leur pr�sence et ouvre la porte. Raoul entre suivi de Paul, qui referme la porte d'un coup de pied. Ils regardent autour d'eux, un peu surpris. PAUL VOLFONI T'es s�r que tu t'es pas gour� de cr�che. Raoul lui r�pond d'un ton irrit�. RAOUL VOLFONI Je me goure jamais, en rien. Il avance � travers la foule des danseurs, suivi de son fr�re. Ils passent dans un salon. MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR NUIT Raoul d�visage les danseurs, cherchant une t�te connue. Des bouteilles sont pos�es sur un meuble. Une jeune fille se tourne vers eux, un verre dans chaque main. LA JEUNE FILLE Scotch ou jus de fruit ? Paul va pour prendre le verre qu'on lui tend, mais Raoul, les mains enfonc�es dans les poches, foudroie la fille du regard. RAOUL VOLFONI C'est rien ! La fille s'�loigne avec ses deux verres, sans demander son reste. Raoul la regarde partir. RAOUL VOLFONI Si c'est notre pognon qu'ils sont en train d'arroser, les petits comiques, �a va saigner !... Il avise Jean au milieu des invit�s. RAOUL VOLFONI Dites donc, mon brave. Jean s'avance vers eux, l'air grave. JEAN Monsieur ? RAOUL VOLFONI Il est l�, votre patron ? JEAN Qui demandez-vous ? PAUL VOLFONI Monsieur Fernand Naudin. RAOUL VOLFONI Monsieur Fernand... Fernand l'emmerdeur, Fernand le malhonn�te, c'est comme �a que je l'appelle, moi. JEAN Si ces messieurs veulent bien suivre... Jean s'�loigne � travers la foule des invit�s. RAOUL VOLFONI Et comment. Il fait quelques pas derri�re Jean, puis se retourne vers son fr�re. RAOUL VOLFONI Alors, tu viens dis ! MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT Jean, suivi de Raoul, puis de Paul, entre par une porte situ�e derri�re l'escalier. Il s'arr�te devant la porte de la cuisine. JEAN Si vous voulez vous donner la peine d'entrer. De la main, il leur montre le chemin. Raoul entre, suivi de Paul, sous le regard froid et sarcastique de Jean. MANOIR DU MEXICAIN - CUISINE - INT�RIEUR NUIT Folace est toujours assis � table, en train de beurrer des canap�s. Sur la table, la sacoche, d�bordante de billets de banque, est toujours grande ouverte. Fernand est debout, en chemise, en train de s'essuyer les mains avec un torchon. Raoul entre le premier, une main enfonc�e dans l'une des poches de sa veste. RAOUL VOLFONI Bougez pas ! Les mains sur la table. Je vous pr�viens qu'on a la puissance de feu d'un croiseur et des flingues de concours. Jean entre derri�re eux, pistolet � la main. Il referme la porte de la cuisine. JEAN Si ces messieurs veulent bien me les confier... RAOUL VOLFONI Quoi ? Patricia entrent en trombe dans la cuisine, un plateau � la main. Sans s'en rendre compte, elle �crase Jean entre la porte et le mur. PATRICIA Ah mes enfants, nous sommes en panne de sandwiches. Elle sourit aux fr�res Volfoni, et pose le plateau dans l'�vier devant Fernand. PATRICIA Tu sais, mon oncle, si tes amis veulent danser... Elle ramasse une assiette de canap�s pos�e devant Folace et ressort. Jean, pistolet toujours point� vers les Volfoni, claque la porte derri�re elle. JEAN Allons vite, messieurs, quelqu'un pourrait venir, on pourrait se m�prendre, et on jaserait. Nous venons d�j� de fr�ler l'incident. Fernand continue � s'essuyer les mains tranquillement. MONSIEUR FERNAND Tu sais ce que je devrais faire, hmm ?... rien que pour le principe ? Il jette son torchon. Folace se l�ve et r�cup�re le pistolet de Raoul dans sa poche. Jean, plant� derri�re les Volfoni, les tient toujours en joue. Machinalement, Raoul se caresse le menton. RAOUL VOLFONI Tu trouves pas que c'est un peu rapproch� ? Folace t�te le haut de la veste de Raoul, pour s'assurer qu'il n'a pas d'autre arme. Paul lui donne le pistolet qu'il tient � la main. Folace lui t�te le haut de la veste. PAUL VOLFONI Je te disais que cette d�marche ne s'imposait pas. Au fond maintenant, les diplomates prendraient plut�t le pas sur les hommes d'action. L'�poque serait aux tables rondes et � la d�tente. Hein ? Qu'est-ce t'en penses ? Fernand les regarde longuement. MONSIEUR FERNAND Je dis pas non. Folace, les armes des Volfoni � la main, sourit. Fernand s'assoit, et prend un couteau et une tranche de pain. RAOUL VOLFONI Mais dis donc, on est quand m�me pas venu pour beurrer des sandwiches ? Fernand ne lui r�pond pas, et commence � beurrer la tranche de pain. PAUL VOLFONI Pourquoi pas ? Au contraire, les t�ches m�nag�res ne sont pas sans noblesse... Il s'assoit sur une chaise, les yeux riv�s sur la sacoche d�bordante de billets de banque. Raoul reste debout, le regard s�v�re. Folace d�pose les pistolets des Volfoni dans le tiroir de la table, puis se rassoit � sa place... devant le tiroir ! Jean est toujours debout pr�s de la porte, arme au poing. PAUL VOLFONI ... surtout lorsqu'elles constituent le premier pas vers des n�gociations fructueuses. Hein ?... Folace tend deux assiettes � Paul, une de rillettes, et une autre avec des tranches de pain de mie. PAUL VOLFONI Merci. Jean regarde Fernand, puis remet son arme dans la poche int�rieure de sa veste. Raoul lui jette un regard en coin. Jean sort de la cuisine. Raoul affiche un sourire un peu crisp� et agite une bo�te de bonbons, probablement des Cachou. Fernand tend la main, et Raoul lui d�pose un bonbon dans la main. Comme il est pench� sur la table, son regard ne peut quitter la sacoche de billets. Il plonge son autre main � l'int�rieur, tout en continuant � agiter sa bo�te de bonbons, sans se rendre compte que Fernand a retir� sa main. MONSIEUR FERNAND Ma�tre Folace... Raoul se redresse, et arr�te d'agiter sa bo�te. MONSIEUR FERNAND ... vous avez oubli� de planquer les motifs de f�cherie. Folace referme vivement la sacoche. Raoul sourit niaisement. Folace prend la sacoche et la d�pose sous la table. Paul suit la sacoche du regard. Il reste n�anmoins quelques billets sur la table. PAUL VOLFONI Oh, Monsieur Fernand... MONSIEUR FERNAND Tu connais la vie, Monsieur Paul... Raoul s'assoit entre Fernand et Folace. Il remet la bo�te de bonbons dans sa poche. Fernand et Folace se remettent � beurrer des tranches de pain de mie. MONSIEUR FERNAND Mais pour en revenir au travail manuel, l�, ce que vous disiez est finement observ�. Et puis, �a reste une base. RAOUL VOLFONI �a, c'est bien vrai, hein. Si on bricolait plus souvent, on aurait moins la t�te aux b�tises. Folace lui tend un couteau et une tranche de pain. Raoul commence � beurrer la tartine. RAOUL VOLFONI Ouais !... On entend la porte de la cuisine qui s'ouvre. LA JEUNE FILLE �M�CH�E (voix off) Jean ! Fernand, Raoul et Folace se retournent. Une jeune fille, visiblement �m�ch�e, vient d'ouvrir la porte de la cuisine. C'est apparemment la m�me jeune fille, qui, quelques temps auparavant, r�clamait d�j� de l'alcool � Jean. LA JEUNE FILLE �M�CH�E Ben, o� il est, Jean ? Paul, absorb� par son travail de � tartinage �, n'a m�me pas relev� la t�te. MONSIEUR FERNAND Qu'est ce que vous lui voulez ? Elle se penche sur la table en bousculant Paul. LA JEUNE FILLE �M�CH�E Y a plus de glace et y a plus de scotch ! Fernand essaie de rester calme. MONSIEUR FERNAND Ma�tre Folace, donnez-lui des jus de fruit, allez... UNE INVITEE Pas de jus de fruit, du scotch. Vos jus de fruit vous pouvez vous les... Folace essaie de repousser la fille qui avance vers Fernand. MAITRE FOLACE Allons, mademoiselle ! Il r�ussit � la repousser, et prend un air tr�s s�rieux, presque sentencieux. MAITRE FOLACE L'oncle de Patricia vous dit qu'il n'y a plus de scotch, un point c'est tout. LA JEUNE FILLE �M�CH�E Vous n'avez qu'� en acheter, avec �a. Elle ramasse une poign�e de billets, qui trainent encore sur la table. Folace lui saisit fermement le poignet. En la voyant toucher � l'argent, il a instantan�ment chang�. De calme et pond�r�, il est devenu quasiment hyst�rique. MAITRE FOLACE Touche pas au grisbi, salope ! Il la regarde sauvagement, les dents serr�s, les l�vres tremblantes et les yeux agit�s de tics. Raoul et Fernand regardent la fille d'un air sombre, presque mena�ant. La fille, soudain effray�e, sort en titubant de la pi�ce et claque la porte derri�re elle. PAUL VOLFONI De l'alcool � cet �ge-l� ! Il soupire. Fernand semble un peu �nerv�. MONSIEUR FERNAND Ah non, mais c'est un scandale, hein ? RAOUL VOLFONI Ben... Nous par contre, on est des adultes... on pourrait peut-�tre s'en faire un petit ? Hein ?... Il continue � beurrer sa tranche de pain, et regarde Fernand avec un petit sourire. Fernand semble calm�. MONSIEUR FERNAND �a, le fait est. Ma�tre Folace ? Du regard, il d�signe les cadavres de bouteille sur la table. Folace se l�ve. MAITRE FOLACE Seulement, le tout venant a �t� pirat� par les m�mes. Qu'est ce qu'on fait, on se risque sur le bizarre ? Il se penche, ouvre une porte du buffet, et en sort une bouteille pleine, qui contient un bon litre d'alcool. Elle ressemble � une petite bonbonne, avec un bouchon � vis et une petite poign�e en verre pr�s du goulot. Sur l'�tiquette, sont dessin�es trois cartes � jouer, avec trois rois. Au-dessus, en lettres gothiques, est �crit : � The Three Kings � (Les Trois Rois), et en-dessous, aussi en lettre gothiques, est �crit : � Scotch Whisky �. MAITRE FOLACE �a va rajeunir personne. Raoul regarde la bouteille en souriant. RAOUL VOLFONI Ben, nous voil� sauv�s. Folace s'assoit et commence � d�visser le bouchon de la bouteille. MAITRE FOLACE Sauv�s, faut voir ! Jean entre dans la cuisine, un plateau vide � la main. Il referme la porte et pose son plateau sur le buffet. Il s'avance vers la table et regarde Folace remplir un verre. JEAN Tiens, vous avez sorti le vitriol ? Folace tend le verre � Fernand. PAUL VOLFONI Pourquoi vous dites �a ? MAITRE FOLACE H� !... Il ricane et lui tend un verre. Paul le prend et le regarde. PAUL VOLFONI Il a pourtant un air honn�te. Jean pose d'autres verres sur la table et sourit � Paul. Fernand inspecte le contenu de son verre. MONSIEUR FERNAND Sans �tre franchement malhonn�te, au premier abord, comme �a, il... a l'air assez curieux. Folace donne un verre � Raoul et en remplit un autre pour Jean. MAITRE FOLACE Il date du Mexicain, du temps des grandes heures, seulement on a d� arr�ter la fabrication, y a des clients qui devenaient aveugles. Alors �a faisait des histoires. Folace remplit un autre verre pour lui-m�me. RAOUL VOLFONI Allez ! Il trinque avec Fernand, puis avec Folace, qui trinque aussi avec Fernand. Jean trinque avec Paul, et Fernand l�ve son verre vers Jean et Paul. Raoul approche