LE DIABLE PAR LA QUEUE (1969)
SCENARIO ET DIALOGUES
Daniel BOULANGER & Philippe de BROCA
DECOUPAGE
CLAUDE SAUTET
AUTOROUTE - EXTERIEUR NUIT
Forte pluie. Circulation assez dense, mais fluide. Les phares des
voitures trouent la nuit pluvieuse.
CHATEAU - VUE GENERALE - EXTERIEUR NUIT
Bruit de tonnerre. Pluie battante. Au premier plan, on distingue,
� travers la pluie, une pancarte un peu d�fra�chie : � H�tel du
Grand Si�cle �.
CHATEAU - GRENIER - INTERIEUR NUIT
Georges monte lentement l'escalier qui m�ne au grenier, une
lanterne Camping-Gaz � la main. L'escalier craque. Il arrive sous
les toits du ch�teau. Martial le rejoint.
GEORGES
Encore un !
MARTIAL
Vous en faites pas, m'sieur le comte, j'suis l�.
Le champ s'�largit et on d�couvre que le plancher du grenier est
couvert de pots de chambre. On entend l'eau, qui s'�coule des
fuites dans le toit du grenier, tomber dans les pots.
GEORGES
Martial... Poussez-moi donc celui-l� un peu, sur la
gauche...
Martial, une canne � la main, ob�it en marmonnant des paroles
incompr�hensibles.
GEORGES
�a pisse de partout !
Fondu au noir.
CHATEAU - CUISINES - INTERIEUR NUIT
Cuisines antiques, dont le plafond est support�s par de gros
piliers. Au premier plan, des bouteilles de vin recouvertes de
g�n�reuses toiles d'araign�es. Sur une vieille cuisini�re �
charbon est pos� un r�chaud Camping-Gaz, et sur le r�chaud une
casserole. Am�lie, un torchon sous le bras, touille distraitement
le contenu de la casserole en lisant un roman de la S�rie Noire.
Martial, portant sa lampe de camping, entre en clopinant aid� de
sa canne. Une assiette plate est pos�e sur une table et surveill�e
par un petit chien. Martial pose la lampe et s'assoit sur une
chaise devant l'assiette.
MARTIAL
A la soupe, madame la baronne.
Am�lie verse une louche de soupe dans une assiette creuse, puis
elle pose cette assiette sur l'assiette plate qui est d�j� pos�e
sur la table. Puis elle revient vers la cuisini�re et prend un
plateau pos� dessus.
DEBUT DU GENERIQUE
MUSIQUE : Th�me du g�n�rique. C'est une musique inspir�e des
musiques du Grand Si�cle, de Lulli ou de Delalande.
Am�lie sort de la cuisine avec son plateau dans une main, mais en
gardant son bouquin ouvert dans l'autre main.
CHATEAU - COULOIR - INTERIEUR NUIT
Couloir vo�t� en pierre. Am�lie apparait au bout du couloir,
portant son plateau et son bouquin. Elle avance vers la cam�ra.
Elle danse et elle sautille. Elle fait tomber la croquette pos�e
sur une assiette sur le plateau, la ramasse, et la remet dans
l'assiette. Contrechamp : Am�lie passe entre deux rang�e de
bouteilles, et sort � l'autre extr�mit� du couloir.
CHATEAU - ESCALIER EN PIERRE - INTERIEUR NUIT
Un escalier en pierre, entre deux murs un peu d�labr�s. Am�lie
monte all�grement l'escalier, tourne sur le palier et entame une
nouvelle vol�e de marches.
CHATEAU - SALLE CARRELEE - INTERIEUR NUIT
Am�lie, vue en plong�e d'une galerie en haut de la salle, traverse
la salle, en continuant � lire. Elle s'arr�te un instant, et pose
le bouquin sur le plateau, pour tourner la page.
CHATEAU - ESCALIER ET PASSAGE EN BOIS - INTERIEUR NUIT
Un escalier en bois. Le d�cor est moins d�labr� que pr�c�demment.
Am�lie monte l'escalier, elle tient son livre � la main sans le
lire. Elle s'engage dans un �troit passage en bois.
CHATEAU - SALLE AU PLAFOND CAISSONNE - INTERIEUR NUIT
Par la porte de la salle, on aper�oit Am�lie qui arrive, sort par
cette porte, et grimpe dans un escalier en colima�on.
CHATEAU - PASSAGE ET ESCALIER EN BOIS - INTERIEUR NUIT
Assez semblable � celui travers� pr�c�demment (Cela pourrait
d'ailleurs �tre le m�me d�cor r�-utilis�). Sauf qu'Am�lie arrive
par le passage et redescend l'escalier.
CHATEAU - ESCALIER EN PIERRE - INTERIEUR NUIT
D�cor, lui aussi, assez semblable � l'un des d�cors pr�c�dents
(encore une fois, cela pourrait �tre le m�me d�cor r�-utilis�).
Am�lie monte l'escalier. En haut, sur la rambarde de pierre, une
bougie allum�e est pos�e. Am�lie qui a repris sa lecture passe
devant la bougie et s'engage dans un couloir.
FIN DU GENERIQUE ET DE LA MUSIQUE
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR NUIT
Am�lie entre en ouvrant la porte du pied.
MUSIQUE . On entend un piano : Th�me de Jeanne. C'est un th�me
assez romantique, inspir� des grands compositeurs du XIX� si�cle.
Toujours lisant, Am�lie passe devant la Marquise, assise derri�re
son bureau. Elle tient un face-�-main devant ses yeux pour s'aider
� lire.
AMELIE
Une croquette pour le dix !
LA MARQUISE
Une croquette, une !
Elle tape sur les touches d'une petite caisse enregistreuse.
CHATEAU - GRAND SALON - INTERIEUR NUIT
Am�lie arrive avec son plateau. Jeanne est assise au clavier du
piano, et continue � jouer. Am�lie s'appuie un instant sur le
piano pour �couter Jeanne. Les deux cousines �changent un sourire.
Am�lie regarde au-del� du piano. Son visage redevient s�rieux, et
elle s'�loigne. Elle arrive devant la table derri�re laquelle M.
Patin est assis, son journal appuy� sur un bougeoir. Elle pose le
plateau, et prend la croquette avec une cuill�re pour la d�poser
dans l'assiette de M. Patin.
M. PATIN
Merci, mademoiselle Am�lie.
AMELIE
Ne m'appelez pas toujours mademoiselle, c'est vexant quand
on a divorc� !
Am�lie s'�loigne, appuie sa jambe sur le bord d'une chaise et
reprend sa lecture
M. PATIN
Divorc� � dix-neuf ans, c'est bien le monde d'aujourd'hui,
�a... Pauvre enfant !... Et bizarrement, je trouve les
cur�s responsables.
Georges entre dans le Salon, une cigarette au bec. Il s'assoit
dans le fauteuil situ� en face de la chaise sur laquelle Am�lie a
pos� son pied.
GEORGES
`Soir, Am�lie.
AMELIE
`Soir, papa.
GEORGES
Ahhhh... O� est ta m�re ?
AMELIE
Travaille...
GEORGES
Et moi aussi, je travaille.
AMELIE
Moi aussi, je travaille.
GEORGES
Nous travaillons tous, pendant que le bourgeois se goberge
et s'empiffre !
FIN DE LA MUSIQUE. Fin du Th�me de Jeanne.
AMELIE
Tiens, il a fini sa croquette. Papa, tu veux pas desservir,
je finis mon chapitre.
Elle tend son torchon � son p�re, qui se l�ve lentement de son
fauteuil.
GEORGES
Oh, la-la-la-la-la...
Il pose son torchon sur son bras gauche, fa�on loufiat, et
s'approche de la table de M. Patin.
GEORGES
Une veille de quinze ao�t, et j'en suis � mon cent-dixi�me
pot...
M. PATIN
Pot de quoi ?
Georges d�barrasse l'assiette de M. Patin.
GEORGES
De chambre, monsieur Patin... Cent-dix pots de chambre...
pour prot�ger mon ciel !
On voit le plafond du salon, d�cor� d'une fresque bucolique du
XVIII� si�cle avec des anges.
MUSIQUE . D�but du Th�me du ch�teau. Th�me romantique jou� par un
orchestre de chambre � cordes.
M. PATIN
Il l�ve les yeux vers le plafond.
Mon Dieu !... Encore un ange qui a perdu une fesse !
GEORGES
Il suit le regarde de M. Patin et se crispe un peu.
Am�lie !... O� est ta m�re ?
CHATEAU - UNE CHAMBRE - INTERIEUR NUIT
Diane est en train d'observer attentivement un drap avant de faire
un lit. Elle mord dans le drap, et go�te avec satisfaction. La
porte s'ouvre. Elle sourit aux nouveaux arrivants, sa fille et son
mari. Georges s'assoit dans un fauteuil.
GEORGES
Et je fais leur lit...
DIANE
Oh... Georges, mon ami, j'en ferais cinquante avec joie,
mais nous n'avons qu'un seul client depuis six mois.
Diane commence � faire le lit.
AMELIE
J'te donne un coup de main, maman ?
Chacune d'un c�t� du lit, les deux femmes tirent sur le drap. Plus
forte, Am�lie entra�ne sa m�re, qui s'�croule sur le matelas.
Am�lie tombe � son tour sur le lit, et nous montre sa culotte.
FIN DE LA MUSIQUE. Fin du Th�me du ch�teau.
GEORGES
Oh, ne m'excitez pas : c'est pas le moment.
Les deux femmes, enlac�es, rigolent en le regardant.
AMELIE
Oh... �coute, papa !
DIANE
Devant ta fille !
Georges se l�ve du fauteuil, l'air soudain grave.
GEORGES
Diane, o� est ta m�re ?
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR NUIT
MUSIQUE . Th�me de Jeanne. Le piano est peu audible, un peu
lointain par-dessus les voix de la conversation. Il ne deviendra
plus audible qu'un peu plus tard.
La marquise, toujours assise derri�re son bureau, lit le journal
� L'�quipe � � l'aide de son face-�-main. A l'arriv�e de son
gendre, elle pose son journal et son face-�-main.
GEORGES
Bonjour, ma m�re, j'ai � vous parler. Je vois que je ne
d�range pas vos comptes.
La marquise se l�ve.
LA MARQUISE
Parlons-en de nos comptes : nous tirons le diable par la
queue !
Elle se dirige vers le salon, suivi de Georges.
GEORGES
Vendez vos bijoux.
LA MARQUISE
Quels bijoux ?
Georges touche l'une des boucles d'oreille de sa belle-m�re.
Le piano devient nettement plus audible.
GEORGES
Rien qu'une boucle d'oreille comme celle-l� nous r�pare le
toit de la chapelle.
LA MARQUISE
Et vous me voyez sortir avec une seule boucle d'oreille !
Vous �tes d'une mauvaise foi, mon gendre !
GEORGES
Ne parlons plus de bijoux et cessons de nous plaindre.
CHATEAU - GRAND SALON - INTERIEUR NUIT
LA MARQUISE
Depuis six mois, nous avons un single-breakfast par week-
end... Un seul !
Ils sont arriv�s au niveau de la table de M. Patin, toujours
occup� � manger.
GEORGES
Plus les repas.
La musique est tr�s nette maintenant.
LA MARQUISE
Oh... des repas sans drinks ! Ben, vous l'avez vu, l�,
votre client, c'est toujours le m�me. Un h�tel, mon ami, ne
fonctionne qu'avec des pochards et des couples. Vous
imaginez, hein, des couples... Hein ?... Love et wine !
GEORGES
Et chacun sa conception : la mienne est de fumer ma
cigarette tranquillement dans un deux-pi�ces sur cour, la
votre est de garder le ch�teau et d'en faire une auberge.
LA MARQUISE
Mais il y a une client�le pour des lits comme les miens...
Pouvez pas comprendre...
GEORGES
La v�rit�, c'est que je vous vois mal diriger une maison
de...
Diane et Am�lie entrent en se tenant par la main. Elles se
rapprochent de la marquise.
DIANE
Tu veux dire un bordel ?
AMELIE
Oh, mais il y a bordel et bordel, maman ! Hein, grand-
m�re ?
Les trois femmes sont arriv�es pr�s du piano, sur lequel Jeanne
continue � jouer. Elles s'assoient � c�t� du piano.
LA MARQUISE
Absolument ! Mais... ne parle pas comme �a devant ta
cousine... c'est une demoiselle. Mais cela dit, pour sauver
mon toit, moi, je tol�rerais un claque. Avec une client�le
hupp�e, bien entendu.
Georges d�signe M. Patin de la main.
GEORGES
A la place de ce vieux machin, vous voudriez peut-�tre le
Duc de Windsor ou l'Aga Khan.
LA MARQUISE, DIANE ET AMELIE
Ensemble.
Et pourquoi pas ?
M. Patin se l�ve un peu brusquement et sort de la pi�ce.
GEORGES
Vous r�vez... je vais desservir. Comme d'habitude, tout me
retombe sur les �paules.
Georges ramasse la vaisselle et sort derri�re M. Patin.
LA MARQUISE
Mais nous ne r�vons pas. Mon id�e est excellente : elle
n'est pas exploit�e, c'est tout. Notre plan est au point :
Welcome... Love... et Kopeck ! Alors, toi, Am�lie, tu
attires la client�le, et toi, Diane, tu la retiens.
AMELIE
Et Jeanne ? Comme toujours, elle fait rien !
LA MARQUISE
Elle sait faire que �a !
AMELIE
C'est vrai. Et comment j'attire la client�le ?
LA MARQUISE
Ben, ton petit garagiste.
AMELIE
Charlie ? Je lui en ai d�j� parl�. Il n'a pas l'air chaud.
LA MARQUISE
Et bien, r�chauffe-le.
AMELIE
Oui.
Am�lie se l�ve et sort de la pi�ce. Diane et sa m�re reste assise,
main dans la main, � �couter Jeanne.
GARAGE - STATION-SERVICE - EXTERIEUR NUIT
FIN DE LA MUSIQUE
Am�lie, en cir� jaune, et tenant un parapluie d'une main, arrive �
bicyclette dans la station-service sous une pluie battante. Elle
jette le v�lo par terre, derri�re les pompes, et se dirige vers
l'int�rieur du b�timent.
GARAGE - ATELIER DE MECANIQUE - INTERIEUR NUIT
Charlie, debout � califourchon sur une voiture, est en train de
souder au chalumeau. Am�lie entre, son parapluie toujours ouvert �
la main. Elle essaie de lui parler, mais le son de sa voix est
couvert par le bruit du chalumeau. Elle lui donne une claque sur
les fesses, et Charlie retombe lourdement assis sur le capot de la
voiture. Il �teint son chalumeau.
CHARLIE
Primo, tu m'emmerdes, deuxio, je travaille !
Il pose son chalumeau. Am�lie pose son parapluie par terre.
AMELIE
Troisio, je te manque ! Et tu me vois pas assez.
CHARLIE
Oh, depuis que tu es haute comme �a que je te voie, alors
�a suffit : tu rentres � ton ch�teau et tu me laisses
bosser tranquille.
AMELIE
Et bien, bosse !
Elle s'�loigne l�g�rement. Charlie enjambe sa voiture et la
rattrape par l'�paule. Il la serre tendrement.
CHARLIE
Qu'est-ce que tu voulais ?
AMELIE
Que tu me parles gentiment.
CHARLIE
Ah oui ?
AMELIE
Oui... j'ai besoin de toi.
Il s'�loigne l�g�rement d'elle.
CHARLIE
On y vient : dans les coups durs, Charlie, toujours
Charlie. Quand tes types te plaquent, tu rappliques,
hein...
AMELIE
Oh, mes types !
CHARLIE
Oh, je sais ce que tu vas me dire : quand tu les vois, tu
ne penses qu'� moi !
AMELIE
C'est vrai !
CHARLIE
C'est pour �a que t'en as �pous� un autre !
AMELIE
J'ai divorc�. Tu t'imagines, un divorce dans la famille !
CHARLIE
Ohhh... ta famille, stop, tu veux, stop ! Qu'est-ce que
vous �tes ? Qu'est-ce que vous faites ? Qu'est-ce que �a va
devenir, tout �a ? Parce que, pour la limonade, faut des
dons, pas un poil dans la main !
AMELIE
Faut des clients, surtout ! Tu n'as qu'� nous en envoyer.
CHARLIE
Et j'aurais un pourcentage, je sais : quel genre ?...
Am�lie est adoss�e au mur : Charlie pose ses deux bras de part et
d'autre d'elle. Elle rapproche son visage du sien et l'embrasse
tendrement. Charlie radoucit le ton.
CHARLIE
Bon... ben, si j't'envoie personne, c'est que personne ne
passe.
AMELIE
Menteur ! C'est si facile si tu voulais.
Elle l'embrasse de nouveau.
AMELIE
Alors, tu m'envoies des clients ?
CHARLIE
Non.
Charlie s'�loigne l�g�rement.
AMELIE
Enfin, c'est ton int�r�t.
CHARLIE
Mais, si je me fais prendre, moi ?
AMELIE
Tu diras rien : t'avoueras pas.
CHARLIE
Ah, c'est merveilleux ! Tu penses qu'� toi, vous pensez
vraiment qu'� vous, les femmes, hein !
AMELIE
Faut bien. (La fin de la phrase est incompr�hensible)
Charlie la reprend tendrement par l'�paule.
CHARLIE
Dis-moi... J'te vois ce soir ?
AMELIE
�a d�pend de toi.
Elle s'en va. Charlie la regarde s'�loigner, un sourire un peu
b�at aux l�vres.
AUTOROUTE - BRETELLE DE SORTIE - EXTERIEUR NUIT
Toujours la m�me circulation assez dense sous la pluie. Une Jaguar
de type � E � s'engage sur la bretelle et quitte l'autoroute.
UN VILLAGE - UNE RUE - EXTERIEUR NUIT
La Jaguar traverse le village.
JAGUAR - EXTERIEUR NUIT
L'habitacle vu en plan rapproch� � travers le pare-brise. Jean-
Jacques, des lunettes aux verres teint�es en jaune sur le nez,
conduit. Cookie, portant des lunettes noires, regarde la route
d'un air ennuy� et blas�. Les essuie-glace balaient le pare-brise.
JEAN-JACQUES
Vous portez toujours des lunettes noires ?
COOKIE
Ouais.
JEAN-JACQUES
Vous ne devez rien voir ?
COOKIE
Pourquoi j'y verrais ? Pour regarder quoi : vos
raccourcis ?
JEAN-JACQUES
Je cherche de l'essence.
COOKIE
Moi, je cherche le soleil.
JEAN-JACQUES
Et bien, en attendant, guettez les pompes.
COOKIE
Ce que j'en ai marre ! J'vous pr�viens : je reviendrai en
avion.
JEAN-JACQUES
Oh non, mais dites-moi, hein ! Je ne vous ai pas siffl�e.
Cookie enl�ve ses lunettes.
COOKIE
Parce que vous croyez que c'est pour votre charme que je
suis l� !
Elle remet ses lunettes.
JEAN-JACQUES
Je le suppose.
COOKIE
Pauvre type ! Y en a des tas qui m'auraient descendue dans
le midi.
JEAN-JACQUES
Alors, pourquoi moi ?
COOKIE
Vous ou un autre... �a finit toujours pareil, alors...
Ajoutez que je m'en fous.
JEAN-JACQUES
Oh !... Une pompe !
Il braque son volant vers la pompe.
COOKIE
Tout de m�me !
GARAGE - STATION-SERVICE - EXTERIEUR NUIT
Charlie attend pr�s de ses pompes, un parapluie � la main. La
Jaguar entre dans la station et s'arr�te devant les pompes.
Charlie d�croche le pistolet de la pompe, et tenant toujours son
parapluie d'une main, s'approche du r�servoir de la voiture.
CHARLIE
Le plein ?
Jean-Jacques sort brusquement de la voiture.
JEAN-JACQUES
Super !... Dites-moi o� sont les... ?
CHARLIE
Au fond de la cour, � droite !
Jean-Jacques s'�loigne vivement vers le fond de la station.
Charlie laisse le pistolet coinc� dans le trou de remplissage du
r�servoir, et s'approche de la porti�re.
CHARLIE
L'huile et l'eau... S'il vous plait, ouvrez le capot.
COOKIE
Faut savoir o� c'est.
CHARLIE
Charlie revient d'un pas en arri�re, jette un oeil dans
l'habitacle...
Je vois le genre...
Il glisse la main dans l'int�rieur de l'habitacle, d�bloque le
capot et se dirige vers l'avant de la voiture. Il bascule le capot
vers l'avant et se penche vers le moteur. Gros plan sur ses mains
qui, arm�es d'un petit ciseau, coupent des fils au hasard. Il
referme le capot, puis retourne vers l'arri�re du v�hicule pour
v�rifier le remplissage du r�servoir. Jean-Jacques revient en
courant vers la voiture. Charlie vient de raccrocher le pistolet.
Jean-Jacques s'approche de lui.
CHARLIE
Cinq mille, monsieur...
Jean-Jacques lui donne une poign�e de billets, puis court vers sa
porti�re.
JEAN-JACQUES
�a roule, petit !
Il p�n�tre dans sa voiture. Charlie s'approche de lui.
CHARLIE
Dites donc, �a doit grimper, �a, hein !
JEAN-JACQUES
Ah ! Faut savoir la retenir, c'est tout !
CHARLIE
Ah, ouais, ouais !
Jean-Jacques tente de d�marrer sans succ�s.
JEAN-JACQUES
Ah ben, c'est bien la premi�re fois !
Charlie murmure quelques mots incompr�hensibles
COOKIE
Quelle chiotte !
Jean-Jacques continue de tenter de d�marrer la voiture.
CHARLIE
Bougez pas, vous noyez tout, l� !
Charlie ouvre le capot et regarde dans le moteur. Il retourne vers
Jean-Jacques, une lueur d'inqui�tude dans le regard.
CHARLIE
Et comment vous avez fait pour venir jusqu'ici ?
JEAN-JACQUES
L'autoroute, la d�viation... avec les travaux !
CHARLIE
C'est pas �a que je vous demande : vos vis platin�es sont
mortes !
JEAN-JACQUES
Mortes !
COOKIE
Mortes ! Et bien, r�parez !
CHARLIE
Vous avez entendu le vilebrequin : �a faisait pas tic-tic,
tic-tic ?
COOKIE
Oui... plein !
JEAN-JACQUES
Tic-tic... tic-tic-tic-tic ! Le vilebrequin, bien allez-y !
CHARLIE
Quoi ! D�monter le moteur � cette heure-ci ! Vous y pensez
pas : j'en ai au moins pour quatre jours !
Avec un petit clin d'oeil entendu, Jean-Jacques sort quelques gros
billets.
JEAN-JACQUES
M�me pour moi ?
CHARLIE
M�me pour vous.
COOKIE
Et bien, appelez un taxi !
CHARLIE
J'suis d�sol�, mademoiselle, mais ici, il n'y a pas de
taxi : on est loin de tout, vous savez.
COOKIE
Et vous n'imaginez tout de m�me pas que je vais passer la
nuit ici, non ?
CHARLIE
Ah, je vais pas vous laisser comme �a, va !
Charlie tapote la joue de Jean-Jacques
CHARLIE
Y a pas trente-six solutions : avec moi !
Il s'�loigne de la voiture.
VILLAGE - UNE RUE - EXTERIEUR NUIT
On voit passer la 2 CV de Charlie sous la pluie.
CHATEAU - COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR NUIT
La 2 CV arrive devant le ch�teau. Elle s'arr�te, les portes
s'ouvrent : Jean-Jacques et Cookie descendent en portant des
valises.
CHARLIE
Bon, allez-y, moi, je file, hein, je veux pas laisser le
garage sans personne.
COOKIE
Ouais !
Ils courent vers la porte d'entr�e du ch�teau. Arriv�s � la porte,
Jean-Jacques tire le cordon de la sonnette.
JEAN-JACQUES
�a a quand m�me une sacr�e allure, ces vieilles demeures,
hein ? Oh, ben, c'est amusant, ces contretemps, non ?
COOKIE
Nien-nien-nien !
La porte s'entr'ouvre. Jean-Jacques tape au carreau. Am�lie ouvre
un peu plus la porte.
JEAN-JACQUES
Avez-vous une chambre, mon petit ?
COOKIE
Deux chambres !
AMELIE
Ah, parce que vous n'�tes pas... euh... ensemble ?
JEAN-JACQUES
Mais si !
COOKIE
Mais non !
JEAN-JACQUES
Ohhh !
AMELIE
Je peux vous offrir une chambre dans l'aile gauche, et une
autre dans l'aile droite.
COOKIE
On peut discuter au sec, non !
JEAN-JACQUES
Allez !
Il ramasse les valises et suit Cookie qui vient d'entrer.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR NUIT
JEAN-JACQUES
Oh, la vache !
Cookie �met un petit sifflement admiratif et fait quelques pas �
l'int�rieur d'un salon, suivie par Jean-Jacques.
COOKIE
Oh, ben dis donc, c'que c'est chouette !
JEAN-JACQUES
Ohhh !
Am�lie se pr�cipite � leur suite et les ram�ne dans le hall.
AMELIE
H� ! H� ! Dites donc, faites attention ! C'est un parquet
Louis XIV !
JEAN-JACQUES
Oh ! pardon, je suis navr�, mon petit.
AMELIE
Arr�tez de m'appeler � mon petit �.
JEAN-JACQUES
Et comment dois-je dire, mon enfant ?
AMELIE
Je suis la baronne Am�lie de Coustine.
JEAN-JACQUES
Ah ?
AMELIE
Mais oui.
La marquise descend le grand escalier, et se dirige vers son
bureau.
LA MARQUISE
Veuillez passer par ici. Pr�sentez vos papiers. Chambre
avec bain, je suppose ?
JEAN-JACQUES
Euh...
COOKIE
La mienne, en tous cas.
JEAN-JACQUES
Ah !
LA MARQUISE
Donc, deux chambres... Voyons, voyons, voyons...
Jean-Jacques l�ve les yeux, et aper�oit, au-dessus de la t�te de
la marquise, un tableau ancien repr�sentant une femme compl�tement
nue dans une pose assez lascive. La marquise r�pond � son regard
intrigu� par un petit sourire entendu.
LA MARQUISE
Voyons, voyons... Il me reste � dix-huit et vingt milles
francs.
JEAN-JACQUES
Oh ?
LA MARQUISE
Meubl�es d'�poque !
JEAN-JACQUES
Ah !
LA MARQUISE
On r�gle d'avance en liquide. Nous disons donc la chambre
du Mar�chal et celle de la Pompadour. Georges !
Elle appelle vers le haut de l'escalier. Georges descend quelques
marches en robe de chambre, et s'arr�te. Il se penche par la
balustrade.
GEORGES
Ma m�re ?
LA MARQUISE
Les bagages !
LA MARQUISE
Vous n'avez pas d�n� ?
JEAN-JACQUES
Mon Dieu...
COOKIE
Non, et j'ai faim !
Alors que Cookie commence � monter, Georges est arriv� au bas de
l'escalier. Il se penche pour ramasser les bagages.
JEAN-JACQUES
Dites-moi, mon ami, la pension est comprise dans le prix
des chambres ?