son verre de ses l�vres. Les autres le regardent avec expectative. Raoul finit par boire une gorg�e. Les autres le regardent avec encore plus d'attention. Raoul baisse son verre. Il a la voix un peu rauque. RAOUL VOLFONI Ah ! Faut reconna�tre... Il a un haut-le-coeur. RAOUL VOLFONI ... c'est du brutal ! Paul, lui, a carr�ment les larmes aux yeux. (NOTE - Pour la petite histoire, lors du tournage de la sc�ne, les copains de Jean Lefebvre, qui jouait le r�le de Paul Volfoni, lui avaient fait une blague. Alors que l'accessoiriste avait mis de l'eau color�e dans les verres, ses copains, non seulement, lui avaient vraiment mis de l'alcool dans son verre � lui, mais avait en plus rajout� du poivre ! Ses larmes sont donc bien r�elles ! - Cette anecdote est d'ailleurs racont�e par Jean Lefebvre lui-m�me dans l'un des bonus du DVD du film.) PAUL VOLFONI Vous avez raison, il est curieux, hein ? MONSIEUR FERNAND J'ai connu une polonaise qu'en prenait au petit d�jeuner. Il boit une gorg�e � son tour. Et c'est avec, lui aussi, une voix un peu rauque, qu'il dit : MONSIEUR FERNAND Faut quand m�me admettre, c'est plut�t une boisson d'homme. Paul s'essuie les yeux avec son mouchoir. Raoul finit son verre, Paul aussi. Fernand se racle la gorge avant de finir le sien. Folace finit son verre, claque la langue, enl�ve ses lunettes et tombe la veste. Jean finit son verre, le pose sur la table, prend la bouteille et commence � resservir tout le monde. Raoul boit une gorg�e et se penche vers Fernand. RAOUL VOLFONI Tu sais pas ce qu'il me rappelle ? Fernand secoue la t�te en signe de d�n�gation. RAOUL VOLFONI Cette esp�ce de dr�lerie qu'on buvait dans une petite taule de Bi�n Hoa, pas tellement loin de Sa�gon. Les volets rouges et la tauli�re, une blonde komac. Comment qu'elle s'appelait, Nom de Dieu ? MONSIEUR FERNAND Lulu la Nantaise. RAOUL VOLFONI T'as connue ? Fernand hausse les yeux au ciel. Paul sent le contenu de son verre. PAUL VOLFONI Je lui trouve un go�t de pomme. MAITRE FOLACE Y en a. Raoul fait toujours ses confidences � Fernand. RAOUL VOLFONI Et bien, c'est devant chez elle que Lucien le Cheval s'est fait dessouder. MONSIEUR FERNAND Et par qui ? Hein ? Raoul r�fl�chit, mais ne trouve pas la r�ponse. RAOUL VOLFONI Ben voil� que j'ai plus ma t�te. MONSIEUR FERNAND Par Teddy de Montr�al, un fondu qui travaillait qu'� la dynamite. Fernand prend la bouteille pour se resservir. Il sert d'abord Raoul. RAOUL VOLFONI Toute une �poque ! Fernand hoche la t�te. MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR NUIT C'est maintenant le temps des � slows � avec une musique plus douce. Derri�re la vitrine � napol�onienne �, un couple est en train de danser. Patricia entre dans la pi�ce avec une assiette � la main. Elle se dirige vers Antoine, qui semble un peu r�veur. PATRICIA Tu boudes ? Antoine r�pond d'une voix douce, presque en chuchotant ANTOINE DELAFOY Bouder moi, tu plaisantes... N'emp�che que je commence � en avoir assez, moi, des amours clandestines. S'embrasser par t�l�phone... m�me deux fois par jour, c'est bien mignon, mais je suis un homme, moi, tu comprends ? Tout �a � cause de ton oncle. �coute, c'est vraiment trop b�te, on dirait que vous avez tous peur de lui. Mais je vais aller lui parler, moi. PATRICIA Tu vas lui parler de quoi ? Antoine embrasse tendrement Patricia sur la bouche. ANTOINE DELAFOY Je vais lui parler de notre mariage, de toi, de moi, de nous. PATRICIA R�p�te un peu ce que tu viens de dire ! Antoine lui d�pose un petit b�cot sur les l�vres. ANTOINE DELAFOY De toi, de moi. PATRICIA Oh non, juste le premier mot. C'�tait le meilleur. MANOIR DU MEXICAIN - CUISINE - INT�RIEUR NUIT Fernand vide le fond de la bouteille dans le verre de Jean. Tout le monde est maintenant en chemise, sauf Paul et Jean. Folace parle d'une voix visiblement tr�s embu�e par l'alcool. MAITRE FOLACE D'accord, d'accord, je dis pas qu'� la fin de sa vie, Jo le Trembleur, il avait pas un peu baiss�. Mais n'emp�che que, pendant les ann�es terribles, sous l'occup', il butait � tout va. Il a quand m�me d�cim� toute une division de panzers. Ah ! RAOUL VOLFONI Il �tait dans les chars ? MAITRE FOLACE Non, dans la limonade... Il frappe sur l'�paule de Raoul. MAITRE FOLACE Sois � ce qu'on te dit ! Raoul se met � pleurnicher. RAOUL VOLFONI Mais j'ai plus ma t�te... MAITRE FOLACE Il avait son secret, le Jo. Il essaie de remettre ses lunettes, mais n'y arrive pas et se plante les branches dans les yeux. D'un seul coup, Raoul �carquille les yeux. Il se l�ve lentement, tr�s raide. RAOUL VOLFONI C'est o� ? Jean se l�ve avec difficult� de sa chaise. JEAN A droite, au fond du couloir. Raoul sort pr�cipitamment de la cuisine et referme la porte derri�re lui. Folace a fini par arriver � remettre ses lunettes. Jean se rassoit. MAITRE FOLACE Et... Et... Et... cinquante kilos de patates, un sac de sciure de bois, il te sortait vingt-cinq litres de trois �toiles � l'alambic. Un vrai magicien, le Jo. Il frappe violemment de la main sur la table et hausse le ton. MAITRE FOLACE Et c'est pour �a que je permets d'intimer l'ordre � certains salisseurs de m�moire qu'ils feraient mieux de fermer leur claque-merde ! Ah ! Fernand se racle la gorge. Folace essaie, avec beaucoup de difficult�, d'introduire une cigarette dans son fume-cigarette. Paul le regarde, les yeux dans le vague. PAUL VOLFONI Vous avez beau dire, y a pas seulement que de la pomme, y a autre chose, ce serait pas des fois de la betterave ? Hein ? Fernand dodeline de la t�te. MONSIEUR FERNAND Si, y en a aussi. Paul sourit. MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR NUIT Debout et appuy� des deux mains sur la table, Raoul, toujours bien �m�ch�, fait les yeux doux � Patricia. RAOUL VOLFONI On vous apprend quoi, � l'�cole, mon petit chat ? Les jolies filles en savent toujours trop. Vous savez comment je le vois, votre avenir ? Vous voulez le savoir ? Raoul l�che la table, mais a du mal � tenir debout. Il fait quelques pas vers Patricia, qui s'�carte en riant. PATRICIA Non, non, non, non, non, non... Il se raccroche � la table en affichant un sourire niais. RAOUL VOLFONI Ben, je vais vous le dire quand m�me... Patricia l'�coute, bouche ouverte, ayant du mal � retenir son hilarit�. RAOUL VOLFONI Je vois une carri�re internationale, des voyages, ouais, l'�gypte par exemple, c'est pas commun �a, l'�gypte ? Et puis, ce qui a de bien c'est que, l�-bas, l'artiste est toujours g�t�e. Patricia met la main devant sa bouche pour masquer son fou-rire. Elle regarde vers Antoine, qui vient d'entrer dans la pi�ce. ANTOINE DELAFOY (voix off) Patricia ?... En voyant entrer un � rival �, Raoul affiche maintenant un petit air pinc�, avec les yeux outrageusement pliss�s. Antoine, lui, contrairement � Patricia, ne semble pas trouver la sc�ne tr�s dr�le, et c'est d'une voix s�che qu'il s'adresse � Raoul. ANTOINE DELAFOY Monsieur d�sire un... renseignement ? Patricia lui r�pond sur un ton badin. PATRICIA Non, monsieur me proposait une tourn�e en �gypte. ANTOINE DELAFOY Hein ? Raoul se sent soudain un peu d�contenanc� devant l'allure autoritaire d'Antoine. RAOUL VOLFONI Non, je disais l'�gypte... comme �a ! J'aurais aussi bien pu dire... le Liban. ANTOINE DELAFOY Je vois, Monsieur dirige sans doute une agence de voyage ? PATRICIA Mais non, voyons, ch�ri, Monsieur fait la traite des blanches, mais tu sais que c'est courant. Allez, viens ! Antoine semble soudain tr�s en col�re, et Patricia l'entraine hors de la pi�ce. Raoul soupire d'un air d�sabus�. Il frappe des mains l'une contre l'autre. MANOIR DU MEXICAIN - CUISINE - INT�RIEUR NUIT Folace ronfle, affal� sur la table. Devant lui, la bouteille vide de whisky frelat�. Une main pose une autre bouteille, l�g�rement entam�e, du m�me whisky frelat� � c�t� de la premi�re. Fernand attrape un morceau de pain de mie, dans une assiette, et le regarde avec des yeux vagues. MONSIEUR FERNAND Je reprendrais bien quelque chose de consistant, moi ! Il mord dans le morceau de pain. En face de lui, Paul m�chouille, lui aussi, un morceau de pain. Assis � c�t� de Fernand, Jean est, lui aussi, en train de manger. Raoul entre dans la cuisine, d'un pas titubant, referme la porte, et s'approche de la table. Sa pr�sence r�veille Folace. RAOUL VOLFONI Dis donc... elle est maqu�e � un jaloux, ta ni�ce ? Hein ? Je lui faisais un brin de causette, le genre r�serv�, tu me connais, mousse et pampre, voil� tout d'un coup qu'un petit cave est venu me chercher, les gros mots et tout ! Fernand se l�ve lentement. Il a, comme Raoul, du mal � tenir debout. Raoul est soudain un peu effray� par le regard mena�ant de Fernand, qu'il pense lui �tre adress�. MONSIEUR FERNAND Quoi ? Monsieur Antoine ! Fernand fait le tour de la table, un sourire narquois aux l�vres. Folace se l�ve et le suit. MONSIEUR FERNAND Il s'agit pas de lui faire franchir les portes, il faut peut-�tre le faire passer � travers. Il ouvre brusquement la porte de la cuisine, et sort, suivi par Folace. Raoul regarde Jean d'un air interrogateur. Jean termine tranquillement son verre JEAN Je serais pas �tonn� qu'on ferme ! MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR NUIT Fernand attrape Antoine par le bras et le pousse vers le vestibule. MONSIEUR FERNAND Dehors tout le monde ! Allez les petites filles, au dodo ! Dehors !... Antoine se dirige vers le vestibule, suivi par Fernand et Folace. MONSIEUR FERNAND Et les familles fran�aises, �a se respecte, monsieur. Les foyers c'est pas des putes, hein ! ANTOINE DELAFOY Une seule excuse, monsieur, � cet exc�s de familiarit�, c'est l'exc�s de boisson. MONSIEUR FERNAND Oh ! Mais... Il se tourne vers Folace. MONSIEUR FERNAND Qui qu'a bu ? Hein ? MAITRE FOLACE Oh ! Du jus de pommes. MONSIEUR FERNAND Le tact, moi, monsieur Antoine et � toute la bande... Allez hop. Il pousse Antoine � travers le vestibule, sous les regards m�dus�s des autres invit�s. Folace revient vers l'int�rieur de la pi�ce. MAITRE FOLACE Allez, allez dehors, on ferme. MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT Fernand pousse Antoine � travers tout le vestibule jusqu'� la porte d'entr�e, que Jean vient obligeamment d'ouvrir. MONSIEUR FERNAND Allez, allez, allez, allez... Il le pousse dehors. Les autres invit�s, choqu�s, commentent l'�v�nement, mais, avec le bruit et la musique, on ne comprend pas leurs paroles. MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR NUIT Folace pousse tous les occupants du salon vers le vestibule. MAITRE FOLACE Allez, allez, allez, allez, allez... MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT Folace continue � pousser les invit�s vers la porte d'entr�e. MAITRE FOLACE La sortie c'est par l�. Allez oust. Un invit� essaie de r�sister � la pouss�e de Folace en s'accrochant � un meuble. MAITRE FOLACE On retire sa main de l�. Allez, allez. MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR NUIT Raoul, l'oeil �grillard, pousse les jeunes gens vers la sortie, et en profite pour tripoter les filles au passage. Plusieurs filles crient. MAITRE FOLACE (voix off) Barrez-vous, je vous dis. Barrez-vous. MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR NUIT Devant la porte d'entr�e, Fernand et Folace pousse les invit�s dehors. Au fond du vestibule, derri�re l'escalier, Paul pousse les retardataires. PAUL VOLFONI Allez au lit, au lit tout �a. Devant la porte d'entr�e, Raoul s'est joint � Fernand et Folace pour pousser les invit�s dehors. Ils ne se rendent pas compte que, pris par leur �lan, ils poussent aussi Paul dehors. Fernand et Jean referment la porte sur le dernier invit�. Fernand, Raoul et Folace �clatent de rire. Jean les regarde, l'oeil vague, mais sans rire. A travers la vitre de la porte, on aper�oit le visage de Paul. Il ouvre lentement la porte. En le voyant, les trois hommes redoublent de rire. Fernand est m�me oblig� de s'asseoir. Mais Jean, lui, ne rit toujours pas. Il fait signe � Fernand de regarder vers l'escalier. Fernand s'arr�te de rire et regarde vers l'escalier. Raoul et Folace, debout � c�t� de lui, s'arr�tent aussi de rire, et regardent vers l'escalier. A mi-chemin de la premi�re vol�e de marches, Patricia les regarde avec une grande tristesse dans le regard. Fernand se l�ve et regarde vers l'escalier. Il titube un peu et se masse le visage. Il regarde Jean, puis s'avance vers l'escalier. Folace et Raoul regardent Patricia, visiblement mal � leur aise. Raoul a trouv� un verre � moiti� plein, qu'il tient � la main. Fernand, les mains derri�re le dos, se tourne vers ses amis, puis continue � avancer vers l'escalier. Patricia est maintenant en larmes. Elle se retourne et finit de monter l'escalier quatre � quatre. Fernand se tourne vers Raoul et Folace. MONSIEUR FERNAND Bon... On... on causait de quoi ? RAOUL VOLFONI De notre jeunesse. Folace se met � ricaner d'un rire d'ivrogne, qui devient un fou- rire. Les autres le regardent. Fondu au noir. MANOIR DU MEXICAIN - CHAMBRE DE FERNAND - INT�RIEUR JOUR Fernand est allong� sur le ventre, en pyjama. Folace, lui aussi en pyjama, le secoue. MAITRE FOLACE H�... H� oh !... Oh ! R�veillez-vous ! R�veillez-vous ! Fernand se redresse lentement sur son lit, mais il perd l'�quilibre et retombe � plat ventre, presque en dehors du lit. Folace l'aide � se relever. Fernand regarde Folace avec des petits yeux, et la bouche visiblement p�teuse. MONSIEUR FERNAND Mais qu'est ce que vous fa�tes l�, vous ? MAITRE FOLACE J'ai le regret de vous faire savoir que Mademoiselle Patricia ne s'est pas rendue � son cours ce matin. Fernand se masse le visage. MONSIEUR FERNAND Quoi ? Folace se penche sur lui et hausse le ton. MAITRE FOLACE Patricia... n'est pas all�e aux cours ce matin. L'institution vient de t�l�phoner. Fernand se l�ve du lit... avec une certaine difficult�. MONSIEUR FERNAND Bien, je vous garantis qu'elle va y aller, � son cours. Elle va m�me y aller tout de suite, hein ! Il finit de se lever et enfile sa robe de chambre, aid� par Folace. MANOIR DU MEXICAIN - PALIER - INT�RIEUR JOUR Fernand traverse le palier, suivi par Folace, qui continue � l'aider � mettre sa robe de chambre. Jean, toujours aussi imperturbable dans sa veste blanche, les regarde passer. Fernand et Folace entrent dans la chambre de Patricia. MONSIEUR FERNAND (voix off de la chambre de Patricia) Mais elle est partie ! Fernand se penche pour regarder ce qu'il se passe dans la chambre. MANOIR DU MEXICAIN - CHAMBRE DE PATRICIA - INT�RIEUR JOUR Fernand regarde autour de lui dans la chambre, d'un air d�sabus�. Il finit par s'asseoir sur le lit. MONSIEUR FERNAND Mais enfin, c'est pas possible ? MAITRE FOLACE Vous avez connu sa m�re ? Fernand soupire. MONSIEUR FERNAND Quel est le rapport ? MAITRE FOLACE L'h�r�dit�. Cette manie qu'elle avait, la maman, de toujours faire la valise. MONSIEUR FERNAND Suzanne � Beau Sourire � a �t� �lev�e � Bagneux sur la zone. Et, � seize ans, elle �tait sujet vedette chez Madame Reine. Alors je vous r�p�te, je vois pas le rapport. MAITRE FOLACE On pourrait peut-�tre... pr�venir la police ? MONSIEUR FERNAND Vous voulez que le Mexicain se retourne dans sa tombe, non ? Sa fille recherch�e par les perdreaux. Ah, y a vraiment des jours o� vous d�connez ferme, hein ? Jean ! Jean entre dans la chambre. JEAN Monsieur ? MONSIEUR FERNAND Dites donc, euh... Vous avez vu partir la petite, vous, ce matin ? JEAN Oui, Monsieur, comme d'habitude, � huit heures. MONSIEUR FERNAND Et vous avez rien remarqu� ? JEAN Si Monsieur, les valises. Fernand se tourne vers Folace, l'air ahuri. MONSIEUR FERNAND Non mais !... Il se l�ve. MONSIEUR FERNAND Comment, c'est maintenant qu'y me dit �a. Il se met � marcher de long en large dans la pi�ce. MONSIEUR FERNAND Bon dieu, c'est pas vrai, non mais c'est pas vrai. Comment ? Une m�me qui s'en va soit disant � l'�cole avec ses valoches et vous, vous trouvez �a naturel, vous ? MAITRE FOLACE Go on, go on, go on, and he'll break your dirty face. (Traduction : Continue, continue, continue, et il va te casser ta sale gueule.) MONSIEUR FERNAND Ah, on peut dire que je suis combl�. Il noue la ceinture de sa robe de chambre. MONSIEUR FERNAND Merci Messieurs, merci ! Ah oui ! Jean sourit � Folace, et sort un petit papier de la poche pectorale de sa veste. MONSIEUR FERNAND Qu'est-ce que c'est que �a ? Jean a ouvert le papier sur lequel est �crit : � POR 89 89 � et en-dessous : � 5532 NA 75 �. (NOTE - Jusqu'en 1963, ann�e de la sortie du film, � Paris, les indicatifs t�l�phoniques n'�taient, non pas des chiffres, mais des lettres correspondant aux trois premi�res lettres du nom du central auquel ils �taient rattach�s. POR correspond donc � Port- Royal. Quant � ce qui est �crit sous ce num�ro de t�l�phone, il s'agit du num�ro d'immatriculation du taxi, tel que les immatriculations �taient en vigueur jusqu'en octobre 2009. Les deux derniers chiffres, 75, signifient que le taxi est immatricul� � PARIS) JEAN C'est le num�ro du radio-taxi qu'elle a pris. Folace sourit. Jean se tourne vers lui, et lui dit, sur un ton un PEU SEC : JEAN Yes sir ! (Traduction : Oui, monsieur !) Le sourire de Folace s'efface de son visage. Jean, lui, sourit b�atement. PARIS - UNE PETITE RUE - INT�RIEUR JOUR Gros plan sur le logo � Radio-Taxi � coll� sur le c�t� de la Peugeot 404 noire. Le taxi se gare dans une petite ruelle, presque une impasse. A travers le pare-brise, on voit le chauffeur du taxi, et assis derri�re lui, Fernand, portant un costume sombre. Il pointe du doigt quelque chose devant la voiture. MONSIEUR FERNAND Vous �tes s�r que c'est l� ? CHAUFFEUR DU TAXI Un peu, j'ai coltin� les bagages � la troisi�me baraque. Du doigt, il d�signe l'immeuble. MONSIEUR FERNAND Non mais, elle est folle ? Il ouvre la porte et sort du taxi. CHAUFFEUR DU TAXI C'est ce qu'on a toujours tendance � croire chaque fois qu'elles nous font la malle. TAXI - INT�RIEUR JOUR Plan pris de l'int�rieur du taxi, comme si la cam�ra �tait pos� sur le si�ge passager avant. Fernand se penche par la vitre ouverte du chauffeur. MONSIEUR FERNAND Attendez-moi, j'en ai pour cinq minutes. CHAUFFEUR DU TAXI Ah, j'aimerais mieux que vous appeliez un coll�gue. PARIS - UNE PETITE RUE - INT�RIEUR JOUR Plan rapproch� du chauffeur, vu par sa vitre ouverte. CHAUFFEUR DU TAXI Si la petite dame me voit, j'aurais le vilain r�le. Comprenez... cafarder, c'est pas beau. Il jette un oeil sur le compteur. CHAUFFEUR DU TAXI Six cinquante... Et puis nous, dans le m�tier, les ruptures, les retrouvailles, toutes les fluctuations de la fesse, on pr�f�re pas s'en m�ler. Fernand sort une liasse de billets, et en extrait un qu'il donne au chauffeur, qui le met dans la poche pectorale de sa veste. CHAUFFEUR DU TAXI Moi j'ai un coll�gue comme �a, transporteur de cocus, y s'est retrouv� cribl� en plein jour, rue Godeau, par une maladroite. Fernand tapote nerveusement sur le rebord de la vitre baiss�e. Le chauffeur sort de la monnaie de sa poche et tend une pi�ce � Fernand. MONSIEUR FERNAND Oui, bon ben, �a va, �a va ! CHAUFFEUR DU TAXI Voil�, monsieur, merci bien... Fernand lui met une grosse poign�e de pi�ces dans la main, et s'�loigne. CHAUFFEUR DU TAXI Merci... H� !... Fernand qui avait commenc� � remonter la ruelle, se retourne vers le taxi. Le chauffeur lui adresse un gentil sourire. CHAUFFEUR DU TAXI Soyez quand m�me pas trop dur... IMMEUBLE D'ANTOINE - PALIER - INT�RIEUR JOUR Gros plan sur la porte de l'appartement d'Antoine Delafoy. Un porte-carte est viss� sur la porte, porte-carte dans lequel est gliss� une carte de visite, sur laquelle est inscrit : � Antoine Delafoy �, et en-dessous : � Compositeur �. On entend deux coups frapp�s sur la porte, puis le gros plan se d�place de la carte de visite vers la poign�e de la porte. La main de Fernand tourne la poign�e et la porte s'ouvre. On voit la silhouette de Fernand entrer dans l'appartement. APPARTEMENT D'ANTOINE - COULOIR - INT�RIEUR JOUR Bruit de percussions � musicales �. Fernand entre dans le couloir d'entr�e de l'appartement, qui est situ� sous les toits de l'immeuble. La partie haute du mur, c�t� toit, est inclin�e. Et les fen�tres sont des lucarnes. Fernand referme la porte derri�re lui. Il avance dans le couloir, se dirigeant vers le son des percussions. APPARTEMENT D'ANTOINE - S�JOUR - INT�RIEUR JOUR La salle de s�jour de l'appartement est une grande pi�ce, sur les murs desquels sont accroch�s plusieurs instruments de musique conventionnels. Du plafond pendent des cordes sur lesquelles sont accroch�s des tubes de verre. Dans un angle, un grand canap� de forme arrondie. Plusieurs fauteuils sont diss�min�s dans la pi�ce Devant Fernand, une structure m�tallique supporte divers instruments de percussions, certains reconnaissables, comme une cymbale, d'autres invent�s par le � compositeur �, par exemple des pi�ces m�talliques qui tournent sur un axe vertical. Travelling le long de la structure