Georges monte quelques marches, et s'arr�te � c�t� de Cookie.
GEORGES
Ma m�re, et pour les repas ?
LA MARQUISE
Nous n'avons que le d�ner gastronomique, prix fixe ou � la
carte.
Jean-Jacques a rejoint Georges et Cookie sur les marches.
JEAN-JACQUES
Fi-fixe !
Cookie hoche la t�te d'un air d�sabus�. Ils commencent tous les
trois � gravir l'escalier.
LA MARQUISE
Diane !... Diane, mon enfant ! Le Mar�chal et la Pompadour.
Diane vient d'appara�tre sur le palier interm�diaire. Les trois
autres arrivent � sa hauteur. Ils montent tous les quatre
ensemble. Ils arrivent � l'�tage.
CHATEAU - PALIER DU PREMIER ETAGE - INTERIEUR NUIT
DIANE
Par ici, s'il vous plait...
COOKIE
O� c'est, ma chambre ?
DIANE
Vous n'�tes pas ensemble ?
JEAN-JACQUES
Mais si !
COOKIE
Mais non !
Diane se rapproche de Jean-Jacques, et lui chuchote d'un air
COQUIN :
DIANE
Tant mieux !
Jean-Jacques sourit b�atement.
DIANE
Georges, mon ch�ri, accompagnez mademoiselle dans la
chambre voisine.
Elle s'�loigne et Jean-Jacques semble intrigu�. Il murmure :
JEAN-JACQUES
Georges, mon ch�ri ?...
Il rattrape Diane.
JEAN-JACQUES
Dites-moi, ma belle, vous n'�tes pas la petite amie du
bagagiste ?
DIANE
Non, du tout, c'est mon mari. Oh, je ne vous ai pas
pr�sent�. Georges ! Monsieur ?...
JEAN-JACQUES
Jean-Jacques Leroy-Martin.
DIANE
Le Comte de Coustine.
Georges revient en arri�re, pose la valise qu'ils portaient et les
deux hommes se serrent la main.
JEAN-JACQUES
Enchant�.
Comme Diane se penche pour ramasser la valise que Jean-Jacques
avait pos�e pour serrer la main de Georges, Jean-Jacques pr�vient
son geste.
JEAN-JACQUES
Non, non, madame, je vous en prie. Non. Laissez... apr�s
vous... J'ai connu un Coustine � Coetquidan.
Il p�n�tre dans sa chambre � la suite de Diane.
CHATEAU - CHAMBRE DE JEAN-JACQUES - INTERIEUR NUIT
Diane ouvre la porte.
DIANE
Ah, c'est curieux, mon mari est le dernier m�le du nom.
Jean-Jacques entre � son tour.
JEAN-JACQUES
Ah, vous avez raison. C'�tait un Loustine... ou Roussi...
Il frappe ses mains l'une contre l'autre.
Plombac !... Un gar�on tr�s brillant, d'ailleurs.
Diane rit et s'assoit sur lit.
DIANE
Je pense que vous serez bien.
Elle prend un oreiller, et le porte � son visage.
DIANE
Ce sont des oreillers qui ont leur histoire.
Elle s'allonge sur le lit.
DIANE
La Pompadour a couch� l�.
Elle se redresse pour allumer la lampe.
DIANE
Et si vous aimez lire, vous avez la lumi�re ici.
Elle se l�ve du lit et revient vers Jean-Jacques.
DIANE
Je peux vous offrir... la lecture.
Elle prend un petit livre ancien pos� sur une commode. Elle
l'ouvre et le tend � Jean-Jacques.
DIANE
Ce sont des ouvrages un peu libertins. Malheureusement, je
n'aime que �a.
Jean-Jacques vient de voir la page que lui a choisie Diane, et il
affiche une mimique de surprise un peu effar�.
DIANE
�a va pas ?
Il se tourne vers Diane, et se retrouve nez � nez avec elle.
JEAN-JACQUES
Si, si... si, si... Non, non... Au contraire...
Il essaie de reprendre une contenance, mais n'y arrive pas et se
dirige vers le lit.
JEAN-JACQUES
La t�te me tourne !...
Il s'assoit sur le lit, e prend machinalement un tout petit livre
pos� sur la table de nuit. Il l'ouvre au hasard, et prend un air
encore plus effar� que pr�c�demment.
JEAN-JACQUES
Ooohhh !!!...
Il rit en secouant la main.
DIANE
Nous vous attendons dans la salle � manger : c'est � deux
pas. Au bout du couloir, le grand escalier, � gauche, et
tout de suite apr�s la salle de musique et le fumoir. Oh,
j'oubliais, votre compagne est de mauvaise humeur... Ce
sont les voyages qui fatiguent. Elle va prendre un bain
chaud, un bon Porto... Je vous signale que les boissons ne
sont pas comprises... et vous allez la retrouver en forme.
Nous sommes toutes les m�mes.
Elle ouvre les deux portes du sas qui m�ne vers la chambre de
Cookie, et on entend un rire de femme.
DIANE
Vous voyez... d�j� !
Elle sort en fermant la porte derri�re elle
CHATEAU - CHAMBRE DE COOKIE - INTERIEUR NUIT
Cookie se s�che les cheveux avec une serviette. Elle a gard� ses
grosses lunettes noires. Georges rit. Diane s'approche, et passe
le bras autour de la taille de Cookie.
DIANE
Il est amusant, n'est-ce pas ? Je vous laisse...
Elle sort vers le couloir.
COOKIE
Alors, vous �tes comte, et vous faites le gar�on d'�tage.
GEORGES
Ah, faire �a ou se trimballer en Jaguar avec un
scaphandrier.
COOKIE
Quoi ?
Cookie continue � se frotter les cheveux. Georges s'approche
d'elle, et lui retire ses lunettes.
GEORGES
Regardez...
Il met les lunettes sur son nez, et prend l'air un peu ahuri.
Cookie rit, et Georges lui rend ses lunettes, que Cookie garde �
la main.
GEORGES
Ah, vous �tes de dr�le d'oiseaux ! Les jeunes, les
vieilles, une autre race, vraiment...
Tout en parlant, Georges est arriv� au bord de la baignoire.
GEORGES
Au d�but, �a vous �tonne, et puis on s'habitue... comme le
reste.
Il prend une �ponge et commence � frotter le fond de la baignoire.
COOKIE
Ah... les femmes ne vous int�ressent pas !
GEORGES
Boof !
COOKIE
C'est comme moi, les hommes. On en a vite fait le tour.
Georges se rel�ve et Cookie apparait derri�re lui : elle a remis
ses lunettes.
GEORGES
S�rement. Voil�, c'est propre.
Il pose l'�ponge et tourne un robinet. On entend un gargouillis,
mais l'eau ne vient pas.
GEORGES
Dommage qu'il y ait pas d'eau. Et c'est normal, hein, ces
vieilles baraques... Le meilleur robinet, ici, c'est le
toit. Et je voudrais bien voir notre bobine dans 387 ans.
COOKIE
387 ans ?
GEORGES
En 1581, ici, c'�tait la pleine for�t. Mon a�eul,
Maximilien, chassait le merle, il tombe de cheval, et se
brise la colonne. On pouvait plus le bouger. On a b�ti
autour. Et voila.
COOKIE
C'est vrai ?
GEORGES
Non... Mais nous avons toujours eu le go�t d'embellir. Et
c'est �a que je reproche � vos lunettes.
Cookie ne r�pond rien et prend un air un peu ahuri. Comme Georges
se dirige vers la porte, elle enl�ve ses lunettes pour mieux le
suivre des yeux.
CHATEAU - PALIER DU PREMIER ETAGE - INTERIEUR NUIT
Georges sort de la chambre de Cookie. Il referme la porte derri�re
lui. A son tour, Diane sort de la chambre de Jean-Jacques, et
referme la porte, avec un petit sourire aux l�vres. Georges arrive
derri�re elle.
GEORGES
Diane ! Je vous trouve bien belle tout � coup.
Il la prend dans ses bras.
DIANE
Vous voyez bien, Georges, qu'il nous faut du passage.
Ils se serrent l'un contre l'autre, et se caresse voluptueusement.
Diane embrasse l�g�rement Georges sur les l�vres et ils
s'�loignent tous les deux vers l'escalier.
CHATEAU - COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR NUIT
La 2 CV de Charlie arrive devant le perron. Plusieurs personnes,
portant capuches et sac � dos, sortent du v�hicule.
CHARLIE
Bon... Sonnez, moi je file, je veux pas laisser le garage
sans personne.
Les touristes su�dois grimpe le perron et sonnent.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR NUIT
Au coup de sonnette, Am�lie ouvre la porte � deux battants. Les
su�dois, toujours encapuchonn�s, entrent dans le ch�teau, en
regardant autour d'eux, l'air intrigu�. Derri�re son bureau, la
marquise s'incline l�g�rement.
LA MARQUISE
Bienvenue, mes fr�res !
AMELIE
C'est pas des moines, grand-m�re !
Les touristes su�dois enl�vent leurs capuches et sourient �
Am�lie.
LA MARQUISE
Tant mieux, ces gens-l� ne paient jamais ! Voil�...
Bonjour !
Un touriste dit une phrase de bienvenue en su�dois � la marquise
et lui tend la main. Elle lui serre la main, puis serre celles de
tous les autres touristes. Ils lui disent des mots de bienvenue en
su�dois.
LA MARQUISE
Voil�, voil�... Pardon, please... Make love, not war !...
Ils approuvent tous , d'un hochement de t�te, ce dicton en
anglais.
LA MARQUISE
Parlez pas fran�ais, hein ?... Parfait, parfait... La
chambre du Roi avec champagne obligatoire !...
AMELIE
Par l�...
Am�lie, qui a mont� deux ou trois marches, fait signe aux
touristes, qui lui emboitent le pas et grimpent l'escalier
LA MARQUISE
Bravo, Am�lie... Je retrouve ton garagiste !
CHATEAU - COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR NUIT
La 2 CV de Charlie arrive et s'arr�te devant le perron du ch�teau.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR NUIT
La marquise, toujours assise derri�re son bureau, entend le bruit
des freins de la voiture et prend imm�diatement une posture
� commerciale �.
CHATEAU - COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR NUIT
Une famille - papa, maman, grand-p�re et quatre enfants -
descendent de la 2CV.
CHARLIE
Bon, sonnez, moi je file, je veux pas laisser le garage
sans personne.
La voiture repart pendant que la famille escalade prestement le
perron et sonne la cloche.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR NUIT
La porte, ouverte par Am�lie, laisse p�n�trer la famille. Les
enfants, bob ou casquette sur la t�te, tiennent dans leur mains
des petits voiliers jouets. Mme Passereau, leur m�re, bob sur la
t�te, s'approche du bureau de la marquise, l'air affol�.
MME PASSEREAU
Ah ! madame... je suis madame Passereau... mes enfants, mon
p�re, mon mari. Nous avons eu une panne de voiture. Une
voiture qui n'a pas cinq milles kilom�tres. J't'avais dit
de ne pas en changer ! De gr�ce, auriez-vous une chambre,
ou n'importe quoi ?
LA MARQUISE
Il me reste des chambres � vingt milles francs.
M. Passereau a un sursaut effar�
M. PASSEREAU
Ohhh !
MME PASSEREAU
Oh, j't'en prie, hein ! Moi, je ne couche pas dehors ! Et
ce temps ! Les enfants ! Un rhume, une congestion,
l'h�pital, peut-�tre...
AMELIE
Par ici.
MME PASSEREAU
C'est curieux comme les hommes ne pensent qu'� eux ! ......
La nuit est l�. Ils tombent et ils sont las qu'ils n'en
peuvent plus. Je suis �puis�e, je trouve plus mes mots...
La famille grimpe l'escalier, d�passant m�me Am�lie qui les
regarde, un peu interloqu�e.
VILLAGE - UNE RUE - EXTERIEUR NUIT
La 2 CV de Charlie traversent le village sombre et endormi,
toujours sous la pluie.
GARAGE - STATION SERVICE - EXTERIEUR NUIT
Une grosse voiture am�ricaine noire attend devant les pompes.
Charlie gare sa voiture derri�re les pompes. C�t� conducteur de la
grosse voiture, Schwarz, habill� de noir, et portant chapeau, a
ouvert la porte et, debout � c�t� de la voiture, klaxonne avec
vigueur. Charlie sort en courant de sa voiture et vient vers lui.
CHARLIE
Voil�, voil�, voila... Le plein ?
On aper�oit C�sar assis � l'arri�re de l'am�ricaine, chapeau noir,
tr�s �l�gant et portant un parapluie � manche en bambou. Schwarz
se penche vers C�sar, qui acquiesce de la t�te.
SCHWARTZ
Ouais, super.
CHARLIE
Super.
Charlie se pr�cipite vers ses pompes.
SCHWARTZ
C'est Max qu'a oubli� de faire le plein.
Accord orchestral un peu angoissant. C�sar, l'air grave, se tourne
vers Max, assis � l'avant sur le si�ge passager. Il se contente de
hocher la t�te, ce qui suffit � inciter Max � se cacher, l'air
penaud, derri�re le dossier de son si�ge. Fin de l'accord
orchestral.
Charlie laisse son pistolet en place sur l'orifice de remplissage,
et repasse devant Schwarz.
CHARLIE
Bon, alors maintenant, on va vous v�rifier l'huile, et puis
l'eau aussi.
Il arrive devant la voiture, ouvre le capot. On le voit tirer
quelque chose d'un coup sec, et on entend un bruit d'objet
m�tallique tombant par terre.
CHARLIE
Et ben voil�...
Il referme le capot et, jonglant avec son chiffon, il revient vers
les passagers. Entretemps, Schwarz s'est rassis derri�re le
volant. Charlie se penche vers C�sar.
CHARLIE
Euh... cent trente litres, �a fait quinze milles, monsieur.
C�sar lui tend des billets par la vitre ouverte.
CHARLIE
Merci, monsieur. Bonne route, monsieur.
Charlie se dirige vers l'arri�re du v�hicule. Schwarz essaie de
d�marrer le moteur, mais n'y arrive pas. Apr�s une deuxi�me
tentative, il se tourne vers C�sar
SCHWARTZ
J'comprends pas.
C�sar lui fait signe d'aller chercher Charlie. Max sort de la
voiture, se dirige d'un pas d�cid� vers Charlie, qui �tait en
train d'astiquer une voiture, l'agrippe par le col et le ram�ne
vers l'am�ricaine. Schwarz ouvre le capot.
MAX
Allez, r�pare ! Et en vitesse !
SCHWARTZ
R�pare !... Mais r�pare !
C�sar, qui est rest� dans la voiture, les interpelle.
CESAR
Restez correct, pas de scandale.
Charlie contourne la voiture et s'approche de C�sar. On entend un
chien aboyer.
CHARLIE
Me... Merci, monsieur. Merci bien. Je m'excuse, j'y connais
rien dans ces voitures-l�.
CESAR
Sorti de son trou, c'est pas la lumi�re, hein ! Bon,
appelez-moi un taxi.
CHARLIE
J'ai pas le t�l�phone.
CESAR
Mais o� je suis tomb�, moi ! Dans quelle peuplade !
CHARLIE
Ah oui, mais y a le t�l�phone chez Madame la Marquise.
CESAR
La Marquise ?
Charlie ouvre la porte arri�re, et C�sar sort de la voiture.
CESAR
T�l�phone... quelle marquise ?
CHARLIE
Ben, la-haut, au ch�teau. Et puis j'ai ma voiture, si vous
voulez.
C�sar tient une mallette � la main. Il fait signe � ses deux
comparses de le suivre. Max se pr�cipite pour ouvrir la porte
arri�re de la 2 CV � C�sar, qui monte dans le v�hicule. Max
refermer la porte. Charlie d�marre. Schwarz s'installe � c�t� de
Charlie, et Max vient s'assoir � c�t� de Schwarz. Max a un peu de
mal � fermer la porte. La 2 CV d�marre en marche arri�re
CHATEAU - VUE GENERALE - EXTERIEUR NUIT
MUSIQUE . On entend jouer le piano. Th�me du d�ner. C'est une
musique assez joyeuse bien rythm�e.
CHATEAU - SALLE A MANGER - INTERIEUR NUIT
Jeanne joue du piano, pendant qu'Am�lie et son p�re servent les
convives. La marquise appara�t � l'entr�e de la salle, v�tue d'une
somptueuse robe du soir. Elle a sorti ses bijoux et s'est coiff�
d'un petit chapeau d'o� d�passe une immense plume.
AMELIE
Fruits ?... P�tisseries ?...
Am�lie s'approche de la table des Passereau. M�me les petits
voiliers sont � table.
FILLE PASSEREAU
Y a pas de glaces, maman ?
FILS PASSEREAU
(Un ou deux mots incompr�hensibles, puis), maman, j'ai
faim.
A c�t� � la table de Jean-Jacques et Cookie, Georges d�bouche une
bouteille de vin et la go�te. Georges est en smoking, Jean-Jaques
a mis un blazer bleu p�trole, et Cookie une perruque rose.
FILLE PASSEREAU
Moi aussi !
CHATEAU - PALIER ET GRAND ESCALIER - INTERIEUR NUIT
M. Patin, en pyjama et �paisse robe de chambre nou�e � la diable,
b�ret et lunettes sur le front, descend l'escalier d'un pas
pr�cipit�. Il arrive tout pr�s de la marquise, toujours post�e �
l'entr�e de la salle, et qui fume une cigarette.
M. PATIN
Alors, j'�cris tranquillement mon �ditorial, comme toutes
les semaines, et voil� du piano au milieu de la nuit !
LA MARQUISE
Voulez-vous me dire qui lit l'�ditorial du Petit Beaujolais
Lib�r� ! Mais qu'est-ce que c'est que cette tenue ? Vous
voil� � moiti� nu, l�, dans mon salon ! Vous vous croyez
chez vous.
Machinalement, M. Patin r�ajuste sa robe de chambre.
M. PATIN
Ben, je le pensais, madame. Mais ce monde ?...
LA MARQUISE
C'est le week-end, monsieur Patin.
M. PATIN
Ah oui, week-end, loisirs, vacances... Ils ne foutent plus
rien et se reproduisent comme des lapins !
LA MARQUISE
C'est la vie qui roule, monsieur Patin.
M. Patin hausse le ton :
M. PATIN
Elle roule vers l'ab�me, oui !
CHATEAU - SALLE A MANGER - INTERIEUR NUIT
M. Passereau, qui �coute le piano avec beaucoup d'attention, met
un doigt sur sa bouche.
M. PASSEREAU
Chhht !
Mme Passereau le regarde en hochant la t�te.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR NUIT
La porte d'entr�e s'ouvre brutalement. Schwarz et Max entrent
pr�cipitamment, une main gliss� � l'int�rieur de leur veste. C�sar
les suit, tenant toujours sa mallette et son parapluie.
CESAR
Personne ?...
Il s'approche de quelques pas, et crie :
CESAR
Y a quelqu'un ?
CHATEAU - PALIER ET GRAND ESCALIER - INTERIEUR NUIT
La marquise, du haut de la balustrade du palier, se penche vers le
hall d'entr�e.
LA MARQUISE
Qu'est-ce ?...
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR NUIT
C�sar tend son parapluie � Schwarz et sa mallette � Max. Il enl�ve
son chapeau et le remet en forme. Max et Schwarz ont toujours la
main gliss�e � l'int�rieur de leur veste. Tous regardent vers le
haut de l'escalier.
CHATEAU - PALIER ET GRAND ESCALIER - INTERIEUR NUIT
C�sar montent prestement l'escalier, suivi de ses deux comparses.
Il s'arr�te brutalement � mi-parcours pour remettre son chapeau,
et les deux comparses manquent lui rentrer dedans. C�sar arrive
sur le palier, mais ne voit pas la marquise, masqu�e par un
pilier.
CESAR
Ah ! T�l�phone !
Il d�croche le t�l�phone, que Schwarz actionne avec vigueur.
CESAR
Allo ! Appelez-moi un taxi, vite !...
CHATEAU - SALLE A MANGER - INTERIEUR NUIT
CESAR
... Comment ? Pas de taxi !
Am�lie, Georges et tous les convives regardent, d'un air
interloqu�, vers le palier. M. Patin est debout derri�re Jeanne.
Jeanne a arr�t� brutalement de jouer du piano.
FIN DE LA MUSIQUE
CHATEAU - PALIER ET GRAND ESCALIER - INTERIEUR NUIT
La marquise sort de derri�re le pilier, et passe devant Max, qui
regarde, l'air ahuri, la plume de son chapeau.
LA MARQUISE
Mais qu'est-ce que c'est que cet ostrogoth !
Elle se rapproche de C�sar, toujours au t�l�phone.
CESAR
Bon, alors, passez-moi Turin, le 222-2-2-2-2... Comment,
dans un heure ? Mais enfin, c'est tout de m�me
invraisemblable ! Oui bon, ben j'attends.
Il raccroche. La marquise lui tape sur l'�paule.
LA MARQUISE
Non, mais pardon, monsieur... Qui que vous soyez - j'ai
l'impression que vous n'�tes pas grand chose - je tiens une
maison calme. Si vous arrivez ici pour briser ma porte, le
t�l�phone, et mes oreilles, j'appelle la gendarmerie.
Elle s'assoit sur un banc pr�s de la rambarde de l'escalier.
CESAR
Ohhh ! La gendarmerie ! Dans une demeure aussi charmante.
Mais je comprends, je ne me suis pas encore pr�sent�.
Baron... baron C�sar Anselme de Maricorne, consul
g�n�ral...
Il enl�ve son chapeau, qu'il fait tournoyer entre ses doigts
gant�s.
CESAR
... charg� des relations culturelles aupr�s des offices
maritimes de l'Union Latino-Am�ricaine... entre autres.
La Marquise, toujours assis lui tend la main, pour qu'il la baise.
LA MARQUISE
Mais je suis ravie, excellence.
C�sar se contente de lui serrer distraitement le bout des doigts.
CESAR
Enchant� !
La marquise se l�ve. C�sar tend son chapeau � Max.
LA MARQUISE
Nous avons des chambres � dix-huit et vingt milles francs,
toutes historiques.
Comme la marquise se tourne l�g�rement vers la salle � manger,
C�sar a un petit mouvement de recul pour �viter la plume du
chapeau.
CESAR
Bon... mettez m'en une.
LA MARQUISE
Bien, et pour ces messieurs ?
CESAR
Oh... deux lits de camp... deux lits de camp. Je les garde
aupr�s de moi. Ils sont perdus sans �a.
C�sar d�pose ses gants dans le chapeau que tient Max et lui tapote
la joue.
LA MARQUISE
Alors, par ici... par ici, messieurs... Par ici...
La marquise tend le bras pour d�signer le chemin. Schwarz, puis
Max, se dirigent vers l'escalier qui monte vers les �tages
sup�rieurs. Max rend sa mallette � C�sar. Au passage, Max
subtilise tr�s adroitement et discr�tement le lourd bracelet d'or
sur le bras tendu de la marquise.
LA MARQUISE
C'est tout ce que vous avez, comme bagages ?
CESAR
Oui... pour une nuit... enfin pour une heure... H�, dites-
moi... Ayez l'obligeance de me passer la communication, d�s
qu'on m'appellera. Charmante...
Max et Schwarz sont d�j� sur les premi�res marches de l'escalier
d'o� ils suivent la conversation, l'air un peu ahuri. C�sar les
d�passe, mais ils reste fig�s sur place. C�sar les regarde.
CESAR
Oh, les po�tes !
Les deux comparses redescendent sur terre, et se remettent en
marche dans l'escalier, et passant devant C�sar, rest� immobile.
LA MARQUISE
Jeanne, mon petit...
MUSIQUE. Jeanne se met � jouer "R�ve d'Amour" de Liszt.
Alors que les deux comparses continuent � grimper l'escalier �
vive allure, C�sar s'arr�te sur le palier interm�diaire et claque
des doigts. Les deux comparses redescendent. C�sar fait un signe
muet � Max, qui fouille dans sa poche, et tend le bracelet de la
marquise � C�sar. Celui-ci redescend prestement vers le palier de
la salle � manger, pendant que les deux comparses restent sur le
palier interm�diaire.
CESAR
Dites-moi, jolie marquise... Je voulais vous dire... Pour
la communication, ben, n'est-ce pas, vous la mettrez � mon
compte, c'est pas la peine de...
C�sar termine sa phrase dans un bafouillage incompr�hensible,
mais, tr�s adroitement, et tr�s discr�tement, il remet le bracelet
au poignet de la marquise. Il sourit et regarde vers la salle �
manger, et plus pr�cis�ment vers le piano.
CESAR
Oh... "Raque-mane-ninoffe"... (Il s'agit de Rachmaninoff,
prononc� avec l'accent du midi)
CHATEAU - SALLE A MANGER - INTERIEUR NUIT
Jeanne, assise derri�re son piano, continue � jouer Liszt. C�sar
s'approche du piano, et s'accoude dessus, apr�s avoir pos� sa
mallette sur le couvercle du piano.
CESAR
Superbe... Divin ...
JEANNE
Vous aimez ?
CESAR
Et comment ?... J'aime... j'adore la musique...
JEANNE
Vous aimez la musique ?
CESAR
Je l'aime pas... je vis la musique !
La marquise s'est approch�, et fait un signe � Georges.
LA MARQUISE
Georges... les bagages...
Georges, un verre � la main, vient prendre la mallette. C�sar lui
prend vivement le bras.
CESAR
Ma valise !
Il reprend sa mallette, pendant que Georges termine son verre.
LA MARQUISE
Je vous ai donn� la chambre treize... La chambre de
Casanova !
CESAR
Ca-Casanova ? Il a v�cu dans ces murs ? Oh, le coquin !
Diane appara�t � l'entr�e de la salle � manger, v�tue d'une tr�s
belle robe du soir en velours vert sombre.
DIANE
Deux jours... Il y a beaucoup aim�...
C�sar d�taille la belle Diane d'un air connaisseur. Il s'approche
de Diane.
CESAR
A qui ai-je l'honneur ?...
Il baise la main de Diane, et la garde dans la sienne.
CESAR
Madame, C�sar Anselme de Maricorne ne d�range pas la beaut�
pour la laisser languir...
Il se d�tache de Diane, et s'approche de Georges.
CESAR
Gar�on, � boire pour tout le monde. Le temps d'attendre mon
coup de t�l�phone. Ch�re amie, une valse.
FIN DE LA MUSIQUE
Sur ses derniers mots, C�sar s'est tourn� vers Jeanne, qui
s'arr�te de jouer Liszt, et tourne la page de sa partition.
M. PATIN
Vous n'allez pas jouer pour ce rastaquou�re ?
MUSIQUE. Th�me de valse.
C�sar traverse la salle � manger, jusqu'� la porte qui donne sur
le palier. Il siffle vivement. Les deux comparses entrent
pr�cipitamment, la main gliss�e dans l'�chancrure de la veste.
C�sar rajuste sa cravate, puis donne la mallette � Max.
CESAR
Chambre treize... Attendez-moi l�-haut, je donne le change.