m�tallique. Des balles de ping- pong tombent sur la cymbale, sur laquelle elles rebondissent. A c�t� de la cymbale, un bocal de verre contient d'autres balles de ping-pong, puis on d�couvre divers r�cipients de chimiste, puis des robinets. Les deux derniers robinets semblent un peu antiques. Ces robinets laissent tous couler des filets d'eau, d'importance variable d'un robinet � l'autre. Des micros sur pied sont pos�s devant la structure m�tallique. Le travelling se termine sur Antoine assis devant une table install�e devant une grande baie vitr�e. Sur cette table, sont pos�s trois magn�tophones. Des ventilateurs et une girouette tournent � c�t� d'Antoine. De l'eau glou-gloute dans un bocal. Antoine, sentant une pr�sence, se retourne, et d�couvre Fernand, debout, les poings sur les hanches. ANTOINE DELAFOY Ah Nom de Dieu de Nom de Dieu, mais o� faut-il s'expatrier, mon Dieu, pour avoir la paix ? Au Groenland, � la Terre de Feu ? J'allais toucher l'anti-accord absolu, vous entendez ?... Absolu. La musique des sph�res... Mais qu'est-ce que j'essaie de vous faire comprendre, homme- singe ! Le discours d'Antoine a �t� d�bit� sur un ton assez passionn�, qui ne semble pas impressionner Fernand. Surtout, il ne semble pas beaucoup appr�cier les robinets. MONSIEUR FERNAND Vous permettez ? Il tourne la manette d'un robinet pour l'arr�ter. Antoine pose sa main sur la sienne. ANTOINE DELAFOY Ah non ! MONSIEUR FERNAND Monsieur Delafoy, quand vous en aurez termin� avec vos instruments de m�nage... Il ferme tous les robinets un par un. ANTOINE DELAFOY Oh, j'attendais �a... La voix un peu stridente d'Antoine semble indisposer Fernand, qui ressent encore les effets de sa cuite de la veille. ANTOINE DELAFOY ... mes instruments de m�nage ? L'ironie du primate, l'humour Louis-Philippard, le sarcasme Prudhommesque. Il se d�place de long en large dans la pi�ce. ANTOINE DELAFOY Monsieur Naudin, vous faites sans doute autorit� en mati�re de Bulldozer, tracteur et Caterpillar, mais vos opinions sur la musique moderne et sur l'art en g�n�ral, je vous conseille de ne les utiliser qu'en suppositoires. Voil� ! Et encore, pour enfant. J'ajouterais qu'ayant dormi � la porte de chez vous, je comprends mal... Il s'avance vers sa table de travail et arr�te ses magn�tophones. Fernand se masse les yeux. Les balles de ping-pong, elles, continuent de rebondir sur la cymbale. MONSIEUR FERNAND O� est Patricia ? ANTOINE DELAFOY Je comprends mal, disais-je, votre pr�sence chez moi ! Fernand, tr�s �nerv� maintenant, hausse la voix. MONSIEUR FERNAND O� est Patricia ? PATRICIA (voix off) Ici, mon oncle... Patricia vient d'appara�tre � la porte de la cuisine, portant un petit tablier de soubrette sur sa robe. Fernand s'avance vers elle. PATRICIA Bonjour ! On entend toujours, en fond sonore, la musique � moderne � d'Antoine. MONSIEUR FERNAND Mais enfin... Comment Patricia, mais... qu'est-ce que tu fais l� ? Qu'est ce que �a veut dire, tout �a ? Patricia, de la main, lui d�signe l'int�rieur de la cuisine. PATRICIA Tu vois, je civette, je bain-marise, je ragougnasse. Bref, je donne � Antoine tout apaisement dans l'avenir. Logique non ? Il doit passer sa vie avec moi. MONSIEUR FERNAND Passer sa vie ? Patricia s'avance vers Fernand. PATRICIA Naturellement, tu restes d�jeuner avec nous ? Ch�ri ! ANTOINE DELAFOY Oui ? PATRICIA Tu devrais descendre chez l'Italien, je crois que nous allons manquer de vin. ANTOINE DELAFOY Oncle Fernand pr�f�re le Bordeaux ou le Bourgogne ? Fernand se masse les tempes, et Antoine pr�f�re ne pas insister. ANTOINE DELAFOY Hein ?... Ben, on prendra les deux. Il s'�loigne pour se pr�parer � sortir. Fernand continue � se masser les tempes. Patricia s'en aper�oit et le regarde avec inqui�tude. PATRICIA �a ne va pas, qu'est-ce que tu as ? MONSIEUR FERNAND Rien... Je deviens louf, c'est tout ! PATRICIA (voix off) Oh, mon civet qui br�le ! APPARTEMENT D'ANTOINE - CUISINE - INT�RIEUR JOUR Dans la cuisine, Patricia soul�ve le couvercle d'une cocotte, souffle dans la cocotte et touille sa cuisine avec une cuiller en bois. Par la porte ouverte, on aper�oit Fernand, toujours debout au milieu du s�jour. PATRICIA Tu peux venir, tu sais. Elle tourne la t�te vers Fernand, qui s'avance lentement vers elle. MONSIEUR FERNAND �coute Patricia... Qu'est ce qui t'a pris de partir comme �a ? Hein ? Tu nous a fais faire un mauvais sang du diable, quoi ! Patricia lui met sa cuiller en bois dans la bouche. PATRICIA Qu'est ce qui t'a pris de mettre Antoine � la porte ? MONSIEUR FERNAND Tu veux mon avis ? PATRICIA C'est bien pour �a que je te le fais go�ter. MONSIEUR FERNAND Et bien, il manque du sel. Fernand s'�nerve un peu. MONSIEUR FERNAND Non, mais c'est pas de �a qu'il s'agit, c'est de mon avis sur ton Antoine. PATRICIA Mon Antoine, tu ne crois pas si bien dire... Elle ouvre le freezer de son r�frig�rateur PATRICIA ... il m'�pouse. MONSIEUR FERNAND Non, non, non, Patricia, attention, ne nous emballons pas, hein ! D'abord est-ce que tu l'aimes ? Ben... Est-ce que tu l'aimes assez pour l'�pouser ? Elle a sorti un bac � gla�ons du r�frig�rateur et le referme. PATRICIA Oh, presque trop, c'est du g�chis. �a m�ritait une liaison malheureuse, tragique, quelque chose d'Espagnol, m�me de Russe. Elle d�moule les gla�ons dans un petit seau en verre. PATRICIA Allez, viens donc boire un petit Scotch, va, �a te fera oublier ceux d'hier. Elle s'approche de Fernand. MONSIEUR FERNAND Hier, j'ai rien bu. Alors, pas �a ! Il joint le geste � la parole en mettant l'ongle de son pouce sur ses incisives sup�rieures. Elle sort de la cuisine. APPARTEMENT D'ANTOINE - S�JOUR - INT�RIEUR JOUR Patricia s'approche de la table sur laquelle sont dispos�s les ap�ritifs. PATRICIA Alors, pourquoi tu d�ambulais toute la nuit ? Tu as m�me fait couler deux bains. Fernand entre lentement dans la salle de s�jour. Il semble un peu mal � son aise. MONSIEUR FERNAND Les nerfs !... Il passe derri�re elle en se frottant un peu nerveusement les mains. MONSIEUR FERNAND Dis moi, tu comptes rentrer pas trop tard. Il s'assoit dans un fauteuil. MONSIEUR FERNAND Oui, il faudrait pas que la future belle-famille aille s'imaginer que... que nous menons une vie de boh�me, quand m�me. Patricia donne un verre � Fernand. MONSIEUR FERNAND Parce que ton Antoine, il est bien gentil avec ses airs... l�... Mais tu vas voir qu'il va nous faire surgir une famille, comme tout le monde. Fondu encha�n�. Un peu plus tard. Antoine marche de long en large dans la pi�ce, circulant entre les nombreux objets de verre qui pendent du plafond. Derri�re lui, Patricia d�barrasse la table. ANTOINE DELAFOY Bref, seul rescap� d'une famille �branl�e par les guerres coloniales, les divorces et les accidents de la route, papa, Adolphe Am�d�e Delafoy dit � Le Pr�sident �, un personnage... Il collectionne les pendules et les contraventions, les d�ceptions sentimentales et les d�corations. Il les a toutes sauf la m�daille de sauvetage, la plus belle selon lui, mais la plus difficile � d�crocher quand on est pas breton. Fernand l'�coute, affal� dans un fauteuil, en chemise et un cigare au bec. Du pied, il fait sonner l'un des objets de percussion en verre qui pendent du plafond. MONSIEUR FERNAND Un homme curieux, d�tes-donc ! ANTOINE DELAFOY Un p�re... Adolphe-Am�d�e t�moigne en mati�re d'art de perversion assez voisine des v�tres, d�fenseur de Puvis de Chavannes et de Reynaldo Hahn... MONSIEUR FERNAND Connais pas. ANTOINE DELAFOY Lui, si ! A part �a, ce qu'il est convenu d'appeler un grand honn�te homme. Port� sur la morale et les soubrettes, la religion et les jetons de pr�sence... Vous connaissez sa derni�re ? Il vient de se faire bombarder vice-pr�sident du Fond Mon�taire International. MONSIEUR FERNAND Oh ? Fernand semble soudain tr�s int�ress�. Il se met � t�ter son cigare d'un air pensif. Derri�re lui, Patricia, toujours occup� � d�barrasser la table, le regarde avec attention. PATRICIA A quoi penses-tu ? MONSIEUR FERNAND Fond Mon�taire... Il fait un clin d'oeil � Patricia. MONSIEUR FERNAND ... pas b�te, �a, tu sais ! MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR Dans le parc du manoir, Th�o est debout pr�s d'un petit kiosque en bois. Un peu plus loin, son ami, cach� par un arbre, observe le manoir, et plus particuli�rement la chambre de Fernand. MANOIR DU MEXICAIN - CHAMBRE DE FERNAND - INT�RIEUR JOUR Jean ouvre les rideaux et laisse entrer la lumi�re dans la pi�ce. Puis il tourne la poign�e de la fen�tre. JEAN, MA�TRE FOLACE ET PATRICIA (voix off) Happy birthday to you, happy birthday to you... Fernand, allong� en pyjama dans son lit, ouvre les yeux, et regarde ce qui se passe au pied de son lit. Debout devant le pied du lit, Folace, en robe de chambre sombre, tient un petit paquet � la main. A c�t� de lui, Patricia, d�j� habill�e d'une robe claire, avec un collier de perles autour du cou, tient un paquet plus grand derri�re son dos. Jean revient de la fen�tre, qu'il vient d'ouvrir, et se positionne � c�t� de Patricia. Lui aussi est d�j� habill� en veste blanche, et tient un petit paquet � la main. Ils chantent tous trois, avec beaucoup de conviction... mais un peu faux ! JEAN, MA�TRE FOLACE ET PATRICIA ... happy birthday, Fernand... happy birthday to you ! Patricia s'approche du lit. PATRICIA Bon anniversaire, mon Oncle ! Elle l'embrasse sur les deux joues et pose son paquet sur le lit. Ma�tre tend son petit paquet vers le lit avec un grand sourire. MAITRE FOLACE Joyeux anniversaire, mon cher. Quelqu'un, que l'on ne voit pas (peut-�tre Patricia) lui prend le paquet des mains. Fernand ouvre le paquet et en sort un stylo. Jean, � son tour, offre son cadeau � Fernand. JEAN Good health and happiness, Sir !... Sant� et prosp�rit�, Sir ! (Traduction exacte : Bonne sant� et bonheur, monsieur) Gros plan sur le cadeau de Jean : une pipe. Fernand la retourne dans sa main. Il la porte � sa bouche, et aspire un peu pour v�rifier le tirage. Il sourit. MONSIEUR FERNAND C'est vraiment trop gentil. Patricia ramasse un autre paquet, pos� sur la table � c�t� du plateau du petit-d�jeuner. PATRICIA On m'a apport� celui-l� tout � l'heure. Elle s'approche du lit, tout en lisant ce qui est �crit sur le paquet. PATRICIA Exp�diteur : Volfoni fr�res. Fernand tourne vers lui le paquet, que Patricia tient toujours dans ses mains. A son tour, il lit ce qui est �crit sur le paquet. MONSIEUR FERNAND On a beau avoir fait la paix, �a fait quand m�me quelque chose. Il regarde Folace, dont on ne voit pas le visage, mais qui doit sembler dubitatif, car Fernand ajoute : MONSIEUR FERNAND Oh si... Je dois dire que le geste est d�licat. Patricia porte le paquet � son oreille. PATRICIA C'est s�rement une pendule, �coute ! On entend un tic-tac provenant du paquet. Patricia met le paquet contre l'oreille de Fernand. D'un seul coup, le visage de Fernand s'assombrit. Il arrache le paquet des mains de Patricia, puis il se redresse vivement sur son lit, et lance le paquet sur la pelouse par la fen�tre ouverte. Par la fen�tre, on voit le paquet qui explose sur la pelouse, envoyant valdinguer les chaises de jardin, dont certaines se cassent en plusieurs morceaux. MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR L'ami de Fernand s'�loigne de sa cachette, revenant vers Th�o. Derri�re lui, pr�s du manoir, on voit la fum�e de l'explosion qui se dissipe lentement. Fondu encha�n�. P�NICHE - BUREAU - INT�RIEUR JOUR Plan rapproch� sur le verrou de la porte, qui est ouvert. On frappe, puis on ouvre la porte. Fernand est debout dans l'encadrement, le visage mena�ant. Derri�re lui, on voit le bar de la salle de jeu, et devant le bar, un homme qui nettoie le tapis de jeu. Fernand chante, les dents serr�es. MONSIEUR FERNAND Happy birthday to you... Raoul regarde Fernand d'un oeil surpris et interrogateur. MONSIEUR FERNAND (voix off) ... Happy birthday to you... Retour sur Fernand qui continue � chanter. MONSIEUR FERNAND ... Happy birthday to you-ou-ou, Happy birthday to you... Le poing de Fernand se d�tend, et frappe Raoul. Raoul part � reculons en titubant, et s'�croule contre le mur d'en face. Paul, assis au bureau, ferme pr�cipitamment le coffre-fort. Puis il regarde son fr�re assis par terre. Il se l�ve, et marche lentement vers lui. Il regarde par la porte, qui est rest�e ouverte, la ferme rapidement et tourne le verrou. Il revient ensuite vers son fr�re, toujours assis par terre contre le mur. PAUL VOLFONI Il est parti. Raoul ouvre les yeux et regarde son fr�re. RAOUL VOLFONI Non mais, t'a d�j� vu �a ? En pleine paix, il chante, et puis crac ! un bourre-pif ! Mais il est compl�tement fou, ce mec. Il se l�ve. Paul se pr�cipite pour l'aider. RAOUL VOLFONI Mais moi, les dingues, je les soigne. Il se dirige vers un secr�taire, suivi par Paul, qui le soutient. Il rel�ve la porte du secr�taire, et la coulisse dans la partie sup�rieur du meuble pour la maintenir ouverte. RAOUL VOLFONI Je vais lui faire une ordonnance... et une s�v�re... Il s'assoit sur une chaise, et du secr�taire, il sort un paquet de b�tons de dynamite li�s ensembles. Sur les b�tons de dynamite, est fix� une grenade. RAOUL VOLFONI Je vais lui montrer qui c'est Raoul. Il prend un tournevis dans le secr�taire. RAOUL VOLFONI Aux quatre coins de Paris qu'on va le retrouver, �parpill� par petits bouts, fa�on puzzle. Il visse plusieurs vis sur la bombe. RAOUL VOLFONI Moi, quand on m'en fait trop, je � correctionne � plus, je dynamite, je disperse, je ventile. Il jette le tournevis � l'int�rieur du secr�taire. Il prend deux fils �lectrique qui sortent de la bombe pour les relier ensemble. Une �tincelle jaillit. Raoul se recule pr�cipitamment dans les bras de son fr�re MANOIR DU MEXICAIN - CHAMBRE DE FERNAND - INT�RIEUR NUIT Gros plan sur la porte de l'armoire, que la main de Fernand est en train d'ouvrir. Les mains de Fernand fouille dans une pile de linge, et en sortent un revolver. Fernand est en robe de chambre sombre. Il referme lentement la porte de son armoire, et, tout aussi lentement, se dirige vers la porte ouverte de sa chambre, le revolver en main. Avant de sortir, il s'arr�te et �coute longuement. Il met le revolver dans la poche de sa robe de chambre, puis sort de la pi�ce. MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR NUIT Fa�ade arri�re de la maison. Une petite terrasse �troite court le long de la fa�ade. L'�clairage ext�rieur s'allume. Fernand sort lentement par une porte-fen�tre, puis il marche le long de la terrasse. Au bout de la terrasse, un petit escalier de quelques marches descend vers le parc. MANOIR DU MEXICAIN - GARAGE - INT�RIEUR NUIT Par la baie vitr�e du garage, on voit Fernand qui marche le long de la terrasse. Devant la baie vitr�e, une �tag�re encombr�e d'objets aussi divers qu'h�t�roclites, comme on en trouve dans ce genre de local (bouteilles de produits d'entretien, outils, etc.) Paul, en pardessus, et casquette sur la t�te, est cach� dans un coin sombre. Par la baie vitr�e, on voit Fernand rentrer dans la maison et fermer la porte-fen�tre. La lumi�re ext�rieure du manoir s'�teint. Paul se tourne vers son fr�re. Il soupire, puis CHUCHOTE : PAUL VOLFONI On n'aurait pas d� venir. RAOUL VOLFONI Ta gueule !... Derri�re Paul, dans la p�nombre, Raoul pr�pare son mat�riel. Il prend une grosse lampe �lectrique, la pose sur une table et l'allume. Il chuchote : RAOUL VOLFONI Assure-toi qu'il s'est recouch� !... Paul hausse les sourcils, et se dirige vers la porte d'acc�s pi�tons du garage, qu'il ouvre pour sortir. Le capot de la 404 de Fernand est ouvert, et Raoul, pench� sur le moteur, a sorti sa bombe d'une sacoche en cuir. Il pose la sacoche par terre et commence � positionner la bombe dans le moteur. On entend un chat qui miaule. Raoul se m�prend sur le bruit et pense que c'est son fr�re qui revient. RAOUL VOLFONI Alors, y dort, le gros con ? Ben y dormira encore mieux quand il aura pris �a dans la gueule ! Le chat continue � miauler. Appuy� sur les �tag�res, Fernand �coute Raoul tout en se tapotant nerveusement le bras. RAOUL VOLFONI (voix off) Il entendra chanter les anges, le gugus de Montauban. Je vais le renvoyer tout droit � la maison m�re, au terminus des pr�tentieux... CLINIQUE DUGOINEAU - CHAMBRE DE RAOUL - INT�RIEUR JOUR Raoul est allong�, en pyjama, sur un lit d'h�pital. Il a un pansement sur le nez, une m�che dans une narine, et un coquard sur l'oeil. Il maintient en place un linge humide sur son front. Il sent une pr�sence dans la pi�ce et tourne la t�te. RAOUL VOLFONI Fumier va ! Paul, en costume gris, est debout pr�s de la fen�tre, un petit paquet de g�teaux de p�tissier � la main. Il semble un peu mal � son aise. PAUL VOLFONI Ben... Il sourit niaisement. MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR JOUR Gros plan sur un journal. En titre de premi�re page : � �nigme dans l'affaire du camion incendi� �. Et en dessous : � Parmi les bouteilles de pastis clandestin, transport�es par les fraudeurs, certaines contenaient de l'essence � Et en-dessous, une photo du camion en train de flamber. A c�t� de la photo, on voit une partie d'un autre titre : � Ben Bella, ma�tre absolu en Alg�rie �, titre qui rappelle l'�poque au cours de laquelle se d�roule le film. MONSIEUR FERNAND (lisant le journal en voix off) � �nigme dans l'affaire du camion incendi�. Parmi les bouteilles de pastis clandestin transport�es par les fraudeurs, certaines contenaient de l'essence �. Fernand, en robe de chambre de couleur claire, une cigarette � la main, est assis derri�re un bureau. Il replie le journal, et le pose sur le bureau. MONSIEUR FERNAND �videmment, �a br�le mieux. Pascal est assis, en face de lui, sur le bord du bureau, et Bastien est debout � c�t� de Pascal. PASCAL Oui, mais... Monsieur Fernand, ce que vous avez fait aux Volfoni, c'est pas bien ! BASTIEN C'est surtout pas juste ! Fernand croise les bras. MONSIEUR FERNAND Elle est bien belle, celle-l� ! Comment ? Ils me flinguent � vue, ils me butent Henri... PASCAL Justement pas ! Il fait signe � Bastien de s'expliquer. BASTIEN Euh... Il ne trouve visiblement pas ses mots, et se tourne vers Pascal. BASTIEN Ah ! Tiens, explique, toi ! PASCAL Monsieur Fernand... Si les Volfoni vous avaient seringu�, vous et Henri, qui aurait �t� aux commandes, hein ? D'un doigt autoritaire, il d�signe Bastien. BASTIEN Moi, premi�re g�chette ! Fernand semble songeur. MONSIEUR FERNAND Et c'�tait pas toi !... Il pose les mains � plat sur le bureau. MONSIEUR FERNAND Dites-donc... Il se l�ve et contourne le bureau. MONSIEUR FERNAND Th�o, l'ami Fritz l�, question mentalit�, quelle cote vous lui donnez ? PASCAL Ben, c'est pas du blanc-bleu. Fernand marche de long en large dans la pi�ce. MONSIEUR FERNAND �a vous ennuierait de faire une petite commission pour moi ? PASCAL Nous, si les Volfoni sont plus dans le tourbillon ! BASTIEN Pr�sent� comme �a, la chose peut nous s�duire ! MONSIEUR FERNAND Et ben alors, vous pourriez peut �tre passer voir Th�o � sa campagne. Il a sans doute besoin de parler... de causer... et � vous qu'il conna�t bien, il se confierait peut �tre ?... Hmm ?... Fernand est revenu derri�re le bureau, sur lequel il r�cup�re sa grande tasse de caf�. PASCAL Je ne vois pas de raisons pour qu'il nous fasse des cachotteries. BASTIEN Je vois pas non plus... PASCAL Ou alors, ce serait vraiment le go�t de taquiner ! Fondu encha�n�. UNE CABINE T�L�PHONIQUE - INT�RIEUR JOUR Pascal et Bastien sont, tous les deux, dans une cabine t�l�phonique, devant un � Taxiphone � � l'ancienne, fonctionnant avec des jetons. C'est Pascal qui tient le combin�. PASCAL Alors voil�, Monsieur Fernand, on est pass� � la distillerie. Th�o �tait pas l�, on est tomb� sur Tomate... curieux non ? MONSIEUR FERNAND (voix off dans le t�l�phone) Qu'est ce qu'il faisait l� ? PASCAL Mais d�tendez-vous, Monsieur Fernand, il nous l'a dit ce qu'il faisait l�. Pascal et Bastien �clatent de rire. Fondu encha�n�. DISTILLERIE - REZ DE CHAUSS�E - INT�RIEUR JOUR Devant le gros alambic industriel, entour� de vapeur, Tomate est allong� par terre. TH�O (voix off) Pauvre Tomate ! Je le voyais pas s'en aller si vite. Th�o et son ami sont debout au milieu des �tag�res de bouteilles vides. Ils regardent le cadavre de Tomate. L'AMI DE TH�O Comme �a, on aura pas � le faire, puisque c'est par lui qu'on devait cl�turer. Th�o saisit brutalement son ami par le col de sa veste et le secoue. TH�O C'est tout ce que t'as trouv� ? Tu comprends que si Tomate est descendu, c'est que l'autre branque a compris et que �a sera bient�t notre tour. Il repousse violemment son ami, qui percute une �tag�re � bouteilles. Les bouteilles tombent et �clatent par terre. Th�o r�fl�chit un peu et dit, d'une voix plus calme : TH�O Seulement maintenant, on a le droit pour nous. L'AMI DE TH�O Le droit ? Th�o sourit. TH�O L�gitime d�fense. Avec moi, �a ne pardonne pas. Fondu au