Air ahuri des deux comparses, qui semblent ne pas comprendre de
quoi parle leur patron. C�sar les regarde un instant.
CESAR
Non, �a fait rien.
Il revient vers la salle � manger, et se trouve nez � nez avec
Diane. Il lui tend les bras. Ils commencent � valser.
CESAR
J'aime l'impromptu, la romance subite...
DIANE
Moi aussi... Il y a une heure, le ch�teau dormait. Vous
arrivez, et tout s'�veille.
CESAR
Oui, je sais, je sais, on me l'a d�j� dit. Question de
temp�rament. Co�ncidence impr�visible...
Un orchestre se joint au piano, transformant la valse pour piano
en concerto pour piano.
Alors que les deux valseurs passent pr�s de Georges, celui-ci fait
p�ter le bouchon d'une bouteille de Champagne. C�sar se s�pare
brutalement de sa cavali�re, et porte la main � sa ceinture. On
aper�oit la crosse d'un revolver, gliss� dans sa ceinture. Il voit
la bouteille, s'aper�oit de son erreur, et r�ajuste sa veste.
DIANE
Mon mari vous a fait peur ?
CESAR
Votre mari ?...
C�sar reprend sa valse interrompue.
CESAR
J'aime pas les maris. Et vous ?
DIANE
Oh, vous savez, pour moi, tous les hommes sont des maris.
Il la serre brutalement contre elle.
CESAR
C'est vrai ?
DIANE
Vous me faites mal, excellence.
C�sar se r�ajuste, changeant visiblement son revolver de place.
CESAR
Oh, pardon... Non, laissez tomber l'excellence. Appelez-moi
C�sar.
Ils passent en valsant devant la table de Jean-Jacques et Cookie.
COOKIE
Parlez-moi d'un type qui sait s'amuser.
JEAN-JACQUES
Comment ? Je ne suis pas dr�le ?
COOKIE
Ah - ah - ah - ah - ah !...
Les valseurs repassent devant la table.
DIANE
Vous faites des jaloux ! Il faut r�parer. Allez, je vous
laisse...
Elle s'�loigne et rejoint son mari.
GEORGES
Qu'est-ce qu'il t'a dit ?
DIANE
Un peu brutal... pas d�sagr�able...
Diane et Georges s'�loignent. C�sar tend la main vers Cookie.
CESAR
Permettez, mademoiselle, que ma joie se double du plaisir
de vous inviter.
Cookie prend la main de C�sar et se l�ve. Jean-Jacques se l�ve
aussi et s'interpose. Cookie se rassoit.
JEAN-JACQUES
Vous d�sirez ?
CESAR
Comment ?
JEAN-JACQUES
Non... rien...
L'air penaud, Jean-Jacques se rassoit. Cookie se rel�ve et C�sar
l'entra�ne dans une valse. Jean-Jacques se console en vidant son
verre.
Mme Passereau tape sur le bras de son mari.
MME PASSEREAU
Tu m'invites pas ?
M. PASSEREAU
Oh, oui.
Le couple Passereau se l�ve.
MME PASSEREAU
Papa, les enfants, allez vous coucher. Y a si longtemps
qu'on a pas dans� (Derniers mots un peu incompr�hensibles).
Les couples dansent. Am�lie s'approche de Jean-Jacques, une
bouteille de Champagne ouverte � la main.
AMELIE
Vous restez seul ?
JEAN-JACQUES
Oh oui... non... je vais me coucher, je crois...
Il se l�ve.
AMELIE
Seul ?
Il se rassoit.
JEAN-JACQUES
Oh, �a me changera... Plaire, plaire, toujours plaire... je
suis las de plaire...
Elle lui a pass� le bras autour de la nuque, et lui caresse
l'oreille. Jean-Jacques bafouille quelques mots incompr�hensibles.
AMELIE
Je ne vous crois pas !
JEAN-JACQUES
Mon petit, allons, montons cette bouteille !
Il se l�ve, un verre � la main et, de l'autre main, il prend la
bouteille que tenait Am�lie. Am�lie s'�loigne, et Jean-Jacques se
dirige vers la porte, la bouteille et le verre � la main. Il fait
deux pas, se retourne, et regarde les danseur, l'air un peu
�berlu�.
Am�lie tape sur l'�paule de C�sar qui danse toujours avec Cookie.
CESAR
Pardon !
Am�lie a un petit regard coquin vers Jean-Jacques. C�sar quitte
Cookie et commence � danser avec Am�lie. Cookie les regarde, l'air
un peu f�ch�. Jean-Jacques est rest� debout, comme fig� sur place,
toujours la bouteille et le verre � la main.
La sonnerie du t�l�phone retentit par-dessus la musique. La
marquise va d�crocher.
CHATEAU - PALIER ET GRAND ESCALIER - INTERIEUR NUIT
La marquise �coute deux secondes, puis se tourne vers la salle �
manger.
LA MARQUISE
Excellence ! Vous avez Turin en PCV.
CHATEAU - SALLE A MANGER - INTERIEUR NUIT
C�sar travers la salle � manger en courant.
CESAR
Voila !...
CHATEAU - PALIER ET GRAND ESCALIER - INTERIEUR NUIT
C�sar prend le t�l�phone des mains de la marquise.
CESAR
Ah, merci. Vous avez pas de cabine ?
LA MARQUISE
Non, mais je vais vous faire donner le silence.
Elle se tourne vers la salle � manger.
Jeanne, arr�te ! Silence, vous tous ! J'ai l'�tranger au
bout du fil !
FIN DE LA MUSIQUE. La musique s'arr�te.
CESAR
Non, non, non, continuez, continuez !
Il met le combin� � son oreille, et se dirige dans un recoin du
palier.
CESAR
Allo ! Louvanski ?...
VOIX DE LOUVANSKI
Oui, Louvanski : c'est toi, C�sar ?
La marquise d�croche l'�couteur et le porte � son oreille.
CESAR
Oui, impossible, ce soir. Non. (Paroles un peu
INCOMPR�HENSIBLES)
VOIX DE LOUVANSKI
Non ?
CESAR
Non, je peux pas �tre � la fronti�re.
VOIX DE LOUVANSKI
Pourquoi ?
Petit � petit, les convives se rapprochent de l'entr�e de la salle
� manger.
CESAR
Impossible, je te te dis : la voiture est tomb�e en panne.
VOIX DE LOUVANSKI
L'avion, il est parti.
CESAR
Quoi ? L'avion peut pas attendre ?
VOIX DE LOUVANSKI
Mais non, je te dis, je ne peux pas... Je ne peux pas...
Ecoute...
CESAR
Bon, d'accord, � demain. Allez, tchao !
VOIX DE LOUVANSKI
Tchao, oui.
C�sar baisse le combin�, mais le garde � la main. Il se retourne,
et regarde, un peu surpris, la marquise qui raccroche son
�couteur.
CESAR
Vous avez entendu ?
LA MARQUISE
On entend mieux l'�tranger que l'�picier du coin.
Elle prend le combin� des mains de C�sar et le raccroche.
LA MARQUISE
Mais, dites donc, ce Louvanski, l�, m'a paru bien l�ger,
hein. Les pannes, �a arrive � tout le monde. Il aurait pu
vous attendre.
Elle a pris C�sar par le bras, et ils se rapprochent du milieu du
palier.
CESAR
Vous avez entendu ? Bon, voil�, vous avez tout compris,
quoi.
LA MARQUISE
Ah !
CESAR
Oui, vous avez compris... qu'apr�s vingt-neuf ans pass�s
au-del� des fronti�res...
Tous les convives, mass�s � l'entr�e de la salle � manger, �coute
C�sar avec beaucoup d'attention. Au premier rang, les femmes, de
gauche � droite, Mme Passereau, Cookie, Jeanne, Diane, Am�lie.
Derri�re, un touriste su�dois, M. Patin, Georges, et derri�re
encore, Jean-Jacques.
CESAR
... au fin fond des Am�riques, au milieu de ce peuple si
peu familial, � qui... � qui j'apporte dans nos bagages
culturels l'oxyg�ne qu'il r�clame � pleins poumons, il est
dur, dis-je, de tomber en panne dans le berceau m�me de
notre patrimoine, dont je vois ici le plus charmant
fleuron. Il faudrait que j'en parle au prochain congr�s,
d'ailleurs. Qu'est-ce que je disais ?
LA MARQUISE
Votre avion...
C�sar se dirige vers l'escalier. Il monte deux marches et s'arr�te
pour terminer son monologue.
CESAR
En panne ! Le ministre attendra ! Bref, nous sommes dans
les mains du Seigneur, et j'ai besoin de repos. Belles
dames, je vous souhaite la bonne nuit.
Il monte, sous l'oeil charm� des dames de l'assistance
MME PASSEREAU, DIANE, COOKIE, AMELIE, JEANNE
Il est... si... charmant
GEORGES
Il est sympathique.
CHATEAU - CHAMBRE DE CESAR - INTERIEUR NUIT
Les deux comparses dorment, chacun assis sur une chaise. C�sar
entre, enl�ve sa veste, qu'il pose sur le lit. Il pose son
revolver sur la table � c�t� de la mallette. Il ouvre la mallette,
qui est pleine de liasses de billets de banque. Il compte les
liasse d'un doigt rapide. Il regarde ses deux acolytes, toujours
endormis. Il rev�rifie son comptage des billets, puis il se dirige
vers la chaise de Schwarz, dans laquelle il donne un coup de pied.
Les deux comparses se l�vent brusquement. C�sar montre la
mallette, toujours ouverte sur la table.
CESAR
Il manque une liasse...
Les deux comparses prennent l'air ahuri, et se penchent vers
l'int�rieur de la mallette.
CESAR
Lequel des deux saligauds ?...
L'air penaud, les deux comparses glissent la main � l'int�rieur de
leur veste. C�sar porte la main au deuxi�me revolver, qu'il porte
dans un holster sous son aisselle. Max fait un signe de d�n�gation
de la t�te, pour le rassurer sur leurs intentions, et ils
extraient, chacun, de l'int�rieur de leur veste, la moiti� de la
liasse manquante. Il tendent les billets � C�sar, qui les recompte
rapidement. Il soupire.
CESAR
J'avais confiance en vous.
D'un geste rapide, et avant que Schwarz ait pu pr�venir son geste,
il donne une paire de baffes � Schwarz. Machinalement, Max met les
mains sur ses joues, mais C�sar lui donne une grande claque sur le
front. Max s'�croule et se retient � la table. Il se rel�ve en se
tenant le front. C�sar remet la liasse dans la mallette.
CESAR
J'ai toujours confiance. Allez, faites vos lits !
MUSIQUE. Th�me de C�sar. Un air d'accord�on rappelant les bals
populaires parisiens.
Max et Schwarz se pr�cipitent vers les deux lits de camp dispos�s
de part et d'autre du grand lit central. C�sar referme la
mallette. Les deux comparses commencent � d�plier leurs draps,
avec des mouvements brusques et agit�s. Lentement, C�sar s'assoit
sur son lit.
CHATEAU - FA�ADE EXT�RIEURE - EXTERIEUR NUIT
On aper�oit plusieurs fen�tres allum�es.
MUSIQUE. Fin du Th�me de C�sar, et d�but du Th�me du ch�teau.
Une fen�tre s'�teint. On se rapproche du ch�teau, et plus
particuli�rement vers une fen�tre encore allum�e.
CHATEAU - CHAMBRE DE LA MARQUISE - INTERIEUR NUIT
La marquise est au lit, en robe de chambre, avec une charlotte sur
la t�te. Diane est assise � sa gauche, Jeanne � sa droite, toute
deux en chemise de nuit. Am�lie est debout, appuy�e sur le poste
de radio, v�tue d'une liquette, qui lui arrive � mi-cuisse.
LA MARQUISE
Cet homme est un monument ! Qu'en pensez-vous, mes ch�ries,
ai-je tort ?
DIANE
Oh, oui, je suis bien de ton avis...
Am�lie tourne le bouton du poste de radio.
VOIX DU JOURNALISTE DE LA RADIO
RTL derni�re. Hold-up sensationnel dans une banque de
M�con. Cent millions de butin. Barrages dress�s dans tout
le d�partement.
La marquise a dress� l'oreille pendant toute l'annonce. Am�lie
ferme la radio et vient s'asseoir sur le lit.
LA MARQUISE
Quelle �poque ! H� oui... Qu'est-ce que nous disions, l� ?
Ah oui, ah oui... Avez-vous vu ses... ses yeux, ses dents,
ses... ses mains...
DIANE
Ses narines...
LA MARQUISE
Ah, j'en ai connu un, tiens, comme �a autrefois... Un
napolitain...
DIANE
Quelle voix !
AMELIE
Peut-�tre un peu bavard...
JEANNE
Je ne trouve pas...
LA MARQUISE
Ta cousine est une enfant... Allez, va dormir. Va, ch�rie.
Jeanne embrasse la marquise, puis elle se penche pour embrasser
Diane. Elle envoie, du bout des doigts, un baiser � Am�lie, qui le
lui rend. Elle se l�ve et sort de la chambre. Am�lie vient prendre
sa place, et nous offre - une fois de plus ! - une vue sur sa
petite culotte !
LA MARQUISE
Bien s�r que c'est un bavard. Mais tant mieux. Si ces
hommes-la parlent d'amour, n'arr�tent pas d'en parler, ben,
ils le font aussi, va, crois-moi. Et ils le font
admirablement. C'est bien simple, tu t'en aper�ois
qu'apr�s !
AMELIE
Mais pendant ?
LA MARQUISE
Le ciel, mon petit. Ben, quand tu es au ciel, tu te poses
pas de question !
Diane prend l'air effar�.
DIANE
Maman ! Je pense que je vais tromper Georges.
LA MARQUISE
Mais je le sais, mon ch�ri, je le sens. Mais ta m�re est
l�. Euh... dis donc, Am�lie, va vite dire � Charlie de
ramener la voiture de ce diable, hein... Qu'il s'en aille !
DIANE
Quel dommage, hein !
LA MARQUISE
Ah ben, faut te faire une raison ! Allez, file, file !...
Avant que ta m�re ne devienne inconsolable !
Am�lie se l�ve et sort de la chambre. La marquise serre sa fille
dans ses bras.
FIN DE LA MUSIQUE. Fin du Th�me du ch�teau.
GARAGE - STATION-SERVICE - EXTERIEUR NUIT
Am�lie, v�tue de son cir� jaune, arrive sur sa bicyclette. Elle
pose la bicyclette pr�s du b�timent d'habitation. Un chien aboie.
GARAGE - CHAMBRE DE CHARLIE - INTERIEUR NUIT
Charlie dort, torse nu. Il serre son oreiller. Il r�ve et appelle
� Am�lie � dans son sommeil. Am�lie entre et allume la lumi�re.
CHARLIE
Am�lie !... Am�lie !...
AMELIE
Oui, oui, je suis l� !
Elle ramasse, par terre, les chaussettes et la combinaison de
Charlie. Charlie �merge difficilement.
CHARLIE
Hein ?...
Am�lie s'approche du lit.
AMELIE
Oh, je ne supporte pas que tu dormes quand je suis debout.
Elle rabat les draps. Charlie est en slip. Il s'assoit sur le bord
du lit.
CHARLIE
Oh... Oh, ma biche !
Il attire Am�lie vers lui. Elle s'assoit sur le bord du lit.
AMELIE
D�p�che-toi...
Elle lui enfile une chaussette.
CHARLIE
Oh oui, t'es gentille ! Viens !
Il tente de la basculer sur le lit, mais elle r�siste.
AMELIE
Apr�s...
CHARLIE
Apr�s quoi ?...
AMELIE
On va passer ses chaussettes... On va passer sa
combinaison...
Elle ne lui a enfil� qu'une seule chaussette, mais elle commence
n�anmoins � lui enfiler sa combinaison par le bas.
CHARLIE
Qu'est-ce que tu fais ?
AMELIE
Je t'habille.
CHARLIE
Hein ? Quelle heure il est ?
AMELIE
Ohhh ! Tu vas te r�veiller, dis !
Elle lui prend le visage dans les mains et le secoue.
CHARLIE
T'es o� ?
AMELIE
Un peu d'eau sur le nez...
Elle se l�ve et se dirige vers le lavabo. Elle prend de l'eau dans
le creux de ses mains. Entretemps, Charlie a enfil� le haut de la
combinaison sans la refermer.
CHARLIE
C'est la premi�re fois que tu viens dans ma chambre comme
�a...
Am�lie lui balance une gicl�e d'eau froide sur la figure.
AMELIE
Tiens ! Faut r�parer la grosse Am�ricaine.
Elle s'assoit sur le lit et lui enfile ses savates. Il a
apparemment enfil� sa deuxi�me chaussette tout seul.
CHARLIE
Quoi ? �a urge ?
AMELIE
Tu connais maman. Elle a peur que papa soit cocu.
CHARLIE
Encore !
AMELIE
D�p�che-toi ! Faut r�parer.
Elle se l�ve du lit, et entra�ne Charlie � se lever aussi.
CHARLIE
Oui, mais, mais j'en ai... j'y ai tout coup�, moi, � cette
voiture-l� ! J'en ai pour toute la nuit.
Il met ses lunettes, qui �taient pos�es sur la table de nuit.
AMELIE
Et bien, justement. Allez, d�p�che-toi...
Charlie sort par la fen�tre ouverte, et Am�lie enl�ve son cir�.
En-dessous, elle porte sa liquette. Elle se glisse dans le lit.
Charlie r�apparait � la fen�tre.
CHARLIE
Tu m'avais dit qu'on se verrait ce soir.
Am�lie s'installe confortablement dans le lit.
AMELIE
Et bien... tu me vois !
CHARLIE
Ah oui, mais pas comme �a !
AMELIE
Apr�s... J'arrive... D�p�che-toi
Charlie s'�loigne vers l'atelier, et Am�lie se pelotonne contre
l'oreiller.
Fondu au noir.
MUSIQUE. Th�me de Jeanne, jou� sous forme de concerto pour piano.
CHATEAU - CHAMBRE DE JEANNE - INTERIEUR NUIT
Jeanne, en chemise de nuit, se regarde dans le miroir de sa
coiffeuse. Des bougies sont dispos�es de part et d'autre du
miroir. Elle se redresse la poitrine � travers le tissu de la
chemise de nuit. Elle se dirige vers la fen�tre qu'elle ouvre. On
aper�oit M. Patin, accoud�e � une fen�tre voisine.
JEANNE
Vous n'avez pas sommeil ?
M. PATIN
Non. Je m'en �tonne et je m'en inqui�te.
CHATEAU - FA�ADE - FENETRE DE JEANNE - EXTERIEUR NUIT
JEANNE
Je sais bien qu'il fait nuit, mais pourquoi voyez-vous
toujours tout en noir ?
CHATEAU - FA�ADE - FENETRE DE M. PATIN - EXTERIEUR NUIT
M. PATIN
Ah... Je vois que le monde est plein d'extravagants, et
qu'on en trouve - regardez cette soir�e - jusqu'au fond des
retraites les plus solitaires.
CHATEAU - FA�ADE - FENETRE DE JEANNE - EXTERIEUR NUIT
JEANNE
Cet homme est bien gentil. C'est comme vous : un artiste.
CHATEAU - FA�ADE - FENETRE DE M. PATIN - EXTERIEUR NUIT
M. PATIN
Pfff !... Outrecuidant, presque bestial.
CHATEAU - FA�ADE - FENETRE DE JEANNE - EXTERIEUR NUIT
JEANNE
Non : expansif. Pourquoi vous retenez-vous toujours ?
CHATEAU - FA�ADE - FENETRE DE M. PATIN - EXTERIEUR NUIT
M. PATIN
Je place le respect au-dessus de tout.
CHATEAU - FA�ADE - FENETRE DE JEANNE - EXTERIEUR NUIT
JEANNE
Mais, monsieur Patin, est-ce que le respect ne... vous
coupe pas...
Elle mime, avec deux de ses doigts, un ciseau qui coupe quelque
chose.
CHATEAU - FA�ADE - FENETRE DE M. PATIN - EXTERIEUR NUIT
M. PATIN
Vous coupe quoi, mon petit ?
CHATEAU - FA�ADE - FENETRE DE JEANNE - EXTERIEUR NUIT
JEANNE
Moi, il me semble que �a vous coupe l'�lan.
CHATEAU - FA�ADE - FENETRE DE M. PATIN - EXTERIEUR NUIT
M. Patin se redresse l�g�rement.
M. PATIN
Je me m�fie des �lans.
CHATEAU - CHAMBRE DE JEANNE - INTERIEUR NUIT
Jeanne est toujours � sa fen�tre, et on aper�oit M. Patin � la
sienne.
JEANNE
Comme vous avez peur. Moi pas.
Elle commence � fermer sa fen�tre.
CHATEAU - FA�ADE - EXTERIEUR NUIT
On voit, dans le m�me plan, les deux fen�tres, de Jeanne et de M.
Patin.
Jeanne finit de fermer sa fen�tre.
JEANNE
Bonne nuit, monsieur Patin.
M. Patin rentre lentement dans sa chambre, sans fermer sa fen�tre.
La cam�ra monte, le long de la fa�ade, vers une autre fen�tre.
Cookie y est accoud�e. Elle rentre dans sa chambre.
FIN DE LA MUSIQUE
CHATEAU - CHAMBRE DE COOKIE - INTERIEUR NUIT
Cookie, en nuisette vaporeuse et petite culotte, quitte sa
fen�tre, et se dirige vers le sas de communication entre les deux
chambres. Elle ouvre la porte de son c�t� du sas, et frappe sur
l'autre porte.
COOKIE
Sois pas con !
CHATEAU - CHAMBRE DE JEAN-JACQUES - INTERIEUR NUIT
On voit remuer la porte sur laquelle Cookie est en train de
frapper, mais elle ne s'ouvre pas.
COOKIE
Ouvre !
Cookie continue � frapper. Jean-Jacques, en robe de chambre
chamarr�e, est assis sur son lit, une t�te de modiste en plastique
blanc entre les jambes. Il enl�ve sa perruque et la pose sur la
t�te de modiste.
JEAN-JACQUES
Laissez-moi, voulez-vous.
Il commence � peigner la perruque.
COOKIE
Qu'est-ce que vous faites ?
La voix se fait plus tendre :
COOKIE
Qu'est-ce que tu fais ?
JEAN-JACQUES
Je lis.
CHATEAU - CHAMBRE DE COOKIE - INTERIEUR NUIT
Cookie est toujours dans le sas, l'oreille coll�e contre la porte
de Jean-Jacques.
COOKIE
T'es toujours en train de lire.
CHATEAU - CHAMBRE DE JEAN-JACQUES - INTERIEUR NUIT
Il continue � coiffer sa perruque.
JEAN-JACQUES
Ah, ah !! Bien s�r, ce n'est pas vous qui pouvez
comprendre !
COOKIE
Ouvre enfin !
Il commence � se lever.
JEAN-JACQUES
A quoi bon ?
Il se dirige, � pas feutr�s, vers sa coiffeuse.
COOKIE
C'que tu peux �tre emmerdant ! C'est pas � cause de tout �
l'heure. Je m'en fous de ce type.
Il s'est assis, et a plac� la perruque sur sa t�te. Il se coiffe.
JEAN-JACQUES
De qui parlez-vous ?
CHATEAU - CHAMBRE DE COOKIE - INTERIEUR NUIT
Elle est toujours dans le sas.
COOKIE
Tu sais bien. Allez, ouvre !
CHATEAU - CHAMBRE DE JEAN-JACQUES - INTERIEUR NUIT
Le peigne � la main, il finit d'ajuster sa perruque.
JEAN-JACQUES
Mon petit, je n'aime pas donner de le�on, mais je ne suis
pas le genre d'homme qu'on siffle, et qui fait le beau.
Il mouille son doigt et se lisse les sourcils.
CHATEAU - CHAMBRE DE COOKIE - INTERIEUR NUIT
Elle sourit.
COOKIE
T'es vex� ?
CHATEAU - CHAMBRE DE JEAN-JACQUES - INTERIEUR NUIT
Il se vaporise de l'eau de toilette sous les aisselles, puis s'en
asperge toute la t�te.
JEAN-JACQUES
Oh, oh !! Je suis au-dessus de �a !
CHATEAU - CHAMBRE DE COOKIE - INTERIEUR NUIT
Elle reprend l'air s�rieux.
COOKIE
Tr�s bien. Salut !
Elle ferme la porte de son c�t� du sas.
CHATEAU - CHAMBRE DE JEAN-JACQUES - INTERIEUR NUIT
En entendant le bruit de la porte qui se ferme, il se l�ve
brusquement, et se pr�cipite vers la porte, la main pos�e sur sa
perruque.
CHATEAU - CHAMBRE DE COOKIE - INTERIEUR NUIT
Cookie a entreb�ill� la porte de son c�t� du sas. Elle surveille
attentivement les mouvements dans le sas.
CHATEAU - CHAMBRE DE JEAN-JACQUES - INTERIEUR NUIT
Il prend l'air viril et m�le, et pose sa main sur la poign�e de la
porte.
JEAN-JACQUES
Alors, c'est bon... Viens !
Il ouvre sa porte d'un air d�cid�. L'autre porte se claque sous
son nez. De rage, il enl�ve sa perruque d'un geste nerveux. Une
longue m�che en d�sordre lui pend devant sur le front, lui donnant
l'air ridicule.
CHATEAU - CHAMBRE DE COOKIE - INTERIEUR NUIT
Elle ouvre sa porte.
CHATEAU - CHAMBRE DE JEAN-JACQUES - INTERIEUR NUIT
Cookie entre dans la chambre et d�couvre le spectacle, assez
d�sopilant, de Jean-Jacques, la perruque � la main et la m�che en
bataille. Elle le regarde d'un air ahuri.
COOKIE
Merde ! Tes cheveux !
Jean-Jacques sourit piteusement.
MUSIQUE. Th�me du ch�teau. Le th�me est annonc� par un un accord
de violoncelle.
CHATEAU - FA�ADE - EXTERIEUR NUIT
On voit les deux fen�tres des chambres de Cookie et Jean-Jacques.
On entend une porte claquer. Puis une autre, et les lumi�res
s'�teignent. La cam�ra redescend vers une autre chambre.
L'accord de violoncelle �volue vers le Th�me du ch�teau.
Zoom sur une autre fen�tre.
CHATEAU - CHAMBRE DE GEORGES ET DIANE - INTERIEUR NUIT
Dans la p�nombre, on distingue un lit sur lequel sont couch�s deux
corps enlac�s. Georges se d�gage lentement de son �pouse.
GEORGES
Bien... Ahhhh !!...
Diane, l'air b�at, �met un petit g�missement de plaisir. Elle
caresse tendrement les cheveux de Georges.
DIANE
Mmmmmm !!
GEORGES
Ouah !... Le baron C�sar !!...
Georges fait un bras d'honneur.
CHATEAU - CHAMBRE DE CESAR - INTERIEUR NUIT
Les trois hommes sont couch�s tout habill�s. Les deux comparses
dorment, mais C�sar se redresse sur son lit, l'air inquiet, comme
s'il venait d'entendre la derni�re r�plique de Georges. Son
parapluie est en fait une canne-�p�e, dont il tire la lame. Puis,
semblant rassur�, il la remet dans son fourreau, et se rallonge.