noir. MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR Folace est debout derri�re une porte fen�tre. Il regarde dans le parc. MAITRE FOLACE Mon cher, nous avons de la visite ! Fernand, debout derri�re lui, sort de la pi�ce. Folace l�ve le pistolet, qu'il tenait � la main, et tire dans le parc. Dans le parc, Freddy, qui �tait vis� par Folace, court se cacher. Il tient aussi un pistolet � la main. Il rejoint Th�o, cach� derri�re un arbre. FREDDY Comme effet de surprise, c'est r�ussi ! Voil� qu'on se fait flinguer... Deux coups de feu retentissent. Freddy s'accroupit. Th�o l�ve son arme, un pistolet avec un canon tr�s long. Il tire en direction du manoir. Folace est cach� derri�re une fen�tre, en train de visser un silencieux sur son pistolet. La balle, tir�e par Th�o, troue l'un des carreaux de la fen�tre. Dans le parc, Th�o tire de nouveau. Folace, derri�re la fen�tre, tire en direction du parc. Son pistolet, maintenant muni d'un silencieux, fait le � plop � caract�ristique des silencieux. Cach� derri�re un arbre, Th�o ajuste son tire en reposant le canon de son arme sur son avant-bras. Folace se cache derri�re la fen�tre pour �viter la balle de Th�o. MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR JOUR Une statue sur un socle vole en �clats. La statue �tait pos� sur un coffre-fort. Jean est accroupi devant le coffre-fort, dont il tourne les boutons de combinaison. A c�t� de lui, Fernand brosse, de la main, les d�bris de pl�tre sur son veston. MONSIEUR FERNAND Je te demande pas si tu sais les ouvrir ! Jean ouvre le coffre. On y voit des liasses de billets de banque sur l'�tag�re sup�rieure, mais aussi, sur l'�tag�re centrale, deux pistolets. Jean en tend un � Fernand. JEAN Je ne demande pas � Monsieur si Monsieur sait s'en servir ! Pendant que Fernand arme son pistolet, Jean en sort un autre du coffre. MANOIR DU MEXICAIN - PARC - EXT�RIEUR JOUR Toutes les armes, sauf celle de Th�o, �tant munies de silencieux, elles font toutes le � plop � caract�ristique. Toujours derri�re sa fen�tre, Folace tire dans le parc. Jean entr'ouvre la porte d'entr�e, et inspecte le parc. Folace, derri�re sa fen�tre, tire � nouveau. Jean tire depuis la porte d'entr�e. Cach� derri�re un arbre, � c�t� du petit kiosque en bois, Th�o tire en direction du manoir Cach� derri�re le kiosque, l'ami de Th�o tire lui aussi. Cach� derri�re un buisson, Freddy tire deux fois. Th�o, derri�re son arbre, tire � nouveau. Il se retourne, et semble tr�s surpris par ce qu'il voit. Il cache son arme derri�re son dos. Marchand calmement dans une all�e du parc, canne � la main, Am�d�e Delafoy, le p�re d'Antoine, se dirige vers le manoir. Th�o l'observe derri�re son arbre. Am�d�e le voit, et l�ve son chapeau pour le saluer. Il est tr�s �l�gamment v�tu en sombre, avec noeud papillon. Th�o s'incline vers Am�d�e en souriant. Am�d�e remet son chapeau et reprend sa marche. Th�o hausse les �paules, ne comprenant visiblement pas qui peut �tre cet �trange personnage. Am�d�e arrive pr�s du manoir. Jean, derri�re une fen�tre, le regarde avec surprise. JEAN Monsieur attendait quelqu'un ? Derri�re une autre fen�tre, Fernand regarde aussi Am�d�e avec surprise. MONSIEUR FERNAND Non... Derri�re une autre fen�tre, au carreau bris�, Folace aussi observe l'arrivant. MAITRE FOLACE D'apr�s Monsieur, serait-ce une feinte de l'ennemi ? Am�d�e monte l'escalier qui m�ne au perron du manoir. Arriv� � la porte d'entr�e, il appuie sur le bouton de la sonnette. MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR JOUR Plan rapproch� sur la bo�te m�tallique cylindrique, qui sert de porte-parapluie. Jean y d�pose deux pistolets. Jean va vers la porte d'entr�e, qu'il ouvre. Il pousse Am�d�e vers l'int�rieur du manoir, puis claque la porte. Am�d�e donne sa canne � Jean, et commence � enlever son manteau.. AM�D�E DELAFOY Voulez-vous m'annoncer aupr�s de Monsieur Fernand Naudin, je vous prie. JEAN De la part de qui ?... Jean, comprenant que Am�d�e doit �tre sourd, hausse la voix. JEAN De la part de qui, monsieur ? Am�d�e donne son manteau � Jean. AM�D�E DELAFOY Quoi, qu'est ce qu'il y a mon ami ? Articulez ! C'est presque en hurlant que Jean lui demande : JEAN De la part de qui, monsieur ? Am�d�e enl�ve ses gants. AM�D�E DELAFOY Ah !... De la part du pr�sident Delafoy, le p�re d'Antoine Delafoy. Il donne son chapeau � Jean, qui sort rapidement du vestibule. Am�d�e, les gants � la main, reste l� � contempler le d�cor, qui semble lui plaire. MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR JOUR Jean entre dans la pi�ce, portant toujours le manteau, le chapeau et la canne d'Am�d�e. Il entend un coup de feu, et se dirige vers la fen�tre. MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR Freddy court dans le parc, jusqu'� un pi�destal portant une vasque, et derri�re lequel il se cache. MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR JOUR Jean fait un signe de t�te vers le vestibule. JEAN Le pr�sident Delafoy ! Puis il regarde de nouveau par la fen�tre. Derri�re lui, Am�d�e entre dans la pi�ce. AM�D�E DELAFOY Puisqu'on ne m'annonce pas, je le fais moi-m�me... Il s'avance dans la pi�ce, la main tendue. Les coups de feu, qu'il n'entend visiblement pas, continuent � retentir. AM�D�E DELAFOY Pr�sident Delafoy... Fernand saisit Am�d�e � bras le corps et l'entra�ne dans un coin de la pi�ce. Jean sort de la pi�ce. Un vase, pos� sur une commode, �clate sous l'impact d'une balle. Fernand et Am�d�e sont maintenant dans un coin de la pi�ce pr�s de la fen�tre. Fernand tape amicalement sur le bras d'Am�d�e. AM�D�E DELAFOY Moi aussi, je suis... je suis absolument ravi de faire votre connaissance... Fernand le pousse � travers la pi�ce en lui baissant la t�te. Des balles traversent le carreau de la fen�tre devant laquelle ils viennent de passer. Ils arrivent dans un autre coin de la pi�ce. Fernand �clate d'un rire un peu forc�. AM�D�E DELAFOY Je vois que vous �tes habitu� � mener les choses rondement. Ce n'est pas pour me d�plaire d'ailleurs, j'aime l'action, l'initiative. Quand j'�tais jeune, je jouais au hockey sur gazon... Alors qu'Am�d�e n'entend aucun des coups de feu qui retentissent autour de lui, il entend sonner une horloge ! AM�D�E DELAFOY Ohhh !... Grand Dieu... Il s'approche de l'horloge ancienne, pos�e sur le marbre d'un meuble. Il l'examine et la caresse, pendant que, derri�re lui, Jean est entr� dans la pi�ce et tire par la fen�tre. AM�D�E DELAFOY Fin XVIII�, de Ferdinand Berthoud. Fernand s'approche doucement de lui. On entend les � plop � du pistolet de Jean. AM�D�E DELAFOY A moins que ma future belle-fille n'y tienne vraiment, je l'�changerais bien contre autre chose. Ohhh !... Fernand le prend par les �paules pour l'�loigner de la zone dangereuse. AM�D�E DELAFOY Hein ?... Ils arrivent dans un autre coin de la pi�ce, plus �loign� de la fen�tre, d'o� retentissent toujours les coups de feu. AM�D�E DELAFOY Oui... oui, pardonnez-moi, j'anticipe. Dans la glace situ�e � c�t� d'eux, on voit Folace, qui, � son tour, tire par la fen�tre. Am�d�e, lui, a remis ses gants pour faire sa demande officielle. AM�D�E DELAFOY Et bien, Monsieur, j'ai l'honneur de vous demander la main de votre ni�ce Patricia pour mon fils Antoine... Il s'incline profond�ment. Dans la glace, on voit Folace qui fait signe � Fernand de se cacher. Fernand fait � oui � de la t�te. Am�d�e, qui rel�ve la t�te � ce moment-l�, prend ce signe comme un acquiescement � sa requ�te. AM�D�E DELAFOY Ah !... Ce oui est un cri du coeur, je n'en attendais pas moins. Il prend Fernand dans ses bras. Ils s'�loignent tous les deux, serr�s l'un contre l'autre, donnant presque l'impression qu'ils sont en train de danser ensemble ! Ils ont atteint un coin apparemment un peu plus tranquille. Am�d�e semble d'humeur joyeuse et Fernand lui sourit. AM�D�E DELAFOY H� !... H� !... Et bien voil� !... MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR Debout pr�s d'une fen�tre, Folace est en train de tirer dans le parc. Jean en fait autant � partir de la porte d'entr�e entr'ouverte. Th�o tire, cach� derri�re son arbre. Son ami tire aussi, cach� derri�re le kiosque. Freddy tire aussi, cach� dans un buisson. Il s'aper�oit qu'il n'a plus de munition et s'accroupit derri�re le buisson pour recharger son arme. MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR JOUR Am�d�e contemple les meubles et objets anciens qui l'entourent. AM�D�E DELAFOY Cette maison est un ravissement. Il s'approche d'une haute plante verte en pot. AM�D�E DELAFOY Ah... cette verdure, ce calme. Il se dirige vers un porte ouverte et s'incline. MANOIR DU MEXICAIN - UN AUTRE SALON - INT�RIEUR JOUR Folace, debout pr�s d'une fen�tre, cache son arme sous sa veste, et s'incline pour r�pondre au salut d'Am�d�e. MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR JOUR Am�d�e admire les objets napol�oniens dans la vitrine de la pi�ce voisine. Fernand ferme la porte pour permettre � Folace de reprendre son � activit� �. MANOIR DU MEXICAIN - UN AUTRE SALON - INT�RIEUR JOUR Folace tire le pistolet de sous sa veste, et recommence � tirer. MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR JOUR Fernand est adoss� sur la porte qu'il vient de fermer. AM�D�E DELAFOY Et puis voyez-vous, mon cher Monsieur, rien ne vaut ces vieilles demeures de familles... Am�d�e enl�ve ses gants. MANOIR DU MEXICAIN - UN AUTRE SALON - INT�RIEUR JOUR Folace continue � tirer par la fen�tre. MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR AM�D�E DELAFOY (voix off) ... ces greniers... Jean tire depuis la porte d'entr�e entreb�ill�e. Freddy tire, cach� derri�re le pi�destal. AM�D�E DELAFOY (voix off) ... o� nous avons jou� enfants. Jean rentre dans la maison. Th�o tire depuis le kiosque. MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR JOUR Jean, cach� derri�re le radiateur, tire avec deux pistolets vers la porte d'entr�e, qui est rest�e ouverte. Un tableau, repr�sentant un homme portant une fraise, lui tombe presque sur la t�te. MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR JOUR On entend la chute du tableau r�sonner dans la maison. Am�d�e tend l'oreille. AM�D�E DELAFOY Il me semble avoir entendu... Fernand bafouille un peu. MONSIEUR FERNAND Oui, c'est... c'est le jardinier qui... tue les taupes !... Jean ! Jean appara�t � la porte. JEAN Monsieur ?... MONSIEUR FERNAND Euh... Voulez-vous lui dire de faire un peu moins de bruit s'il vous pla�t ? JEAN Je