CHATEAU - FA�ADE - PLAN ASSEZ LARGE - EXTERIEUR NUIT
FIN DE LA MUSIQUE. Fin du Th�me du ch�teau.
VILLAGE - VUE GENERALE - EXTERIEUR JOUR
Le jour s'est lev� et on entend un coq chanter.
GARAGE - STATION-SERVICE - EXTERIEUR JOUR
La grosse am�ricaine est toujours gar�e devant les pompes. Le
capot est ouvert. Charlie est allong� sous la voiture. Il
s'extirpe lentement et ramasse ses outils. Il se l�ve et se
dirige, en tra�nant les pieds, vers le b�timent d'habitation. Sur
le parking, sont diss�min�es les autres voitures des � clients �
du ch�teau. Charlie est tellement �puis� qu'il fait tomber ses
outils par terre, et ne les ramasse pas. Il arrive au niveau de la
fen�tre de sa chambre.
GARAGE - CHAMBRE DE CHARLIE - INTERIEUR JOUR
Charlie enjambe le rebord de la fen�tre. Il retombe lourdement sur
le lit, dans lequel Am�lie est endormie. Charlie s'assoit sur le
rebord du lit et enl�ve ses lunettes. Am�lie se r�veille. Charlie
pose ses lunettes par terre, et s'allonge sur le dos � c�t�
d'Am�lie, tout habill� et couvert de graisse.
AMELIE
T'as fini ?...
CHARLIE
Ouais !
Am�lie s'�tire.
AMELIE
C'est gentil. T'as bien travaill�. �a m�rite sa r�compense,
�a, madame !...
Am�lie se penche vers Charlie pour l'embrasser. Charlie baille �
s'en d�crocher la m�choire. Am�lie se redresse l�g�rement
AMELIE
On n'y arrivera jamais !
Am�lie se l�ve, et se dirige vers le tableau noir accroch� au mur.
Elle ramasse la craie pendue au bout d'une ficelle et �crit :
"Repose-toi. Je t'attends dans ma chambre pendant la messe !"
Pendant qu'elle �crit, on voit Charlie, le visage couvert de
graisse, qui continue � dormir. Apr�s avoir fini d'�crire, Am�lie
enfile son cir� et sort de la chambre.
CHATEAU - CAMPAGNE ENVIRONNANTE - EXTERIEUR JOUR
MUSIQUE. Th�me du ch�teau, auquel a �t� adjoint un piano.
Des vaches dans un champ. Panoramique, qui nous permet de voir le
ch�teau derri�re le champ.
CHATEAU - VUE GENERALE - EXTERIEUR JOUR
CHATEAU - TOIT - EXTERIEUR JOUR
Un pigeon, en s'envolant, d�tache une tuile.
CHATEAU - COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR JOUR
Martial passe, marchant avec sa canne. La tuile tombe � ses pieds.
Il s'arr�te un instant pour la regarder, puis reprend sa marche.
La porte du ch�teau s'ouvre, pour laisser le passage aux touristes
su�dois, v�tus de tenues sportives. Il s'�loigne du ch�teau au pas
de gymnastique. L'un deux rythme la cadence par des "Pop-pop-
popop..." Ils descendent l'escalier du perron. En contrebas, ils
passent devant la voiture am�ricaine qui arrive. Am�lie est au
volant. Apr�s s'�tre arr�t�e, elle klaxonne vigoureusement.
FIN DE LA MUSIQUE.
CHATEAU - FA�ADE - EXTERIEUR JOUR
Une fen�tre s'ouvre : C�sar, en manches de chemise, mais chapeau
sur le cr�ne, appara�t. Il l�ve son chapeau, et joue avec.
CESAR
Mademoiselle Am�lie ! Petite nymphe lumineuse !
CHATEAU - COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR JOUR
Am�lie sort de la voiture et claque la porte. Elle a une fleur
entre les dents
CESAR
Mais qu'est-ce que je vois ?
CHATEAU - FA�ADE - EXTERIEUR JOUR
Gros plan sur la fen�tre de C�sar. Tenant toujours son chapeau �
la main, il fait des gestes en direction de sa voiture.
CESAR
Non, non, cachez-moi cette voiture ! Enlevez-moi ce
catafalque !
CHATEAU - COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR JOUR
Am�lie est toujours appuy�es sur la voiture, une fleur entre les
dents.
CESAR
Je ne veux pas quitter ce paradis.
CHATEAU - FA�ADE - EXTERIEUR JOUR
CESAR
Paradiiis !!
CHATEAU - CHAMBRE DE CESAR - INTERIEUR JOUR
C�sar rentre dans sa chambre, chantant, et tenant son chapeau �
bout de bras.
CESAR
La-di-hooo !!
Les deux comparses, assis en manches de chemise, regarde leur
patron chanter en souriant. Schwarz s'�vente avec son chapeau.
C�sar remet son chapeau sur la t�te et redevient brutalement
s�rieux.
CESAR
Debout, les connards, on met les voiles !
Il enfile sa veste. Les deux autres se l�vent et en font autant.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
C�sar descend l'escalier, suivi de ses deux comparses. Il s'arr�te
brusquement, et une fois de plus, les deux autres manquent lui
rentrer dedans.
CESAR
Oh... la charmante marquise ! Et notre petite Am�lie.
C�sar enl�ve son chapeau, et se dirige vers le bureau. La marquise
est assise � sa place, et Am�lie, toujours en liquette et cir�,
est assise sur le bureau. La marquise tend sa note � C�sar.
CESAR
Ah ! La petite note.
LA MARQUISE
J'ai mis tout ensemble : 347 mille 812 francs 25 centimes.
C�sar regarde distraitement la note. Max sort de l'argent de sa
poche.
CESAR
Tout est compris ?
C�sar donne la note � Max, qui compte ses billets.
LA MARQUISE
Ouiii... J'retire les 25 centimes.
CESAR
Voil�, voil�, voila... Et bien, je ne suis pas pr�t
d'oublier cette maison. Ch�re madame, mademoiselle.
Max garde la note et pose l'argent sur le bureau. Les deux
comparses sortent en portant un doigt � leur chapeau en guise de
salut. La Marquise compte les billets.
LA MARQUISE
Et dire que les bons clients ne reviennent jamais.
CHATEAU - COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR JOUR
Les trois hommes montent dans la grosse am�ricaine, Schwarz
toujours au volant. Il d�marre, et C�sar, de la fen�tre arri�re,
regarde le ch�teau. Appuy�e sur le chambranle de la porte ouverte
du ch�teau, Jeanne regarde la voiture s'�loigner. Elle fait un
signe de la main. C�sar ne la quitte pas du regard. Il a l'air
songeur. La voiture passe sous la voute d'entr�e du ch�teau.
CHATEAU - PARC - UNE ALLEE - EXTERIEUR JOUR
La voiture roule dans le parc du ch�teau, et s'engage sur l'all�e
principale.
CAMPAGNE - UNE ROUTE - EXTERIEUR JOUR
La voiture roule sur une route. Devant elle, un barrage de
gendarmerie. Elle freine brutalement. Les gendarmes se retournent.
Un coup de sifflet retentit. Un gendarme fait signe au v�hicule de
se ranger sur le bas-c�t� de la route.
Dans la voiture, Max se penche � la fen�tre vers son patron.
MAX
Allez ! On leur rentre dedans !
CESAR
Ah non, non, non, non, non...
C�sar sort du v�hicule.
CESAR
Demi-tour... Allez, demi-tour... Demi-tour, innocemment...
Innocemment...
Il referme la porti�re, et se dirige vers le bas-c�t� de la route.
CESAR
Ohhhh !... Ohh !... Les petites fleurettes que je vois !...
Il se penche et cueille des fleurs. Il tourne la t�te vers la
voiture.
CESAR
Demi-tour... Innocent... Innocent... Demi-tour...
Comme ses comparses ne semblent pas comprendre sa ruse, il hausse
LE TON :
CESAR
Demi-tour, imb�cile !
La voiture amorce un demi-tour. Avec une d�marche un peu
pr�cieuse, C�sar revient vers le bas-c�t�
CESAR
Ohhh... Ohh !... Les petites fleurettes... Que je vois...
Les gendarmes sont fig�s sur place par la surprise.
CESAR
Mmmm ! Que c'est joli...
Il respire l'odeur des fleurs. Entretemps, la voiture a termin�
son demi-tour, et C�sar saute dedans.
CESAR
Allez, fonce, imb�cile, maintenant ! Mais fonce ! Vas-y,
vas-y, vas-y !
La voiture red�marre en trombe. Les gendarmes sont toujours fig�s
sur place.
VILLAGE - ENTREE DU VILLAGE ET ETANG - EXTERIEUR JOUR
Derri�re un virage masqu� par un mur, les gangsters d�couvre un
autre barrage de gendarmerie. La voiture pile. C�sar a l'air tr�s
soucieux. Un gendarme l�ve un bras et se dirige vers la voiture.
LE GENDARME
Halte !
INTERIEUR VOITURE CESAR - EXTERIEUR JOUR
Plan rapproch� sur Schwarz au volant.
CESAR
Recule, vite ! Toujours innocent, mais recule !
Un sifflet retentit. Schwarz, la t�te tourn�e vers l'arri�re du
v�hicule, commence � faire reculer la voiture.
LE GENDARME
Halte, ou je tire !
Plan rapproch� sur C�sar assis � l'arri�re.
CESAR
Tire, tire, mais recule, toi !
Max se retourne vers C�sar.
MAX
Allez, patron, je le descends !
CESAR
Descend pas, recule !
VILLAGE - ENTREE DU VILLAGE ET ETANG - EXTERIEUR JOUR
La voiture recule et les gendarmes lui courent apr�s.
LE GENDARME
Arr�tez, mais arr�tez !
INTERIEUR VOITURE CESAR - EXTERIEUR JOUR
CESAR
Stop ! Fais demi-tour, je te prot�ge !
VILLAGE - ENTREE DU VILLAGE ET ETANG - EXTERIEUR JOUR
C�sar sort du v�hicule. Il a d�gain� son arme, mais tient sa
mallette de l'autre main. Il se cache derri�re un mur en b�ton, et
commence � tirer. Les gendarmes se mettent � l'abri.
UN GENDARME
Gare � vous !
�change de coups de feu. La voiture, porte arri�re ouverte, recule
toujours. La porti�re se ferme.
C�sar, hors de la vue des gendarmes, se cache derri�re un mur,
pr�s d'un engin de chantier. On entend la voix de Max provenant de
la voiture.
MAX
En avant !... Mais en avant !... (plusieurs mots
INCOMPR�HENSIBLES)
La voiture recule vers l'�tang
INTERIEUR VOITURE CESAR - EXTERIEUR JOUR
Schwarz manoeuvre d�sesp�r�ment le levier de vitesses.
SCHWARTZ
Elle passe pas, cette putain !
VILLAGE - ENTREE DU VILLAGE ET ETANG - EXTERIEUR JOUR
La voiture recule toujours vers l'�tang. On entend les voix �
l'int�rieur.
MAX
Fais quelque chose !
SCHWARTZ
Mais qu'est-ce que je fais, l� ?
La voiture, toujours en marche arri�re, p�n�tre dans l'�tang.
MAX
C'est pas vrai, quoi !
SCHWARZ
Et bien, je fais...
Le reste de la conversation se perd, �touff�e par l'eau. La
voiture s'enfonce lentement. C�sar a un geste d'impatience. Cach�
derri�re le mur, il voit revenir les gendarmes, et comprend que
ceux-ci croient que la voiture a repris la route car ils ne l'ont
pas vue dispara�tre dans l'�tang. C�sar se cache derri�re le
v�hicule de chantier. Il entend d�marrer les v�hicules de
gendarmerie.
L'OFFICIER
Coupez la route de Fl�ch�res... Allez-y... Je pr�viens la
brigade.
Coup de sifflet. Deux motards s'�loignent. Les autres gendarmes,
les armes � la main, avancent prudemment sur la route.
Tous les gendarmes s'en vont
La voiture, elle, s'enfonce toujours. On entend des glou-glou et
des mots incompr�hensibles.
C�sar sort de sa cachette et se dirige vers l'�tang. Il voit
partir les derniers gendarmes. Il continue son chemin vers le bord
de l'�tang. A la surface de l'eau, les derniers glou-glou de la
voiture qui a totalement disparue au fond de l'�tang. C�sar range
son arme et soul�ve son chapeau. Les yeux ferm�s, on a
l'impression qu'il effectue une courte pri�re sur les derniers
glou-glou. Puis il remet son chapeau, et regarde sa montre. Il
sort de la route et commence � marcher � travers champs
CHATEAU - DOUVES - EXTERIEUR JOUR
MUSIQUE. Th�me du ch�teau.
Vue des douves et du pont enjambant ces douves.
CHATEAU - VESTIBULE - INTERIEUR JOUR
Le vestibule est un large couloir, � c�t� du hall d'entr�e, et qui
a, � chaque extr�mit�, une porte ouvrant sur l'avant et sur
l'arri�re du ch�teau.
Diane, portant toilette du � dimanche � et chapeau, est en train
de se maquiller devant une glace. Am�lie, habill�e, elle, tr�s
� d�contract�e �, est assise sur un canap� � c�t� de la glace.
Elle passe un tube de rouge � l�vres � sa m�re, et lui montre, par
signes, comment l'appliquer. Arrive la marquise, v�tue d'une
grande cape blanche, d'un chapeau style � perruque blanche
�bouriff�e � et tenant une ombrelle blanche � la main. On d�couvre
Martial, � genoux devant Diane, en train d'astiquer ses souliers.
LA MARQUISE
Martial !
Martial se tourne vers la marquise dont il astique, � son tour,
les souliers. On voit Georges arriver dans le reflet d'une glace
accroch�e au mur.
GEORGES
Ahh ! Quel tintouin !
Georges porte un costume blanc et un chapeau. Il donne une paire
de gants � sa belle-m�re.
LA MARQUISE
Mais la messe va commencer, moi, je ne vois personne.
Georges, avez-vous r�veill� tout le monde ?
GEORGES
Mais, ma m�re, la client�le n'a plus qu'une religion : la
grasse matin�e. Elle a raison.
La marquise se tourne devant un miroir en pied. Elle porte une
robe rose, harmonis�e avec la doublure de sa cape.
LA MARQUISE
Oui, et ben, que �a plaise ou non, quand on est sous mon
toit, on va � la messe le dimanche. Voil�. Sauf monsieur
Patin, naturellement. Il bouffe de la calotte : il l'�crit,
il en vit... on peut pas lui retirer le pain de la bouche !
Ah !
Provenant du hall d'entr�e, arriv�e de la famille Passereau, sauf
M. Passereau. Les enfants portent leurs �ternels voiliers. Ils
sont suivi de Jeanne, toute habill�e de blanc, un bandeau blanc
dans les cheveux.
FILS PASSEREAU
Je sais que c'est le mien !
FILLE PASSEREAU
Non, c'est pas moi !
La marquise et Jeanne s'embrassent.
LA MARQUISE
Mon ch�ri.
JEANNE
Bonjour, mamy.
LA MARQUISE
J'allais attendre.
Jeanne se dirige vers Martial
LA MARQUISE
Martial, les souliers !
La marquise salue Mme Passereau
LA MARQUISE
Bonjour, ch�re madame.
MME PASSEREAU
Bonjour, madame.
LA MARQUISE
Je ne vois pas votre mari.
MME PASSEREAU
Je le laisse dormir. Imaginez-vous que cette nuit, pour la
premi�re fois depuis...
LA MARQUISE
J'imagine... Euh... Ah !...
Sortant du hall d'entr�e, arriv�e de Jean-Jacques, v�tu d'un
costume sombre, tr�s ajust� pr�s du corps.
JEAN-JACQUES
C'est tout de m�me insens� de disposer de cette mani�re de
l'�me d'autrui !
LA MARQUISE
Ben c'est comme �a !
JEAN-JACQUES
Je suis un lib�ral et un un libertin. Le lib�ral tol�re
l'�glise, le libertin pr�f�re son lit !
Pendant qu'il parlait, Cookie est entr�e, v�tue d'une robe jaune
et d'un �trange chapeau conique ray� horizontalement de rose et de
vert. Elle hoche la t�te en se tournant vers la marquise.
COOKIE
Son lit !
LA MARQUISE
Allez, les enfants, en route ! Et nous prenons le
raccourci, hein ! Am�lie, tu ne crois toujours plus en
Dieu ?
Am�lie est toujours install�e sur son canap�.
AMELIE
Non.
LA MARQUISE
Bon. Alors, comme d'habitude, tu gardes la maison. Allez !
MUSIQUE. Le th�me du ch�teau est insensiblement remplac� par un
Th�me religieux, avec fond d'orgue, et voix chantant le Kyrie.
CHATEAU - PARC - EXTERIEUR JOUR
Procession dans le parc, tout pr�s de la masse imposante du
ch�teau. En t�te, la marquise, portant ombrelle ouverte, au bras
de Georges. Derri�re, Diane, elle aussi portant ombrelle, avec
Jeanne. Derri�re, Jean-Jacques et Cookie. Puis la famille
Passereau. Et fermant la marche, chacun leur canne � la main,
Martial et le grand-p�re Passereau.
CAMPAGNE - UN CHAMP - EXTERIEUR JOUR
La procession traverse un champ. Diane ramasse des fleurs,
bient�t, imit�e par Jeanne, Cookie et les enfants Passereau. Mme
Passereau se retrouve avec tous les voiliers dans les bras.
CAMPAGNE - OREE DU VILLAGE - EXTERIEUR JOUR
On aper�oit l'�glise assez proche. La procession marche au bord
d'une route. Charlie passe � bicyclette sur cette route.
CHARLIE
Madame la comtesse... M'sieu-dames !
Mme Passereau et Cookie font un grand signe de la main � Charlie.
Charlie continue sa route en se recoiffant. Il porte blouson de
cuir et cravate.
MUSIQUE. La musique religieuse se transforme en Th�me de C�sar.
Derri�re la procession, et Charlie qui s'�loigne sur la route, on
aper�oit, dans un champ, au milieu des vaches, C�sar, toujours sa
mallette � la main, qui se cache derri�re un arbre. Apr�s un
temps, il reprend furtivement sa route � travers champs.
CHATEAU - PONT SUR LES DOUVES - EXTERIEUR JOUR
Vue du ch�teau, en contre-plong�e, prise sous le pont des douves.
CHATEAU - CHAMBRE D'AMELIE - INTERIEUR JOUR
Am�lie est allong�e, pr�s du rebord de sa fen�tre, sur lequel elle
� pos� un tapis � poils �pais. Elle tient une paire de jumelles �
la main et observe la campagne alentours.
CHATEAU - PARC - ETANG - EXTERIEUR JOUR
Vu � travers les jumelles d'Am�lie, on d�couvre l'�tang, dans
lequel les touristes su�dois se baignent et chahutent,
compl�tement nus. On entend leur rires.
CHATEAU - FA�ADE - EXTERIEUR JOUR
Fen�tre de la chambre d'Am�lie, presque sous les toits. Elle est
toujours en train d'observer les su�dois � la jumelle.
CHATEAU - PARC - ETANG - EXTERIEUR JOUR
Toujours vus � travers les jumelles d'Am�lie, les su�dois
continuent � chahuter dans l'eau.
CHATEAU - CHAMBRE D'AMELIE - INTERIEUR JOUR
Charlie arrive derri�re Am�lie, qui ne bouge pas, et ne l�che pas
ses jumelles. Il commence � d�boutonner son haut rouge. Il lui
embrasse le dos. S'il a gard� ses lunettes, il est par contre
torse nu. Il finit de d�faire les bretelles du haut d'Am�lie et
les passe par-dessus ses �paules. Am�lie, sans changer sa
position, l�che enfin ses jumelles et se tourne l�g�rement, pour
permettre � Charlie de mieux la d�shabiller. D'un seul coup, elle
sursaute.
AMELIE
Tiens !
CHATEAU - FA�ADE - EXTERIEUR JOUR
Fen�tre de la chambre d'Am�lie. Elle reprend ses jumelles.
CHATEAU - PARC - BASSIN ROND - EXTERIEUR JOUR
Vu � travers les jumelles d'Am�lie, un bassin rond, en pierre,
avec une fontaine - �teinte - au milieu. C�sar tourne autour du
bassin en courant.
CHATEAU - CHAMBRE D'AMELIE - INTERIEUR JOUR
Am�lie se redresse, tenant son haut plaqu� contre sa poitrine.
AMELIE
Minute, j'arrive !
Elle sort de sa chambre. Charlie reste assis au m�me endroit.
CHARLIE
Ben oui, mais on n'y arrivera jamais !
CHATEAU - VESTIBULE - INTERIEUR JOUR
Porte donnant sur l'arri�re du ch�teau. A c�t� de la porte, une
armure. Cette porte est grande ouverte.
Am�lie entre dans le champ. Entendant du bruit, elle s'�loigne
rapidement. C�sar entre par la porte ouverte, avec une d�marche de
f�lin. Il regarde partout alentours, et se dirige vers le bureau.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
C�sar ne voit pas Am�lie allong�e sur la large rampe de
l'escalier, car elle est masqu�e par un gros pilier. Il pose sa
mallette sur le bureau et d�croche le t�l�phone.
FIN DE LA MUSIQUE
CESAR
Allo, mademoiselle, pouvez-vous me passer Turin, s'il vous
plait. Le 222-2-2-2-2... Oui, oui... Oui, j'attends, merci.
Il raccroche.
AMELIE
Alors, vous �tes revenu.
C�sar se tourne et d�couvre Am�lie
CESAR
Oh, petite Am�lie ! Je vous le dis, je fais deux pas loin
d'ici, et j'ai mon coeur qui se serre. En plus, j'ai un coup
de fil � donner.
Le t�l�phone sonne
CESAR
Vous permettez ?... Allo ?... Louvanski ?... Oui... Ici,
C�sar... Attends une seconde !...
Tout en parlant, C�sar se dirige vers une porte situ�e derri�re le
bureau. Il entre et s'enferme, laissant n�anmoins la porte
entr'ouverte.
CESAR
Je peux pas te rejoindre... Oui, un accident... Toutes les
routes sont bloqu�es... Mais toi tu viens par contre...
Oui, d'accord... Tu notes ?...
Am�lie, l'oreille tendue, �coute la conversation
CESAR
Nationale Sept... Village de Fl�ch�res... Y a un ch�teau.
Juste en face, il y a une grande prairie. Tu pourras
atterrir, tu verras, c'est tr�s facile. T'inqui�te pas, ce
sera balis�. Tu arrives ce soir ?... Bon, alors, vas-y
r�p�te... Hein-hein...
C�sar sort de sa � cachette �.
CESAR
Hein-hein...
Il baisse le combin�, car il vient d'apercevoir deux gendarmes par
la fen�tre ouverte.
CESAR
OK, OK, Tchao !
Il raccroche et repose le t�l�phone sur le bureau. Puis il
retourne s'enfermer dans la petite pi�ce derri�re le bureau. Une
cloche retentit. Am�lie se redresse, et descend de la rampe de
l'escalier. Elle va ouvrir aux gendarmes. Dans un premier temps,
ils restent sur le pas de la porte.
UN GENDARME
Bonjour, madame la baronne... Madame la marquise n'est pas
l� ?
AMELIE
Non. Pourquoi ?
UN GENDARME
Ah, vous demandez pourquoi, vous ? Avec le hold-up de
M�con, des barrages partout, jusque dans le village, et
vous demandez pourquoi ! On ne sait jamais rien au ch�teau.
C'est vraiment le bout du monde, chez vous.
AMELIE
Un hold-up ?
UN GENDARME
On peut voir les registres ?
AMELIE
Bien s�r.
Am�lie guide les gendarmes jusqu'au bureau. C�sar pointe son nez
pas la porte entr'ouverte de sa cachette. A l'approche des
gendarmes, il se recache. Am�lie donne les deux registres aux
gendarmes. Chaque gendarme prend un registre, et commence � le
consulter.
AMELIE
Voil�...
Pendant que les gendarmes feuill�tent les registres, Am�lie va
fermer la porte, devant l'oreille de C�sar, qui cherchait � suivre
la conversation.
UN GENDARME
Oui... un hold-up, et soign�.
Am�lie s'assoit sur le bureau
UN GENDARME
Cent millions. Trois individus : un gros blond, un petit
noir, et un grand brun, quarante-cinq ans.
AMELIE
Quarante-cinq ans, la tempe fris�e, un oeillet � la
boutonni�re, un bel homme.
UN GENDARME
Vous l'avez vu ?
AMELIE
Cent millions ! Mais c'est �norme !
UN GENDARME
Ben un peu !
AMELIE
J'veux dire, il faut des malles et des malles pour emporter
�a.
UN GENDARME
Ah, on voit que vous n'en avez pas vu souvent. En billets
lourds, �a tiendrait...
Il �carte les mains afin de d�terminer la taille du contenant du
hold-up. Il avise la mallette pos�e sur le bureau.
UN GENDARME
Ben, l�-dedans, tenez.
Il tape sur la mallette. Am�lie entr'ouvre discr�tement la
mallette et aper�oit les liasses de billets. Elle la referme
aussit�t.
UN GENDARME
Alors, vous l'avez vu, cet individu ?
AMELIE
Ah, pas du tout.
UN GENDARME
Enfin, ouvrez l'oeil. Au revoir, madame la baronne...
Le gendarme salue, et sort, imit� par son coll�gue. Am�lie
r�fl�chit un instant, puis part en courant. C�sar sort
pr�cautionneusement de sa cachette.
CHATEAU - PONT SUR LES DOUVES - EXTERIEUR JOUR
Vue plongeante. Am�lie sort du ch�teau et appelle :
AMELIE
Charlie !... Charlie !...
La cam�ra pivote et d�couvre, dans le m�me plan qu'Am�lie en bas
sur le pont, Charlie, toujours torse nu, pench� � la fen�tre de la
chambre d'Am�lie.
CHARLIE
Ben alors, tu montes ?...
AMELIE
Non, tu descends... vite !
Am�lie rentre dans le ch�teau.
CHATEAU - VESTIBULE - INTERIEUR JOUR
Am�lie rentre en sautillant dans le ch�teau par la porte arri�re.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
C�sar est devant la porte principale, celle par laquelle viennent
de partir les gendarmes. Il a repris sa mallette.
CESAR
Qu'est-ce qu'ils voulaient ?
CHATEAU - VESTIBULE - INTERIEUR JOUR
AMELIE
Comme tous les gendarmes, des voleurs !
Am�lie sort du vestibule par une porte de c�t�.
CESAR
Mais qu'est-ce qu'ils ont dit ?
Elle revient, portant un chapeau rouge. Elle se plante devant la
glace pour le mettre sur sa t�te.
AMELIE
Formidable !... Un hold-up !... Cent millions !...
CESAR
Non ?...
AMELIE
Il para�t qu'il y avait deux cent millions sous leur nez,
dans un tiroir qui �tait m�me pas ferm� !
CESAR
Tiens donc !
AMELIE
C'est quand m�me malheureux !
CESAR
Pourquoi malheureux ?
AMELIE
J'trouve �a formidable, des gars comme �a !
CESAR
On les conna�t ?
AMELIE
Quatre gar�ons : l'a�n� n'a m�me pas dix-huit ans... Vous
savez, moi, je rencontrerais un homme comme �a... tout de
suite...
CESAR
Tout de suite quoi ?
AMELIE
Tout... j'lui donne tout. Moi ?... Tout...
Elle fait mine de s'�loigner. C�sar la retient par le bras.
CESAR
O� allez-vous ?
AMELIE
A la messe.
Il la rel�che. Elle se dirige vers la porte de devant. On aper�oit
Charlie, rhabill�, qui attend devant le perron, sa bicyclette � la
main. Avant de sortir, Am�lie se retourne.
AMELIE
C'est vrai ce que je vous disais... vous savez...
C�sar hoche la t�te d'un air entendu.
CHATEAU - COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR JOUR
Am�lie, ses chaussures � la main, d�vale les escaliers du perron.
Elle s'assoit sur la barre transversale du v�lo de Charlie.
Charlie enfourche sa bicyclette.
AMELIE
Et toi, p�dale, tu me poses � l'�glise.
Au loin on entend les cloches de l'�glise. Charlie commence �
p�daler vers la voute d'entr�e du ch�teau.
VILLAGE - ENTREE DU VILLAGE ET ETANG - EXTERIEUR JOUR
Charlie et Am�lie entrent dans le village, passe devant le garage
de Charlie, et se dirigent vers l'int�rieur du village. Apr�s leur
passage, une d�panneuse arrive par la gauche, tractant derri�re
elle la grosse voiture am�ricaine. Des gendarmes et des curieux
observent la sc�ne. D�s que la voiture est sortie de l'eau, un
gendarme regarde � l'int�rieur.
VILLAGE - PLACE DE L'EGLISE - EXTERIEUR JOUR
Devant le portail de l'�glise, sont align�s les petits voiliers
des enfants Passereau. Charlie et Am�lie s'arr�tent devant le
portail. Am�lie descend de v�lo, et remet ses chaussures.
CHARLIE
J'te retrouve, dis ?
AMELIE
D'accord.
CHARLIE
Comment ?
AMELIE
Dans ma chambre, apr�s le d�jeuner.
Am�lie se pr�pare � ouvrir la porte de l'�glise, puis elle se
ravise, redescend les marches et embrasse Charlie. Charlie
s'�loigne et Am�lie entre dans l'�glise.
EGLISE - INTERIEUR JOUR
MUSIQUE. Des chants religieux, accompagn�s � l'harmonium.
Au premier plan, Jean-Jacques et Cookie. Jean-Jacques semble en
transes, Cookie est plus distraite.
JEAN-JACQUES
Ahhhhh !!
La cam�ra avance vers le choeur, et on d�couvre Georges, assis
devant Jean-Jacques. Au fond, Am�lie vient d'entrer. Georges se
tourne vers Jean-Jacques.
GEORGES
�a ne va pas ?
JEAN-JACQUES
Que c'est beau ! Que c'est �mouvant ! Quelle mise en
sc�ne ! Quelles... pom... pompes !
GEORGES
Celles du cur� ?
Georges pointe du doigt, et on d�couvre le cur� de dos, habill� de
sa chasuble. La cam�ra descend, et nous montre que le cur� a mis
une chaussure noire, et une chaussure marron.
Am�lie s'avance vers le banc situ� de l'autre c�t� de l'all�e
centrale par rapport � Georges. Y sont assises la marquise et
Diane, chacune un missel dans les mains. Derri�re elles, la
famille Passereau. Am�lie pousse sa grand-m�re, pour s'assoir �
c�t� d'elle. Les deux femmes se d�calent, et on d�couvre Jeanne,
assise derri�re la console de l'harmonium.
AMELIE
Vous savez la nouvelle ?
LA MARQUISE
Tu crois de nouveau en Dieu ?
AMELIE
On a vol� la banque de M�con.
DIANE
On le sait : le cur� a fait son sermon la-dessus.
AMELIE
Il vous a dit qu'il y a cent millions ?
LA MARQUISE
Cent millions ?
AMELIE
Et ils sont chez nous.
LA MARQUISE
Qu'est-ce que tu chantes ?
AMELIE
Dans une mallette.
LA MARQUISE
R�p�te !
Georges essaie d'�couter, intrigu�, la conversation chuchot�e de
ses femmes.
AMELIE
Les cent millions sont chez nous !
LA MARQUISE
J'aime pas les plaisanteries, Am�lie.
AMELIE
J'te jure, c'est vrai. Et savez-vous qui a fait le coup ?
LA MARQUISE
J'y vois la marque de l'audace anglo-saxonne... le Glasgow-
Londres !
AMELIE
Non, pas du tout ! C'est l'excellence d'hier soir.
LA MARQUISE
L'excellence ?
AMELIE
Oui. Le baron C�sar. Il est revenu. Et j'ai tout vu. Et il
ne sait pas que je sais.
LA MARQUISE
Un bandit sous mon toit, �a, c'est le comble ! Qu'on vole,
soit, mais qu'on aille faire ses salet�s ailleurs ! Je vais
de ce pas � la gendarmerie.
La marquise se l�ve. Georges traverse l'all�e, fait un signe de
croix, et vient se mettre � genoux � c�t� d'Am�lie. La marquise
s'est rassise.
GEORGES
Qu'est-ce qu'il se passe ?
Diane se l�ve pour parler � son mari.
DIANE
Les cent millions de la banque de M�con sont au ch�teau
avec le baron C�sar, qui a fait le coup.
La marquise pousse sa fille, qui se rassoit.
LA MARQUISE
J'ai r�fl�chi. C'est peut-�tre une �preuve que Dieu
m'envoie. Il est chez nous, tu es s�re ?
AMELIE
Je te l'ai dit.
La marquise crie :
LA MARQUISE
On garde le fric !
Le cur� sursaute et se retourne. Diane et sa m�re reprennent leur
missel, et miment une attitude tr�s pieuse et concentr�e.
GEORGES
D�cid�ment, c'est de la folie !
LA MARQUISE
Je suis de plus en plus s�re que c'est un signe du ciel.
L'argent vient sous mon toit : je dois en profiter.
Georges, vous allez pouvoir commander l'entrepreneur.
GEORGES
Et vous croyez que C�sar se laissera faire ?
LA MARQUISE
Ohhh ! Il me braque entre les yeux son arme, je le prends
de vitesse et... CRAC ! Ah ! Ah !
Elle a cri� son � Crac ! �, ce qui incite de nouveau le cur� � se
retourner. Jeanne, aussi, semble intrigu�e par ses manifestations
vocales insolites de la marquise.
GEORGES
Quoi, crac ?
LA MARQUISE
Je le supprime !
AMELIE
Un homme comme lui !
LA MARQUISE
J'ai dit : crac !
DIANE
Mais, maman, mais en douceur alors !
LA MARQUISE
�videmment... Poison, sabre, fusil de chasse... enfin, on a
le choix !
GEORGES
Un meurtre !
LA MARQUISE
Une l�gitime d�fense ! Ah, il me menace, et bien, il va
voir ! Allez, mes enfants, allez en route, et... et n'ayons
l'air de rien... Hein ?
LA MARQUISE, JEANNE, AMELIE, DIANE, GEORGES
Aaaaamen !...
Ils sortent tous les quatre de leur banc dans une attitude
faussement pieuse. Jeanne les regarde partit la bouche ouverte.
AMELIE
Et Jeanne ?
LA MARQUISE
Pas un mot � Jeanne : elle est trop sensible.
Les uns apr�s les autres, il sortent du banc, font une l�g�re
g�nuflexion, un signe de croix et s'�loignent vers la sortie. La
marquise fait un signe de la main � Jeanne.
LA MARQUISE
Non, non, non... reste, reste ! Continue ! Mais c'est
rien !
Jeanne hoche la t�te et se remet � jouer de l'harmonium. Cookie
suit des yeux la marquise et sa famille qui sortent de l'�glise.
Elle donne une bourrage � Jean-Jacques.
COOKIE
Ils en ont marre ! Ils se tirent ! On en fait autant ?
JEAN-JACQUES
Ohhh ! Toutes les beaut�s t'�chapperont, m�me celles du
culte ! Laisse-moi prier.
Les mains jointes, il s'agenouille sur son prie-Dieu. Cookie hoche
la t�te.
La musique religieuse, que Jeanne joue � l'harmonium, continue �
se faire entendre au changement de sc�ne suivant.
CHATEAU - PARC - EXTERIEUR JOUR
La marquise marche d'un pas rapide, suivie de sa famille.
CHATEAU - COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR JOUR
La marquise et sa famille passe sous la voute d'entr�e du ch�teau.
La petite troupe s'arr�te net. La musique aussi.
FIN DE LA MUSIQUE
LA MARQUISE
�a y est, mes enfants, on est refait !
On d�couvre, devant le perron du ch�teau, une camionnette de
gendarmerie, une DS noire, trois gendarmes et un policier en
civil. Un autre gendarme, et un autre policier en civil sont
positionn�s de part et d'autre de la porte d'entr�e du ch�teau.
LA MARQUISE
La police nous a grill�s !
GEORGES
Ils ont parfois des antennes !
La marquise lance son ombrelle et la rattrape par le milieu.
LA MARQUISE
Allons-y !
Elle s'�lance d'un pas d�cid�, suivie de sa famille.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
Le commissaire feuill�te l'un des registres du ch�teau. Il jette
un regard furtif sur le tableau de la femme nue dans une pose
lascive.
On entend, au loin, la voix de la marquise.
LA MARQUISE
O� il est, ce commissaire ? Bonjour, bonjour ! Alors, c'est
maintenant que vous arrivez, quand mon ch�teau est envahi
par la p�gre !
La marquise entre et se dirige vers le commissaire qui, en
entendant la voix de la marquise, a referm� le registre et s'est
retourn�.
LA MARQUISE
Ah ! Monsieur le commissaire ! J'en �tais s�re, cet homme
m'a toujours paru louche !
LE COMMISSAIRE
Qui �a, madame ?
LA MARQUISE
Ben, le hold-up, l�, cette canaille... o� est-il ?
LE COMMISSAIRE
J'allais vous poser la question.
LA MARQUISE
Ahhh ! Parce que vous ne l'avez pas �pingl� ? Un moment, je
vous prie...
La marquise quitte le commissaire et se dirige vers le vestibule.
Georges et Diane sont assis sur le canap�, et Am�lie est assise
sur leurs genoux, les fesses sur les genoux de Georges, et les
jambes sur ceux de Diane. Ils ont, tous les trois, une cigarette
au bec. La marquise passe devant eux, d'un pas rapide et d�cid�,
et se dirige vers la porte arri�re du ch�teau.
CHATEAU - TERRASSE ARRIERE - EXTERIEUR JOUR
La marquise apparait sur la terrasse. Elle regarde alentours. Elle
aper�oit quelque chose qui l'incite � descendre l'escalier.
CHATEAU - PARC - BASSIN ROND - EXTERIEUR JOUR
Pr�s du bassin en pierre, M. Patin et M. Passereau sont en train
de jouer � la p�tanque.
M. PATIN
M�me les boules de p�tanque n'ont plus leur qualit�
d'autrefois. Je n'ose plus plomber, j'en ai fendues deux en
six mois.
La marquise s'approche d'eux. Elle chuchote :
LA MARQUISE
O� est-il ?
M. PATIN
Qui ?
LA MARQUISE
Et bien, notre ami, le baron C�sar.
M. PATIN
H�, h�, oui ! D�s le matin, une fleur � la boutonni�re ! A
ce propos, il en a vol� une dans le massif.
LA MARQUISE
Oui, oui, bref, enfin... o� est-il ? Moi, je ne vois rien.
M. PATIN
L�-bas...
LA MARQUISE
Mes jumelles...
La marquise se met le parapluie sous le bras et revient vers le
ch�teau.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
La marquise repasse devant le canap� sur lequel sont toujours
assis Diane, Georges et Am�lie. Elle passe aussi devant le
commissaire, un peu �berlu�.
LA MARQUISE
Excusez-moi... J'ai laiss� quelque chose... sur le feu !
Elle prend une paire de jumelles sur une �tag�re.
LA MARQUISE
Pardon...
La marquise s'�loigne, ses jumelles � la main. Elle repasse devant
le canap�, o� les trois personnes assises la regardent, eux aussi
un peu intrigu�s.
CHATEAU - TERRASSE ARRI�RE - EXTERIEUR JOUR
La marquise arrive sur la terrasse, et porte les jumelles � ses
yeux. Elle cherche un peu, puis s'arr�te net.
LA MARQUISE
Oh ! Le malheureux, il revient !
CHATEAU - PARC - UNE PRAIRIE - EXTERIEUR JOUR
Vu � travers les jumelles de la marquise. Dans une prairie
derri�re le ch�teau, C�sar marche � pas pr�cautionneux, portant
toujours sa mallette.
MUSIQUE. Th�me de C�sar.
LA MARQUISE
Il se jette dans la gueule du loup.
CHATEAU - TERRASSE ARRIERE - EXTERIEUR JOUR
La marquise quitte ses jumelles, a un mouvement agac�, puis rentre
vivement dans le ch�teau.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
La marquise se plante entre ses enfants, toujours assis sur le
canap�, et le commissaire.
LA MARQUISE
Vous ne sentez pas le br�l� ?
Le commissaire renifle.
LE COMMISSAIRE
Non !
DIANE, GEORGES & AMELIE
Non !
La marquise tape du pied en regardant fixement ses enfants.
DIANE, GEORGES & AMELIE
Euh, euh... Si !
La marquise fait signe � Diane la suivre.
LA MARQUISE
Allez, viens !
Diane quitte le canap�, et portant toujours son ombrelle, suit sa
m�re.
CHATEAU - TERRASSE ARRIERE - EXTERIEUR JOUR
La marquise et Diane arrive sur la terrasse. Diane a toujours sa
cigarette � la main.
Dans le Th�me de C�sar, une fl�te se joint � l'accord�on.
LA MARQUISE
Retiens C�sar par n'importe quel moyen.
DIANE
N'importe lequel ?
LA MARQUISE
Oui, oui, oui... Et ne crains rien : Georges veille.
Georges !
Diane �crase sa cigarette sur la terrasse, puis descend les
marches. On voit, derri�re la marquise, Georges, la cigarette au
bec, qui se l�ve � son tour et se dirige vers la terrasse. La
marquise a repris ses jumelles. Lorsque Georges arrive � c�t�
d'elle, elle lui tend les jumelles.
LA MARQUISE
Ouvrez l'oeil !
Georges regarde autour de lui, avise un fauteuil de jardin �
l'autre bout de la terrasse, et va s'y asseoir. Puis il porte les
jumelles � ses yeux.
CHATEAU - PARC - UNE PRAIRIE - EXTERIEUR JOUR
Vu � travers les jumelles de Georges. Dans la prairie, on aper�oit
Diane qui trottine dans l'herbe, tenant le bord de son chapeau.
Plus loin, C�sar qui marche � grandes enjamb�es. Diane se retourne
vers le ch�teau, et continue � trottiner vers C�sar.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
La marquise s'approche du commissaire. Derri�re elle, Am�lie,
seule maintenant sur le canap�, continue � fumer, les jambes
pos�es sur l'un des accoudoirs du canap�.
LA MARQUISE
Alors ?... De quoi s'agit-il ?
LE COMMISSAIRE
Nous venons de retirer de la mare la voiture du hold-up,
avec deux cadavres � l'int�rieur.
LA MARQUISE
A la bonne heure !
LE COMMISSAIRE
Comme vous dites. H�las ! Il en manque un. Et un qui
compte. Un �nergum�ne qui a d�j� donn� pas mal de fil �
retordre � la police.
Plan rapproch� sur Am�lie qui regarde vers la terrasse arri�re.
CHATEAU - PARC - UNE PRAIRIE - EXTERIEUR JOUR
C�sar marche, le chapeau � la main, � grandes enjamb�es vers le
tronc d'un gros arbre. Il passe derri�re l'arbre. Derri�re lui, on
aper�oit le ch�teau, Diane et un cheval blanc.
CESAR
Huit... neuf... dix... onze... douze...
Diane court vers C�sar, et C�sar sort du champ de la cam�ra. On
retrouve C�sar qui se dirige vers un sous-bois.
CESAR
Treize... quatorze... quinze...
FIN DE LA MUSIQUE. On n'entend plus que le chant des oiseaux.
Diane arrive pr�s de l'arbre que C�sar vient de d�passer. Elle a
enlev� son chapeau, qu'elle pose par terre. Elle pose aussi son
ombrelle, et se met � genoux. Elle d�gage un peu le haut de sa
robe et s'allonge dans un tas de paille �parpill�e au pied du
tronc.
Retour sur C�sar � l'or�e du sous-bois.
CESAR
Et seize ! Alors, l�, y a plus qu'� attendre ce soir.
Il se retourne.
DIANE
Tiens, vous �tes revenu ?
CESAR
Oh, par exemple... je venais de passer � l'instant. Vous
�tiez l� ?
C�sar se rapproche de Diane.
DIANE
Oui. Je devais dormir.
CESAR
Ah, vous dormiez ?
DIANE
Oui, oui...
CESAR
Et bien continuez, alors... bonne sieste, hein !
Apr�s s'�tre arr�t� un instant devant Diane, toujours couch�e,
C�sar reprend sa marche vers le ch�teau. Diane pousse un cri
DIANE
Ahhh !
C�sar se retourne brusquement.
CESAR
Quoi, qu'est-ce qu'il y a ?
DIANE
Une fourmi !
CESAR
Une fourmi ! Mais o� ?
DIANE
Oui, l�...
C�sar revient vers Diane. Il pose sa mallette et son chapeau dans
l'herbe. Diane se retourne et se met � quatre pattes pour
pr�senter son dos - et sa croupe ! - � C�sar. C�sar se met �
genoux derri�re elle. Il avance ses mains vers le dos de Diane.
CESAR
Une fourmi ? Dites donc, elle doit �tre �norme, cette
fourmi !
DIANE
�a chatouille !
CESAR
Mais, mais o� �a ?
DIANE
D'un ton d�cid�.
Plus bas.
C�sar la regarde fixement.
CESAR
Plus bas ?
DIANE
Plus bas.
CESAR
Plus bas ?
DIANE
Plus bas.
C�sar donne une grande claque sur les fesses de Diane.
CESAR
Oh la friponne petite fourmi ! Oh-oh !...
CHATEAU - TERRASSE ARRIERE - EXTERIEUR JOUR
Georges, toujours assis sur son fauteuil, observe la sc�ne � la
jumelle. Il reste impassible.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
La marquise enl�ve son chapeau, et r�ajuste sa coiffure en se
regardant dans un miroir accroch� au mur.
LE COMMISSAIRE
Et il est parti avec le montant du vol.
LA MARQUISE
Il faut le rattraper.
Elle tend son chapeau au commissaire, sans le regarder, et en
continuant � se regarder dans le miroir et � remettre sa coiffure
en place.
LE COMMISSAIRE
Mais �a ne saurait tarder : les routes sont bloqu�es. Il
est encore dans le canton.
La marquise se tourne vers le commissaire, et hausse les �paules.
LA MARQUISE
Ben, qu'est-ce que vous faites l� ?
LE COMMISSAIRE
J'y arrive...
Il rend son chapeau � la marquise, et fouille dans sa poche.
LE COMMISSAIRE
Nous avons trouv�, dans le coffret � gants, cette
facture...
La marquise pose son chapeau sur un coffre pr�s d'une fen�tre. Le
commissaire sort un papier de sa poche. Il le d�plie.
LE COMMISSAIRE
... � votre en-t�te, prouvant, d'une fa�on formelle, la
pr�sence de cet individu dans votre h�tel la nuit derni�re.
Plan moyen sur Am�lie qui observe la sc�ne d'un air intrigu�.
Retour sur la marquise et le commissaire.
LA MARQUISE
Mais je me tue � vous le dire... Il portait �a sur sa
figure. Gr�l�, le petit oeil, enfin mauvais genre.
Gros plan sur Am�lie, sur le canap� dans le vestibule, qui sourit,
puis retour sur la marquise et le commissaire.
LE COMMISSAIRE
Alors pourquoi ne pas vous �tre tu�, ce matin, � le dire �
nos gendarmes ?
Sourire d'Am�lie.
LA MARQUISE
Pardon ?
LE COMMISSAIRE
Pourquoi avez-vous menti ce matin ?
LA MARQUISE
Moi ?!
CHATEAU - VESTIBULE - INTERIEUR JOUR
Gros plan sur Am�lie, l'air soudain alarm�. Un gendarme - celui
qui a parl� � Am�lie quelque temps plus t�t - entre par la porte
ouverte.
UN GENDARME
Attendez, excusez-moi. C'est pas madame la marquise, c'est
madame la baronne.
Il d�signe Am�lie.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
La marquise prend l'air s�v�re et regarde d'Am�lie.
LA MARQUISE
Am�lie... Am�lie vous a menti ? Am�lie... Tu as menti � la
gendarmerie ?
CHATEAU - VESTIBULE - INTERIEUR JOUR
AMELIE
Moi ?
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
LA MARQUISE
Oui, toi.
CHATEAU - VESTIBULE - INTERIEUR JOUR
AMELIE
Non, grand-m�re.
La marquise entre dans le vestibule.
LA MARQUISE
Am�lie...
La marquise se rapproche de sa petite-fille.
UN GENDARME
Pourtant, madame la baronne, vous m'avez dit, y a pas deux
heures, que vous n'aviez pas vu trois individus, un gros
bedonnant, un petit noiraud, et un grand brun de quarante-
cinq ans.
Am�lie prend l'air faussement paniqu�.
LE COMMISSAIRE
C'est ce dernier qui nous manque.
AMELIE
Ahhh !...
LA MARQUISE
Viens ici.
Am�lie se l�ve.
LA MARQUISE
Regarde-moi.
La marquise fait un clin d'oeil � Am�lie, qui esquisse un sourire
furtif, puis reprend imm�diatement son air grave et faussement
contrit.
LA MARQUISE
Ah, tu ne l'as pas vu ?... Petite grue, tu le caches,
hein ? Elle le cache, j'en suis s�re... Non, mais �coutez,
j'ai tout compris, monsieur le commissaire. Oh, je connais
ce genre de s�ducteur. Fleur � la boutonni�re, moustache de
velours, et puis vous vous retrouvez � Caracas. On �l�ve
trop les filles dans les principes. Alors elles gardent une
�me de communiante dans... dans un corps de Messaline,
quoi, enfin voyez vous-m�me...
En disant ces mots, la marquise dessine, des mains, les formes
harmonieuses d'Am�lie, moul�es dans son petit haut.
LA MARQUISE
Allez, avoue-le moi : o� est-il ?
AMELIE
Je ne sais pas, je te le jure, m�m� !
LA MARQUISE
Ah, m'appelle pas "m�m�" ! Oh, c'est une t�te de mule,
comme moi. Elle dira rien.
AMELIE
J'te l'jure ! Il est parti, alors j'ai rien dit parce qu'il
m'a demand� de ne rien dire. J'sais pas o� il est, j'te
l'jure sur ta t�te, m�m� !
LA MARQUISE
Et bien, monte dans ta chambre, va, t'auras de mes
nouvelles.
Am�lie s'�loigne. La marquise hausse les �paules.
LA MARQUISE
M�m� ! Euh... oui, voyons, qu'est-ce que nous disions
donc ? Ah oui, et bien cette canaille... H� ben, allez,
allez, allez, faut la retrouver. Fouillez chambre par
chambre... Allez, allez, allez, allez !
Elle pousse le commissaire, le gendarme, et l'inspecteur en civil,
toujours plant� devant la porte.
LE COMMISSAIRE
Oh, vous savez...
LA MARQUISE
Non, non, non, non, pas de satyre dans mes couloirs, non !
Les trois hommes d�barrasse le coffre pr�s de la fen�tre pour en
soulever le couvercle. La marquise s'�loigne.
CHATEAU - TERRASSE ARRIERE - EXTERIEUR JOUR
La marquise p�n�tre sur la terrasse, et se dirige, d'un pas
d�cid�, vers Georges, toujours assis sur son fauteuil. Il lui tend
les jumelles. Elle les prend et les porte � ses yeux.
MUSIQUE. Th�me du ch�teau. Orchestre de chambre. Musique douce et
reposante.
CHATEAU - PARC - UNE PRAIRIE - EXTERIEUR JOUR
Vu � travers les jumelles de la marquise. On aper�oit, dans la
prairie, Diane et C�sar en train de batifoler dans l'herbe.
CHATEAU - TERRASSE ARRIERE - EXTERIEUR JOUR
LA MARQUISE
La brave fille ! Georges, vous avez une femme �patante !
Elle lui rend les jumelles, et revient vers le ch�teau. Georges,
toujours aussi calme, reprend les jumelles, et continue son
observation.
CHATEAU - COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR JOUR
La marquise raccompagne le commissaire.
LE COMMISSAIRE
En tous cas, ch�re madame, rassurez-vous, je renforce la
surveillance autour du ch�teau.
Ils marquent un temps d'arr�t devant la porte.
LA MARQUISE
Oh merci, � mon avis, il doit �tre loin. Mais je ne pensais
pas me faire un ami dans la mondaine.
LE COMMISSAIRE
Mes respects, ch�re madame.
Il baise la main de la marquise, qui se laisse faire, un petit
sourire aux l�vres.
Les policiers remontent dans leurs v�hicules, qui se mettent en
marche. La marquise quitte son sourire de circonstances, et se
pr�cipite � l'int�rieur du ch�teau.
CHATEAU - TERRASSE ARRIERE - EXTERIEUR JOUR
La marquise court vers Georges.
LA MARQUISE
Alors ?
GEORGES
Trop tard, je pense.
Il lui passe les jumelles.
LA MARQUISE
Ciel !
Elle revient vers la porte du ch�teau, et tire vivement sur le
cordon de la cloche qui retentit.
CHATEAU - PARC - UNE PRAIRIE - EXTERIEUR JOUR
C�sar et Diane sont toujours allong�s dans l'herbe. Au son de la
cloche, Diane sursaute et se redresse. Elle est un tantinet
d�braill�e.
DIANE
La cloche !
FIN DE LA MUSIQUE
Elle se rel�ve. C�sar se met � genoux � c�t� d'elle.
CESAR
Quoi, qu� cloche ? Qu'est-ce qu'il y a encore ?
DIANE
L'heure du d�jeuner !
Diane est maintenant debout et r�ajuste sa robe. C�sar se l�ve �
son tour.
CESAR
Mais quel d�jeuner ?
DIANE
Aidez-moi... Aidez-moi... Aidez-moi... Aidez-moi !
Diane se penche pour ramasser son chapeau, et C�sar tente,
maladroitement, de ragrafer sa robe.
CESAR
Mais �coutez, moi, les robes, d'habitude, je les d�grafe,
je les agrafe pas !
Une vache passe en trottinant entre eux et le ch�teau.
DIANE
Ohhh ! Un peu de patience, s'il vous plait !