vais essayer de lui faire comprendre, Monsieur. Jean ressort. Am�d�e regarde quelque chose situ� juste derri�re Fernand. AM�D�E DELAFOY D�tes moi que c'est un h�ritage, un cadeau, un objet de famille, mais ne me dites pas que vous l'avez trouv�e � Paris, vous me tueriez ! Fernand, qui n'a pas vu la direction du regard d'Am�d�e, affiche un air un peu ahuri. MONSIEUR FERNAND Quoi ? AM�D�E DELAFOY �a !... Il montre un �trange vase mont� sur un tr�pied. Une balle heurte le plafond et fait tomber une partie du pl�tre de la moulure. Am�d�e re�oit une pluie de pl�tre sur la t�te. AM�D�E DELAFOY Ouh ! Am�d�e regarde, avec surprise, son costume sombre couvert de pl�tre. AM�D�E DELAFOY Oh ! Mais qu'est-ce que c'est ? Fernand et lui l�vent tous les deux les yeux vers le plafond. MONSIEUR FERNAND Des termites. AM�D�E DELAFOY Hein ? Fernand lui parle, d'une voix forte, directement dans l'oreille, tout en lui brossant la veste de la main. MONSIEUR FERNAND Des termites ! �a bouffe tout, les termites ! L'ennui de ces vieilles demeures o� nous avons jou� enfants. D'autres balles heurtent le plafond. Fernand et Am�d�e se trouvent couverts par un d�luge de pl�tre. AM�D�E DELAFOY Ouh ! Fernand l�ve les yeux vers le plafond, puis les baisse et regarde Am�d�e avec un sourire un peu crisp�. MONSIEUR FERNAND Sales b�tes ! Il se passe la main dans les cheveux. MANOIR DU MEXICAIN - EXT�RIEUR JOUR Une voiture se gare devant le perron du manoir. Bastien sort du c�t� conducteur, et Pascal du c�t� passager. Ils se dirigent vers le perron. Th�o sort de sa cachette derri�re son arbre et court vers le kiosque. Pascal et Bastien escalade l'escalier du perron d'un pas souple et rapide. Ils sonnent � la porte. Th�o contourne le kiosque en courant. Il se cache derri�re Freddy. FREDDY Les horribles ! Il se tourne vers Th�o. FREDDY S�par�ment, ils sont d�j� pas dr�les, je suis pas press� de conna�tre leur num�ro de siamois. Th�o ricane. Son ami est toujours cach� derri�re un arbre, le pistolet � la main. Th�o siffle dans ses doigts. Bastien et Pascal, qui sont toujours devant la porte du manoir, entendent le sifflet de Th�o, et glissent imm�diatement la main � l'int�rieur de leurs vestes. L'ami de Th�o court vers le kiosque. Pascal et Bastien regardent dans la direction d'o� venaient le sifflet, et retirent lentement leurs mains de l'int�rieur de leurs vestes. Ils r�ajustent ensemble leurs cravates, et entrent dans le manoir. Th�o regarde Freddy. TH�O Il faut bien admettre qu'exceptionnellement, Dieu n'est pas avec nous ! Mais il ne sera pas dit que nous avons sorti le mat�riel pour rien... CLINIQUE DUGOINEAU - ENTR�E PRINCIPALE - EXT�RIEUR JOUR Gros plan sur une pancarte au-dessus de la porte de la clinique. Il y est �crit : � Clinique Dugoineau �. Raoul et Paul sortent de la clinique, manteau sur le bras. Une Citro�n DS s'approche d'eux. A l'arri�re, par la vitre ouverte, Th�o tire sur eux � la mitraillette. La voiture s'�loigne. VOITURE DE TH�O - INT�RIEUR JOUR Freddy est au volant de la DS. TH�O (voix off venant du si�ge arri�re) Je te dis pas que c'est pas injuste... Freddy tourne, en souriant, la t�te vers l'arri�re du v�hicule, puis reporte son regard vers la route. L'ami de Th�o, assis sur le si�ge passager avant, garde la t�te tourn�e vers l'arri�re. Th�o s'est enfonc� dans son si�ge. Il semble satisfait de ce qu'il vient de faire. TH�O ... je t'ai dis que �a soulage ! CLINIQUE DUGOINEAU - CHAMBRE DE PAUL ET RAOUL - INT�RIEUR JOUR Raoul et Paul sont allong�s sur deux lits voisins, couverts de bandages. Raoul a une jambe pl�tr�e, maintenu en position �lev�e par une poulie fix�e au plafond. Paul, lui, a une sorte de tente au-dessus du corps, pour �viter tout frottement avec les draps. Gros plan sur le visage de Raoul, qui regarde son fr�re d'un oeil mauvais. Paul, un thermom�tre dans la bouche fait un signe d'impuissance. Il retire le thermom�tre et s'essuie le nez. Puis il remet le thermom�tre dans sa bouche. Fondu au noir. MANOIR DU MEXICAIN - SALON - INT�RIEUR JOUR Fernand est en grand habit de c�r�monie, pr�t � assumer son r�le de � p�re de la mari�e �. Il porte un col cass�, un gilet gris et une cravate lavalli�re gris clair avec une perle piqu�e dedans. Le tailleur tourne autour de lui. LE TAILLEUR Ah parfait, absolument parfait, et pourtant, une jaquette c'est difficile � porter ! Il r�ajuste la veste sur les �paules de Fernand. LE TAILLEUR Et Monsieur la porte � ravir. Monsieur a une morphologie de diplomate. Le tailleur continue � ajuster la veste sur Fernand, qui semble un peu agac� par tous ces tripotages. MONSIEUR FERNAND Tr�s bien, tr�s bien... soyez assez gentil de m'envoyer votre facture le plus vite possible, parce que moi, je repars en province apr�s-demain... hein ? Il sort du salon, suivi par le tailleur, qui lui brosse la veste de la main. MANOIR DU MEXICAIN - UN AUTRE SALON - INT�RIEUR JOUR Antoine, aussi �l�gant que Fernand, avec en plus un oeillet � la boutonni�re et une paire de gants � la main, prend la pose � c�t� de Patricia, portant une superbe robe de mari�e. Devant eux, un petit gar�on et une petite fille, eux aussi habill�s pour la circonstance. Le photographe introduit une nouvelle plaque dans un appareil � soufflet pos� sur un tr�pied. LE PHOTOGRAPHE S'il vous plait... Ne bougeons plus ! Un flash de lumi�re jaillit. Le photographe met une autre plaque dans son appareil. LE PHOTOGRAPHE C'est fini. Patricia rel�ve sa robe et se pr�cipite vers Fernand, qui vient d'entrer dans la pi�ce. PATRICIA Mon oncle, c'est merveilleux... Fernand, toujours en habit, est en train de regarder Jean qui dispose les cadeaux sur une table. PATRICIA ... je n'aurais jamais pens� que nous avions autant d'amis. Elle l'embrasse. Fernand sourit. MONSIEUR FERNAND Et nous en avons encore beaucoup plus que tu ne le penses ! Le photographe vient chercher Patricia. LE PHOTOGRAPHE Mademoiselle... S'il vous plait. Le photographe entra�ne Patricia pour d'autres photos d'elle seule, et Antoine rejoint Fernand. ANTOINE DELAFOY Vous avez l'air exceptionnellement d�tendu, Oncle Fernand, heureux de vivre ! MONSIEUR FERNAND Ah oui, �a, vous pouvez le dire. Et puis, maintenant que ma mission de tuteur est termin�e, et croyez moi... Il secoue la main pour expliquer sa pens�e, puis il entra�ne Antoine � marcher de long en large dans la pi�ce. Dans le fond de la pi�ce, on voit Patricia avec les deux enfants, et derri�re Antoine, le photographe qui la cadre. MONSIEUR FERNAND Et puis... quant aux diverses affaires constituant la dot de notre petite Patricia, votre cher papa a accept� de les prendre en charge. Fernand h�site un peu avant de poursuivre. On le sent sur un sujet plut�t �pineux. MONSIEUR FERNAND Elles sont sans doute un petit peu... particuli�res, mais enfin... avec un vice-pr�sident du fond mon�taire � leurs t�tes, et ben moi, je pense que tout ira bien ! ANTOINE DELAFOY Oui, surtout avec papa, il ne comprend rien au pass�, rien au pr�sent, rien � l'avenir, enfin, rien � la France, rien � l'Europe, enfin rien � rien. Mais il comprendrait l'incompr�hensible... d�s qu'il s'agit d'argent. Ils rient tous deux de cette boutade. Folace, en chemise, la veste � la main, entre dans la pi�ce, l'air soucieux, puis ressort. Jean est en train d'examiner les cadeaux de mariage � la loupe. Fernand se penche sur lui. Puis il lui donne un coup d'�paule. MONSIEUR FERNAND C'est pas du toc,non ? JEAN Monsieur Fernand... du vieux Paris. Il semble rassur� par cet avis d'un � expert � ! MONSIEUR FERNAND Ah !... On entend la voix de Pascal qui chuchote : PASCAL (voix off) Monsieur Fernand... Jean et Fernand rel�ve la t�te. Pascal vient d'appara�tre derri�re la porte de la pi�ce. Il fait signe � Fernand de venir, tout en chuchotant : PASCAL Monsieur Fernand. Folace, toujours en chemise, appara�t derri�re lui. Il pousse Pascal hors de la pi�ce. Jean et Fernand se regardent. Fernand se dirige vers la porte. Il sort apr�s un dernier regard � Jean. MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR JOUR Fernand sort du salon, et referme la porte derri�re lui. Il regarde Folace et Pascal, qui ont le regard soucieux. MONSIEUR FERNAND Qu'est-ce qu'y a ?... MAITRE FOLACE Y a du nouveau : Th�o est r�apparu, il est � la distillerie avec tout son petit monde. MONSIEUR FERNAND Quoi ? PASCAL Ils d�montent le mat�riel. On dirait qu'ils vont se faire la malle. MONSIEUR FERNAND Et t'es l� ? Il se dirige vers la porte du salon, qu'il ouvre. MANOIR DU MEXICAIN - UN SALON - INT�RIEUR JOUR Fernand passe la t�te derri�re la porte. MONSIEUR FERNAND Jean ? Il lui fait signe de venir. Jean a, lui aussi, le regard soucieux. Il se dirige vers la porte. MANOIR DU MEXICAIN - VESTIBULE - INT�RIEUR JOUR Fernand s'approche de Pascal. MONSIEUR FERNAND Ah bravo ! PASCAL Mais Bastien monte la garde. Fernand lui fait signe de baisser la voix. MONSIEUR FERNAND Chhht !... Il jette un rapide regard vers le salon. PASCAL On aurait pu les flinguer sans douleur... Jean les rejoint. PASCAL ... mais on a pens� que Th�o vous revenait de droit. On a d�j� vu des patrons se vexer. MONSIEUR FERNAND Bon ben... Jean ! D�tes � mademoiselle que j'ai une course urgente � faire et que... et que je rejoindrai le... le cort�ge � l'�glise... Voil� ! Hein ! Voil� ! JEAN Pour ce genre de courses, je conseille � Monsieur, si Monsieur me permet, de ne pas partir la musette vide. Pascal s'�nerve un peu. PASCAL Oh dis donc, tu m'as d�j� vu pas emporter ce qu'il faut, o� il faut et quand il faut ? JEAN Oh excusez-moi, Monsieur Pascal, mais des jours comme aujourd'hui, on a plus sa t�te. MONSIEUR FERNAND Bon, bon, bon, bon... MAITRE FOLACE On y va, allez !... Il se dirige vers la porte d'entr�e, mais Fernand le retient. MONSIEUR FERNAND Non, non, non, non. Vous !... vous, � l'�glise ! Hein ? L� ! Il repousse Folace vers le centre de la pi�ce, prend ses gants et met son haut-de-forme gris sur sa t�te. Il ouvre la porte et sort, suivi de Pascal. Il claque la porte derri�re lui. Folace les regarde partir, visiblement tr�s d��u de ne pas participer � cette � petite f�te � ! Il hausse les �paules. Fondu encha�n�. DISTILLERIE - COUR - EXT�RIEUR JOUR Bastien explique la situation � ses complices. BASTIEN Ils sont l�, j'en ai d�j� rep�r� trois ! Y en a peut-�tre d'autres ? Le coffre de la 404 de Fernand est ouvert, et Pascal, un pied sur le pare-choc, est en train de pr�parer les armes. Fernand enl�ve SA VESTE PASCAL Qu'est ce qu'on fait, monsieur Fernand ? On attend qu'ils sortent ? On fait un ferm� ou un rabat ? MONSIEUR FERNAND J'ai pas le temps d'attendre, moi, je suis de c�r�monie � dix heures ! Il d�pose d�licatement sa veste sur le si�ge arri�re de la voiture, et commence � d�boutonner son gilet. MONSIEUR FERNAND Allez, allons y. Allez. PASCAL Bon ! Il prend un pistolet et se dirige vers les b�timents. Derri�re lui, Fernand enl�ve son gilet, le brosse et le pose sur la banquette arri�re. DISTILLERIE - PREMIER �TAGE - INT�RIEUR JOUR Dans la partie du premier �tage transform�e en � salon �, Th�o �tudie des papiers �tal�s sur un secr�taire, Freddy d'autres papiers sur une table. L'ami de Th�o entre en courant. L'AMI DE TH�O Ils arrivent, ils arrivent ! Th�o lui fait signe d'y aller. Puis il fait le m�me signe � Freddy, qui prend un fusil pos� sur la table. Th�o remplit une sacoche de papiers, la ferme, la met sous son bras, prend une mitraillette sur un fauteuil et sort du � salon �. Il court vers l'escalier, qu'il descend rapidement. DISTILLERIE - COUR - EXT�RIEUR JOUR Fernand, qui a toujours son chapeau haut-de-forme sur la t�te, choisit une arme dans le coffre de la voiture. PASCAL (voix off) Qu'est ce que je vois l� ? Bastien a une mitraillette, d'un mod�le assez ancien, � la main, ce qui n'a pas l'air de plaire � Pascal, qui pointe le doigt sur l'arme. PASCAL �a ? BASTIEN H� !... Je l'avais pris en cas qu'il aurait fallu tirer en rafale, des fois qu'ils seraient tous sortis d'un coup, tatatatata... Hop ! Il fait mine de mitrailler un groupe de personnes. Pascal lui tapote sur la nuque PASCAL C'est marrant que t'aies gard� ce c�t� maquisard... Fernand vient de se choisir une arme. Il se tourne vers ses deux complices. Il a toujours son chapeau sur la t�te. PASCAL (voix off) ... t'es pas en �ge d'arr�ter tes momeries ? MONSIEUR FERNAND Bon alors, c'est fini, oui ? Puisque je vous dis que je suis press� ! Hein ! Il va pour s'�loigner, mais il s'aper�oit - enfin ! - qu'il a toujours son chapeau sur la t�te. Il l'enl�ve et le pose dans le coffre de la voiture. DISTILLERIE - REZ DE CHAUSS�E - INT�RIEUR JOUR L'ami de Th�o se faufile entre les casiers � bouteilles, l'arme au poing et l'oeil aux aguets. Un coup de feu retentit et une bouteille vole en �clats. L'ami de Th�o se cache sous une vo�te. D'autres coups de feu cassent d'autres bouteilles. L'ami de Th�o se cache dans un couloir vo�t�. Bastien se faufile entre les rang�es de bouteilles vides, la mitraillette � la main. Dans le couloir vo�t�, l'ami de Th�o continue � progresser avec pr�caution. Bastien montre, du doigt, � ses complices, o� se trouve l'ami de Th�o. L'ami de Th�o est accroupi dans le couloir vo�t�. Il se cache dans un coin. Cach� dans un recoin, Bastien passe la t�te dans le couloir vo�t�. IL CHUCHOTE : BASTIEN Pascal ! H� ! La t�te de Pascal appara�t par une autre ouverture dans le couloir. Il tire. L'ami de Th�o se cache derri�re un casier � bouteilles. Pascal regarde o� il vient de tirer. Il a perc� un jerrycan d'essence, juste au-dessus de la t�te de l'ami de Th�o. L'essence jaillit par les deux trous perc�s par les impacts de balle. Pascal fait signe � Bastien. Bastien lance sa cigarette allum�e vers l'ami de Th�o, puis il se cache rapidement. Des gerbes de flammes apparaissent dans le couloir, juste � l'endroit o� �tait cach� l'ami de Th�o. DISTILLERIE - PREMIER �TAGE - INT�RIEUR JOUR Freddy, positionn� dans une galerie situ�e au-dessus de la cour, tire au fusil par les fen�tres de la galerie, alternativement d'un c�t� puis de l'autre de la galerie. Lorsqu'une balle lui siffle aux oreilles, il sort de la galerie, et se met � courir. D'un seul coup, il s'arr�te net. Fernand vient d'apparaitre en haut d'un escalier. Freddy lance son fusil en direction de Fernand. Fernand se penche pour �viter le projectile. Freddy se pr�cipite sur Fernand. Les deux hommes commencent � se battre. Freddy donne un violent coup de poing � Fernand, qui titube un peu. Freddy attrape Fernand par la chemise, qui se d�chire dans le dos, puis il essaie de lui enfoncer les doigts dans les yeux. Fernand envoie un violent coup de poing dans la figure de Freddy, qui titube et s'�croule sur une cloison de planches ajour�es, qui c�de sous son poids. Il tombe, et se rel�ve imm�diatement, mais Fernand l'attrape, et lui colle un autre coup de poing. Freddy titube le long de la galerie, et finit par faire voler en �clats la cloison situ�e � l'autre extr�mit� de la galerie. Il tombe par terre. Fernand se pr�cipite � sa poursuite dans la galerie, mais lorsqu'il arrive dans la pi�ce o� Freddy est tomb�, celui-ci l'accueille d'un coup de poing. Fernand titube un peu. Freddy va pour lui mettre un autre coup de poing, mais Fernand est plus rapide, et lui ass�ne un coup de poing tr�s puissant, qui envoie Freddy valdinguer contre une cloison de brique qui bouche une ancienne ouverture dans le mur de la b�tisse. La cloison c�de sous le poids de Freddy. DISTILLERIE - COUR - EXT�RIEUR JOUR On voit la cloison qui explose au premier �tage, Freddy qui passe � travers, puis qui tombe en contrebas. Fernand se penche par l'ouverture b�ante. Plus loin, Th�o court le long d'une rampe, couvrant sa fuite de coups de mitraillette. Il tient toujours sa sacoche sous le bras. Il saute de la rampe et se cache derri�re un mur. Il pose sa sacoche par terre et ramasse une brique. Il lance la brique loin de lui. Bastien tire � la mitraillette dans la direction de la chute de la brique. Th�o, qui a ramass� sa sacoche, profite de la diversion pour se pr�cipiter vers sa DS. Pascal appara�t � c�t� de la rampe et tire au pistolet. La DS d�marre en trombe. Bastien tire � la mitraillette sur la DS, mais la rate. Fernand descend le long de la rampe, et saute pour rejoindre Pascal. Il semble pr�t � courir apr�s Th�o, mais Pascal l'arr�te. Il vient de sortir sa montre-gousset de sa poche, et il la montre � Fernand. PASCAL Patron ! Fernand regarde la montre. MONSIEUR FERNAND Oh ! Merde ! Fernand jette un dernier coup d'oeil vers la DS qui s'�loigne, puis commence � brosser son pantalon avec la main. Dans son dos, Pascal essaie de camoufler la d�chirure de la chemise avec les bretelles. Bastien s'approche d'eux. PASCAL Avec la jaquette, �a ira. Bastien r�ajuste la cravate de Fernand, qui les regarde tous les deux. MONSIEUR FERNAND �a va ? Pascal, de la main, fait signe que tout est parfait. EGLISE - EXT�RIEUR JOUR Sur le perron de l'�glise, les deux petits enfants, qui avaient pris des photos avec Patricia, sont assis sur une marche, et rigolent entre eux. Antoine est appuy� sur une balustrade et sourit � Patricia, qui lui rend son sourire. Folace, entour� des fr�res Volfoni, regarde sa montre. Plan d'ensemble du parvis de l'�glise. Tous les invit�s discutent en attendant patiemment l'oncle de la mari�e. Jean, pour la premi�re fois sans sa veste blanche, mais en costume gris, scrute l'horizon, et semble satisfait. La 404 de Fernand arrive devant l'�glise. Jean se d�tache d'Am�d�e Delafoy, avec qui il �tait en grande conversation, et se dirige vers la voiture. Folace et les Volfoni regardent la voiture. Les cloches sonnent. Les trois hommes se dirigent vers l'�glise. Fernand, de nouveau d�guis� en � p�re de la mari�e � descend du si�ge passager avant de la voiture. Pascal est au volant, et Bastien � l'arri�re. Il met son chapeau et rejoint Jean, qui venait � sa rencontre. Il lui tape sur l'�paule. MONSIEUR FERNAND J'ai eu chaud. Sur le chemin de l'�glise, Fernand croise � le Monocle �, autrement dit l'acteur Paul Meurisse, h�ros d'une c�l�bre trilogie de Georges Lautner, le r�alisateur du pr�sent film. Meurisse ajuste son monocle et s'incline devant Fernand. Puis il le salue et s'�loigne. Fernand porte la main � son chapeau pour lui rendre son salut. Il se tourne vers Jean, qui, comme lui, semble ne pas comprendre. Les deux hommes se dirigent vers l'�glise. La 404 de Fernand, avec Pascal au volant, s'�loigne du parvis de l'�glise. EGLISE - INT�RIEUR JOUR Musique d'orgue. Deux enfants de choeur entrent dans l'�glise, suivi d'un pr�tre, puis de Paticia, qui tient le bras de Fernand. Derri�re, les deux enfants portent la tra�ne de la robe de Patricia. Derri�re eux, tous les invit�s de la noce, avec en t�te, Antoine, qui donne le bras � une dame de sa famille. Le cort�ge remonte la nef de l'�glise. Dans le cort�ge, derri�re Am�d�e Delafoy, viennent Folace � c�t� de Jean, et derri�re eux, les fr�res Volfoni. Les deux mari�s s'agenouillent sur les prie-dieu qui leurs sont r�serv�s. EGLISE - EXT�RIEUR JOUR La DS de Th�o arrive devant l'�glise et s'arr�te. A l'int�rieur de la DS, Th�o s'installe sur le si�ge passager avant, et prend sa mitraillette en main. Il ouvre la bo�te � gants, et prend un chargeur neuf qu'il met dans l'arme. Il enclenche la premi�re balle dans la chambre de tir. EGLISE - INT�RIEUR JOUR Gros plan sur le visage de Patricia, perdue dans ses pens�es. Une cantatrice commence � chanter un � Gloria �. Au premier rang de l'�glise, agenouill�s sur leurs prie-dieu, de gauche � droite, Fernand, Folace, Jean, Raoul et Paul. D'un seul coup retentit une explosion. Les cinq hommes sursautent. Toute l'assembl�e des invit�s de la noce se tourne vers la porte de l'�glise rest�e ouverte. Par cette porte ouverte, on voit Pascal et Bastien courir vers l'�glise. Une deuxi�me explosion retentit. On aper�oit de la fum�e pr�s du trottoir du parvis de l'�glise. En entrant dans l'�glise, les deux hommes ralentissent le pas. Pascal met une pochette blanche dans sa poche pectorale, puis il prend de l'eau b�nite dans la vasque fix�e sur le mur de l'�glise. Il touche la main de Bastien pour lui donner de l'eau b�nite. Les deux hommes font le signe de la croix, puis ils restent respectueusement debout au fond de l'�glise. Les cinq � tontons flingueurs � reprennent une contenance sur leurs prie-dieu. EGLISE - EXT�RIEUR JOUR Devant le parvis de l'�glise, la voiture de Th�o est envelopp�e de flammes. Elle finit de br�ler lentement apr�s l'explosion qui l'a d�truite... avec Th�o � l'int�rieur ! La cam�ra remonte vers le clocher de l'�glise, o� les cloches sonnent � toute vol�e. On entend la sir�ne des pompiers. Le g�n�rique de fin commence � d�filer en lettres blanche sur le clocher de l'�glise, devant lequel monte la fum�e noire de la voiture en flammes. Fondu au noir. Le g�n�rique se poursuit sur un �cran noir. FIN