CESAR
Patience... Patience ! Quand je bous au fond, que je
chancelle !
Il ramasse son chapeau et sa mallette. Diane part en courant vers
le ch�teau. Elle envoie un dernier baiser � C�sar.
DIANE
Ce soir !
CESAR
Ce soir... ce soir ! Tu parles ! On �tait bien l� ! Qu�
� ce soir � !... Ce soir ! Toujours ce soir !
Il embo�te le pas � Diane, mais d'une d�marche plus pos�e.
CHATEAU - TERRASSE - EXTERIEUR JOUR
La marquise observe la sc�ne � la jumelle.
LA MARQUISE
Parfait ! Georges !
Georges s'approche de sa belle-m�re.
LA MARQUISE
Les parasols, l'ap�ritif. O� sont les insecticides ?
GEORGES
Dans la serre, sous les tablettes... Pourquoi ?
LA MARQUISE
Ohh ! Vous le demandez ! La police peut repasser. C�sar ne
tombera pas dans ses mains, ni lui, ni son magot. Nous
l'avons d�cid� � la messe !
La marquise s'�loigne en rasant le mur du ch�teau, suivi de
Georges, toujours sa cigarette au bec. Ils ont des airs de
conspirateurs de films de s�rie B.
CHATEAU - SERRES - INTERIEUR JOUR
Gros plan sur les mains de la marquise. Une main tient une
sauci�re ancienne en cuivre, avec un fin bec verseur en col de
cygne, et l'autre, une cuill�re. Avec la cuill�re, elle verse,
dans la sauci�re, une poudre provenant d'une bo�te que Georges
tient � la main.
LA MARQUISE
Vive le son, vive le son... Dansons la Carmagnole. Vive le
son du canon...
La cam�ra s'�loigne, d�couvrant la marquise et Georges en plan
moyen. Derri�re eux, dans un d�cor un peu d�labr�, des pots de
fleur sur des �tag�res.
GEORGES
Faites attention ! C'est ce que nous avons de plus
dangereux.
LA MARQUISE
Et bien, tant mieux, tant mieux ! J'en mets quoi ?... Oh...
ben, douze cuill�res !
GEORGES
Y a de quoi tuer un boeuf !
LA MARQUISE
Ahhh ! Il est costaud, hein ! Vous l'avez vu.
La marquise arr�te de remplir la sauci�re, d�pose la cuill�re dans
la bo�te, et se dirige vers la fen�tre. On aper�oit C�sar et Diane
qui reviennent.
LA MARQUISE
Dans la croquette, il sentira rien ! Dans la croquette...
sentira rien... sentira rien...
Elle chantonne ces derniers mots sur l'aire de la Carmagnole.
CHATEAU - PARC - ABORD DES SERRES - EXTERIEUR JOUR
C�sar, tenant son chapeau d'une main et sa mallette de l'autre,
arrive d'un pas rapide. Diane trottine � ses c�t�s en tenant son
chapeau d'une main. La marquise, sa sauci�re � la main, suivie de
Georges, sort de la r�serve du jardinier.
LA MARQUISE
Ah ! Ah ! Le baron C�sar et ma petite Diane. On a l'air de
s'entendre, � ce que je vois.
CESAR
Marquise, votre demeure est un d�dale d'enchantements !
LA MARQUISE
Mais pourquoi tra�nez-vous toujours cette mallette ? Diane,
va donc porter �a dans sa chambre.
CESAR
Non, non, non, non... J'ai l�-dedans des souvenirs plus
chers que l'existence. J'y tiens, vous savez.
LA MARQUISE
Mais j'ai un coffre.
CESAR
Qu'est-ce que j'entends ?
LA MARQUISE
Mais oui.
CESAR
Un coffre ?
LA MARQUISE
Mais oui, un coffre.
Ils s'�loignent tous les deux en pronon�ant des paroles
incompr�hensibles (On reconna�t n�anmoins le mot � coffre �). La
marquise tient sa sauci�re dans le dos.
Georges s'approche de Diane, l'air grave, et lui donne une petite
claque sur la joue. Diane semble au bord des larmes. Georges prend
Diane par les �paules et ils embo�tent le pas � C�sar et � la
marquise, qui sont toujours en train de deviser. On entend la
marquise �clater de rire.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
C�sar et la marquise arrivent du vestibule. La marquise, le bras
pass� dans celui de C�sar, est toujours en train de rire, mais
elle tient toujours aussi sa sauci�re derri�re son dos.
LA MARQUISE
Ah ! Ce qu'il est dr�le !
Diane et Georges apparaissent derri�re le premier couple.
La marquise chuchote, en se tournant derri�re elle :
LA MARQUISE
Georges !...
Georges se pr�cipite et prend la sauci�re de la main de la
marquise, qui continue son chemin au bras de C�sar.
LA MARQUISE
Oui, c'est par l�.
Elle montre une porte derri�re le bureau. On aper�oit, derri�re
eux, Diane et Georges qui montent l'escalier.
CESAR
Ah, bon.
LA MARQUISE
Oui.
CHATEAU - UN BOUDOIR - INTERIEUR JOUR
Entrent C�sar et la marquise. Ils se dirigent vers un coffre de la
taille d'une petite armoire. Sur le coffre, deux objets en �tain,
un vase et une petite statuette mont�e sur un gros socle. La
marquise soul�ve la petite statuette, et extrait une clef cach�e
sous le socle.
CESAR
Ah, ah !! Ah, ah !!
La marquise sourit.
LA MARQUISE
Mais... chhhut !
Elle met un doigt sur sa bouche.
CESAR
Oh, non, non.
LA MARQUISE
C'est un tr�s beau coffre.
Elle se penche et met la clef dans la serrure.
LA MARQUISE
Mon d�funt mari, le marquis, l'aimait beaucoup.
Elle ouvre la porte du coffre
LA MARQUISE
L�...
C�sar place sa mallette dans le coffre.
CESAR
Voil�.
La marquise ajuste la mallette dans le coffre.
LA MARQUISE
Tr�s bien.
Elle referme la porte du coffre
LA MARQUISE
Le pauvre, mon Dieu, qu'il a souffert ! Mais c'est un tr�s
beau coffre.
Au moment o� la marquise se rel�ve, C�sar lui prend la clef des
mains.
LA MARQUISE
Vous n'avez pas confiance ?
CESAR
Oh, madame...
Il renifle, tout en mettant la clef dans une petite poche de son
gilet.
CESAR
Ffff !... Oh, �a sent bon par l�.
LA MARQUISE
Ah, vous trouvez ?
CHATEAU - CUISINES - INTERIEUR JOUR
Gros plan sur le dessus de la cuisini�re, transform� en table. Des
biscuits dans des assiettes, une assiette en argent, de la salade
dans un bol, et au premier plan, un r�cipient de verre contenant
trois croquettes. Georges, en manche de chemise, place une
croquette sur une feuille de salade, au centre d'un grand plateau
ovale en argent. Il se pr�pare � verser le contenu de la fameuse
sauci�re en cuivre sur la croquette, lorsque la cam�ra s'�loigne,
et on d�couvre C�sar qui vient d'entrer.
CESAR
Ohhh ! La mignonnette !
Georges repose la sauci�re, avec l'air d'un gamin pris en faute.
CESAR
Toute petite, h� !
Il met ses gants dans son chapeau et tend le tout � Georges
CESAR
Mais �a fait rien : tout est dans la pr�sentation.
Il prend le plateau et s'�loigne avec.
CESAR
�ternel probl�me du fond et de la forme. Mais donnez-moi
deux minutes, vous allez voir.
Il pose le plateau sur une table, et prend une nappe en papier.
CESAR
Ah, ah, ah !
Il commence � d�chirer la nappe en deux, en jette une moiti�, et
commence � plier l'autre. Georges et la marquise le regardent,
l'air intrigu�.
GEORGES
J'ai... j'ai l'impression que vous �tes un ma�tre-queue.
C�sar claque des mains. Il a d�j� dispos� les morceaux de la nappe
en papier, �l�gamment pli�s, de part et d'autre du plateau.
CESAR
Les fourneaux, c'est mon berceau. J'ai d�but� dans les
sauces. Je veux dire...
Il prend de la salade qu'il commence � disposer sur le plateau.
CESAR
... l'�ducation anglaise : les travaux les plus rudes, et
les �tudes les plus raffin�es.
Il coupe des rondelles de concombre.
CESAR
Time is money !
On voit, en gros plan, les rondelles de concombre qui viennent se
disposer autour de la salade, avec une pr�cision incroyable.
CESAR
H�, h�... Time is money !
La marquise semble de plus en plus intrigu�e, Georges, lui, semble
r�sign�.
CESAR
La couronne de concombre.
C�sar dispose deux tomates, d�coup�es en forme de rose de chaque
c�t� du plateau.
CESAR
Et maintenant les deux pommes d'amour qui l'accompagnent.
Voil�. Voil�...
Il dispose quatre citron �l�gamment pel� autour de la salade.
CESAR
Regardez-moi ce tr�ne. Quelle majest� !
Finalement, il place la croquette sur un feuillet� au milieu de la
pile centrale de salade. Il place d�licatement la petite touche
finale, une olive sur la croquette. Puis il rapporte le plateau
vers la cuisini�re.
CESAR
C'est pourquoi, la cuisine, c'est mon domaine.
Il prend, au passage, une bouteille de Cognac.
CESAR
Entre autres...
Il pose le plateau sur la table, entre la marquise et Georges, qui
tient toujours le chapeau de C�sar.
CESAR
Et maintenant le gla�age flamb�.
Il verse un peu de Cognac sur la croquette. Puis il craque une
allumette.
CESAR
Car je vais vous dire une bonne chose : tout est dans le
gla�age.
Il met le feu � la croquette, qui s'enflamme. Il pose la bo�te
d'allumette et ramasse la sauci�re.
CESAR
Ce sont les �pices ?
GEORGES
Oui... En quelque sorte...
LA MARQUISE
Oui, oui, oui... Parfaitement... C'est une recette � moi.
CESAR
Op�ration d�licate.
Il verse lentement un peu du contenu de la sauci�re sur la
croquette, toujours en train de flamber. Une tr�s l�g�re explosion
se produit, le lit de salade s'�croule, et une �paisse fum�e
s'�chappe du plateau. Les trois personnages se penchent lentement
sur la croquette.
CESAR
Bon... ben j'ai perdu la main.
Il pose la sauci�re, prend son chapeau des mains de Georges, et
sort pr�cipitamment de la cuisine, visiblement vex�. La marquise
le regarde partir, puis prend la sauci�re qu'elle agite
l�g�rement.
LA MARQUISE
Dieu soit lou�, il en reste. On le mettra dans le caf�.
J'ai perdu une bataille, mais pas la guerre. Moral... et
tactique. �chec � la premi�re offensive... je lance la
seconde, avec une pr�paration d'artillerie !
CHATEAU - CHAMBRE D'AMELIE - INTERIEUR JOUR
Georges est assis par terre derri�re une balustrade qui divise la
pi�ce en deux. Les mains gant�es, il est en train de casser le
carrelage avec un burin et un marteau.
Le bassin rond, vu de la chambre d'Am�lie.
A c�t� du bassin, cinq petites tables ont �t� dress�es, abrit�es
par des parasols. La premi�re est vide. Autour de la seconde, la
famille Passereau est rassembl�e. C�sar est seul � la troisi�me. A
la quatri�me, Cookie et Jean-Jacques. Enfin, tout seul � la
cinqui�me, un peu �loign�e des autres, Monsieur Patin. Les su�dois
courent vers le bassin et plongent dedans.
La cam�ra fait un zoom arri�re, et on entend les coups de marteau
de Georges. Puis on d�couvre la marquise qui regarde le spectacle
par la fen�tre. Elle s'�loigne de la fen�tre.
LA MARQUISE
Georges !
Elle s'accroupit devant un �lectrophone install� � c�t� de la
fen�tre.
LA MARQUISE
Que pr�f�rez-vous ? Richard Wagner ou les Beatles ?
Georges est en train de replacer ses outils entre ses main.
GEORGES
Oh ! J'ai assez de mal avec le dallage. Vous �tes s�re que
le poison ne suffit pas ?
LA MARQUISE
Deux pr�cautions valent mieux qu'une.
La marquise longe la balustrade, et passe de l'autre c�t�, pour
venir � c�t� de Georges.
LA MARQUISE
Je r�capitule. En bas, nous jouons au poker. ici, vous
faites tonner Wagner.
Elle s'assoit sur un canap� � c�t� de Georges. Canap� sur lequel
est d�j� pos� le chapeau de Georges.
LA MARQUISE
En bas, �a m'�nerve. Je cogne avec un balai. Vous l�chez
imm�diatement. Crac ! Allez, je descends, on r�p�te.
Elle se l�ve et sort de la pi�ce. Georges recommence � taper.
CHATEAU - UN PETIT SALON - INTERIEUR JOUR
La marquise entre, un balai d'une main, et un escabeau de bois de
l'autre. On entend distinctement les coups frapp�s par Georges. La
marquise installe son escabeau
CHATEAU - CHAMBRE D'AMELIE - INTERIEUR JOUR
Georges, qui a dispos� l'�lectrophone sur le canap� de son c�t� de
la balustrade, d�place le bras du tourne-disque.
MUSIQUE. Le th�me des Walkyrie de Wagner retentit.
CHATEAU - UN PETIT SALON - INTERIEUR JOUR
La marquise monte sur son escabeau, prend le balai par la brosse,
et, avec l'extr�mit� du manche, tape sur le plafond.
CHATEAU - CHAMBRE D'AMELIE - INTERIEUR JOUR
Georges se penche sur le trou qu'il a commenc� � creuser dans le
dallage.
GEORGES
J'entends, ma m�re !
CHATEAU - UN PETIT SALON - INTERIEUR JOUR
La marquise redescend de son escabeau, pose son balai � c�t�, et
s'approche de la table de bridge qui tr�ne au milieu du salon.
Elle calcule l'impact de la pointe du lustre lorsqu'il tombera.
CHATEAU - CHAMBRE D'AMELIE - INTERIEUR JOUR
En mesure avec la musique de Wagner, Georges remet les gravats
dans le trou.
CHATEAU - UN PETIT SALON - INTERIEUR JOUR
La marquise place une chaise pour qu'elle se trouve juste sous le
lustre.
CHATEAU - CHAMBRE D'AMELIE - INTERIEUR JOUR
Georges continue � remettre les gravats dans le trou. Panoramique
vers l'entr�e de la chambre. Charlie entre, son blouson sur
l'�paule. Il pose son blouson sur le lit, et commence � enlever
son jeans. On voit Georges � travers les montants de la
balustrade. Georges rel�ve la t�te.
GEORGES
Ah ! Charlie !
Charlie, qui a le pantalon en bas des pieds, se tourne vers
Georges.
CHARLIE
Oh, monsieur le comte...
Georges lui sourit.
GEORGES
H� oui... On rebouche les trous.
Charlie commence � remonter son pantalon.
CHARLIE
C'est comme moi, j'ai un trou � mon pantalon. Je vais le
recoudre.
On entend la voix de la marquise par-dessus la musique de Wagner.
LA MARQUISE
Georges !
Georges se penche sur le trou.
GEORGES
J'entends, ma m�re ! Mais c'est que j'ai � c�t� de moi
Charlie.
CHATEAU - UN PETIT SALON - INTERIEUR JOUR
La marquise regarde vers le plafond. Elle a dispos� des cartes en
�ventail sur la table de bridge.
LA MARQUISE
Dans la chambre d'Am�lie ?
CHATEAU - CHAMBRE D'AMELIE - INTERIEUR JOUR
Georges est toujours pench� sur le trou.
GEORGES
Oui, parce qu'il a quitt� son pantalon.
Charlie finit de reboutonner son jeans.
CHATEAU - UN PETIT SALON - INTERIEUR JOUR
LA MARQUISE
Et Am�lie ?
CHATEAU - CHAMBRE D'AMELIE - INTERIEUR JOUR
Charlie a fini de remettre son pantalon, et il ramasse son
blouson.
GEORGES
Une seconde... J'y vais.
Georges se rel�ve, passe derri�re Charlie m�dus�, et s'approche de
la fen�tre ouverte.
GEORGES
Am�lie !... Viens recoudre imm�diatement le pantalon de
Charlie !
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
Charlie descend quatre � quatre l'escalier, se cache derri�re un
pilier, regarde � droite et � gauche, puis se dirige vers le
vestibule et ...
CHATEAU - VESTIBULE - INTERIEUR JOUR
... et la porte arri�re du ch�teau. Entre Am�lie portant un
plateau charg� de vaisselle. Charlie se cache derri�re l'armure.
CHARLIE
Ohhh ! J'les retiens, tes rendez-vous ! J'arrive dans ta
chambre, j'tombe sur ton p�re en chemise !
AMELIE
Papa est en chemise ?
CHARLIE
Non !... Moi !
La marquise entre dans le vestibule.
LA MARQUISE
Am�lie... Am�lie, cesse de harceler notre ami. Allez jouer
ailleurs tous les deux.
AMELIE
Viens, toi !
La marquise les regarde s'�loigner avec un petit sourire en mi-
teinte. Puis elle se dirige vers la porte ouverte, l'air songeur.
CHATEAU - PARC - BASSIN ROND - EXTERIEUR JOUR
Les tables sont vides. Un su�dois fait des looping sur la barre
fixe plant�e derri�re le bassin. Panoramique qui nous fait
d�couvrir Monsieur Patin, Monsieur Passereau et Jean-Jacques en
train de jouer au croquet, puis un groupe de femmes autour de
C�sar assis sur une chaise.
Plan moyen de Jeanne appuy�e sur un gros vase de pierre, orn� de
t�tes de lion. Elle se d�place, et on d�couvre C�sar assis sur son
fauteuil. Il est en train d'allumer un cigare. A ses pieds, sont
assises Mme Passereau et Cookie. Cookie suce distraitement une
tr�s grande sucette. Jeanne passe derri�re lui, puis s'arr�te.
JEANNE
Et vous avez connu les femmes des �les ?
Il �teint son allumette avant de la jeter.
CESAR
Les anglaises sont admirables.
JEANNE
Non, je veux dire : les �les lointaines.
CESAR
Ahhh ! Les �les lointaines...
Jeanne s'�loigne de nouveau.
CESAR
D�s l'�ge de trois ans, elles sont initi�es � nous
distraire.
Jeanne s'appuie sur un autre vase de pierre.
CESAR
Elles ont une loi, une morale - appelez �a comme vous
voulez - c'est d'�tre au service de l'homme. Alors, � douze
ans, elles sont en pleine possession de leurs moyens, et...
nos corps chantent de toutes parts.
FIN DE LA MUSIQUE de Wagner.
MME PASSEREAU
Et quand elles ont notre �ge ?
CESAR
C'est l� o� notre vieille Europe reprend le flambeau.
MME PASSEREAU
Vous trouvez donc qu'il n'est jamais trop tard ?
CESAR
Jamais...
MME PASSEREAU
Mais nos rides ?
CESAR
Mmmm... �mouvantes. Ce sont les signes de vos peines et de
nos plaisirs. Ah... mesdames, mesdames, comme vous avez d�
vivre.
Dans le fond, les joueurs de croquet. Jeanne, elle, est toujours
appuy�e, songeuse, sur son vase de pierre. Elle en dessine les
formes d'un doigt distrait. C�sar se l�ve et se dirige vers
Jeanne.
Plan moyen sur les joueurs de croquet. Au premier plan, Jean-
Jacques, habill� d'un pantalon et d'un maillot blancs, une
casquette de golf rouge sur le cr�ne, regarde le groupe de femmes
autour de C�sar d'un air intrigu�.
M. PASSEREAU
A vous, monsieur Patin.
M. PATIN
Ben, vous voyez bien que je suis sous la cloche. Quand on
est sous la cloche, � ce jeu-l�, on peut pas continuer.
Jean-Jacques, le maillet � la main, se rapproche des deux autres
joueurs, et plus pr�cis�ment de M. Patin.
JEAN-JACQUES
Qu'est-ce qu'il peut bien leur raconter ?
Au fond, on voit C�sar qui s'est rassis sur son fauteuil.
M. PATIN
Et que voulez-vous raconter avec un accent pareil ?
M. Patin remet ses lunettes dans la poche de poitrine de son
veston, et se met en devoir d'imiter l'accent de C�sar, en faisant
des gestes un peu pr�cieux
M. PATIN
La femme des �les... est un ukul�l�... La femme d'ici est
une guitare.
Il prend le visage de Jean-Jacques dans sa main et se rapproche de
lui.
M. PATIN
Votre myst�re, c'est la courbe.
Jeanne, toujours appuy�e sur son vase, se tourne l�g�rement pour
regarder M. Patin.
M. PATIN
Vous �tes la modulation, l'instrument id�al.
M. Patin a un geste d�sabus�, et retourne vers sa partie de
croquet.
M. PATIN
Et les femmes �coutent �a ! Tiens, quelle honte ! Quelle
piti� !
Il donne un coup de maillet rageur dans sa boule.
JEAN-JACQUES
Mais pourquoi ? C'�tait tr�s beau, tr�s po�tique. Vous
m'avez �mu, Patin. Le myst�re, c'est la courbe.
Il a pos� son maillet, et se rapproche de M. Patin. Il dessiner
une courbe harmonieuse avec ses mains, puis tape sur la poitrine
de M. Patin.
JEAN-JACQUES
J'm'en resservirai !
Il s'�loigne et se tourne vers le ch�teau. Il crie :
JEAN-JACQUES
Et alors, le caf�, on nous oublie !
CHATEAU - UN PETIT SALON - INTERIEUR JOUR
La marquise s'approche en courant de la fen�tre.
LA MARQUISE
Voil� !... voil�, voil� !
CHATEAU - VESTIBULE - INTERIEUR JOUR
Diane entre en portant un plateau sur lequel sont dispos�es deux
tasses de caf�. Elle travers le vestibule, l'air tendu. Sa m�re
sort du petit salon et vient vers elle.
LA MARQUISE
Alors, tu ne te trompes pas, hein ? C'est celle-ci ?
Elle d�signe une tasse sur le plateau.
DIANE
Non... Celle-l� !
Diane, qui tient toujours le plateau � deux mains, d�signe l'autre
tasse d'un mouvement de la t�te. La marquise renifle les deux
tasses tour � tour.
LA MARQUISE
Tu penses, ce que c'est �nervant, tu sais, quand on n'a pas
l'habitude. Oui, tiens, c'est celle-l�. Mais tremble pas,
voyons !
La marquise recoiffe sa fille et lui remet son chemisier en place.
DIANE
T'es s�re ? �a lui fera pas de mal ?
LA MARQUISE
Mais non ! Il n'aura pas le temps : il sera assomm� avant.
La marquise s'�loigne vers la terrasse arri�re du ch�teau.
DIANE
Alors, � quoi �a sert ?
LA MARQUISE
J'assure mes arri�res.
CHATEAU - PARC - BASSIN ROND - EXTERIEUR JOUR
La marquise apparait sur la terrasse arri�re.
LA MARQUISE
Que penseriez-vous d'un petit poker ?
C�sar, toujours assis sur son fauteuil, rel�ve brusquement la
t�te.
CESAR
Poker ?
Il se l�ve et prend un air un peu gauche et timide.
CESAR
Oh ! Vous savez, moi, le poker... Enfin, si ces dames me le
permettent...
COOKIE & MME PASSEREAU
Mais oui, voyons.
CESAR
Bien.
Il s'approche de Jeanne, toujours appuy�e sur le vase.
CESAR
Mademoiselle Jeanne, vous joindrez-vous � nous ?
JEANNE
Je voudrais bien, mais je ne sais pas.
CESAR
Ahhh ! M�me pour me faire plaisir.
JEANNE
Je connais rien � l'argent.
Il s'�loigne et crie � la cantonade :
CESAR
Bien. Alors, qui sont nos partenaires ?
Jean-Jacques s'approche de lui.
JEAN-JACQUES
Si vous ne craignez pas un jeu sec, je suis votre homme.
Il tape du poing dans sa main pour souligner son propos.
CESAR
Cher ami. Allons-y.
Il lui d�signe le ch�teau du doigt. Ils s'�loignent ensemble. M.
Patin vient vers Jeanne, qui le regarde approcher, l'air
indiff�rent.
M. PATIN
Je vous tiens compagnie, mademoiselle Jeanne.
Il s'assoit sur le fauteuil lib�r� par C�sar.
JEANNE
Vous ne jouez pas ?
M. PATIN
Jongler avec l'argent, non, tr�s peu. Nous avons si peu de
temps d�j� pour penser aux choses essentielles. Songez
que...
Alors qu'il fait visiblement tr�s chaud, Jeanne se serre les
�paules comme s'il avait froid et s'�loigne vers le ch�teau.
JEANNE
Il commence � faire froid, je rentre.
M. Patin se l�ve l�g�rement, puis se rassoit.
La marquise est sur les derni�res marches de la terrasse, et elle
regarde les deux joueurs s'approcher. Diane, toujours son plateau
� la main, descend les marches et vient vers elle. Le bruit des
tasses sur le plateau indique qu'elle tremble.
LA MARQUISE
�coute, tu serviras le caf� au salon, hein ? Nous faisons
un petit poker.
Elle remonte, et C�sar apparait, suivi de Jean-Jacques.
JEAN-JACQUES
Ahhh ! Le caf� !
CHATEAU - VESTIBULE - INTERIEUR JOUR
La marquise entre, suivie de C�sar, qui se fait doubler par Jean-
Jacques.
JEAN-JACQUES
Vous jouez stone ou pas ?
CESAR
Oh, moi, vous savez, le poker... je...
CHATEAU - UN PETIT SALON - INTERIEUR JOUR
Les deux hommes s'approche de la table de bridge. Jean-Jacques,
qui vient d'enlever sa casquette, se cogne sur le lustre. Ils
s'assoient.
CESAR
Ah, ah !
La marquise s'aper�oit que c'est Jean-Jacques qui est assis sous
le lustre.
LA MARQUISE
Non, non, non-non, levez-vous, levez-vous, je suis tr�s
superstitieuse !
Les deux hommes se l�vent.
LA MARQUISE
Alors, je tire les places, hein ! Un petit coquin n'a
besoin de rien qui va-t'� la chasse, et parle � sa b�casse.
Voil� ! Alors, vous ici, l�, comme �a. Voil�...
Ils s'assoient tous les trois, mais c'est la marquise qui se
retrouve sous le lustre.
JEAN-JACQUES
Ahhh...
La marquise s'aper�oit de son erreur.
LA MARQUISE
Non ! Non-non, je me suis tromp�e, hein !
Ils se l�vent tous les trois, et la marquise recommence son petit
jeu.
LA MARQUISE
Non, je-je tire les places... Un petit coquin n'a besoin de
rien, parle � sa b�casse. Voil�, voil�... l�, comme �a.
Cette fois-ci, c'est bien C�sar qui est sous le lustre.
JEAN-JACQUES
Bon, moi, je...
LA MARQUISE
Non, non, non, bougez pas... l�, bougez pas !
CESAR
Une partie de Titans !
Jean-Jacques sort quelques billets de sa poche.
JEAN-JACQUES
Et... bien entendu, on ne joue pas des haricots !
Il s'arr�tent net devant la grosse liasse de billets que C�sar a
sorti. C�sar commence � battre les cartes d'un geste tr�s expert.
CESAR
La cave � combien ?
LA MARQUISE
Cinquante milles ?
CESAR
Cent ?
LA MARQUISE
Cent cinquante. Ah oui, je ferais un ch�que. L�, j'ai mes
jetons.
Jean-Jacques commence � faire une dr�le de t�te.
JEAN-JACQUES
Ah-ah-ah ! Cent cinquante, c'est, c'est lourd...
Il prend un air faussement grave.
JEAN-JACQUES
Mais soit ! Mais c'est lourd !
C�sar ouvre le jeu de cartes en �ventail.
CESAR
Manque le sept de pique.
Il retire le sept de pique cach� dans le maillot de Jean-Jacques,
derri�re sa nuque, et le remet dans le jeu. Il ricane
CESAR
H�-h�-h�-h� !
Jean-Jacques sifflote entre ses dents pour se donner une
contenance. La marquise regarde C�sar battre les cartes
CHATEAU - CHAMBRE D'AMELIE - INTERIEUR JOUR
Georges met le bras du tourne-disque sur le disque.
MUSIQUE. La musique de Wagner retentit : ce n'est plus seulement
le th�me des Walkyrie, mais carr�ment une Walkyrie en train de
chanter.
Georges bat la mesure.
CHATEAU - UN PETIT SALON - INTERIEUR JOUR
C�sar jongle avec les cartes : c'est visiblement un joueur expert,
ce qui a l'air d'ennuyer Jean-Jacques de plus en plus. Il suit des
yeux les cartes qui montent et qui descendent entre les mains de
C�sar. C�sar fredonne la musique de Wagner tout en battant les
cartes. Il donne le jeu � couper � la marquise, puis il distribue
les cartes. La marquise regarde son jeu en le cachant d'une main,
d'un geste tr�s amateur. C�sar, lui, ouvre � peine son jeu, et il
sait tout de suite ce qu'il a en main. Jean-Jacques, lui, cache
son jeu des deux mains, en prenant des airs de conspirateur pour
le regarder.
LA MARQUISE
Ah ! Cette musique !
CHATEAU - CHAMBRE D'AMELIE - INTERIEUR JOUR
Georges bat toujours la mesure, accroupi devant l'�lectrophone.
CHATEAU - VESTIBULE - INTERIEUR JOUR
Diane s'approche du petit salon, en portant son plateau. Elle
jette un oeil dans la pi�ce, puis revient en arri�re et se plaque
contre le mur. Elle fait tomber une cuill�re
CHATEAU - UN PETIT SALON - INTERIEUR JOUR
LA MARQUISE
Je relance de cinq.
Elle pose des jetons sur la table.
C�sar prend un billet dans sa liasse et le pose sur le jeton de la
MARQUISE
CESAR
Je redonne de six.
La marquise l�ve les yeux au plafond.
LA MARQUISE
Ah ! Cette musique !
Elle a un sourire crisp�. Jean-Jacques jette un oeil rapide vers le
plafond : il semble mal � son aise. Il sourit niaisement. Le seul
� �tre d�contract� et � continuer � fredonner est C�sar.
CESAR
Cartes !
Jean-Jacques regarde rapidement son jeu et en retire trois cartes.
JEAN-JACQUES
Trois cartes.
CESAR
Trois cartes.
Il le sert.
LA MARQUISE
Servie.
La marquise continue � masquer son jeu. C�sar la regarde
BRI�VEMENT
CESAR
Une carte. Po-po-po...
Il continue � fredonner, puis jette un oeil sur Jean-Jacques, qui
se met � fredonner, l'air faussement d�contract�.
JEAN-JACQUES
Po-po-po...
Diane entre en portant son plateau de fa�on peu assur�e. Elle
s'approche de la table. C�sar se retourne.
CESAR
Ohh ! Que c'est gentil ! Pardon !
Il prend une tasse au hasard sur le plateau. Diane a une
expression effray�e.
DIANE
Maman !
LA MARQUISE
Ne trouble pas mon jeu, voyons.
C�sar boit son caf�, repose la tasse sur la soucoupe, puis le tout
sur le plateau. Il prend l'autre tasse.
CESAR
Votre tasse.
Il pose la tasse � c�t� de Jean-Jacques, qui fait un petit geste
de refus de la main.
JEAN-JACQUES
Non, pas maintenant. Parole.
La marquise claque un jeton sur la table. Diane est comme fig�e
sur place, le visage d�fait.
LA MARQUISE
Allez ! Dix milles !
CESAR
Plus dix.
Il prend un billet dans sa liasse et le pose sur la table. Jean-
Jacques pose ses cartes sur la table, l'air abattu.
LA MARQUISE
Cinquante !
Elle pose un autre jeton.
CESAR
Je vois.
Il prend d'autre billets dans sa liasse et les pose sur la table.
Diane semble de plus en plus d�faite.
LA MARQUISE
C'est moi qui ramasse.
Elle ram�ne les billets et les jetons vers elle. C�sar arr�te son
geste. Pendant ce temps, Diane, qui a d�plac� son plateau pour le
tenir d'une seule main, tente de r�cup�rer la tasse de Jean-
Jacques.
CESAR
Non, non, attendez, petite marquise, la galanterie et le
poker, c'est deux choses tout � fait diff�rentes. Je peux
voir ?
La marquise jette ses cartes sur la table. Diane, qui n'a pas
r�ussi � prendre la tasse ram�ne sa main vers le plateau. C�sar
regarde les cartes de la marquise.
CESAR
H� oui ! Deux sept !
Il pose ses propres cartes sur la table.
CESAR
Deux paires !
Il prend la tasse de Jean-Jacques.
CESAR
H�-h�-h�, c'est facile, c'est le jeu, le poker, c'est comme
�a !
Il porte la tasse � sa bouche. Diane se met � hurler :
DIANE
Nonnn !!!
C�sar repose la tasse sur la soucoupe et se tourne vers Diane.
CESAR
Qu'est-ce qu'il y a ?
DIANE
L� ! Un rat !
Elle d�signe un vague endroit dans la pi�ce. Machinalement, Jean-
Jacques redresse ses jambes, de fa�on � ce que ses pieds ne touche
plus terre.
CESAR
Un rat ? O� �a ?
C�sar regarde autour de lui.
DIANE
Sous le lit.
Jean-Jacques a maintenant les pieds carr�ment pos�s sur son
fauteuil.
JEAN-JACQUES
Ah ! Si j'avais un b�ton !
C�sar commence � se lever. La marquise se l�ve � son tour et lui
appuie sur les �paules pour le forcer � se rassoir.
LA MARQUISE
Mais non, mais restez assis !
Elle a un regard rapide vers le lustre. Diane suit son regard,
l'air effray�.
LA MARQUISE
Vous �tes tr�s bien l� o� vous �tes, voyons !
Elle se dirige vers l'escabeau.
LA MARQUISE
Cette musique !
Elle commence � monter sur l'escabeau. C�sar se l�ve.
CESAR
Mais, �coutez-moi, marquise, pas d'affolement !
Les bras �cart�s il se dirige vers le lit, situ� dans un coin. La
marquise, qui a pris son balai, le suit du regard.
CESAR
Un rat... C'est gentil, c'est vivant, un rat ! C'est rien
du tout, un rat !
Il se met � quatre pattes et regarde sous le lit.
CESAR
Minou-Minou-Minou-Minou-Minou !
Il cogne avec ses doigts sur le parquet.
CHATEAU - CHAMBRE D'AMELIE - INTERIEUR JOUR
Georges entend les coups frapp�s par C�sar, et croyant qu'il
s'agit du signal convenu par sa belle-m�re, tire sur la barre �
mine, qui, gliss�e dans le trou dans le carrelage, maintenait le
lustre en place.
CHATEAU - UN PETIT SALON - INTERIEUR JOUR
On voit le lustre qui se d�tache du plafond, et tombe, dans un
nuage de pl�tre, sur la table de bridge, sous l'oeil ahuri de Jean-
Jacques, qui bondit de son si�ge. C�sar se rel�ve. La marquise,
toujours sur son escabeau, le balai � la main, regarde la sc�ne
d'un air d�sabus�. Jean-Jacques, qui est retomb� sur son si�ge,
est couvert de poussi�re de pl�tre. Il secoue la main.
JEAN-JACQUES
Oh-oh ! Oh, ben �a !
On voit Cookie arriver derri�re Diane, qui a gard� son plateau en
mains.
JEAN-JACQUES
J'l'ai �chapp� belle !
Il ramasse la tasse � caf� rest�e sur la table et la porte � ses
l�vres. La marquise descend pr�cipitamment de son escabeau. C�sar,
toujours � genoux devant le lit, regarde la sc�ne d'un air �tonn�.
Cookie, une main sur la hanche, regarde Jean-Jacques avec un air
m�prisant. Diane pousse un cri.
DIANE
Ohh !
Jean-Jacques repose la tasse sur la soucoupe et recrache tout le
caf� qu'il a bu. Il tire la langue et passe un doigt dessus.
COOKIE
Toujours en train de faire l'int�ressant !
Fondu encha�n�.
FIN DE LA MUSIQUE de Wagner
CHATEAU - LES ECURIES - INTERIEUR JOUR
Dans une stalle vide, un gros tas de paille qui bouge l�g�rement.
On entend des bruits de voix. La paille se soul�ve et Am�lie
apparait. Elle se tourne vers un personnage toujours cach� par la
paille.
AMELIE
P�-ho !
La marquise apparait suivie de Diane et de Georges.
LA MARQUISE
Diane ! Georges ! Une scie, une �chelle, des cordes, une
poulie !
La marquise passe derri�re Am�lie, pendant que Diane s'approche
d'une �chelle et commence � d�gager les divers outils qui sont
pos�s dessus et que Georges passe dans la stalle voisine.
AMELIE
�a a march� ?
LA MARQUISE
Mais non, c'est rat� ! Ohh !
Charlie sort � son tour de sous la paille. Derri�re on voit
Georges qui escalade une �chelle dans la stalle voisine. La
marquise a r�cup�r� une grande scie de bucheron au fond de la
stalle.
LA MARQUISE
Oh ! Charlie ! Allez, Charlie, voyons, cessez d'ennuyer la
baronne ! Sortez !
Am�lie est sortie de sous la paille et commence � aider sa m�re.
On voit dans l'autre stalle Georges qui, grimp� sur son �chelle,
essaie d'attraper une corde pos�e entre les deux stalles.
CHARLIE
Oh, ben, h� !
Il s'�loigne.
LA MARQUISE
Oh, oui, c'est rat�. C'est rat� � cause de ta m�re, qui a
laiss� tomber le lustre sur le play-boy.
Diane prend l'�chelle et commence � la transporter.
AMELIE
Oh, mon Dieu !
Elle s'approche de sa m�re pour l'aider � porter l'�chelle.
Georges est toujours perch� sur son �chelle et vient de r�cup�rer
la corde.
GEORGES
Rassure-toi, il n'a rien, il a recrach� le caf�.
La marquise donne un coup de main aux deux autres femmes pour
porter l'�chelle.
LA MARQUISE
Ouais, enfin, jamais deux sans trois. Mes enfants,
maintenant, mon plan est infaillible. Alors, �coute, toi,
Diane...
CHATEAU - PARC - STATUE BRISEE - EXTERIEUR JOUR
MUSIQUE. On entend quelques accords de harpe, qui annonce le Th�me
DU G�N�RIQUE
Une statue tomb�e de son socle et pos�e en appui sur ce socle.
Diane court dans une prairie au bord d'un bois. C�sar lui court
apr�s et passe derri�re la statue. Diane a un petit cri un peu
effray�, et C�sar un cri de chasseur. Ils continuent � se courir
apr�s et s'engagent dans une all�e qui s'enfonce dans le sous-
bois.
CHATEAU - PARC - SOUS-BOIS ET FEUILLAGE - EXTERIEUR JOUR
Plan rapproch� sur un sous-bois tr�s feuillu. La marquise �carte
des feuillages et observe la sc�ne. On entend, au loin, les cris
de Diane.
LA MARQUISE
Coucou !...
Une fl�te souligne le coucou de la marquise.
Am�lie, au bout d'une all�e, se cache derri�re un vase de pierres
en ruines.
VOIX INDETERMINEES
Coucou !... Coucou !... Coucou !...
CHATEAU - PARC - ALLEE ET SOUS-BOIS - EXTERIEUR JOUR
Am�lie regarde, en contrebas, Jean-Jacques qui court dans le sous-
bois. Plus loin, un autre personnage, en chemise blanche et
pantalon noir (certainement C�sar) court, lui aussi.
CHATEAU - PARC - SOUS-BOIS PRES DE LA GRILLE DU PARC - EXTERIEUR
JOUR
Au premier plan, C�sar se cache derri�re un arbre, pour ne pas
�tre vu de Jean-Jacques. Un mouvement de cam�ra nous fait
d�couvrir Diane cach�e derri�re un autre arbre.
La musique �volue vers le Th�me du g�n�rique.
C�sar se rapproche de l'arbre de Diane, qui tourne autour du
tronc, puis se sauve vers une grande porte-grille entr'ouverte.
Elle passe par la porte
CHATEAU - PARC - SOUS-BOIS ET STATUE - EXTERIEUR JOUR
Une autre section du parc. Une statue bien pos�e sur son socle,
celle-l�. Georges passe devant, portant une �chelle, et une scie.
On entend des cris au loin. Georges marche avec pr�caution pour ne
pas �tre rep�r�. Mais il ne voit pas Cookie, qui sort du sous-bois
et lui met les mains sur les yeux. Il crie.
GEORGES
Ahhh !...
Cookie retire ses mains et ricane. Elle s'appuie, des deux mains,
sur l'�chelle que porte Georges.
GEORGES
Ahhh !... Ah ! C'est vous !... Vous ne jouez pas � cache-
cache ?
COOKIE
Vous non plus.
GEORGES
Oh, vous savez, y a toujours beaucoup � faire dans une
maison comme celle-l�.
Georges se remet en route, accompagn� par Cookie, toujours appuy�e
sur son �chelle.
COOKIE
Oui, c'est �a qui est chouette. On doit �tre heureux l�-
dedans. J'y resterais bien.
Jean-Jacques, en costume beige, chemise orange et cravate noire,
apparait en courant dans la prairie voisine.
JEAN-JACQUES
J'vous demande pardon !... Enfin, qui est le chat ?...
Georges s'est arr�t�, Cookie � ses c�t�s.
GEORGES
C'est le baron C�sar, le chat !
JEAN-JACQUES
Ah non ! pardon ! Je ne comprends plus. Il �tait chat, il
m'attrape : je suis chat. Je touche votre charmante femme :
elle est chat. Il peut pas y avoir deux chats. H� ! h�-h� !
Il se tourne vers le sous-bois.
JEAN-JACQUES
Oh, attendez !... Ou-ouh !... Pouce !... C'est pas de jeu.
Qui est chat ?
Il disparait dans le sous-bois.
CHATEAU - PARC - SOUS-BOIS ET GROS ARBRES - EXTERIEUR JOUR
Un autre endroit dans le parc.
Diane est appuy�e, le dos contre un arbre, et embrasse C�sar �
pleine bouche. Il se d�gage et la serre violemment contre lui.
CESAR
Oh ! Que j'ai envie de toi !...
Diane se met � crier, et tente de se d�gager.
DIANE
Oh !... Am�lie !... Am�lie !...
Elle r�ussit � se d�gager et se sauve. C�sar s'�nerve.
CESAR
Mais quoi, Am�lie !... Qu'est-ce qu'il y a avec Am�lie
encore !
CHATEAU - PARC - SOUS-BOIS ET FEUILLAGE - EXTERIEUR JOUR
La marquise est toujours cach�e derri�re son feuillage et observe
toujours la sc�ne. Elle rabat le feuillage et s'�loigne �
reculons.
CHATEAU - PARC - LA RIVIERE - EXTERIEUR JOUR
Am�lie est au bord de l'eau, et elle cueille distraitement des
feuilles, qu'elle lance dans l'eau. On entend la voix de Diane.
DIANE
Am�lie !...
Diane apparait.
DIANE
Am�lie, fais vite, il faut en finir.
Diane est au bord des larmes.
AMELIE
Tu me fais rire, je le cherche partout. O� est-il ?
DIANE
L� derri�re...
Elle se met � pleurer franchement, et d�signe, du doigt, un
endroit derri�re la cam�ra. Am�lie caresse la joue de sa m�re.
AMELIE
Ne pleure pas, maman... J'y vais...
Elle remonte du bord de la rive. Diane reste � pleurer au bord de
l'eau.
CHATEAU - PARC - SOUS-BOIS - EXTERIEUR JOUR
C�sar est en train de r�ajuster les manches de sa chemise. Am�lie
apparait derri�re les arbres.
AMELIE
H� !... Attrapez-moi si vous pouvez !
Elle se sauve en courant. C�sar lui court apr�s.
AMELIE
Ah-ah-ah !...
CESAR
Ah ! Ah ! Ah !...
On les voit courir l'un derri�re l'autre � travers les arbres.
CHATEAU - PARC - LA RIVIERE ET LE VIEUX MOULIN A EAU - EXTERIEUR
JOUR
Au bord de la rivi�re, Am�lie commence � grimper sur un tronc
d'arbre inclin�.
AMELIE
Allez-y, montez !...
C�sar commence � escalader l'arbre derri�re elle.
La marquise apparait derri�re un autre arbre et observe la sc�ne.
Am�lie continue � monter, offrant des visions de petite culotte
blanche � C�sar.
L'un suivant l'autre, ils arrivent dans les hautes branches de
l'arbre.
Gros plan du pied de C�sar qui avance sur une grosse branche, qui
a �t� � moiti� sci�e. La branche s'�croule.
C�sar tombe avec la branche, et tous les deux se retrouvent dans
la rivi�re en contrebas.
FIN DE LA MUSIQUE et du Th�me du g�n�rique.
La marquise s'approche de la rive. Georges et Diane la rejoignent.
Ils l�vent la t�te � la voix d'Am�lie, qui est toujours dans
l'arbre.
AMELIE
�a y est : il est tomb� comme une pierre...
La marquise, Diane et George observent les remous dans la rivi�re.
Les remous s'approchent du vieux moulin, dont la grande roue �
aubes tourne toujours. On entend des craquements, et le mouvement
du moulin s'interrompt un instant, puis reprend.
Au bord de la rivi�re, les trois complices observent la sc�ne avec
des regards angoiss�s. Diane crie.
DIANE
Ohhh !...
Les trois complices ont sorti des mouchoirs et les portent � leurs
bouches. Les deux femmes pleurent. Georges semble d�compos�.
Am�lie les rejoint en courant
AMELIE
Alors ?...
La marquise a un mouvement d�sabus�.
LA MARQUISE
Oh !...
Elle se dirige vers le moulin, suivi des trois autres. Diane
pleure � chaudes larmes.
Ils arrivent pr�s de la roue du moulin.
LA MARQUISE
Oh, �a me fait tout dr�le.
GEORGES
Il a craqu� comme une noix.
LA MARQUISE
Enfin, notre toit est sauv�.
Georges aide sa fille � se mouche.
La cam�ra tourne pour d�couvrir Jean-Jacques qui arrive pr�s du
moulin. Il porte sa veste sur son bras
JEAN-JACQUES
Ah ! Vous voil� !... Mais qui est le chat, � la fin ?
Diane sort du moulin, un mouchoir sur la bouche, soutenue par sa
fille. Ils passent devant Jean-Jacques �berlu�.
DIANE
Quel sans-coeur, �ui-l� !
AMELIE
Quelle brute ! Ne pleure pas, maman.
Ils sortent du champ.
C'est au tour de la marquise de passer devant Jean-Jacques, suivie
de Georges.
JEAN-JACQUES
Quoi ! On-on ne joue plus ?
Georges marque un temps d'arr�t.
GEORGES
Il n'y a plus de chat.
Il sort du champ.
JEAN-JACQUES
Mais permettez que je m'interroge. Il y a une seconde, il y
avait deux chats, et vous m'ass�nez la nouvelle qu'il n'y
en a plus.
On voit le petit groupe qui s'�loigne en longeant la rivi�re.
LA MARQUISE
Mais c'est fini, vous pouvez repartir.
JEAN-JACQUES
Permettez, je-je ne comprends pas... Partir o� ?
Diane et Am�lie se retournent.
AMELIE
Ohhh ! Allez vous-en !
JEAN-JACQUES
Ah non, mais quel r�le joue-je !
Il se met � les suivre
LA MARQUISE
Vous �tes tomb� en panne, et je vous ai secouru. Ben, vos
voitures sont r�par�es. Vous n'avez qu'� prendre la route.
Ils passent sur un pont de pierre qui enjambe la rivi�re. La
cam�ra descend sous le pont au niveau de l'eau.
CHATEAU - PARC - LA RIVIERE - LE PONT DU MOULIN - EXTERIEUR JOUR
On voit C�sar qui roule sur une sorte de mini-cascade artificielle
sous le pont.
CHATEAU - PARC - LA RIVIERE - UN VIEUX PONT VOUTE - EXTERIEUR JOUR
On voit C�sar qui continue � se d�battre, entra�n� par le courant
de la rivi�re. Il passe sous la voute du vieux pont, et continue �
rouler dans le courant. Apr�s le pont, il passe sur une mini-
cascade.
CHATEAU - PARC - LA RIVIERE - SECTEUR LARGE ET CALME - EXTERIEUR
JOUR
Il se retrouve enfin dans un endroit plus calme et peut se
relever. Il a un rameau coinc�e dans sa chemise. Il regarde autour
de lui. On entend des rires, et on d�couvre les touristes su�dois,
en train de se baigner nus plus loin dans la rivi�re.
CESAR
Holy kiss !...
Il court vers eux. Il plonge, ressort, et attrape l'une des jolies
jeunes filles dans ses bras.
CESAR
Ahhh !... Ah-ah !... Ah-ah-ah !...
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
MUSIQUE. Th�me de Jeanne, jou� au piano.
La famille de la marquise entre, en provenance du vestibule. Ils
marchent lentement, serr�s les uns contre les autres, Diane
accroch�e au bras de Georges, la marquise tenant l'autre bras de
Georges d'une main et celui d'Am�lie de l'autre.
GEORGES
Il me devenait bigrement sympathique, cet animal de C�sar.
DIANE
Un peu plus, nous ne pouvions plus le quitter.
LA MARQUISE
La r�ussite a toujours un petit c�t� amer...
Ils sortent par la petite porte derri�re le bureau.
CHATEAU - UN BOUDOIR - INTERIEUR JOUR
Le coffre tr�ne toujours dans le boudoir. Am�lie s'approche de
lui.
AMELIE
Pauvre C�sar... Et puis, il avait la clef du coffre sur
lui !
La marquise s'approche � son tour.
LA MARQUISE
Mon Dieu ! La clef, c'est vrai ! Ah... La clef ! Charlie va
nous ouvrir �a avec sa chignole. Allez, va le pr�venir. Et
qu'il ram�ne les voitures des clients : elles sont
r�par�es.
AMELIE
Oui-oui...
Elle sort de la pi�ce. La marquise reste un instant � observer le
coffre en silence.
LA MARQUISE
Ohh !... Si je n'�tais pas l� !
CHATEAU - SALLE A MANGER - INTERIEUR JOUR
La salle est vide. Jeanne est seule au piano en train de jouer.
CHATEAU - LES DOUVES - EXTERIEUR JOUR
On voit le petit pont qui enjambe les douves.
L'orchestre apparait derri�re le piano, transformant lentement la
musique en concerto pour piano et orchestre.
CHATEAU - COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR JOUR
La 4L de la famille Passereau est d�j� gar�e. La Mini d�capotable
des su�dois entre, suivie de la Jaguar de Jean-Jacques. Les deux
voitures se garent de part et d'autre de la 4L. Charlie actionne
l'ouverture du coffre arri�re de la Jaguar et sort de la voiture.
Am�lie sort de la Mini et le rejoint. Elle se penche, � c�t� de
lui sur le coffre ouvert.
AMELIE
Embrasse-moi !
Charlie d�signe l'outil qu'il tient � la main.
CHARLIE
J'ai la chignole.
AMELIE
Embrasse-moi !
CHARLIE
Quoi ? Pour la chignole ?
AMELIE
Non, c'est pour toi.
Il pose la chignole.
CHARLIE
Pour moi tout seul ?
AMELIE
Oui, je te jure.
Charlie lui passe les bras autour du cou, et l'embrasse
amoureusement sur la bouche. Am�lie se d�gage et prend l'air
grave.
AMELIE
Merci.
Elle se l�ve. Charlie se retourne.
CHARLIE
Tu me dis merci, maintenant ?
AMELIE
Oui... pour la chignole !
CHATEAU - CHAMBRE DE JEAN-JACQUES - INTERIEUR JOUR
Jean-Jacques referme sa valise pleine. Il porte un blazer bleu
p�trole, une chemise bleu marine et une cravate club.
JEAN-JACQUES
Cookie ?
Cookie est � la fen�tre et �coute le chant des grenouilles. Jean-
Jacques s'approche de Cookie, et se place derri�re elle.
JEAN-JACQUES
Tu ne veux plus repartir ? On s'en va ou quoi ?
Cookie r�pond d'une voix absente.
COOKIE
Allons-y.
JEAN-JACQUES
Ben viens.
COOKIE
On dirait qu'elles sont amoureuses...
JEAN-JACQUES
Qui ?
COOKIE
Les grenouilles...
JEAN-JACQUES
Tu es amoureuse ?
Il pose son front sur la nuque de Cookie.
COOKIE
Oui... Mais je sais pas de qui.
Jean-Jacques se redresse l'air un peu d�pit�. Il tape sur l'�paule
de Cookie.
JEAN-JACQUES
Allons, viens.
Il s'�loigne.
COOKIE
Oui, oui, j'arrive...
CHATEAU - PARC - DOUVES - EXTERIEUR JOUR
On voit une grenouille qui saute dans l'eau.
CHATEAU - PARC - PONT SUR LES DOUVES - EXTERIEUR JOUR
M. Patin regarde les douves du haut du pont. Jean-Jacques
apparait, portant deux sacs et une valise. Il pose ses bagages.
JEAN-JACQUES
Elles sont magnifiques...
Il s'approche de Patin.
M. PATIN
Qui ?
Il montre les douves.
JEAN-JACQUES
Les grenouilles ! Je les sens amoureuses.
M. PATIN
Ah oui ?... L'amour ?... H�-h�-h� !... Puis-je vous faire
une confession ?
Il retire ses lunettes
Le piano redevient plus pr�sent, apr�s un interm�de orchestral.
Jean-Jacques vient tout pr�s de Patin.
JEAN-JACQUES
Certes.
M. PATIN
Vous avez du succ�s aupr�s des femmes ?
JEAN-JACQUES
Ah oui...
M. PATIN
Et bien, moi pas. Vous avez vu Jeanne, la jeune femme au
piano ? Il y a des ann�es que je veux lui faire ma cour.
J'allais me d�cider ce soir : elle regarde ailleurs.
Amoureuse d'on ne sait qui... Comment voulez-vous qu'on ait
pas envie que tout saute ! Mais �a va venir...
Il regarde en l'air. Jean-Jacques suit son regard.
M. PATIN
D'ailleurs, tout le temps, l�-haut, �a scintille, �a
scintille... et puis un beau jour... Ppp ! �a explose !
Comme des bulles !
JEAN-JACQUES
Vous n'�tes pas gai...
M. PATIN
J'vois les choses en face.
JEAN-JACQUES
Ah, vous avez tort. Moi, tout me r�ussit. L'argent... les
femmes... et m�me un week-end impr�vu dans un trou. Prenez-
en de la graine.
Il lui tape sur l'�paule.
M. PATIN
Adieu, monsieur. Je pars.
JEAN-JACQUES
Bonne vie, ami !
Patin s'�loigne vers le ch�teau. Jean-Jacques l�ve la t�te et
APPELLE :
JEAN-JACQUES
Cookie !
On entend la voix de Cookie qui r�pond :
COOKIE
Oh, merde !
Jean-Jacques reste sur le pont des douves, un peu d�pit�, pendant
M. Patin continue lentement son chemin vers le ch�teau, sa petite
valise en carton � la main
CHATEAU - COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR JOUR
La marquise, Diane, Am�lie et Georges sont devant le perron pour
dire adieu � leurs invit�s.
Sort la famille Passereau, le grand-p�re en t�te, les enfants
tenant leurs �ternels voiliers. Ils s'arr�tent, au bord du perron,
pour saluer leurs h�tes.
LA MARQUISE
Au revoir, madame.
MME PASSEREAU
Au revoir, madame.
AMELIE
Vos voitures sont pr�tes.
LA MARQUISE
Bon, et les Nordiques, o� sont-ils ?
AMELIE
Ils nagent !
FIN DE LA MUSIQUE
On entend, au loin, les cris des su�dois qui batifolent dans
l'eau.
MME PASSEREAU
Ils sont infatigables, ces gens-l�... mais �coutez-les !
Am�lie s'�loigne du perron et crie � la cantonade :
AMELIE
Termin� !... Auto r�par�e !... Partir !...
La famille Passereau reprend son chemin vers sa voiture, Mme
Passereau tenant deux enfants par la main.
MME PASSEREAU
Madame, il se fait tard... Les enfants... �a s'�nerve, ce
petit monde... Mais jamais je n'oublierai ce week-end...
jamais...
Jean-Jacques et Cookie apparaissent � leur tour derri�re la
marquise. Charlie se joint au petit groupe.
JEAN-JACQUES
A tr�s bient�t, j'esp�re...
LA MARQUISE
Mais naturellement.
COOKIE
Nous reviendrons s�rement.
Ils passent devant la marquise et sa famille.
JEAN-JACQUES
Saluez pour moi l'ami C�sar.
LA MARQUISE
Mais bien s�r...
COOKIE
Au revoir, monsieur Georges.
GEORGES
Au revoir.
M. Patin vient d'appara�tre � son tour
M. PATIN
Dites adieu pour moi � mademoiselle Jeanne.
LA MARQUISE
Je n'y manquerai pas. Parfait...
La cam�ra suit M. Patin qui traverse la cour d'honneur du ch�teau.
D�j� la voiture des Passereau passe sous la voute, les voiliers
fix�s sur la galerie du toit. Puis la Jaguar les suit, en d�rapant
et faisant crisser ses pneus sur le gravier. Seule reste la Mini
des su�dois. M. Patin suit, � pied, les voitures, sa petite valise
� la main. Sur le perron, la marquise et son "clan" les regarde
s'�loigner.
LA MARQUISE
Maintenant, mes enfants... au travail !
Elle entra�ne tout le monde vers l'int�rieur du ch�teau.
CHATEAU - UN BOUDOIR - INTERIEUR JOUR
La marquise tra�ne Charlie par la main.
CHARLIE
Mais vous �tes s�re que vous l'avez perdue, cette clef ?
LA MARQUISE
Ah, s�re et certaine...
CHARLIE
C'est urgent ? Qu'est-ce qu'il y a l�-dedans ?
Am�lie vient d'entrer � son tour, et s'appuie sur le dossier d'une
chaise.
AMELIE
Pour une fois qu'on te demande un pauvre petit service.
Elle s'assoit en travers de la chaise.
CHARLIE
Bref... �a va pas �tre de la tarte, hein !...
Il prend son marteau en main. Il se penche, attrape un burin de
l'autre main, et commence � essayer de d�coincer la porte du
coffre. A la porte du boudoir, Diane et Georges viennent
d'arriver, portant le n�cessaire � caf�.
CHATEAU - PARC - ABORDS DE LA COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR JOUR
C�sar remonte vers le ch�teau, entre les massifs taill�s. On
entend les coups de marteau provenant du ch�teau. Le groupe des
su�dois - habill�s ! - le rattrape au pas de courses et le
d�passe. Ils prononcent des phrases en su�dois, parmi lesquelles
on reconnait : "Bye, bye !" Une fille blonde embrasse C�sar.
CESAR
Au revoir... Salut...
Une autre fille l'embrasse.
CESAR
Au revoir, jolies filles... Au revoir...
La cam�ra tourne en suivant la progression de C�sar et on d�couvre
le ch�teau et la cour d'honneur.
Les su�dois sont d�j� install�s dans leur voiture, sauf l'un
d'entre eux, qui donnent quelque chose � C�sar en d�signant le
ch�teau, et en pronon�ant des mots en su�dois, parmi lesquels on
reconna�t le mot � h�tel �.
La voiture commence � d�marrer
CESAR
H�tel... Oui, ce sera fait... Good bye...
Le dernier su�dois saute en marche et la voiture sort du champ.
CESAR
Good bye... Bonne route, hein, les Nordiques...
Il commence � monter le perron du ch�teau.
CHATEAU - UN BOUDOIR - INTERIEUR JOUR
Une chignole � main, une perceuse �lectrique et divers outils sont
plant�s dans le coffre. Charlie tape toujours sur son burin. Il
fait le tour du coffre. Assis sur un canap� en face de lui, la
marquise, Diane, Georges et Am�lie sirotent leur caf�. Charlie,
apr�s avoir tap� de l'autre c�t� du coffre, se redresse, le
marteau � la main, d�pit�.
CHARLIE
Y a rien � foutre !
La marquise se l�ve, la tasse � la main.
LA MARQUISE
C'est parce que je l'ai attaqu� de face... Un coffre, mes
enfants, �a se prend toujours par derri�re.
CHARLIE
Et comment voulez-vous que je le tourne ?
LA MARQUISE
Mais c'est nous qui tournons... Allez, allez ! Hop ! Dans
la pi�ce voisine !
Tout le monde se l�ve du canap� et suit la marquise, qui se dirige
vers la porte situ�e � c�t� du coffre. Charlie les regarde partir,
l'air intrigu�. La marquise ouvre la porte.
CHATEAU - UN PETIT SALON ATTENANT AU BOUDOIR - INTERIEUR JOUR
La marquise p�n�tre dans la pi�ce, toujours sa tasse � la main. La
suivent Diane, Am�lie et Georges, eux aussi avec leurs tasses � la
main. La marquise se plante face au mur de s�paration. Les trois
autres s'assoit sur un banc rembourr� et tapiss�.
GEORGES
Allons-y !
La marquise fait un geste de la main pour d�signer l'endroit o�
Charlie doit creuser. Puis elle s'approche du mur, et tape dessus
des deux poings. Charlie entre � son tour, tous ses outils dans
les bras. Il referme la porte derri�re lui.
LA MARQUISE
Creusez ici.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
C�sar arrive du vestibule. Il rajuste son veston sur ses �paules.
Il a son chapeau � la main. Il fouille dans la poche de son
pantalon, et en sort une clef. Il jongle avec et se dirige vers la
porte derri�re le bureau.
Jeanne descend silencieusement le grand escalier. Elle a une
sucette � la main. Elle se cache � moiti� derri�re un pilier et
regarde la porte par laquelle C�sar vient de dispara�tre.
CHATEAU - UN BOUDOIR - INTERIEUR JOUR
C�sar entre dans la pi�ce et se dirige vers le coffre. Il s'arr�te
devant et glisse la clef dans la serrure.
On voit Jeanne cach� derri�re la rambarde en bois d'un petit
escalier de service. Elle regarde C�sar d'un air un tantinet
amoureux.
C�sar a ouvert la porte du coffre, et il en sort sa mallette. Il
laisse la porte du coffre ouverte, et sort de la pi�ce.
Jeanne continue � observer de sa cachette. On entend des bruits
sourds de la masse qui frappe sur la mur. Jeanne se met le menton
dans la main pour mieux observer.
Plan rapproch� sur le coffre ouvert avec le mur derri�re. Les
coups continuent. Soudain, le mur explose... juste � c�te du
coffre ! Par le trou b�ant, on aper�oit les visages de Diane, de
Georges, une cigarette au bec, de la marquise et d'Am�lie.
Jeanne, dans sa cachette, affiche un large sourire. On entend la
voix de la marquise.
LA MARQUISE
Oh ben, d�cid�ment, Charlie, vous n'�tes qu'un bon � rien !
La porte s'ouvre, et Charlie entre dans la pi�ce, suivi de la
MARQUISE
CHARLIE
Mais enfin, de toutes fa�ons, il est ouvert, votre coffre !
Les trois autres p�n�trent � leur tour. Les deux femmes se
penchent sur le coffre b�ant.
AMELIE
Il est vide !
Georges se penche � son tour.
GEORGES
O� est la mallette ?
Jeanne continue � observer la sc�ne avec amusement. Elle sort de
sa cachette, pendant qu'on entend la voix de la marquise... qui
JURE :
LA MARQUISE
Ohh ! Nom de Dieu de nom de Dieu de nom de Dieu !!
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR SOIR
C�sar descend le grand escalier, le chapeau sur la t�te, et les
mains gant�es, et bien entendu, la mallette � la main. Apr�s avoir
marqu� un temps pour s'assurer que la voie �tait libre, il
continue � descendre. On aper�oit Jeanne, plus haut dans
l'escalier, qui le suit silencieusement � une distance
respectueuse. C�sar finit de descendre et se dirige vers un
coffre, sur lequel il ramasse une lampe � gaz de camping. Il entre
dans le vestibule
CHATEAU - VESTIBULE - INTERIEUR SOIR
La nuit approche. Il fait un peu plus sombre.
C�sar continue son chemin vers la porte arri�re du ch�teau. En
chemin, il ramasse deux autres lampes de camping. Puis une
derni�re au pied de l'armure.
Jeanne apparait, � l'entr�e du vestibule, derri�re le pilier au
bas du grand escalier. On entend une porte qui s'ouvre. Jeanne
tourne lentement autour du pilier, puis voyant que la voie est
libre, elle se dirige � son tour vers la porte de derri�re. Elle
acc�l�re le pas. Elle ouvre la porte et sort.
CHATEAU - PRAIRIE ET ETANG - EXTERIEUR SOIR
MUSIQUE. Th�me de C�sar.
C�sar se dirige vers l'�tang, sa mallette et une lampe allum�e
d'une main, toutes les autres lampes allum�es de l'autre main. On
entend les grenouilles coasser. On voit appara�tre Jeanne derri�re
un arbre dans un coin de l'�cran.
Gros plan sur Jeanne, cach�e derri�re l'arbre et qui observe
C�sar.
C�sar pose une lanterne � terre. Jeanne sort de sa cachette et le
suit � distance.
Elle ramasse la lampe qu'il vient de poser, et elle part dans une
direction perpendiculairement oppos�e � celle que suit C�sar. Elle
arrive au bord de l'�tang, et s'engage sur une petite passerelle
de bois qui surplombe l'�tang. Elle pose la lampe au milieu de la
passerelle, et continue son chemin sur la passerelle.
On retrouve C�sar, qui pose sa derni�re lampe � terre, puis l�ve
la t�te pour scruter le ciel. Il consulte sa montre.
FIN DE LA MUSIQUE. Fin du th�me de C�sar.
CABINE D'UN AVION - EXTERIEUR SOIR
Par le hublot de l'avion, on aper�oit le ch�teau, qui d�file
lentement sous nos yeux.
CIEL AU-DESSUS DU CHATEAU - EXTERIEUR SOIR
On voit l'avion, un petit bimoteur, qui vole au dessus du parc et
du ch�teau.
CHATEAU - PARC - PRAIRIE ET ETANG - EXTERIEUR SOIR
C�sar, assis par terre, fume une cigarette. Il entend le bruit du
moteur de l'avion et tourne la t�te.
Vue rapide de l'�tang, dans lequel coassent les grenouilles.
Retour sur C�sar qui s'est lev�.
Vue de l'�tang, qui d�file, comme vu de la cabine de l'avion.
Gros plan sur C�sar, qui observe le ciel. Il suit des yeux le
mouvement de l'avion
L'avion apparait au-dessus de l'�tang.
C�sar le suit des yeux.
L'avion survole l'�tang, et disparait dans le sous-bois qui borde
l'�tang. Bruit de collision entre l'avion et l'eau de l'�tang.
C�sar observe la sc�ne, fig� sur place. On entend les bruits de
l'eau qui engloutit lentement l'avion.
C�sar court vers le lieu de l'accident. Il s'engage sur la petite
passerelle au-dessus de l'�tang. Il arrive juste � temps pour voir
l'une des ailes de l'avion qui finit de s'enfoncer dans l'eau,
avec des bruits de glou-glou. Puis l'aile disparait et l'eau
redevient calme. D�pit�, C�sar fait tomber sa mallette sur la
passerelle. Il se met les mains sur les hanches. On entend les
animaux de la nuit.
CHATEAU - SALLE A MANGER - INTERIEUR SOIR
MUSIQUE. Th�me de Jeanne.
Jeanne s'est remise au piano et joue le Th�me de Jeanne. La porte
s'ouvre et C�sar entre, le chapeau d'une main, la mallette de
l'autre.
JEANNE
Je croyais que vous �tiez parti sans me dire au revoir. Je
vous en voulais un petit peu .
Toujours pr�t de la porte, C�sar lui r�pond :
CESAR
Mais je ne vois personne. Tout le monde est parti ?
C�sar s'avance lentement vers le piano.
JEANNE
On entre, on part... c'est la maison.
CESAR
Je voulais pr�senter mes hommages � madame la marquise.
JEANNE
Je ne sais pas du tout o� elle est.
CHATEAU - UN PETIT ESCALIER - INTERIEUR SOIR
FIN DE LA MUSIQUE : On n'entend plus le son du piano.
La marquise monte, suivie de Georges, de Diane, de Charlie et
d'Am�lie.
LA MARQUISE
Non-non-non !... Moi je vends le ch�teau, je bazarde cette
cambuse, et puis... je prends... un d�bit de tabac. Tiens,
Georges, vous serez au comptoir !
On les voit continuer � monter l'escalier, � travers une fen�tre
int�rieure qui donne sur l'escalier. On entend la voix de Georges.
GEORGES
Oh, mais vous me voyez !... Deux Picon-menthe !... Deux
caf�s qui marchent !... Non, mais tiens, ta m�re r�ve une
fois de plus !
CHATEAU - UN ESCALIER EN BOIS - INTERIEUR SOIR
Le petit groupe sort par une une porte, et monte un escalier plus
IMPORTANT
GEORGES
Quant � Jeanne et son piano, vous la voyez sans doute dans
le sous-sol fumeux d'un bar canaille pour Libanais en
escale !
CHATEAU - UN SALON ATTENANT A LA SALLE A MANGER - INTERIEUR SOIR
La marquise p�n�tre dans la pi�ce, suivie de sa famille
LA MARQUISE
Parfaitement ! Je vais l'avertir de ce pas !
Elle se dirige vers une porte qu'elle ouvre d'un air d�cid�. Mais,
� peine a-t-elle regard� � l'int�rieur de l'autre pi�ce, qu'elle
s'appuie sur le mur pr�s de la porte, et porte une main � son
coeur. On entend le piano et des voix dans l'autre pi�ce.
MUSIQUE. Reprise du Th�me de Jeanne
LA MARQUISE
Euuuuuuhhhhh !
Sa fille et sa petite-fille se pr�cipitent.
DIANE
Maman ?
La voix de la marquise est devenue tr�s faible tout � coup.
LA MARQUISE
C�sar !
Elle d�signe l'int�rieur de la pi�ce.
LA MARQUISE
Hein, il est mort !
Georges entr'ouvre la porte, Diane et Am�lie risquent un oeil �
l'int�rieur. Georges se tourne vers Charlie, qui semble ne rien
comprendre. On entend des voix � l'int�rieur de la pi�ce voisine.
JEANNE
Je ne vais pas vous entendre.
CESAR
Oh, c'est peut-�tre mieux que vous ne m'entendiez pas.
CHATEAU - SALLE A MANGER - INTERIEUR SOIR
C�sar est debout derri�re le piano, devant lequel Jeanne est
toujours assise.
CESAR
Mettons que je parle pour moi-m�me, que j'ai envie de dire
que j'ai trouv� un coin heureux dans ce monde, et que c'est
ici.
Pendant cette derni�re phrase, Jeanne a recommenc� � jouer du
piano.
JEANNE
Vous ?... Vous qui avez tout vu, qui savez tout ?...
L'Asie, l'Am�rique...
CESAR
Rien... rien... j'ai rien vu... ou si peu... je ne suis
rien... Il n'y a pas plus de baron que d'Am�rique. Jeanne,
je suis un escroc, un malandrin.
Il marche dans la pi�ce, toujours le chapeau et la mallette � la
main.
CESAR
Je vais de trafic en gaspillage, et de fronti�res en garni,
avec parfois des fortunes qui me font trembler.
JEANNE
Mais alors, pourquoi faites-vous �a ?
CESAR
Ohh ! Je pourrais vous dire que j'ai eu une enfance
malheureuse, des fr�quentations d�plorables, un p�re
ivrogne et tout le tremblement, mais... mais c'est pas
vrai.
C�sar est revenu vers le piano. Il s'assoit dans un fauteuil
derri�re le piano.
CESAR
Mon p�re, il �tait bien gentil... tranquille, serein, plan-
plan... Non, il n'y a que moi comme �a dans la famille.
JEANNE
Je m'en doutais un petit peu... mais �a m'est �gal... Et
puis... je ne demande rien...
C�sar marque un temps, puis se l�ve.
CESAR
Je sais... Parce que vous, vous �tes le
d�sint�ressement,...
CHATEAU - UN SALON ATTENANT A LA SALLE A MANGER - INTERIEUR SOIR
Toute la famille est mass�e devant la porte entreb�ill�e et �coute
la conversation, sauf Charlie qui est un peu en retrait.
CESAR
... la fra�cheur, tout ce que je ne connais pas.
CHATEAU - SALLE A MANGER - INTERIEUR SOIR
CESAR
Et pourtant, dans cette demeure o� tout passe, combien
d'hommes avez-vous connus ?
FIN DE LA MUSIQUE
Jeanne s'arr�te de jouer et se retourne vers C�sar qui est pench�e
sur elle.
JEANNE
Moi ?...
Elle se l�ve.
JEANNE
Pas un, jamais... sauf vous...
CHATEAU - UN SALON ATTENANT A LA SALLE A MANGER - INTERIEUR NUIT
La marquise referme doucement la porte. On entend la voix de
C�sar.
CESAR
Oh ! Jeanne !...
La marquise met un doigt sur la bouche.
LA MARQUISE
Chhhhtt ! N'ayons l'air de rien : on va leur tomber dessus
dans le vestibule.
Elle s'�loigne � pas de loup, suivie par toute sa famille. Le
dernier � partir est Charlie qui semble de moins en moins
comprendre ce qui se passe.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR SOIR
C�sar et Jeanne entre par le vestibule en se tenant la main. C�sar
tient son chapeau de cette main, et sa mallette de l'autre. Ils
s'arr�te. C�sar passe le bras autour des �paules de Jeanne, et
Jeanne autour de la taille de C�sar.
JEANNE
Mamy !...
La marquise, suive de sa famille, entre par la petite porte
derri�re le bureau.
JEANNE
Mamy, C�sar reste ici.
LA MARQUISE
L'amour l'emporte ! Et je n'y avais pas pens� !
Elle s'avance vers le couple, les bras grand ouverts.
LA MARQUISE
Oh, cher C�sar... Mais vous �tes ici chez vous...
Elle lui prend la malette des main.
Les autres entourent C�sar.
AMELIE
D�faites-vous...
Am�lie et Jeanne l'aident � enlever sa veste.
DIANE
Vous allez prendre froid... Je vais vous donner un petit
lainage.
LA MARQUISE
Ah oui, oui, oui... un petit lainage...
La marquise tient ferment la mallette sous son bras. Jeanne s'est
pendue au cou de C�sar.
JEANNE
Vous verrez comme on est bien ici.
GEORGES
Et puis... mon cher C�sar... vous allez conna�tre la vraie
volupt�...
Georges se dirige vers le couloir du Hall d'entr�e.
GEORGES
... celle de ne rien faire.
Il s'approche de la porte arri�re du ch�teau.
CHATEAU - ARRIERE - PLAN LARGE - EXTERIEUR NUIT
La nuit est tomb�e.
On voit le ch�teau et la terrasse arri�re, en plan un peu �loign�.
Georges vient de s'encadrer dans la l'embrasure de la porte
ouverte. On entend les insectes de la nuit.
GEORGES
L'herbe sent fort : nous allons avoir une nuit... superbe.
CHATEAU - TOIT - EXTERIEUR JOUR
MUSIQUE. Th�me du Grand Si�cle. Th�me inspir� des musiques du
Grand Si�cle, encore plus brillante que le premier Th�me du
Ch�teau.
Sur le toit, des �chafaudages et des ouvriers qui travaillent.
En surimpression sur l'�cran, les mots : "Trois mois plus tard"
Panoramique sur les autres toits du ch�teau. L'inscription
disparait. Partout, des ouvriers travaillent.
CHATEAU - PARC - ENTREE - EXTERIEUR JOUR
Un gros camion s'avance, avec Charlie au volant. Il manoeuvre pour
entrer dans le parc du ch�teau. A l'entr�e du parc l'inscription
"H�tel du Grand Si�cle", suivie de quatre �toiles et la lettre
"A".
CHATEAU - COUR D'HONNEUR - EXTERIEUR JOUR
Le camion vient de s'arr�ter. Une arm�e de marmiton en sort,
portant chacun un plat puis les marmitons se dirigent vers
l'entr�e du ch�teau. L'un d'eux tr�buche sur une marche du perron.
CHATEAU - CUISINES - INTERIEUR JOUR
Un marmiton entre, portant un plateau, puis un autre le suit avec
une pi�ce mont�e.
Charlie vient vers C�sar qui, en costume de chef cuisinier, tr�ne
aux fourneaux.
CHARLIE
Tous les jours, les halles � quatre heures du matin,
j'commence � avoir marre, hein !
C�sar se retourne.
CESAR
Mais c'est merveilleux... j'allume bien le four � trois
heures, moi. Dis donc, tu as pens� au persil ?
CHARLIE
J'en ai pris dix-sept kilos. Bon, j'file � Lyon, je vais
aux huitres.
Un petit commis entre dans les cuisines.
UN COMMIS
M'sieur C�sar, les patronnes vous demandent.
CESAR
Voil�, petit, j'arrive.
C�sar s'adresse � l'un de ses adjoints en train de cuisiner.
CESAR
Dis-moi, mets-moi un soup�on de Cognac. Et que �a vibre,
que �a flambe, tout �a ! Voil�, petit, j'arrive !
Il se dirige vers la sortie des cuisines.
CHATEAU - SALLE A MANGER - INTERIEUR JOUR
La salle est pleine de convives en train de manger, assis � des
tables somptueusement dress�es. Un ma�tre d'h�tel en smoking prend
des commandes. Un serveur en veste blanche et noeud papillon noir
travaille pr�s d'une autre table. C�sar entre au fond. Il
s'approche de la table � laquelle officie le ma�tre d'h�tel et se
penche vers les convives pour leur dire quelques mots. Puis il
passe � une autre table. Enfin il s'approche d'une table o� mange
un couple d'un certain �ge. Il baise la main de la dame. Avant de
sortir, il prend quelque chose sur le buffet et le porte � sa
bouche.
CHATEAU - HALL D'ENTREE - INTERIEUR JOUR
C�sar finit de descendre le grand escalier. Il passe dans le
vestibule.
CHATEAU - VESTIBULE - INTERIEUR JOUR
Georges est assis dans un fauteuil dans le couloir, le dos � la
porte arri�re du ch�teau, grande ouverte. C�sar traverse le
vestibule dans sa largeur et le salue de la main.
CESAR
�a va, Georges ?
GEORGES
�a va.
C�sar sort par une porte sur le c�t� du vestibule.
MUSIQUE : FIN du th�me du Grand Si�cle. D�but du th�me de Jeanne,
au piano.
CHATEAU - SALON DE MUSIQUE - INTERIEUR JOUR
Jeanne est au piano, et derri�re elle, des partitions � la main,
la marquise, Diane, et Am�lie suivent la musique. Elles sont
toutes tr�s bien habill�es, un peu comme le soir du premier diner
que C�sar �tait venu interrompre. La marquise, entre autres, a
remis son chapeau avec la grande plume.
C�sar entre, et caresse la plume de la marquise, puis il se place
derri�re elles, entre Diane et Am�lie.
LA MARQUISE
C�sar, vous avez pens� � mes rubans ?
CESAR
Vos rubans pour vos fleurs, c'est fait, Mamy.
DIANE
Vous avez pu joindre mon coiffeur ?
CESAR
Mmmm ! Il passe demain matin, Diane.
AMELIE
Vous avez fait cirer mes bottines ?
CESAR
Oui, ma petite Am�lie.
JEANNE
Vous pourrez me tourner la page, C�sar ?
CESAR
Mmmm !...
C�sar s'approche du piano. Tout en tournant la page de la
partition, il se penche sur Jeanne et l'embrasse tendrement.
JEANNE
Ahhh !!...
On entend la voix d'un commis.
UN COMMIS
M'sieur C�sar, on vous demande !
CESAR
Chhhtt !
Ce chut est suivi d'une parole incompr�hensible. C�sar virevolte
devant ces dames, et sort du champ sous leurs regards admiratifs.
Gros plan tour � tour sur les quatre femmes.
LA MARQUISE
Il est infatigable !
DIANE
Quel Diable !
AMELIE
Et quel ma�tre-queue !
JEANNE
Mais j'y pense... Qu'est-ce que �a veut dire : � Tirer le
Diable par la queue � ?
Jeanne reste songeuse
L'orchestre vient se joindre au piano
CHATEAU - VUE AERIENNE - EXTERIEUR JOUR
On survole le ch�teau et son parc. Au premier plan on voit l'aile
de l'avion. Puis le ch�teau s'�loigne.
FONDU AU NOIR.
Sur le noir apparait en jaune le mot "FIN".
GENERIQUE DE FIN
MUSIQUE. Th�me du g�n�rique.
Sur un fond rouge sombre, d�file le g�n�rique de fin.